Boules de neige ou apparition divine ?

Voici déjà quelques heures qu'elle arpente ces anciennes rues dont la plupart des bâtiments qui les composent s'écroulent peu à peu. On dirait qu'une bataille ou un événement quelconque à fait fuir tous les anciens habitants. Il n'y pas un bruit, les oiseaux ayant migré vers le sud en ce mois de février enneigé. La température est basse, bien plus basse que celle dont Frédérique est habituée. Le dernier pays où elle résidait avant d'apparaître ici, elle ne sait comment, est pluvieux, aux températures douçâtres et à l'atmosphère humide et pénétrant. Là, le vent qui fait voler ses cheveux roses est mordant et sec, comme si des glaçons venait cingler son visage de porcelaine. Un frisson parcourt son corps, elle ressert autour d'elle son manteau et son regard d'azur se pose alors sur une bâtisse debout au loin dans la brume hivernale. Cette maison semble être la seule à ne pas vouloir s'écrouler comme le reste du village.

La jeune femme s'y  précipite comme elle peut en marchant dans la neige, ses pas creusant des trous dans l'étendue blanche. Quelques instants plus tard, elle est enfin à l'abri du vent, mais l’endroit reste froid et lugubre. Ce vieux manoir abandonné offre une protection temporaire. Frédérique ne s'y aventure pas outre mesure, elle se poste juste derrière une des fenêtres. Cette dernière est opaque tant la saleté s'y est installer, mais en l'essuyant un peu du revers de sa manche droite, la jeune femme distingue les flocons de neige qui se remettent à tomber. Elle n'est pas pensive, mais inquiète, elle essaye juste de retrouver son calme. Voilà quelques heures seulement qu'elle s'est réveillée sur l'île, une île dont elle ne connait rien. Elle ne sait même pas comment elle est arrivée là. Mais ce n'est pas ça qui la tracasse tant. Elle a été séparée de sa sœur et elle se demande si elle aussi a été amenée là, ou bien si elle est restée chez elles. Risque t-elle quelque chose ? Elle est encore jeune sa petite sœur. Quand la reverra t-elle et surtout la reverra t-elle ? Pourquoi est-elle ici, qu'est-ce que tout cela signifie ? Ça n'a aucun sens ... C'est perturbant, trop peut-être pour cet esprit déjà encombré.

Soudain, un changement semble opérer dans l'ombre. Les expressions de son visage fin et ovale changent, un air innocent s'y installe, innocent et curieux. Sa main droite se glisse dans sa poche de sweat et saisi deux nœuds de couleur noir que la jeune femme fixe ensuite dans ses cheveux, faisant deux couettes rapidement. Ces dernières ne sont pas bien réalisées, un peu à la manière d'une enfant. Puis, comme si elle avait complètement oublié le froid et son mordant, Frédérique ressort à l'extérieur. Pour faire quoi ? Elle prend dans ses mains de la neige et forme une petite boule, puis elle la repose sur l'étendu blanche et commence à la faire rouler pour la faire devenir de plus en plus imposante. Dans la neige, une longue trace se forme tout au long de son passage. C'est un peu plus loin, qu'elle finit par s'arrêter, examinant l'énorme boule, elle sourit d'un air satisfait. Elle est suffisamment grande. Ensuite, la jeune femme qui semble être retombée en enfance, recommence le même schéma, formant ainsi une seconde boule un peu plus petite pour la hisser par la suite sur la première.

Les bâtis d'un bonhomme de neige. Mais que se passe t-il dans la tête de cette jeune femme en apparence ? Il fait froid, ses mains sont gelées, mais elle se borne à fabriquer ça. Son attitude a changé du tout au tout, d'un seul coup, s'en prévenir. Qui est-elle à présent ? Elle même ne pourrait pas le dire avec certitude. A présent qu'elle contemple son œuvre inachevée, les traits de son visage forme une expression nouvelle, elle semble faire la moue. Quelque chose ne va pas apparemment. Il manque quelque chose ... Elle cherche du regard autour d'elle et trouve des brindilles qu'elle part ramasser avant de revenir les planter sur son bonhomme de neige. Il a des bras, c'est déjà ça. Maintenant ... les yeux ... Elle cherche de nouveau. Des pierres ! Non, c'est un peu trop gros et lourd ... Il est difficile de trouver des cailloux dans l'épaisse couche de neige, mais près d'un perron du Manoir, elle finit par en trouver deux. Ils ne sont pas de la même taille, mais tampis, elle fait avec les moyens du bord. Voilà deux yeux pour son bonhomme, un petit, un gros qui donne une expression étrange à son compagnon provisoire. Mais comment faire le nez ? Trouver une carotte en pleines ruines ne sera pas évident ...
La jeune femme s'assoit, dépitée. Des larmes commencent à apparaître aux bords de ses yeux et une petite voix enfantine qui contraste avec son aspect physique s'échappe de ses lèvres gercées.

- Je ne peux pas le finir ... Et je suis toute seule ...

Ses mains se portent sur ses yeux tandis que Freddie éclate en sanglots. A cause de l'état dans lequel elle se trouve, elle ne perçoit pas les crissements de pas dans la neige qui se rapproche inexorablement. Qui est-ce ? Elle relève la tête pour essuyer ses yeux embués, c'est à cet instant qu'elle réalise la présence d'une silhouette auprès d'elle. A cause du blizzard, elle ne peut identifié cette ombre grandissante qui se rapproche d'elle. Est-ce sa petite sœur ? Sa voix entrecoupée encore de quelques sanglots, s'élève de nouveau.

- Joyce ? C'est toi ?

Je me suis... perdue ? Au milieu des flocons qui se remettent doucement à tomber, je m’arrête un instant pour contempler le paysage depuis le dos de ma monture nuageuse. Un nuage de vapeur s’échappe à chacun de mes souffles, pour s’évanouir dans la brume qui m’entoure. Je réajuste le col de mon écharpe, frissonnant lorsque la brise vient me caresser la joue de son souffle glacé. Au loin sur le chemin enneigé se dessinent les ruines d’un village oublié, dont les vestiges dressent leur ombre fantomatique à travers le brouillard...

Etrange, je murmure. J’ignorais l’existence de ce village perdu dans cette zone reculée. En fait, cela faisait maintenant quelques mois que je venais m’entrainer ici en solitaire, que j’avais fait de cette forêt mon sanctuaire. D’une certaine manière, c’était ici que je me sentais le plus en harmonie avec la magie qui était la mienne. Le vent ici est léger, calme et paisible, à l’image de mon poney à la robe neigeuse humant l’air sec et froid de l’hiver. Ce village plein de mystères attise ma curiosité...

Silhouette mouvante dans la brume, notre duo insolite se remet en marche, la neige crissant sous les sabots de la créature magique. Alors que je m’approche lentement des ruines, mes mains glacées réfugiées sous la crinière de son partenaire, mes yeux scrutent les alentours avec intérêt, comme à la recherche de quelque chose. Cet endroit... je ne saurais le décrire, mais il me donne une étrange impression. Celle que, sans savoir exactement pourquoi ou comment, je serais déjà venue ici autrefois. Il faut que j’en ai le cœur net... si je retrouvais cet endroit, peut-être que je me souviendrais ? Mes souvenirs sont flous, mais l’atmosphère quasi mystique des lieux persiste à me donner ce sentiment, que je me trouve au bon endroit. Malheureusement, cette brume épaisse n’est pas pour m’aider, et rien à l’horizon ne semble correspondre à ce que je recherche...

« Orage... encore un effort, d’accord ? »

Je tapote l’encolure de l’équidé, qui renâcle bruyamment en réponse à mes sollicitations. Il commence à fatiguer... invocations ou non, l’énergie n’en reste pas moins limitée. Avançant lentement, je parviens maintenant à discerner l’imposante silhouette d’un manoir non loin de ma position. Peut-être pourrais-je m’y abriter le temps qu’il fasse un peu plus clair ? Cette brume me gênerait trop dans mes recherches, je risquerais de me perdre en continuant sans point de repère, et mes recherches s’en retrouveraient vaines. La neige devenait plus forte aussi, il fallait faire une pause, maintenant...

Hein ? Qu’est-ce que... il y a quelqu’un ici ? C’est pourtant bien une silhouette humaine que je perçois au travers du blizzard, ou est-ce un mirage ? Un murmure enfantin s’en échappe, emporté au loin par le vent. Orage ne veut plus avancer, sa progression dans la neige se fait difficile, il n’a plus la force de bouger. Je glisse alors le long du flanc de ma monture, tombant à pieds joints dans le manteau immaculé qui m’engloutit jusqu’aux chevilles.

