L'heure est à la recherche de nourriture ! [ Lenile / Jess ]

La nuit avait été longue pour Jess. Elle avait passé la nuit entière à ressasser le passé. Ses pouvoirs, l’incendie… Elle avait fait de nombreux cauchemars mais dans le fond, ils se ressemblaient tous. Elle s’étirait, assise sur son lit. Elle frottait ses yeux avant de se lever enfin. Déjà plusieurs heures qu’elle était réveillée. Elle quittait la couette à regret et partait s’engouffrer sous la douche. La chaleur procurée par l’eau chaude la réveillait instantanément. Sortie de la douche, elle prit un petit déjeuné complet et n’hésita pas une seconde à reprendre à nouveau de la brioche. Alors elle partit au dehors. Elle s’en allait vers la ville principale. Amawashi devrait être une véritable fourmilière aujourd’hui. Mais peu importait, elle devait aller faire des courses pour ne pas mourir de faim la semaine suivante.

Comme convenu le centre-ville était rempli de gens qui se promenaient. Ceux qui faisaient leurs courses, ceux qui allaient au parc. Ceux qui promenaient leur chien. Ou encore ceux qui étaient là simplement pour le plaisir d’être ici et pas ailleurs. Jess poussait un profond soupire avant de tourner dans la rue la plus fréquentée de la ville. Il fallait dire qu’Amawashi était une ville plutôt grande comparé à Ikazuchi. Kousha était principalement construite pour les écoles. Tout le monde allait à Kousha pour étudier, de la maternelle à l’université. Les bus étaient réguliers, mais y aller à pied était aussi très facile.

Le centre-commercial regorgeait de trucs plus inutiles les uns que les autres. Malheureusement, il fallait quand même y faire un tour de temps à autre. Jess tournait pour entrer dans la superette installée dans le centre-commercial. A peine était-elle rentrée dedans qu’elle attirait l’attention des gardes en costume noir. Ils s’approchaient de Jess, lui demandaient de bien vouloir se désarmer. Bien entendu, il était hors de question pour la jeune femme de se délaisser de son épée et de ses multiples broches. Elle refusait, impliquant simplement le fait que, tant qu’on ne viendrait pas l’embêter, elle n’aurait pas à dégainer. Sauf que ces gentils messieurs ne voulaient pas entendre raison. Ils obligèrent la demoiselle à sortir de la superette. Tant pis, la prochaine fois, elle ira à l’épicerie d’Ikazuchi, comme elle le faisait avant.

La jeune femme soupira. Mise à la porte, elle cherchait du regard quelque chose qui lui échappait. Une drôle d’odeur venait lui chatouiller les narines. Alors elle cherchait. Elle tournait la tête et tombait presque nez à nez avec une jeune fille. Une blonde, qui grignotait un pain au chocolat en faisant un bruit de petite souris. On voyait à ses cheveux qu’elle vivait sans doute dans la rue. Alors même ici il y a des gens très pauvres… Jess était prise d’une sorte de compassion pour elle. Elle s’approchait d’elle et s’accroupie de façon à pouvoir la regarder dans les yeux. Ils étaient beaux, ces yeux. Jess inclina la tête puis affichait un léger sourire en coin. Elle était mignonne en plus. La jeune femme eu alors une idée. Les yeux illuminés de la blondinette lui avait inspiré une envie soudaine… d’aller manger un maïs grillé ! Plus loin, il y avait un marchant. Jess allait le voir, lui demandait deux épis de maïs et ensuite, revenait vers la jeune femme en lui tendant.

« Moi, j’aime le maïs. Pas toi ? »

Elle savait que les gens pauvres n’étaient pas des gens à fuir. Ils ne voulaient pas de pitié, et cet épi de maïs n’en était pas. C’était un simple geste envers elle. Un geste presque amical si on pouvait dire cela comme ça.

C’était amusant, pour Jess, d’entendre la demoiselle parler. C’était amusant, parce qu’elle avait un accent lointain tellement prononcé que ça en devenait marrant pour quiconque était habitué à parler l’anglais. Une chose était sûre : elle n’était pas là depuis très longtemps. Du moins, c’est ce que laissait présager sa situation. Sans domicile, avec un fort accent étranger et visiblement elle ne parlait pas encore l’anglais couramment ou presque. C’était vrai que même après deux ans Jess avait tendance à toujours chercher ses mots. Elle les tenait sur le bout de sa langue ! De sa langue maternelle, le suédois.

Tout en mangeant le maïs, la jeune femme offrit à notre brune nationale un pain au chocolat. Elle-même munie d’un épi de maïs qu’elle venait d’entamer, Jess fut dans l’obligation de refuser ce pain au chocolat ; elle lui fit comprendre par un mouvement de la tête qu’elle l’accepterait peut-être à leur prochaine rencontre. Elle s’installait en face de la jeune femme pour manger son maïs en sa compagnie lorsque cette dernière, après avoir sortie une phrase à moitié incompréhensible, se mit à rire.

La seule chose que Jess avait pu comprendre, c’était qu’elle s’appelait Lenile. Un drôle de nom, peu commun. Surtout en Suède. Mais tout le monde n’est pas suédois après tout ! Sinon, il y aurait sans doute un problème. Quoi qu’au moins elle pourrait peut-être retrouver quelques anciennes connaissances. Enfin, quand Jess parlait du « monde », elle parlait surtout de l’île. Puisqu’à présent, son monde et sa vision de celui-ci se limitait à ça. Ça. Awashima. Cette drôle d’île. Ces drôles de gens. Enfin, tout était pas drôle ici, mais tout semblait l’être. Et puis, ça se trouve, tout le monde était plongé dans un rêve et quand le réveil sonnerait, tout s’évaporerait ! Sauf que ça faisait deux ans que Jess espérait se réveiller. Et elle le faisait tous les matins d’ailleurs !

