Rencontre avec un électron libre

Cette lettre… La relire encore une énième fois ne lui servait à rien, et pourtant Helen espérait y déceler un quelconque nouvel indice sur ce qui se tramait ici. Mais encore bouleversée par l’appel qu’elle venait de passer, notre jeune amie avait du mal à mettre de l’ordre dans ses idées. Se faire kidnapper et abandonner dans un lieu inconnu, apprendre ensuite la mort de son père, et pour finir savoir que sa tête était mise à prix par la mafia ; tout cela était déjà bien assez de trop pour elle. Alors qu’on ne vienne pas lui parler en plus de pouvoirs surnaturels qu’elle aurait soi-disant hérités. Ces pouvoirs, c’était bien là la seule chose qu’elle n’était pas encore prête à croire, pour le reste, les faits parlaient d’eux-mêmes.

** Rester ici ne va pas m’aider, il me faut savoir où est-ce que j’ai atterri. **

Il lui fallait garder la tête froide malgré le caractère irréaliste de sa situation, rangeant la fameuse lettre dans la poche de sa veste, Helen quitta enfin son banc où elle était demeurée bien trop longtemps assise. Se retournant vers ses affaires, elle fit rapidement et approximativement l’inventaire de ses possessions. Il y avait en tout trois sacs : un sac à dos,  un sac de sport et une mallette de pc portable. Tous ensembles ils réunissaient donc quelques vêtements, divers babioles et accessoires du quotidien, son ordinateur et un peu de nourriture. En somme, Helen avait largement de quoi tenir cette journée, mais transporter tout ce barda allait être pour le moins fastidieux et nécessiter quelques haltes. Mais inutile de se plaindre, notre demoiselle n’avait pas vraiment le choix.

** L’endroit où je me trouve semble être une sorte d’école. Oui, à en juger par l’aspect des bâtiments et les terrains de sport des alentours, cela doit être cela. **

Ce n’était pas le genre d’endroit où elle aurait aimé se retrouver, mais bon il y avait de fortes chances qu’elle croise des personnes susceptibles de la renseigner un tant soi peu sur les environs. Connaître le nom de l’endroit où elle se trouvait, et obtenir si possible un plan des lieux, tel était son objectif premier. A partir de là, Helen pourrait décider ce qu’il y a de mieux à faire pour elle. Tiens d’ailleurs voilà qu’une première personne se plaçait sur sa route, un étudiant sans aucun doute, lorsqu’on voyait sa dégaine cela sautait aux yeux. Helen aurait préféré opter pour quelqu’un d’autre pour son premier contact, mais manque de chance, il était apparemment le seul paumé avec elle dans les alentours.

« Salut, tu peux m’aider ? Je viens de débarquer ici, et je cherche un endroit où crécher. »

Bon ce n’était pas vraiment ce qu’elle recherchait dans l’immédiat, mais il lui avait rapidement paru moins suspect de tourner sa demande de cette manière. Il serait ensuite plus simple d’obtenir les renseignements qu’elle désirait de façon détournée. Ne sachant pas si la mafia avait une quelconque emprise sur les environs, Helen préférait éveiller le moins possible l’attention. De ce fait, elle ne souhaitait surtout pas être vu comme une étrangère, dès lors la meilleure idée lui étant venue en tête fut de se faire passer une étudiante fraîchement inscrite sur le campus.

Etre partie s’adresser à ce garçon se révéla ne pas être un choix des plus judicieux, ce dernier semblait visiblement remonter contre le monde entier et absolument pas d’humeur à taper causette avec une inconnue fraichement rencontrée. Sa réponse se fit donc aussi cinglante que menaçante, encore un frustré de la vie cela ne faisait aucun doute. Mais Helen n’avait pas trop le luxe de penser cela, car les éclairs qu’il fit jaillir tout autour de lui eurent de mérite de l’effrayer et de la faire reculer de quelques pas. Et bien que son visage restait parfaitement impassible, cela s’agitait désormais fort bien dans sa petite tête.

** Des pouvoirs surnaturels… **

Sa lettre lui en avait parlé, et si elle n’avait pas encore la preuve de l’existence des siens, Helen venait d’avoir à l’instant celle que ces derniers n’étaient pas une vaste blague. Sinon comment expliquer ce qui venait de se dérouler devant ses yeux. Et d’après les quelques mots que ce garçon lui avait craché au visage, il semblait visiblement connaître les mêmes difficultés qu’elle. Soi, notre amie n’avait obtenu de réponses à ses questions, mais elle en avait tout de même appris un peu plus. Suffisamment pour se dire que cette désagréable rencontre n’avait pas été complètement inutile. Son regard blasé se posa alors alternativement sur l’insolite personnage aux cheveux délavés puis sur les alentours.

