[-18] Rien de personnel c'est juste du business [PV Cherry Makoto et Lyra]

Elle est si froide. Je ne devrais même pas pouvoir le sentir, c’est inquiétant de réaliser à quel point elles sont gelées. A cause de ma magie... Pire, je ne sais absolument pas quoi faire pour les aider. Sauve-les, fais quelque chose ! Mais je n’arrive à arracher qu’un soupir résigné à la louve de feu. C’est bizarre. Je ne suis pas en colère, mais je me sens inutile.

Je vois la petite porter ses doigts à sa bouche et essayer de siffler. C’est pas très mélodique, mais ça porte un peu, on dirait un signal en morse. Court, long, long... ça veut dire quoi déjà ? Aucune idée, j’ai pas la tête à me souvenir. Elle ne perd pas de temps et défait la ceinture de l’autre blonde pour lui faire un garrot avec. Elle sait faire des nœuds auxquels je n’aurais pas pensé, c’est là que je réalise qu’elle est vachement débrouillarde pour son âge. Est-ce qu’elle me cache encore des surprises ? Elle est en sang et arrive à en faire autant... mais son garrot fait hurler la blessée et ça me fait coucher les oreilles.

« Là, calme-toi... »

Je roule un bout de ma manche pour lui mettre dans la bouche et éviter qu’elle se morde à sang. Serre les dents, ça va bien se passer. Ça étouffe un peu ses cris aussi, ça peut pas faire de mal avec mes oreilles plus sensibles sous cette forme... d’ailleurs, si je m’y fie, les sirènes ont arrêté de s’approcher. Est-ce qu’ils ont eu un problème ? Heureusement que t’es là, toi... et voilà que ça revient, j’ai envie de fuir. Mes loups reniflent l’air humide, crépitent doucement à côté. Ils sentent mon inquiétude, ils surveillent. Je garde un œil sur la blonde en essayant de la rassurer un peu, surtout qu’elle reste consciente. Ma main chaude caresse sa joue glacée, elle pleure, c’est brûlant comparé à sa peau. Accroche-toi.

« CHARLIE ?! CHARLIE ! »

Et là je grince des dents, parce que bon, si l’autre se met aussi à me vriller les tympans, on va pas s’entendre. Sa voix déraille un peu, elle a la bouche pleine de je ne sais quoi et c’est franchement dégoutant. Mais bon, on n’y peut rien. Je l’attrape par le col et la fait se rassoir sans ménagement, le choc doit la calmer un peu sur le moment. Quelques ombres de flammes viennent s’amasser autour de nous, tant pour leur tenir chaud et que l’empêcher de faire n’importe quoi.

« La ferme, j’essaye de les entendre. Les sirènes ont arrêté de bouger, ils ont dû trouver quelqu’un... »

Je jette un œil à Nera, elle semble comprendre. Quoi exactement, je sais pas en revanche. Elle grimpe sur la carcasse de la voiture à côté et lève le museau au ciel. Puis un sifflement clair et portant se fait entendre. On dirait une sorte de flute, elle relaie le signal de la gamine dans le ciel avec beaucoup plus de puissance pour qu’elle puisse l’entendre. Peut-être que ça peut le faire, après tout. J’ai planté nos yeux rubis dans les siens pour lui parler, être certaine qu’elle comprenne.

« Il va bien ton Charlie, j’te le promets. On va aller le chercher. Alors calme-toi et me casse pas les oreilles. La blonde a plus besoin de toi que de moi. »

Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. J’ai cru qu’avec Kirio, je n’en aurais rien eu à faire de ces gosses, mais finalement, c’est quand même moi qui me lève pour aller chercher cette disparue. Debout sur ma jambe écorchée... ha. La douleur, je peux seulement l’ignorer jusqu’à un point. Bien que, à ce moment, j’ai cru entendre du mouvement au loin. Bon présage ? Peut-être. C’est l’autre Lyra l’optimiste, c’est à elle qu’il faut demander.