« Désolée, je vais devoir te laisser là... »

D’une dernière caresse sur son front, je fais son adieu à l’animal qui s’évanouit dans un pâle éclat bleuté. La silhouette ne bouge pas, elle semble sans vie. Mais à ses côtés, une autre forme se distingue. Plus grande, plus humaine. Une voix s’en échappe, un appel.

« Joyce ? C'est toi ? »

Je presse le pas pour aller rejoindre cette personne. Elle sanglote, assise sur les marches du manoir. A ses côtés se tient son étrange compagnon, un bonhomme de neige au visage informe. Il lui manque le nez, apparemment... mais ce n’est pas une enfant qui pleure, mais bien une jeune femme.

« H-hey... je m’appelle Lyra, je me promenais par ici. Tu as perdu quelqu’un ? »

Avec une telle visibilité, elle avait surement perdu de vue la personne avec qui elle voyageait. Et le bonhomme de neige, c’était elle aussi ?... depuis combien de temps étaient-elles séparées, à présent ? Je m’approche pour m’assoir aux côtés de la jeune femme en lui adressant un sourire. Je ne peux pas la laisser dans cet état, il faut que je lui vienne en aide, mais j’ignore si je serai capable de retrouver sa partenaire perdue. Si la jeune femme face à moi avait eu la présence d’esprit d’attendre à un point repérable, l’autre serait peut-être déjà loin à l’heure qu’il est... Mais je ne pouvais pas abandonner avant d’avoir essayé ! Dès que la tempête se calmerait, nous partirons à sa recherche.

La silhouette n'est plus cette ombre difforme au milieu du blizzard qui ne semble pas vouloir s’apaiser, à présent on distingue bien une jeune fille. Les détails de sa personnes sont encore un peu flou pour Freddie, mais elle sait que ce n'est pas sa sœur. Sa voix notamment n'est pas la sienne, même si elle semble douce et se veut rassurante.

« H-hey... je m’appelle Lyra, je me promenais par ici. Tu as perdu quelqu’un ? »

- Lyra ? C'est jolie ... tu es jolie toi aussi, répondit Freddie toujours de sa voix enfantine. Je cherche ma sœur, ma petite sœur, elle s'appelle Joyce, est-ce que tu l'as vu ?

Parce que l'esprit de Frédérique à cet instant n'est pas celui d'une jeune femme mais celui d'une petite fille d'à peine huit ans, elle passe rapidement à un autre sujet, une lueur d'espoir traversant son visage fin. Ses yeux bleus fixent ceux de la jeune étrangère qu'elle distingue nettement à présent, deux iris d'un vert éclatant.

- Dis ? Tu peux m'aider s'il te plait ? Mon bonhomme de neige ... il n'a pas de nez ...

Décidément, tant que la gamine n'en aura pas fini avec son compagnon de fortune, elle ne pourra pas penser à autre chose. Les enfants sont adorable, mais souvent agaçant aussi, ce doit être le revers de leur innocence. Freddie observe un long moment Lyra, elle a l'air gentille, elle va certainement l'aider et puis surtout, elle se sent moins seule à présent. Soudain son regard est attiré par un objet qui paraît l’appeler. Elle a enfin trouver le nez de bonhomme ! Un morceau de terre cuite en forme de triangle, certainement le fragment d'un pot qui c'est cassé autrefois. Elle se lève et se précipite pour le ramasser, mais voilà, il est coupant sur l'une de ses faces et la jeune femme se coupe ma paume de la main, des goutes de sang perlant et s'écrasant sur le sol immaculé, à présent souillée de rouge. Sur le coup, la petite fille qui se cache dans l'esprit de la jeune femme ne s'en rend pas compte, car une coupure ne fait jamais mal sur le coup, juste une sensation désagréable. Elle place donc l'objet sur son bonhomme de neige pour le terminer, c'est seulement à cet instant que Freddie remarque le sang qui coule le long de sa main. Des larmes s'installent de nouveau au bord de ses yeux. Elle se met à pleurer à chaudes larmes, puis se tournant vers la jeune fille aux cheveux sombres, se rappelant de sa présence, elle saute dans les bras de Lyra, cherchant un peu de consolation.

L'odeur de l'étrangère la rassure et elle cesse rapidement de pleurer, sa chaleur aussi lui procure du bien-être, comme sa sœur l'aurait fait. Elle se sent vraiment moins seule, mais elle reste toujours un peu anxieuse quand à la suite des évènements. Elle pose un nouveau regard embué par les larmes sur Lyra et dit d'une voix toujours enfantine.

- L-Lyra, tu vas m'aider ? Tu es gentille. Il faut retrouver Joyce. On est où ? Tu ne l'a pas vu ? Elle me ressemble, elle est jolie. Pourquoi je suis ici ?

La pauvre jeune fille dans les bras de laquelle Freddie est blottie, doit être perdue avec toutes ces questions qui fusent. Beaucoup de choses préoccupent notre jeune femme aux allures enfantines. Soudain, elle fait un bisou sur la joue de Lyra en lui lançant un petit "s'il te plait" et un sourire timide. Que se passe t-il à cet instant dans la tête de la jeune fille à ses côtés ? La pauvre doit sûrement être perplexe face à cette jeune femme en apparence qui se comporte comme une petite fille, mais elle n'est pas au bout de ses surprises ...

Abrités du vent par l’imposante façade du manoir, le froid semble déjà plus supportable ici. Mais ma nouvelle connaissance ne semble pas s’en soucier, des sujets plus importants occupent son esprit. Joyce, sa petite sœur... malheureusement, je ne puis que hocher négativement la tête lorsqu’elle me demande si je l’avais vue. J’espère qu’elle ne s’est pas perdue trop loin d’ici.

Soudain, sans crier gare, la demoiselle me demande de l’aider à trouver un nez à son bonhomme de neige. C’est vrai qu’il lui en manque un, mais... n’y avait-il pas plus important pour le moment ? Son regard insistant me gêne, je ne sais pas quoi répondre. Alors, mon regard se porte sur la sculpture incomplète, à la recherche d’une idée... ses yeux sont bizarres aussi, mais cela ne semble pas la gêner. Le voir me rappelle des souvenirs... je n’avais pas fait de bonhomme de neige depuis très longtemps, alors ils sont un peu flous. Je crois qu’ils remontent à l’époque où j’avais encore mes parents.

Brusquement, la jeune femme se lève pour aller chercher quelque chose près d’un muret pas très loin. C’est un morceau de terre cuite qu’elle se hâte d’apposer sur le visage de son compagnon de neige. C’est étrange, on dirait une enfant. Une enfant dans un corps d’adulte... c’est troublant, son rôle... elle le joue bien. Jusque dans sa voix, sa manière de parler, d’agir... est-ce juste une impression ? Je ne sais pas, ma réflexion s’interrompt lorsqu’elle se met soudainement à pleurer. La jeune femme court se blottir dans mes bras les yeux embués de larmes, sans que je ne puisse saisir la cause de son chagrin. C’est encore la perte de sa sœur qui l’attriste ? Je me sens confuse, un peu impuissante, je n’aime pas cette sensation...

« L-Lyra, tu vas m'aider ? Tu es gentille. Il faut retrouver Joyce. On est où ? Tu ne l'a pas vu ? Elle me ressemble, elle est jolie. Pourquoi je suis ici ?

Elle semble calmée, mais je ne sais pas à quoi m’attendre. Elle relève la tête pour me regarde, puis approche son visage pour venir déposer un bisou sur ma joue. La surprise me fait reculer, mais mon dos heurte les marches de pierre et m’empêche de tomber. Dans une grimace de douleur, je la repousse légèrement pour me redresser.

- Je vais t’aider, mais d’abord, il faut attendre d’y voir plus clair... on ne peut pas la chercher dans ce brouillard. »

Malheureusement, je ne sais pas quand la brume se déciderait à disparaitre. On ne peut pas attendre trop longtemps non plus, ce serait risquer de rater notre chance. Dans ce cas, il n’y a qu’une seule chose à faire. Je n’aime pas le faire d’habitude, mais c’est un cas d’urgence !

« Dis... c’est quoi ton nom ? – Freddie, j’ai besoin que tu fermes les yeux. Ensuite, tu dois répéter exactement ce que je vais dire, d’accord ? »

Je prends alors ses mains dans les miennes et joint comme pour prière, avant de prononcer à mi-voix une incantation dans ma langue natale.