** Si j’ai su téléphoner toute à l’heure, peut-être que je peux également choper un réseau. Je suis sur ce qui semble être un campus après tout. **

Forte de cette nouvelle idée, Helen se désintéressa complètement de l’albinos, ce dernier n’existait déjà plus pour elle, et ce malgré le danger qu’il pouvait représenter. Posant son sac de sport et la sacoche de son pc sur le sol contre ses jambes, notre camarade attrapa son cellulaire entre les mains et fit rapidement glisser ses doigts sur l’écran tactile de ce dernier.

** J’ai un réseau. **

Rapidement Helen ouvrit l’application de géo-position de son téléphone. Elle tomba alors sur le plan de l’endroit où elle se trouvait actuellement en si mauvaise compagnie. Comme elle avait su si bien le penser, il s’agissait d’un campus universitaire. Usant à nouveau de ses doigts, elle commença à dézoomer sa carte. Le plan d’une ville lui apparut alors, puis celui d’une île présentant en tout et pour tout quatre zones urbaines principales. Helen voulut alors en dézoomer d’avantage, mais visiblement elle avait atteint la limite autorisée.

** Awashima… Kousha… Hizumu… Ikazuchi… Amishawa… **

Aucun de ces noms lui disait quelque chose, leur consonance était toutefois clairement japonaise. Dès lors pouvait-elle supposer se trouver proche du Japon ? C’était pour elle quelque chose de complètement invraisemblable. Il y a peu, elle se trouvait encore au Texas dans sa ville d’Austin, parcourir une telle distance en quelques heures était irréalisable. Et suite à cette pensée, Helen se mit à se demander si vraiment si peu de temps s’était écoulé. Quelle surprise lorsqu’après avoir regardé la date et l’heure indiquées sur son téléphone, Helen put constater que quatre jours s’étaient écoulés entre sa dernière nuit à Austin et son réveil mystérieux sur ce campus. C’était incroyable, et pourtant malgré le fait qu’elle ne ressentait nullement les effets secondaires d’un sommeil prolongé et forcé, Helen était bien obligée de constater les faits.

** Je me suis faite embarquer dans quelque chose qui me dépasse… **

Mais au moins cela la mettait momentanément hors de danger et hors de portée de la mafia. Zoomant à présent un peu plus sur la carte que lui affichait l’écran de son mobile, Helen inspecta les alentours pour trouver la sortie du campus, ainsi qu’un endroit où elle pourrait se poser et éviter de trimbaler éternellement toutes ses affaires avec elle. Kousha ne semblait pas être le bon coin pour cela, cette mini-cité semblait dédiée exclusivement à la gent estudiantine, or cela faisait belle lurette qu’Helen n’appartenait plus à cette dernière. Ikazuchi se présenta alors d’office comme le meilleur choix de destination à prendre. Il s’agissait de la zone urbaine la plus proche depuis sa position, et d’après les informations qu’elle dénichait via le net, il y avait à la sortie du campus une station de bus qui desservaient jusque là.

** Bon je vais toujours me rendre là-bas, j’aviserai plus tard pour la suite. **

Rangeant son téléphone dans sa poche, Helen put constater que l’autre gugusse était toujours là. Mais cette simple constatation s’arrêta là, et notre amie se désintéressa bien vite de lui, plaquant une main sur son front avant de l’orienter comme une visière et de lever les yeux vers le ciel. Il faisait plein jour et le soleil culminait bien haut dans le ciel, de quoi bien confirmer les quatorze heures de l’après-midi qu’il était, ainsi que les quarante et un degrés que son téléphone lui avait communiqué sur son écran veille. Bref un temps insupportable pour notre demoiselle habituée aux températures plus clémentes de la nuit. N’y avait-il donc pas quelques nuages pour obscurcir un peu ce ciel trop joyeux ? Et pourquoi pas tant qu’on y était une douce pluie histoire de mettre un terme à cette canicule étouffante ? Et alors qu’elle fermait les yeux en s’imaginant un temps plus clément pour elle, Helen eut l’impression de ressentir vraiment ce dernier s’installer. La sensation de se retrouver tout d’un coup sous une ombre apaisante, sentir ensuite une brise rafraichissante lui caresser le visage, et pour finir constater avec stupeur que tout cela n’était pas un effet de son imagination. Sur le court laps de temps où ses yeux étaient demeurés clos, le ciel s’était nappé d’épais nuages grisonnants.

** Est-ce que c’est moi qui ai fait cela ? **

Cela semblait trop gros pour être une coïncidence en tout cas, mais cela restait difficile à croire pour notre camarade. Cette dernière était toutefois soulagée de ne plus risquer une cuisante insolation. Sans perdre un instant de plus, Helen se pencha pour récupérer ses sacs qu’elle ajusta sur ses épaules. Elle était bien restée un bon quart d’heure occupée avec son smartphone, mais désormais elle savait quoi faire et où se rendre. Et c’était nullement mécontente qu’elle s’apprêtait à quitter la compagnie de ce gars qui semblait toujours aussi bien remonté contre le monde entier.