Elle a un mauvais pressentiment. C’est trouble, erratique... son regard, je n’arrive pas à l’attraper. La petite est pâle, elle panique mais je ne peux rien y faire, je ne peux pas m’empêcher de me sentir mal pour elle. Charlie, Charlie. Je ne sais plus... c’est qui déjà ?

« ELLE. A. SEPT ANS ! »

Son cri résonne dans ma tête, les échos se cognent et s’entrechoquent, mais la seule chose que j’entends encore après ça est un grésillement insupportable. Je peux admettre quand je plante, tu sais. Ce n’était peut-être pas la bonne attitude à adopter avec elle... mais putain, elle était obligée de hurler comme ça ?! Kirio grogne dans ma tête, mais je sais que c’est ma faute. Je savais pas, moi... pourquoi elle n’a rien dit ?

Me laissant choquée sur place, elle se relève et traverse les ombres de flammes, les loups couinent mais restent intangibles devant elle, c’est comme traverser un feu de camp. Hé... attends, elle s’en va où comme ça ? Elle tient à peine debout et elle veut ramener sa gamine toute seule ? Je ne peux pas la laisser faire ça toute seule, j’ai promis de les sauver. Ça fait mal si j’appuie sur cette cheville, hein ?... « Arrête ça. – Tu fais une pathétique grande sœur. – Je sais. »

Je me relève, un peu chancelante, mais déjà plus stable que cette inconsciente qui pensait pouvoir ramener sa petite toute seule à la maison. Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, je sais. C’est comme ça que je suis, je ne sais pas faire autrement.

« C’est vrai, je ne sais pas qui elle est, ou à quoi elle ressemble. Mais j’en ai rien à foutre, je vous sauverai toutes les deux. »

Toutes les trois, je veux dire... désolée blondie. Actuellement, je la regarde un peu comme ce carton qu’on sait pas où mettre parce qu’il n’y a plus de place nulle part. Qu’est-ce qu’on va faire de toi... je regarde mon familier, mais elle n’a pas plus de réponse que moi. Mes loups piaillent un peu, ils s’agitent, l’un d’eux tire le col de ses vêtements pour essayer de la trainer. On ne peut pas décemment la laisser ici toute seule, de toute façon. J’ai regardé un peu autour, trouvé la portière à moi arrachée de la voiture.

« Ça fera l’affaire. Enfin, j’espère... »

J’ai soulevé la blonde pour la caler dessus, et attelé deux loups avec des longes de feu pour la trainer. J’ai hésité à demander à Nero, mais il semblait trop faible et inquiet pour le moment. J’espère qu’il arrivera à récupérer... mais ça, c’est dépendant de son maitre et du temps que les secours mettront à arriver. Bref, pendant que je faisais ça, l’autre se trainait déjà sur le bord du talus vers les champs... un vrai bourbier. Etrangement, une partie de moi avait envie de la voir se vautrer avant de la sortir de là. Peut-être que ça la forcerait à admettre qu’elle n’y arrivera pas toute seule. « Au moins une chose sur laquelle on s’entend. – Je suis horrible... »

De tout manière, la priorité est de retrouver la petite. Si l’autre ne m’avait pas filé des acouphènes, je pourrais essayer de l’entendre bouger dans le champ... Je pourrais utiliser le golem de Nera, mais j’ai plus l’énergie pour faire bouger un truc aussi gros ! Dis, tu peux voir de là-haut où elle est, toi ? Je me demande, mais j’ai l’impression qu’elle cherche au mauvais endroit. J’essaye de prendre un peu de hauteur, sur le toit de la voiture, comme elle. On voit mieux les endroits où les cultures ont été couchées... il y a une piste, je rêve pas ?

« En tout cas, elle court plus vite que toi ta Charlie. Arrête de perdre ton temps et vient avec moi. Ou reste-là, je m’en fous en fait. »

J’ai sauté du toit, ma jambe m’a fait douiller. Fichue mémoire à court terme. Enfin, tant que je peux boiter jusque-là bas, je m’en fous. C’est de là-bas que viennent les sirènes. Alors avec un peu de chance...