« Brume, brume va-t-en, libère nous de nos tourments... ♪ Que sous le ciel clément nous attende un heureux dénouement... ♫ »

... L’improvisation n’était peut-être pas mon fort, mais j’espérais que cela suffise. Je ne voulais lui montrer usage de ma magie trop directement en face d’elle, cela risquerait de l’effrayer. Et puis, si elle agissait comme une enfant, un sort comme celui-là pouvait marcher, non ? Tout en récitant la formule magique, je fermais les yeux avec elle, laissant mes pouvoirs opérer dans l’ombre.

La jeune femme aux cheveux roses ne remarque pas le coup que s'est pris Lyra. Sa blessure, peu profonde ne saigne plus, mais la gène un peu. Son esprit est trop tourmenté pour qu'elle s'y attarde ou s'en plaigne. Elle se contente de profiter de la chaleur rassurante de sa nouvelle amie.

- Je vais t’aider, mais d’abord, il faut attendre d’y voir plus clair... on ne peut pas la chercher dans ce brouillard. »

-D'accord, si tu restes avec moi je peux attendre.

« Dis... c’est quoi ton nom ?

- Je m'appelle Freddie, je suis gentille et j'ai ... elle compte sur ses doigts, sept ans je crois. Et toi, t'as quel âge ? Tu es grande !

– Freddie, j’ai besoin que tu fermes les yeux. Ensuite, tu dois répéter exactement ce que je vais dire, d’accord ? »

Frédérique regarde la jeune fille avec de grands yeux, elle se demande ce qu'elle veut lui faire faire. Curieuse elle lui demande pourquoi, mais Lyra étant déjà dans l'action, la jeune femme à l'esprit enfantin se résout à faire de même. Après tout, elle est une enfant, elle aime faire comme les plus grand, pour paraître elle-même plus grande. Montrer qu'elle peut faire ce qu'on lui demande, que ce n'est pas dur.

« Brume, brume va-t-en, libère nous de nos tourments... ♪ Que sous le ciel clément nous attende un heureux dénouement... ♫ »

Freddie ne comprend vraiment rien, mais elle s'exécute et répète mot pour mot les paroles de sa nouvelle amie. Elle a fermé les yeux bien sûr comme on le lui a demandé. Elle se concentre, sur quoi ? On ne sait pas trop. Mais elle le fait en toute innocence et avec du cœur à l'ouvrage. Ce qui se passe alentour, elle ne le sait pas. Mais à l'intérieur d'elle-même quelque chose est en train de changer. La petite fille s'endort ... Toujours les paupières baissées, Frédérique porte ses mains à ses cheveux, attrapant les deux nœuds noirs pour les enlever. Comme si le geste était familier, elle n'en garde qu'un, relève ses longs cheveux roses en une queue de cheval haute. Elle noue le tout, puis délicatement et avec précision, elle dégage deux mèches rebelles qui viennent encadrer son visage. Ses gestes sont mécaniques tant elle les connait. Elle rouvre alors les yeux, son regard saphir rivé sur la jeune Lyra.

- Tu es qui toi ? Et tu fais quoi ? C'est louche tout ça. Tu me parais louche ...

La jeune femme fronce les sourcils plongeant une main dans l'une de ses poches, en sortant une sucette qu'elle fourre dans sa bouche après en avoir enlevé l'emballage. Puis elle regarde autour d'elle.

- Non mais ma parole, c'est quoi c'te bled paumé !

Bizarrement, le froid n'a plus l'air de la gêner. Elle semble même à son aise. Elle regarde un instant le bonhomme de neige d'un air plutôt perplexe, puis tend son poignet vers l'ancien compagnon de la petite Freddie. Ce dernier devient alors peu à peu de glace. Lisse, presque transparent. Cet exploit n'en est pas un pour cette personnalité adolescente, c'est même plutôt d'un ennui mortel. Elle se tourne de nouveau vers la jeune fille face à elle.

- Bon, on fait quoi, on va pas rester planter la tente ici. Il y a même pas un seul magasin dans le coin.

J’entends la petite Freddie répéter sagement mes paroles, on dirait que le sort fonctionne. Je devais juste maintenir son attention encore quelques instants, le temps que la brume puisse se dissiper...
Puis, soudainement, je sens ses mains glisser hors de mon emprise. Mais alors que j’ouvre les yeux pour voir ce qu’il se passe, quelque chose d’étrange, quelque chose d’étrange semble se produire. Elle retire les nœuds de ses cheveux pour changer sa coiffure, toujours les yeux fermés... puis, d’un seul coup, son regard se plante dans le mien. Je ne saurais dire comment, mais son regard n’est plus le même, j’ai l’impression de me retrouver brusquement en face d’une autre personne. Même l’intonation de sa voix à changé, ça façon de parler.

C-comment ça, qui je suis ? Je ne comprends plus rien... je crois que je viens de passer de gentille sauveuse à inconnue louche, la chute est plutôt violente... J’esquisse une grimace de dépit à cette nouvelle, bien que ne saisissant pas exactement ce qui est en train de se passer. On dirait un nouveau rôle, une autre personne... Quoiqu’il en soit, celle là n’avait pas les sept ans que la petite Freddie clamait avoir. Je n’aimais pas beaucoup les enfants, mais ils n’étaient pas aussi agressifs que cette fille.

« Non mais ma parole, c'est quoi c'te bled paumé ! »

Une sucette au bec, voilà qu’elle se plaignait de son nouvel environnement... enfin, je pouvais bien lui accorder que ce village n’avait plus rien de vivant depuis des années. Je me relève à mon tour et fourre mes mains au chaud dans mes poches, dévisageant l’étrange demoiselle. Son attention se porte sur le bonhomme de neige à présent... bonhomme de neige, il ne l’est plus bien longtemps, puisque le voilà maintenant changé en statue de glace. J’hoche la tête sur le côté, ne sachant pas si cette démonstration avait pour but de ridiculiser mon petit tour de magie ou pas. Soit, elle maitrisait ses pouvoirs, pas besoin d’une telle mise en scène... enfin, j’étais déçue quand même, j’aurais préféré des applaudissements et un câlin. Pas la peine d’être aussi dure...

« Bon, on fait quoi, on va pas rester planter la tente ici. Il y a même pas un seul magasin dans le coin.
- Bah, c’est un village en ruines, alors forcément... dis, tu cherchais pas ta sœur toi ? Je sais pas trop ce qu’il se passe, mais je suis là pour t’aider. »

Je trouvais bon de lui rappeler le motif de ma présence ici, elle a l’air du genre de personne à s’égarer facilement. Pour le moment, je ne fais pas trop attention à qui elle est. A vrai dire, j’ai peur de demander. C’est un peu comme si elle jouait un rôle pour moi, j’évite juste de trop y penser, sinon je risque d’avoir mal à la tête. Ma priorité est de retrouver Joyce, je pouvais m’occuper du reste après. Alors, les mains toujours dans les poches de mon manteau, je quitte les marches du manoir pour rejoindre la jeune femme aux cheveux roses.

Le village a l’air plutôt étendu, les maisons sont plutôt espacées et les rues assez larges, comme c’est le cas souvent à la campagne. Je ne sais pas vraiment par où commencer les recherches, j’aurais besoin de plus d’informations pour ça... marcher au hasard ne servirait pas à grand-chose.

« C’était quand, la dernière fois que vous étiez ensemble ? Ce serait plus facile de chercher si on a un point de départ. »

Quand, et où surtout. J’espérais vraiment une réponse précise qui puisse tout arranger, mais je ne me faisais pas trop d’illusions non plus. Après tout, si les deux sœurs s’étaient perdues de vue dans la brume, ce serait difficile de retrouver l’endroit exact. Mais si c’était à l’entrée du village ou ailleurs, ce serait déjà un bon début. La plus petite information compte dans ces moments là, y prêter attention est la marque des vrais détectives.

- Bah, c’est un village en ruines, alors forcément... dis, tu cherchais pas ta sœur toi ? Je sais pas trop ce qu’il se passe, mais je suis là pour t’aider. »

- Joyce ? Tu la connais ? Comment tu la connais ?

Frédérique ne le fait pas exprès, elle ne se souvient tout bonnement pas de la jeune fille face à elle. La petite Freddie n'étant plus, elle a laissé place à l'adolescente, Fred. Cette dernière ne sait donc pas qui est Lyra et quelle conversation elle a pu avoir avec elle avant. Mais soit, si cette dernière veut l'aider à retrouver sa sœur, pourquoi pas. Elle n'a pas l'air bien méchante après tout.