Bon visiblement ce dernier semblait également capable de jouer les sangsues, car il ne put s’empêcher d’interpeler notre demoiselle suite au petit changement météorologique qui s’était produit. Helen qui avait pu se faire une idée de la dangerosité de ce garçon, décida de ne pas l’ignorer et arrêta sa marche pour diriger son regard dans sa direction.

« Sais pas… »

Helen avait laissé trainer cette réponse d’un ton si las qu’elle en avait dû presque paraître inaudible aux oreilles du jeune homme. Mais en même temps, elle ne mentait pas, notre jeune amie était nullement certaine que ce brusque changement de temps était bel et bien son œuvre. Bref ayant pris la peine de répondre à sa question, Helen s’apprêtait à reprendre sa route mais une main sur son épaule la stoppa nette dans son élan. Elle redirigea alors une nouvelle fois son attention sur l’albinos, son visage demeurait toujours impassible, mais intérieurement ce gars l’énervait déjà. Dans un premier temps, il l’envoyait promener, et à présent il voulait la retenir ; franchement c’en était d’un pénible. En plus, Helen ne pouvait s’empêcher de trouver le regard de ce mec effrayant, et avec ce qu’il avait déjà pu lui montrer, il avait déjà tout l’air d’un psychopathe à ses yeux. Se débarrasser de lui n’allait pas être une mince affaire, au moindre faux pas, Helen avait l’impression qu’elle finirait foudroyée sur place.

** Qu’est-ce qu’il a à faire son gentil tout d’un coup ? **

Et oui, après avoir compris qu’Helen ne partirait pas dans l’immédiat, l’albinos avait fini par lui lâcher l’épaule et à prendre la parole. Dans un premier temps, notre amie avait été soulagée que ce contact non désiré cesse, mais rapidement son esprit fut envahi par de nouvelles inquiétudes. En effet aussi surprenant soit-il, elle avait à présent droit à des excuses, ainsi qu’à une petite présentation qui amena bien évidement une suite bien prévisible.

** Je ne le sens pas… **

Voilà qu’à présent qu’il l’abordait comme tout gars aborderait une fille susceptible de lui plaire. Tout du moins, Helen supposait que cette présentation soudaine de sa part et son changement de ton n’étaient pas dénués d’un intérêt caché. Ce fut désormais à son tour de pousser un bref soupire, notre camarade se disait n’avoir vraiment pas de temps à perdre avec çà.

« Oui… Je n’ai plus besoin de ton aide, alors viens-en au fait. »

Toujours cette même attitude complètement blasée, Helen donnait vraiment l’impression d’être lassée de tout. Mais intérieurement elle était impatiente que ce gars lui dise clairement la raison pour laquelle il le retenait à présent. En tout cas, s’il avait pris la peine de se présenter, Helen n’avait pas jugé nécessaire de lui retourner cette politesse.

Helen était mal embarquée, c’était du moins ce qu’elle pensait en écoutant sa réponse. Si le gars n’avait pas été susceptible de lui lancer des éclairs à tout va, elle aurait déjà coupé court à la conversation mais là c’était bien trop risquer pour elle. Bon visiblement le gaillard qui s’appelait au passage Accel, avait compris qu’elle était plus futée que lui. Car c’était clairement son aidée qui lui demandait, et face à cette tournure, Helen ne put s’empêcher de rire intérieurement, la situation de départ semblait s’être complètement inversée. Quoi qu’il en soit, un léger, très léger sourire s’était dévoilé sur son visage. Helen était consciente d’être en position de force face à ce garçon colérique qui courbait désormais bien l’échine. Ce dernier vint alors rajouter autre chose concernant le ciel chargé qui les surplombait, pour lui il n’y avait pas d’autres responsables qu’elle à ce phénomène.

« Possible… »

Après tout à la vue de tous les trucs insensés qu’elle venait de vivre, Helen était bien prête à croire cette nouvelle vérité. Notre demoiselle se défit alors de ses sacs, visiblement elle n’était pas prête de partir tant qu’elle n’aurait pas été d’une quelconque aide à cet Accel. Celui-ci disait vouloir l’accompagner, mais Helen doutait fort que leurs destinations correspondent. Et aussi, elle n’arrivait pas à supporter les yeux rouges de l’albinos lorsque ce dernier les braquait sur elle. Il lui fallait donc couper court à leur rencontre au plus vite, et donc pour cela il lui fallait trouver un moyen de l’aider au plus vite afin qu’il puisse rapidement se démerder seul.

