Debout depuis trois heures, je me surprends à me dire que cela faisait un bon moment que je n'avais pas connu ce genre de réveil. Celui où mon corps s'est étiré avant mon réveil, celui où je me suis éveillée comme une fleur "
Ohhhhh j'ai bien dormi. Il est quelle heure? Hein? Sept heures? Bon... Bah j'me lève...". De toutes façons, je n'avais pas l'esprit à me rendormir. Alors j'ai passé ma matinée à boire du café, finissant pas me laisser emporter par la musique, par le casque sur mes oreilles. J'ai plongé mon esprit dans un océan de notes et d'instruments, chantonnant parfois, fredonnant à d'autres. Et mon corps s'est vu d'abord ranger ma chambre, m'occupant des tissus à jeter ou à plier, de mes instruments de création éparpillés un peu partout...
Il paraît que les artistes ont un sens qui leur est propre du rangement. C'est exactement ça... Je dois être bien plus artistique que ce que je pensais. Mon sens du rangement est assez... personnel. C'est tout du moins ce que me répétait Matt quand j'habitais encore chez ma mère... Je me sens pouffer. Je peux revoir mon grand-frère me dire, moqueur, que je ressemblais à un garçon et qu'une fille devait être ordonnée. J'étais jeune... Et pour me venger, vexée, je l'avais dessiné sur le mur de son lit avec une tête de cochon. Je me laisse rire, entre deux livres remis à leur place – leur vraie place, dans la bibliothèque -, repensant à ce souvenir à la fois comique et nostalgique.
Je me demande ce que mes frères font... Et Mère ? Ils vont bien ? Je leur manque ? Ils pensent à moi des fois ou pas ? Ma lettre est arrivée ? Ils l'ont reçu ? Ça leur suffit... ? J'espère. J'espère que oui... Qu'ils vont bien, qu'ils ne s'inquiètent pas...
Ça y est, je déprime encore...
Très naturellement, j'ai fini mon ménage, me détendant une première fois sous le jet d'eau chaude de la douche, soupirant d'aise. Une petite voix me murmurait de rester là, à ne rien faire... C'était tentant... Mais les visages de mes frères en tête, rester en place ne ferait qu'attisait ma nostalgie. Et je n'avais ni envie ni la motivation de me supporter ainsi.
Je me suis habillée « normalement ». Hors de mes tenues de cosplay, j'avais un style plutôt banal. Un jean, des baskets de ville, un débardeur, une veste et j'étais prête à sortir prendre l'air, à dessiner des paysages et écouter de la musique... À me vider l'esprit, tranquillement, sans réelle pression. Je voulais juste chasser ce type de pensées de ma tête. Je ne voulais pas y penser. Ça ne servirait à rien. Je ne pouvais – actuellement tout du moins – rien y faire. Alors autant attendre et penser à d'autres solutions. Et... du commerce restait du commerce.
Alors j'en venais – comme une suite logique de tous mes actes – par caler mon dos sur l'écorce d'un arbre, prenant en modèle l'étang devant mes yeux. Je reproduisais les vaguelettes que le vent attisait, me laissant emporter par le son de la guitare électrique qui faisait vibrer mes tympans et mon âme. Jusqu'à ce que...
Hey, ça a l'air cool c'que tu fais!
Ça avait l'air silencieux surtout...
Heureusement que je ne dis pas tout ce que je pense... Les gens me prenaient assez bien pour une asociale pour que je me permette de ne pas partir avec un malus en plus... Je me tâte un instant à laisser ma voix sortir pour un répondre un « Oui » ou un « Effectivement » avant de repartir dessiner. Chose bien tentante il est vrai.
Ça l'est en effet.
Je n'ai pas relevé mon visage, j'ai un dessin à finir. Et peut importe qu'il ressemble à Casa Nova, à Don Juan ou à un Bogdanoff. En cet instant, ce qu'il est est moins important que mon dessin. Mon regard bleuté daigna lui jeter un coup d'oeil, observant sans un mot le vairon de ses pupilles. Instinctivement, je le détaillais, visualisant son corps et les vêtements qui lui iraient. C'est donc naturellement, sans que je ne le décide, que ma voix questionna, le ton moqueur, joueur :
On t'a déjà dit que t'avais des hanches de femmes? Pile ce que les styles recherchent en ce moment ~