- Merci, je veux bien que tu m'aides, euh ... comment tu t'appelles déjà ? Joyce n'est pas très grande, même couleur de cheveux que moi et des yeux vairons qui ne passent pas inaperçus.

« C’était quand, la dernière fois que vous étiez ensemble ? Ce serait plus facile de chercher si on a un point de départ. »

- Bah j'en sais rien moi ? Je ne l'ai pas vu depuis hier je crois ... Je ne sais même pas où je suis, comment je suis arrivée là et pourquoi. Tu pourrais m'en dire plus ?

Fred regarde Lyra, elle se dit que c'est une jolie fille, mais surtout qu'elle pourrait devenir une amie dans ce coin perdu au milieu de nulle part. Et puis elle veut bien l'aider. La Suijin lance un sourire à la jeune fille brune face à elle. Puis comme si c'était déjà sa pote, elle passe sa main dans ses cheveux sombres pour en ressentir la texture, les trouvant plutôt doux.

- Ils sont beaux. Tu fais des soins pour ça ? Tu les attaches parfois ?

Fred prend ensuite la main de Lyra et commence à traverser le village en ruines, laissant derrière les deux filles, le manoir délabré mais encore debout. Au fur et à mesure qu'elle s'enfonce dans le vent glacial, la tempête de neige semble se calmer, ce qui arrange la jeune femme pour essayer de retrouver sa sœur.

- Dis, t'as un copain toi ? Moi, je suis amoureuse d'un gars chez moi. Quand je serai rentrée, il faut que j'essaye de l'attraper.

Fred n'est pas une adolescente pour rien, déjà en train de parler de sujets de filles. Même si elle veut retrouver sa sœur, elle veut aussi discuter, faire connaissance avec Lyra. Soudain, son regard se fixe sur une maison dont il ne reste que quelques murs debout.

- Regardes ! C'est quoi ça, dans la neige, qui bouge ? C'est pas un animal ? Viens !

Fred sans même attendre la réponse de sa nouvelle copine, l'entraîne à sa suite, courant vers la silhouette dans l'étendue immaculée.

L’évocation de sa petite sœur la fait soudainement changer d’attitude. Sa méfiance n’est pas totalement partie, mais au moins, elle a l’air un peu plus ouverte au dialogue. Je suis contente de ce revirement, mais elle n’a toujours pas l’air de se souvenir de moi... c’est un peu blessant, quand même. On venait à peine de se rencontrer, quoi... et bizarrement, elle a l’air d’en avoir conscience. « comment tu t'appelles déjà ? » C’est peut-être juste mon imagination, mais elle sait que je me suis déjà présentée à elle, non ? Enfin, à ce stade, ce n’est qu’une supposition... mais elle a l’air de me faire confiance malgré tout, et cela m’arrange pas mal. Maintenant, j’ai le signalement de sa petite sœur disparue : une jeune femme assez petite, cheveux roses et yeux vairons. Le genre de personne qui ne passe pas inaperçu, en effet...

Malheureusement, la suite n’allait pas m’aider beaucoup. Elle ne l’avait pas vue... depuis hier ? Cette réponse m’a complètement assommé. J’ai fais de mon mieux pour ne pas trop le laisser transparaitre sur mon visage, mais... ce simple fait réduisait plutôt drastiquement les chances que j’avais de retrouver Joyce. En fait, la jeune fille n’a même pas mémoire de s’être perdue dans le village... il n’y a rien à en tirer, alors. J’espérais vraiment un début de piste, mais je n’ai finalement eu qu’un vague signalement de la disparue. Mieux que rien, j’imagine. Cette amnésie est vraiment une plaie pour nos recherches...

« Ils sont beaux. Tu fais des soins pour ça ? Tu les attaches parfois ?
Elle vient de passer une main dans mes cheveux, ce qui ne manque pas de me faire sursauter en me tirant de mes pensées.
- Oh... oui, de temps en temps, mais je les laisse toujours libres. »

Je n’aime pas attacher mes cheveux. Sauf pour quelques déguisements ou autres occasions, je n’ai jamais trop aimé y mettre d’accessoires. A vrai dire, je ne pense pas que ce genre de choses rende bien sur moi... enfin, peu importe, ce n’est pas le sujet. Je ne sais pas trop pourquoi, mais la demoiselle a l’air de vouloir faire la causette. Ca m’a un peu surprise, mais je n’étais pas contre, après tout. Elle me demande si j’ai un copain... cette question, je n’avais bizarrement pas trop envie d’y répondre. P-pourquoi faut-il que tu penses à Hailee dans un moment pareil... ressaisis toi !

« Regarde ! C'est quoi ça, dans la neige, qui bouge ? C'est pas un animal ? Viens ! »

Et voilà que je me fais entrainer sans préavis vers un truc que je n’ai même pas vu. J’aimerais protester, mais je suis bien trop occupée à essayer de suivre dans toute cette neige. Au moins, je n’ai pas eu à lui répondre... Je trébuche en m’enfonçant dans les dix centimètres de neige qui pavent les rues, m’accrochant à son bras pour ne pas tomber. Je suis curieuse de savoir ce qui a bien pu la fasciner à ce point, aussi...

Et ma réponse ne tarde pas. Alors que nous approchons, une petite boule de poils blanc-cendré jaillit d’un tas de neige et s’enfuit à vive allure vers la forêt. On dirait un renard des neiges, mais je ne saurais dire si celui-ci est d’origine magique, ou bien un simple animal sauvage. En tout cas, ce n’était pas Joyce.

« Il est parti...

Reprenant mon souffle, je reste un moment à fixer la directement où l’animal vient de disparaitre. C’est bizarre, j’ai une drôle d’impression. Je me retourne, je cherche du regard... et puis, il y a ce vieux bâtiment qui attire mon attention. Je ne suis pas certaine, il est trop loin encore, mais on dirait que celui là est encore en état. C’est peut-être ce que je cherche... ?

- Dis... j’ai quelque chose à vérifier. Je t’expliquerai après pour le reste. »

Lâchant sa main, je commence à marcher vers la silhouette lointaine. On dirait un cabanon, un genre d’abri de jardin où on range un peu tout et n’importe quoi. Je ne sais pas si c’est ce que je cherche, je ne me souviens pas de l’extérieur. Juste qu’il neigeait, les murs en bois froid, la poignée de fer glacée. Si je peux voir ce qu’il y a à l’intérieur, je suis sûre que je pourrais me souvenir. Je ne peux pas l’expliquer à Freddie, ce serait trop compliqué, elle me prendrait encore pour une personne louche. J’ai juste besoin de vérifier, ce ne sera pas long.

J’avance tant bien que mal jusqu’à la porte, lentement mais surement. Marcher dans toute cette neige m’épuise, bien plus que d’habitude. Je ne peux plus attendre, il faut que je l’ouvre. Alors, je pose ma main sur la poignée, j’essaye de la faire tourner. Sans succès. Quelque chose bloque, je n’arrive pas à la tirer. Le mécanisme aurait gelé ? Je me penche pour observer le trou de la serrure, mais je ne vois rien à l’intérieur. J’essaye même de créer une clé avec mon pouvoir, mais elle refuse de tourner. La poisse...

« Freddie, tu peux faire dégeler la serrure s’il te plait ? »

J’imagine qu’elle ne comprend pas pourquoi je lui demande ça, mais les questions devront attendre encore un peu. J’ai trop peur d’enfoncer la porte, je risquerais de faire s’écrouler toute la structure. Heureusement que Freddie a une magie d’eau, j’aurais été bien embêtée sans elle. Du moins, si elle accepte de m’aider.

Finalement, en se rapprochant de la silhouette dans la neige, les deux jeunes filles réalisent que c'est juste un renard des neiges qui passait là, profitant de la tranquillité des lieux sans doute. Mais à peine s'approchent-elles, qu'en entendant leurs pas crisser dans la neige, l'animal prend peur et s'enfuit rapidement vers un petit sous-bois. Frédérique entend Lyra murmurer quelques mots pour signifier qu'il est parti, une petite pointe de déception traverse le visage de la fille aux cheveux roses. Elle aime particulièrement les animaux. Les deux copines provisoires reprennent peu à peu leur souffle après cette course effrénée dans l'étendue blanche et poudreuse. Lyra est la première à rompre le silence.