« Tu as un téléphone ? »

Le moyen le plus simple qui s’offrait à elle était de partager avec lui toutes les informations qu’elle avait su réunir. Après quoi, si ce gars n’était toujours pas susceptible de se débrouiller seul, Helen serait bien contrainte de trouver autre chose. Dans tous les cas, elle tendait désormais vers lui une main avec la paume tournée vers le ciel. Visiblement elle souhaitait qu’il lui remette son téléphone pendant quelques instants, histoire de lui trifouiller deux, trois trucs.

Heureusement pour elle, le garçon décida de se monter bien compliant et de lui confier donc son portable le temps d’un instant. Helen n’avait nullement conscience de l’état d’agitation intérieure dans lequel sa demande avait plongé son vis-à-vis, mais à présent qu’elle avait son téléphone en main, elle faisait aller ses doigts sur l’écran avec une rapidité qui trahissait une certaine habitude. Leur appareil était fort heureusement similaire, notre amie n’eut aucun mal à y trouver ses repères et à y télécharger l’application qui lui avait permis d’obtenir la carte de l’île sur laquelle elle avait été emmenée. Le temps que l’application se télécharge et qu’elle lui rende son téléphone, cinq minutes environs s’étaient écoulées. Helen attendait désormais main tendue vers lui qu’il reprenne son portable, mais Accel s’était pris d’une nouvelle lubie et demeurait les yeux fermés devant elle. Helen attendit quelques secondes avant de lui dire tout simplement.

« Si tu n’en veux plus, je le lâche. »

Elle se mit alors à d’initier le geste qui laisserait de façon irréversible le smartphone se fracasser sur le sol. Mais fort heureusement pour l’appareil, Helen ne mit guère sa menace à exécution, Accel semblait de retour parmi nous et venait de récupérer son bien.

« C’est le plan des environs, je ne sais rien te donner de plus. Si cela ne te suffit pas, va voir quelqu’un d’autre. »

Voilà ce dernier échange se voulait signer la fin de leur rencontre, en lui ayant donné accès aux mêmes informations qu’elle, Helen espérait qu’ils prendraient tous les deux des routes bien distinctes. Notre demoiselle reprit alors une nouvelle fois l’ensemble de ses sacs sur ses épaules, et s’apprêta à se remettre en route. L’arrêt de bus qu’elle désirait rejoindre se trouver à l’autre bout du campus, et d’après la taille de ce dernier, notre amie jugeait en avoir pour dix, quinze minutes pour l’atteindre en marchant à une vitesse normale.

Visiblement le garçon semblait satisfait de l’aide qu’elle lui avait apportée, Helen eut droit à des remerciements et se vit pour l’occasion également affublée d’un surnom qui allait lui rester. La nuageuse… Pourquoi diable l’avait-il appelé de la sorte ? Se rappelant alors qu’elle n’avait pas pris la peine de se présenter, elle comprit mieux la récente tournure des évènements. Et puis quelle importance de toute façon, il y avait peu de chance qu’ils se revoient un jour, et suite à son départ, Helen pouvait enfin savourer une certaine tranquillité. Notre amie n’avait croisé personne d’autres sur le campus, cela la surprenait lorsqu’on savait la date de la rentrée toute proche. Peut-être que la plupart des étudiants étaient regroupés ailleurs. Dans tous les cas, il était grand temps pour aller de s’en aller rejoindre son arrêt de bus, une adulte comme elle n’avait désormais plus rien à faire à un tel endroit.

** Mais avant ce serait bien que je mange un peu. **

Après avoir jeuné durant quatre jours, il n’était pas surprenant que la faim la rattrape. Et désormais Helen sentait son ventre bien douloureux, et il ne s’agissait nullement de ses menstruations, elle en était certaines. Rapidement elle sortit un sachet de galettes de ses sacs, et tout en les dévorant, notre demoiselle reprit son petit bout de chemin.

Au fur et à mesure qu’elle s’approchait de l’arrêt de bus, Helen croisait de plus en plus d’étudiants et d’étudiantes aussi lourdement chargés qu’elle. Visiblement ces derniers venaient emménager dans leur logement en vue de la reprise des cours. Songeant à cela, Helen se demandait où est-ce qu’elle allait bien pouvoir crécher. On était encore en plein jour, et elle sentait déjà la fatigue la rattraper. Etait-ce à cause de sa rencontre avec Accel ? Non, ce serait lui accorder trop d’importance que lui accorder ce mérite, la faute en revenait plutôt au fichu rythme de vie que Helen avait mené durant tant d’années et qu’elle continuait de perpétuer. Parti comme c’était, elle était bien partie pour s’endormir en attendant son bus, heureusement pour elle une âme charitable vint la réveiller à son arrivée, et notre demoiselle put alors quitter le campus sans le moindre problème.