« Moi, c’est Jess. »

Elle dévorait l’épi de maïs comme si elle n’avait pas mangé depuis trois ou quatre jours. Ça aurait pu être le cas, si on ne parlait pas de Jess. Elle finit la gourmandise en un rien de temps. Elle s’étirait, en haut, en bas ; faisait craquer chacun de ses os sous le regard étranger de Lenile. Elle espérait que la jolie demoiselle n’allait pas la prendre pour une folle avec son épée et ses broches accrochées sur elle.

Elle profitait de cet instant pour observer un peu mieux la jeune femme. Sous son air d’enfant du pays elle était plutôt jolie. Elle avait les cheveux sales, mais leur belle couleur semblait indiquer une origine particulière et lui allait particulièrement bien au teint. Ses yeux également, fatigués, étaient d’une couleur toute particulière. Jess observait le reste de son corps. Sous les traits d’une fille maigre se dessinait une poitrine rebondie. Boing boing. Pas la plus grosse, pas la plus petite. Boing boing. Elle correspondait parfaitement à sa corpulence. Boing boing. Ils semblaient doux, tous beaux, tout chaud. Boing boing. Elle pouvait voir que chaque petit mouvement quelle faisait pour manger remuait cette douce paire de seins. Boing…

« Oups. »

Sans même s’en rendre compte, Jess avait posé ses mains sur la délicieuse poitrine de Lenile. Elle la regardait dans les yeux et retirait ses mains discrètement, l’air de rien. Puis, elle s’assied dos à elle et, en se gratouillant les cheveux, elle se mit à rire nerveusement et bruyamment. Elle se retournait un peu vers Lenile, zieutait à nouveau sa poitrine rebondie et se retournait pour repartir dans un rire nerveux et bruyant. Dans ses yeux, on pouvait lire une certaine incompréhension mais aussi un désolement total sur son état d’esprit mental. En gros, sur son front, on pouvait lire « Je suis désolée. Hahahahahaha. »

Aaaah, il fait beau aujourd’hui n’est-ce pas ?
Que c’était embarrassant ! La jeune brune s’était fourrée dans un bien drôle de pétrin en laissant son esprit dirigé ses mouvements. Foutu esprit ! Pour une fois, il aurait pu se retenir d’intervenir. Mais comme il l’avait fait, c’était trop tard maintenant pour faire quoi que ce soit d’autre et rattraper son geste si déplacé.

Lenile semblait l’avoir mal prit. Fâchée, elle mit ses mains sur ses hanches et fronça les sourcils. Jess la regardait d’en bas, comme une petite fille qui se faisait gronder par sa mère. La bouche ouverte, elle la regardait avec des yeux attendrissants, comme si elle était mécontente de se faire disputer. En fait, c’était plutôt l’inverse. Ça donnerait une bonne leçon à ses neurones qui semblaient vouloir ne plus fonctionner correctement. OUI ! Elle avait une jolie poitrine. ET ALORS ?! Est-ce que cela faisait d’elle un objet sexuel ? Non. Est-ce que cela donnait le droit de de parfaits inconnus de la ploter en pleine rue ? Non. Cette fille était très mignonne, c’était vrai. Mais personne n’avait le droit de la traiter comme un objet de curiosité et surtout pas Jess ; c’était loin d’être dans ses principes.

Contre toute attente, elle reçut un baiser sur le front. Ah ? L’étrangère ne lui en voulait donc pas ? C’était rassurant, mais assez flippant en même temps. N’importe qui lui en aurait voulu à mort, l’aurait pourchassé comme une sorcière et aurait sans doute rigolé sur son dos. Elle aurait pu la flageller, la torturer, la martyriser ! Mais non, elle avait choisi de l’embrasser sur le front et de venir mêler ses doigts aux siens.

C’était un moment étrange. Un moment de délicatesse, de douceur. Ca faisait tellement longtemps qu’elle n’en avait pas reçu qu’elle profita de ce moment un très long instant. Un instant si long, si étendu dans le temps mais pourtant si court. L’esprit de Jess se ralluma d’un coup et elle s’éloigna de la jeune femme d’un air gêné. Elle rougissait légèrement et, après avoir fait un pas en arrière, levait la tête vers le ciel. Elle pointait le soleil du doigt en riant nerveusement.

« Il fait beau aujourd’hui, hein ? »

Elle gardait un rire nerveux un moment avant de soupirer. Heureusement que le ridicule ne tuait pas. Après un moment de gêne, elle relevait la tête vers Lenile et lui souriait. Elle se rapprocha d’elle et lui prit la main.

« Tu viens ? On va à la cascade ! Tu pourras prendre un bain tranquillement et gratuitement là-bas. »

Pour l’avoir déjà testée, Jess savait que l’eau de la cascade était claire, pure et assez chaude pour pouvoir s’y baigner. Elle devait sans doute se trouver près d’un point de chaleur, comme les sources chaudes ; mais en moins chaud. C’était un endroit calme, au fond de la grotte aux perles. C’était beau, mais comme c’était un peu en profondeur, personne n’osait d’y aventurer.