- Dis... j’ai quelque chose à vérifier. Je t’expliquerai après pour le reste. »

La jeune fille brune lâche la main de Frédérique, pourquoi ? "Pourquoi me laisse t-elle seule ?" se dit t-elle un peu anxieuse. Elle ne s'éloigne pas beaucoup et elle a promis de l'aider. Mais la jeune femme préfère la suivre, gardant juste une certaine distance pour ne pas avoir l'impression de s'imposer. Elle se demande ce qu'elle fabrique, elle a l'air de chercher quelque chose. Elle se dirige vers ce qui semble être une cabane à outils ou un cabanon. Elle s'arrête devant, tentant d'en ouvrir la porte pour explorer l'intérieur. Au bout de quelques instants, elle finit par se tourner vers Frédérique.

« Freddie, tu peux faire dégeler la serrure s’il te plait ? »

- Freddie ? Ça fait bien longtemps que l'on ne me surnomme plus ainsi, je préfère Fred si ça ne t'ennuie pas. Et oui, je peux le faire, mais comment sais-tu que je suis dans la capacité de le faire, comment peux-tu connaître la nature de mon pouvoir ?

Frédérique n'est pas agressive dans ses paroles, elle ne comprend tout simplement pas comment Lyra peut savoir quel genre de pouvoir elle manipule et pourquoi ça n'a pas l'air de la surprendre. De là d'où elle vient, elle doit constamment faire en sorte de le cacher, mais il est vrai, que sa nouvelle amie a aussi utilisé une drôle de magie un peu plus tôt. Frédérique hausse les épaules et s'avance pour aider Lyra. La jeune femme aux cheveux roses dégage son poignet gauche, elle n'aime pas trop le faire en règle général, si elle peut l'éviter. Car elle cache de vilaines cicatrices présentes sur ce dernier. Des cicatrices dont la personnalité actuelle n'a aucun idée de leurs origines. En vérité, ce sont des coupures qui sillonnent son poignet de part en part, formant comme une croix chrétienne. Pourtant, elle n'est pas croyante ... Fred pose sa main sur la serrure en question, de ses cicatrices ne tarde pas à se former des gouttelettes qui prennent très vite l'aspect d'une vapeur environnante. Elle se concentre un minimum sur la structure puis la magie de son pouvoir opère. Peu à peu, la glace fond à l'intérieur de l'élément et lorsque la jeune femme enlève sa main, une petite volute de vapeur s’échappe un court instant du trou de la serrure. Elle se tourne alors vers Lyra avec un grand sourire.

- C'est bon normalement.

Cela faisait longtemps ? Je ne comprends pas trop ce qu’elle sous-entend pas cette phrase, mais si elle préfère Fred, cela me va aussi. Tant que j’ai un nom à placer sur son visage, c’est ce qui importe. C’est surement un diminutif cela dit... J’acquiesce cependant à ses mots, attendant de voir si elle peut résoudre mon problème. Cependant, elle a l’air étonnée que je connaisse son pouvoir. Encore son amnésie ? Pourtant, la réponse pour moi était toute simple.

« Tu l’as utilisé devant moi tout à l’heure, le bonhomme de neige. Tu as un pouvoir sur l’eau et la glace, non ? »

Je lui souris, comme si j’étais fière de ma déduction. Peut-être qu’elle essayait de le cacher et n’avait pas fait attention sur le coup. Après tout, pour quelqu’un qui n’était pas initié à la magie, c’était un peu hasardeux comme raisonnement. Fred n’a pas l’air de s’en formaliser, tant mieux. Je m’écarte un peu pour la laisser dégeler la serrure, en profitant pour observer un peu les alentours. Nous sommes arrivés à la bordure du village on dirait, les ruines s’arrêtent quelques centaines de mètres plus loin en continuant.

« C'est bon normalement.
- Merci. Je croise les doigts... »

En approchant de la porte, je peux voir la vapeur qui commence déjà à se condenser sous l’effet du froid. Sans plus attendre, j’insère la petite clé que j’avais constituée précédemment et la fais tourner dans le mécanisme. Il résiste un peu, mais s’ouvre sans difficulté. Je vais enfin pouvoir savoir... j’espère que je suis au bon endroit. Je tends ma main et tourne la poignée, elle est encore tiède, un peu humide. La porte s’ouvre sur l’intérieur de la petite cabane, mais il fait trop sombre à l’intérieur, on y voit à peine. Seules quelques raies de lumière filtrent à travers les planches de bois qui constituent les murs. Je fouille dans mon sac pour trouver une lampe torche et éclairer l’intérieur. Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à récupérer à l’intérieur... une vieille table basse poussiéreuse, deux caisses en bois dans un coin et un troupeau de moutons de poussière. Avec les trois petits mètres carré de surface, difficile de manquer quelque chose. Il n’y a rien dans les caisses, ni ailleurs en fait. Comme si tout avait été vidé avant que le précédent occupant le quitte les lieux...

« Il n’y a plus rien ici... »

J’aurais dû m’y attendre, mais je ne peux empêcher la déception de me gagner un peu. Ca y ressemble, mais... dans mon rêve, elle était habitée. Maintenant, ce n’était plus qu’une vieille cabane abandonnée qui ne tarderait pas à suivre le modèle du reste du village. Je ressors un peu dépitée, allant m’adosser au mur en soupirant. Finalement, il n’y avait rien. J’avais promis des explications à Fred, alors autant y aller maintenant, ça me changerait les idées.

« Bon... par où commencer ? Je lève les yeux au ciel pour me remémorer. Je m’appelle Lyra, je t’ai rencontrée sur les marches du manoir tout à l’heure. J’étais venue pour m’abriter de la tempête, mais... comme tu veux le voir, j’ai plus ou moins dû utiliser ma magie pour la faire cesser. Mon pouvoir à moi c’est l’orage, je peux jouer avec le climat et ce genre de choses.
Et pour ce qui est de cet endroit... c’est la première fois que je viens ici, alors je ne sais pas trop. Je pensais que tu avais perdu ta sœur dans le blizzard, mais si tu ne l’as pas vue depuis hier, elle n’est probablement pas ici. Je baisse la tête tristement, avant de me retourner vers Fred : Donc, euh... si tu as une adresse, je peux peut-être te ramener chez toi pour vérifier ? »

Je supposais que les deux sœurs vivaient ensemble, ou sinon, qu’elle avait au moins son adresse. A moins qu’elle n’ait encore d’autres informations à me communiquer, c’était bien la seule piste que je pouvais proposer. En tout cas, Fred n’avait pas l’air d’avoir passé la nuit dehors, c’était déjà ça. Je ne compte pas abandonner la recherche de sa sœur si vite, et puis je ne peux pas l’abandonner seule dans la nature non plus. Seulement, mon moral en a pris un coup avec ces nouvelles, je ne veux pas lui faire de faux espoirs. J’espère qu’elle me pardonnera pour ça...

« Tu l’as utilisé devant moi tout à l’heure, le bonhomme de neige. Tu as un pouvoir sur l’eau et la glace, non ? »

En effet, Lyra a bien deviné le pouvoir de Frédérique, mais celle-ci ne comprend pas comment elle a fait pour le savoir. Par déduction, certainement, mais de là où elle vient, il n'y a pas de magie, cela ne la surprend pas ? Même si il est vrai que la jeune fille aussi semble utiliser un certain pouvoir, mais Fred ne pourrait dire lequel. Mais revenons-en à la suite des évènements. Après avoir dégelé la serrure, la jeune femme s'est écartée pour laisser Lyra tenter d'ouvrir la porte de ce fameux cabanon, qui au yeux de Frédérique ne semble pas avoir d'importance. Elle se demande bien ce que la jeune fille cherche, mais elle ne joue pas les curieuses, elle la regarde faire, simplement.

« Il n’y a plus rien ici... »

Elle semble déçu de cette constatation, Fred ne comprend pas trop, mais elle s'approche de Lyra pour la prendre dans ses bras, lui murmurant "ce n'est pas grave, hein ?". Elle est un peu inquiète que sa nouvelle amie fasse cette tête. Elle n'aime pas voir les gens qu'elle apprécie, tristes ou dépités. Elle s'écarte enfin de Lyra, la lâchant, observant son visage pour voir si elle a réussi à chasser un peu de cette déception sur son visage. La jeune fille reprend alors la parole.

« Bon... par où commencer ? Je m’appelle Lyra, je t’ai rencontrée sur les marches du manoir tout à l’heure. J’étais venue pour m’abriter de la tempête, mais... comme tu veux le voir, j’ai plus ou moins dû utiliser ma magie pour la faire cesser. Mon pouvoir à moi c’est l’orage, je peux jouer avec le climat et ce genre de choses.
Et pour ce qui est de cet endroit... c’est la première fois que je viens ici, alors je ne sais pas trop. Je pensais que tu avais perdu ta sœur dans le blizzard, mais si tu ne l’as pas vue depuis hier, elle n’est probablement pas ici. Donc, euh... si tu as une adresse, je peux peut-être te ramener chez toi pour vérifier ? »

Frédérique regarde alors avec un grand étonnement Lyra, su le coup un long silence s'installe, le jeune femme ne sachant quoi répondre sur le coup. Elle ne se souvient pas de certains points mentionnés. Lyra maîtrise l'orage ? Mais quel est cet endroit ? Fred se sent perdue de nouveau, complètement déboussoler. Et dans sa tête, une voix mâture, neutre se manifeste ...

"Laisses-moi lui parler Fred. Ne t'inquiètes pas ... tout va bien. Tu pourras revenir après, c'est promis. Je ferai en sorte que ce soit toi ..."

Frédérique hoche la tête affirmativement et s'exprime tout haut avec un grand sourire, "si c'est toi, Beth, c'est bon". Puis elle se tourne vers sa nouvelle amie. "Ne t'inquiètes pas Lyra". Un petit clin d’œil et soudain, un nouveau changement s'opère. Frédérique baisse la tête et sa main se porte à ses cheveux encore une fois, elle les détache, rangeant le nœud, pendant ce temps son regard bleu semble vide, sans vie. Sa longue chevelure rose tombe raide en-dessous de ses fesses, seules quelques mèches rebelles qui encadrent son visage, ondulent sous l'effet de la brise froide. Frédérique relève la tête, son regard d'azur se plante dans celui de la jeune fille, impénétrable. Pas un sourire, pas une seule expression de visage, la jeune femme qui se tient à présent devant cette dernière, semble impassible.

- Bonjour Lyra, je m'appelle Elizabeth, mais je préfère Beth ou Lizzy. Tu te poses beaucoup de questions à propos de Frédérique. Je n'ai cependant pas beaucoup de temps pour te parler, trop de personnalités habitent ce corps. Je t'ai entendu, je t'ai observer, tu m'as l'air d'une bonne personne, aussi si tu veux réellement aider Frédérique, je vais t'apporter quelques informations. Frédérique Watson, c'est son nom complet. Elle habitait en Angleterre avec sa petite sœur avant d'arriver ici. Elle ne sait pas où elle se trouve car elle a atterri en ce lieu ce matin, il y a à peine quelques heures. La jeune femme fait une courte pause. Frédérique n'en a pas conscience mais elle est sujette à ce qu'on appelle une personnalité multiple. Elle n'est pas folle, c'est juste contraignant. Aide-là s'il te plait, du mieux que tu le peux. Je ne sais pas si Joyce est aussi ici, je ne pourrai pas le dire. Les deux sœurs ont été séparées dans la nuit apparemment.

Elizabeth se tait, elle veut laisser le temps à Lyra de digérer les infos, de comprendre la situation et surtout de pouvoir poser une ou deux questions avant qu'elle ne disparaisse de nouveau dans l'ombre des autres. Ce qui la préoccupe surtout, c'est que la jeune fille prenne peur. Frédérique s'est si souvent retrouvée seule à cause de ses personnalités. Mais là, dans un lieu inconnu, elle risquerait de sombrer et si Florence apparaît sans que Joyce soit présente, qui sait ce qui pourrait advenir ... Lizzy veut éviter cela à tout pris, voilà pourquoi elle est intervenue, elle qui le plus souvent ne fait qu'observer et communiquer avec les autres personnalités dans la tête de Frédérique.

Elle a l’air surprise, mais j’ignore la raison de son étonnement. Pour tout dire, je n’ose plus vraiment la regarder dans les yeux, je ne me sens pas de soutenir son regard. Entre la disparition de sa petite sœur et les interrogations qui me hantent, je ne sais plus trop où j’en suis. Vous savez, ce genre de moments où on ne sait plus distinguer la limite entre rêve et réalité. Heureusement, le froid mordant sur ma peau me rappelle que je suis bien éveillée... celui là est bien trop réel pour être une illusion.

L’esprit encore embrumé, je sors mes mains de mes poches pour souffler dessus, essayant de les réchauffer un peu. J’ai l’impression de sentir la vapeur se condenser entre mes doigts tant il fait froid, je pourrais presque voir des cristaux de gel se former. La magie d’orage est vraiment inutile quand il s’agit de se réchauffer... mais alors que je me faisais cette remarque, la voix de Fred s’élève soudainement.

« Si c'est toi, Beth, c'est bon.
Je tourne la tête vers elle, étonnée de l’entendre ainsi se parler à elle-même. J’ai pensé qu’elle était au téléphone, mais ce n’est pourtant pas le cas. Un sourire, un clin d’œil, et puis...
- Ne t’inquiète pas Lyra.
- De... de quoi tu parles ? »

Je ne sais pas comment interpréter ces mots, je ne comprends pas ce qu’elle fait. Mais au lieu de répondre à la question, Fred commence à défaire sa queue de cheval pour laisser retomber ses cheveux librement dans son dos. Je sens... quelque chose de familier. C’est ce qui s’est passé tout à l’heure, non ? Je n’en suis pas certaine, mais... il y a quelque chose de différent dans son regard... celui-là n’est pas comme celui de Fred, ni même de Freddie. Il est trop froid, trop vide... Même sa voix semble vide d’émotions, elle me fait de la peine. Mais plus je l’écoute, plus je... je ne sais plus ce que je dois croire. Elizabeth, Fredérique... trop de personnalités ? « C’est une mauvaise blague, je... » je laisse échapper dans un murmure à peine audible. Mais lorsque j’ai entendu les informations qu’elle voulait me communiquer, j’ai jugé bon de prendre des notes malgré tout. Cette fille savait des choses que Fred ne savait pas, visiblement... et pas des petits détails.

« Elle... Fred, tu es arrivé sur l’île ce matin... ? »

L’espace d’un instant, j’ai vraiment eu l’espoir que ce soit elle qui me réponde, mais... Honnêtement, cette histoire de troubles de l’identité, je ne savais pas quoi en penser. Ca semblait trop réel, ça me faisait peur. Elle n’est pas folle... Aide-la... S’il te plait ? Facile à dire, mais je fais quoi maintenant... je ne peux pas l’aider, sa sœur n’est pas ici, qu’est-ce que je vais lui dire ? Pourquoi cette confession, ça ne rime à rien, je ne comprends pas.

Je veux parler, j’ouvre la bouche... mais les mots restent noués dans ma gorge. Alors, à la place, ma magie commence à se manifester. Un long serpent immatériel commence à s’enrouler autour de mon bras gauche, comme un courant d’air venu glacer le sang de sa victime. Je ne m’en étais pas aperçue jusqu’alors, mais je suis en train de trembler... de froid ? Calme-toi... s’il te plait, reste sage.

Je prends une inspiration, longue. Je ne sais pas si je pourrais me retenir longtemps. Je dois essayer de comprendre ce qui se passe.

« Qui... qu’est-ce que tu es ? Pour elle, pour Fred... »

Elle a l’air différente de Fred. Elle sait des choses qu’elle ignore, des choses qu’elle ne devrait pas savoir aussi. Je soutiens à nouveau son regard, mais je sais à quel point le doute doit se lire sur mon visage. Je n’ai rien à cacher, je m’en fiche. Fred lui faisait confiance, je crois... alors j’essayerai de faire de même.

- De... de quoi tu parles ? »

La pauvre Lyra, elle ne s'attendait certainement pas à se retrouver un jour devant ce qu'on appelle une TDI (Troubles Dissociatifs de l'Identité). Ce doit être compliqué pour elle à cet instant. Faire la connaissance de quelqu'un dont les personnalités se bousculent pour intervenir et prendre possession de ce corps dont l'hôte est depuis longtemps effacée.

« C’est une mauvaise blague, je... Elle... Fred, tu es arrivé sur l’île ce matin... ? »

Et non, ce n'en est pas une malheureusement. Elizabeth ne lui ment pas, il y a bien plusieurs personnes dans une seule. Difficile à comprendre, difficile à aborder surtout. Lyra semble particulièrement choquée, du moins elle semble avoir du mal à dire quoique ce soit, tant le malaise est grand. Sa bouche s'ouvre, mais aucun mot ne semble en sortir sur le coup. Fred n'est plus là, elle n'entend plus la voix de sa nouvelle amie. Seule reste Elizabeth pour le moment, mais on voit par ses expressions qu'elle commence à lutter pour rester active.

« Qui... qu’est-ce que tu es ? Pour elle, pour Fred... »

- Je suis une sorte de guide. Je connais chacune des personnalités de Frédérique et comme tu as pu t'en apercevoir, je peux aussi communiquer avec elles. Mais je suis plus souvent dans l'ombre. Certaines personnalités prennent trop de place. Fred est l'adolescente que Frédérique n'a jamais été. Son passé est douloureux. Mais ce n'est pas le sujet pour le moment et il ne me reste plus assez de temps.

La jeune femme se tait, elle laisse juste un peu de temps à Lyra. Elle tourne son regard sur les ruines avoisinantes. Elle réfléchit un instant. Le plus urgent, c'est sans nul doute de trouver un abris pour Frédérique. Oui, ainsi, il lui sera peut-être plus facile de chercher sa sœur ensuite et peut-être encore avec l'aide de sa nouvelle amie si elle accepte. C'est la dernière fois qu'Elizabeth élève la voix.

- Pour l'heure, Lyra, prend soin de Frédérique s'il te plait. Elle a besoin de comprendre ce qu'elle fait ici et d'un endroit pour se reposer et où elle se sentira en sécurité. Il ne faut pas que Florence apparaisse sans a présence de Joyce. Elle pourrait mettre en danger la vie de Frédérique.

Pauvre, pauvre Lyra, tous ces noms prononcés ? Mais qui est qui ? Ou quoi ? Comment appréhende tout ça ? Son temps est écoulé, la jeune femme attrape de nouveau dans sa poche le nœud noir et tout en nouant de nouveau ses cheveux en une queue de cheval haute, elle fixe une dernière fois Lyra de ce regard inexpressif, murmurant au passage.

- Merci Lyra ...

Elizabeth disparait sous les yeux de la jeune fille brune, laissant sa place à Fred dont un sourire se dessine sur ses lèvres. Cette dernière saute littéralement dans les bras de sa "sauveuse", criant d'excitation.

- Lyra ! Après un instant de silence, elle regarde de nouveau son amie. Mais tu es frigorifiée ! Il faut se mettre à l'abri. Dis ... tu habites loin d'ici ?

Fred a un peu hésité à poser cette question. Ce n'est pas qu'elle veut s'imposer, mais elle aimerait vraiment pouvoir rester avec sa nouvelle amie. Elle a si peu d'amis en vérité. Elle garde Lyra dans ses bras, histoire de lui tenir chaud. Elle-même ne ressent pas particulièrement le froid, mais elle ne dirait pas non à un bon bain chaud. Fred affectionne les bains presque brûlant avec de la mousse. Souvent, ça lui permet de se détendre, de ne plus penser à rien. Mais ce qui lui manque le plus à cet instant, c'est sans nulle doute la musique. Ça c'est un bon moyen de la canaliser.

- Dis ? Tu ... tu veux bien m'emmener avec toi ? Je veux dire ... chez toi ... Pas pour longtemps. J'ai peur de rester seule dans ce lieu inconnu ...

Une guide... une personnalité ayant conscience des autres, capable de communiquer avec elles. Une médiatrice en quelques sortes, c’est cela ? N’ayant pas d’autre choix que de la croire, j’acquiesce silencieusement à ses explications qui jusque là me semblent à peu près cohérentes. Combien de personnalités sont en train de se bousculer dans sa tête en cet instant ?... la réponse me fait trop peur pour que j’ose poser la question. Etre en permanence éclipsée par les autres, je sais à quel point cette situation peut être difficile à vivre.

Après un silence, Lizzy réitère sa requête. Prendre soin de Frédérique... elle a raison, je dois l’amener à un endroit où elle pourra se reposer et prendre le temps d’encaisser ce qui lui arrive. Mais... qui est Florence, une autre personnalité ? Et si Joyce n’est pas là, que va-t-il se passer ? Le serpent autour de mon bras resserre son étreinte, il commence à me faire mal mais je l’ignore. J’ai besoin de savoir, elle n’a a pas dit assez. Si je ne peux pas retrouver sa sœur, alors... Alors quoi ? Pourquoi tant de mystère, elle était sensée m’aider, non ?

« Attends !
- Merci Lyra... »

Un vent froid se lève subitement, emportant la longue chevelure rose de Frédérique. Elle attache à nouveau ses cheveux en cette queue de cheval maintenant familière. Un sourire brise les traits figés de son visage et l’instant d’après, elle saute dans mes bras en me plaquant contre le mur de la cabane. Un craquement sonore résonne dans le village, l’espace d’un instant, j’ai bien cru que le mur allait s’effondrer. On dirait qu’il tiendra bon encore un moment...

Mais visiblement, quelque chose d’autre inquiétait Fred. Je n’avais pas si froid, du moins, je ne le ressentais pas ainsi. Cela dit, je n’étais pas contre me mettre à l’abri non plus... après tout, on réfléchi toujours mieux au chaud avec un bon chocolat au coin du feu. Je reste un moment dans ses bras, sans rien dire. Je ne sais pas pourquoi elle me garde aussi longtemps dans son étreinte, mais cela me fait du bien.

« Dis ? Tu... tu veux bien m'emmener avec toi ? Je veux dire... chez toi... Pas pour longtemps. J'ai peur de rester seule dans ce lieu inconnu...
- J’habite un peu loin, je ne sais pas si je peux t’emmener... »

Je me sens trop faible pour lui faire cette promesse. Le mieux que je puisse espérer, c’est parvenir à la ramener à Ikazuchi. De là, je trouverais bien un endroit où faire une pause avant de rentrer, et aviser d’un plan à suivre. Mais aujourd’hui, la nature en avait décidé autrement...

Brusquement, le blizzard se lève. La neige qui s’était arrêté de tomber commence doucement à tourbillonner, traçant de fines lignes de poudreuse dans le vent. Je ne comprends pas... je pensais les avoir apaisées, pourtant ? Puis, en observant le tracé de ces courbes, je commence à voir... cette silhouette menaçante dans le vent, sifflant de sa langue venimeuse, comme un serpent s’enroulant autour de sa proie. Peu à peu, des marques commencent à apparaitre sur le corps de Fred... de petites traces de givre clair, alors que les courants d’air froids tracent leur passage le long de son dos, de son visage. C’est mauvais signe... je ne la contrôle plus, il faut faire quelque chose...

« Fred, je... je ne contrôle plus rien, aide moi... »

J’ai du mal à parler, le vent me coupe la respiration. Au cœur de la tempête, les températures ont déjà commencé à chuter bien plus bas qu’elles ne le devraient normalement. J’enfouis ma tête au creux de son cou en fermant les yeux, pour lui tenir chaud, l’empêcher de geler. J’essaye de communiquer avec ma magie, j’essaye de tout mon cœur... mais je n’y arrive plus. Le hurlement du vent est trop assourdissant, je ne parviens plus à l’entendre.

* Fred, je suis désolée...

Ces derniers mots, je n’ai pas pu les prononcer. Alors je les ai pensés de toutes mes forces. Parce que, même dans ce moment... je ne veux pas qu’elle pense que je l’ai abandonnée.

- J’habite un peu loin, je ne sais pas si je peux t’emmener... »

Sur l'instant, Fred ne peut empêcher son visage de montrer de la déception, mais pour elle Lyra est gentille et peut-être même une amie, du coup, elle sourit de nouveau, hochant la tête de droite à gauche dans un "ce n'est pas grave". Mais brusquement, le blizzard semble revenir, redoublant d'intensité, il enveloppe bientôt complètement la jeune femme aux cheveux roses. Mais que se passe t-il au juste ? Fred reste pétrifiée, pas de peur non, elle est juste surprise, ne sachant pas d'où ça vient. Très vite, sur sa peau, se forme de petits cristaux de gel, elle ne les sent pas, du moins, elle n'a pas froid. Elle ne le craint pas. Mais son organisme lui, ne le supporte pas. Si il ne se réchauffe pas très vite, elle risquerait de finir gelée.

« Fred, je... je ne contrôle plus rien, aide moi... »

C'est à peine si Fred entend les paroles de Lyra tant son corps est agressé. Elle n'en comprend pas non plus le sens. Elle ne sent pas non plus la chaleur de son amie contre elle qui tente en vain de la maintenir un minimum au chaud. C'est comme si le gel avait décidé de ne l'agresser qu'elle. Mais pourquoi ? Qu'a t-elle fait pour ça ? Déjà Fred n'est plus, elle s'éloigne, un main ferme la fait reculer, une force se met entre elle et cette magie trop puissante. Alors une violence méconnue intervient, repoussant violemment Lyra en arrière, la projetant contre le mur qui finit par s'écrouler sous le choc de trop. Devant le corps de Frédérique se forme un bouclier de glace et la jeune femme détache de nouveau ses cheveux, remplaçant le nœuds noir par un ruban de même couleur. Elle attache de nouveau sa longue chevelure en catogan cette fois-ci, lui donnant un air plus masculin. Une voix forte et grave s'élève alors de sa bouche.

- Ne t'approches pas de Fred, conasse ! Tu lui veux quoi ?! Qu'est-ce qu'elle t'a fait pour mériter ça ! T'es une grosse merde, tu peux même pas contrôler ta magie ou quoi ?! Laisses-là tranquille ou je te démonte !

Lizzy intervient alors dans la tête de Frédérique, essayant de calmer la tempête, "Ewan ! Calmes-toi imbécile ! Tu crois vraiment que ça va arranger les choses ? Et puis ... sa magie est bien plus puissante ..."

Il le sait et ça l'inquiète encore plus ... Ewan tente tant bien que mal de réchauffer le corps de Frédérique, il y parvient, un peu, mais ce n'est pas suffisant. Il le sait, la seule personne qui peut arrêter ça c'est cette fille en face de lui. Il tente d'apaiser sa colère, après tout, il n'ai pas vraiment méchant, il veut juste protéger Fred. Mais comme à son habitude, il est trop impulsif et s'y prend comme un manche. Si ça se trouve il est trop tard pour essayer d'arranger les choses, d'adoucir la tension qui vient d'apparaître entre les deux individus. Cette magie destructrice semble effrayante, incontrôlable surtout et la réaction d'Ewan n'a sûrement que fait empirer les choses. Les sourcils froncés, la tête tournée sur le côté, évitant le regarde de Lyra, la personnalité masculine tente quand même de s'excuser très maladroitement.

- Bon euh ... pardon pour les insultes ... mais arrêtes ça où tu vas tuer Fred !

J’ignore ce qu’il s’est passé. Tout ce que je sais, c’est qu’une force inconnue m’a brutalement projetée en arrière. Mon dos a heurté le mur de la cabane, tout l’édifice s’est ébranlé sur le coup... et il ne l’a pas tenu. Je suis tombée en arrière sur le sol, ce n’était pas la neige, j’ai traversé le mur pour m’écraser sur le plancher. Le froid et les échardes m’ont éraflé la peau... et puis, tout s’est écroulé sur moi. Pas le monde, mais c’était tout comme. Je l’ai entendu hurler quelque chose, cette voix en colère qui m’avait repoussée, mais le vacarme des planches de bois et le hurlement du blizzard la réduit bien vite au silence.
Quand tout s’est arrêté...  quand j’ai essayé d’ouvrir les yeux, la seule chose que je voyais, c’était le ciel. La neige tourbillonnant au vent, ces mêmes courants glacés qui venaient m’enlacer et lécher mes blessures. Ma chevelure habituellement noire avait pris une curieuse teinte bleutée à cause du givre qui y avait cristallisé. Par chance, ou par hasard peut-être, je n’ai pas terminé ensevelie sous les décombres. Je me suis redressée péniblement, mais très vite, la tête s’est mise à me tourner. Cela faisait longtemps que je n’avais sentit mon corps me faire aussi mal. J’ai pris ma tête entre mes mains, laissant alors échapper un râle de douleur. J’ai regardé ce qui s’était passé...

Ma magie, elle s’était calmée. Plus ou moins... ce n’était pas le terme exact. Le vent soufflait toujours avec une force surnaturelle autour de Frédérique, mais il n’était plus aussi agressif. Elle semblait passive, comme en attente de quelque chose...

« Bon euh... pardon pour les insultes... mais arrêtes ça où tu vas tuer Fred ! »

C’était... des excuses ? Pas pour m’avoir envoyé m’éclater sur cette cabane, en tout cas. Je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir une certaine frustration en l’écoutant. Elle avait manqué de me tuer, je me fichais pas mal d’insultes que je n’avais même pas entendues. Mais au lieu de la colère, c’était plutôt de l’incompréhension qui pointait sur mon visage. Pourquoi s’était-elle arrêtée ?... je ne comprenais pas.
Je devais me souvenir. Ce que m’avait dit Kiara, la façon dont j’avais apprivoisé ce pouvoir. C’est stupide, mais j’ai peur qu’il me rejette à présent. Mais il s’est calmé... je n’ai plus peur maintenant, tout va bien. Je crois que... je peux reprendre les commandes.

* Repose-toi... dors, à présent.

Je tends doucement la main devant moi, comme pour caresser un petit animal immatériel dans le vent. Cela semble ne rien faire à première vue, mais lentement, le blizzard perd en intensité. Peu à peu, le vent rageur qui dévastait l’endroit se disperse, et seuls restent de cette tempête soudaine les flocons qui continuent doucement à tomber sur le village.
Enfin, je me retourne vers Fred... non, ce n’est plus elle. Cette personne... je ne la connais pas encore. Outre le fait qu’elle avait évoqué son nom à la troisième personne, les signes de changement étaient les mêmes qu’avec les autres personnalités. Eh, je commence à m’y faire, non ? Haha...

« Tout va bien maintenant... je vais m- aie ! »

... mieux, ai-je voulu dire ? Peut-être qu’intérieurement, je me sentais à nouveau moi-même, mais physiquement, c’était une autre histoire. Du simple fait de vouloir me relever en parlant, je n’étais plus certaine de pouvoir tenir encore debout longtemps, et... je ne pouvais plus compter sur ma magie pour me soutenir. Je me suis relevée malgré tout, grimaçant un peu sous la douleur. Ca devrait aller, comme ça... ah... Non, marcher me demandait déjà trop d’efforts, il fallait que je me repose. Au moins quelques minutes, à l’abri du froid.

« Ecoute, je suis désolée pour ce qui s’est passé, mais là... j’ai besoin de me poser un moment. »

Je ne savais pas comment décrire mon état. A mon avis, il n’y avait rien de cassé, le fait que je puisse tenir sur mes deux jambes le prouvait de fait. Cependant, je n’étais pas inconsciente au point de vouloir prendre la route maintenant. Je n’étais pas sûre d’avoir pleinement conscience de mes blessures, non plus. Et puis, je crois que... j’avais encore des choses à lui dire.

« Tout va bien maintenant... je vais m- aie ! »

Frédérique se tourne de nouveau vers Lyra. Enfin Frédérique ... plutôt Ewan en l’occurrence. Il s’aperçoit qu'il y a été un peu fort lorsqu'il a poussé la jeune fille contre le mur de la cabane. Mais un autre détail capte son attention quelques instants. Sur le corps de son "hôte", les marques de givre semble s'estomper doucement. L'effet de la magie de cette personne face à lui a diminuer et c'est avec un soupir de soulagement qu'il s'exprime tout d'abord, lançant un faible "Merci".

« Ecoute, je suis désolée pour ce qui s’est passé, mais là... j’ai besoin de me poser un moment. »

Ewan, à travers ces yeux d'azur observe un instant la jeune fille. Elle tient debout, mais ne peut décemment pas encore vraiment marcher. Le choc a dû être puissant sur le coup. La personnalité masculine se retrouve un peu bête et sur le coup, il ne sait trop comment réagir. Il ne connait pas cette personne après tout, mais il n'est pas non plus un monstre. Ewan s'approche de Lyra et attrape son bras droit qu'il passe autour des épaules de Frédérique, ensuite il place son bras gauche autour de la taille de la jeune fille pour la soutenir. Il regarde un instant autour de lui. C'est d'un abris qu'ils ont besoin. Il grimace.

- Mais c'est quoi ce taudis ... y a rien ici ... Il aperçoit alors le manoir, seule édifice encore debout. Allons là-bas pour le moment, je vais t'aider. Au fait ... c'est toi Lyra ? J'ai cru entendre ce nom lorsque tu parlais à Freddie et Fred. Je m'appelle Ewan. Je suis vraiment désolé de ce qui est arrivé et ... du mal que j'ai pu te faire ...

Il est tout penaud à présent le gros nounours, il se tait tout le long du trajet où il aide la jeune fille brune à atteindre la grande bâtisse. Une fois à l'intérieur, il la dépose près de la vieille cheminée. Il cherche de quoi remplir l'âtre de cette dernière. Quelques planches cassées éparpillées sur le plancher, et une chaise. Pourquoi pas. Le corps de Frédérique est malheureusement maigrichon et Ewen doit s'y reprendre à plusieurs fois pour frapper contre le sol, l'objet en bois, qui finit par céder. La chaise en morceaux, il jette ensuite ses derniers dans l'âtre également et tente de trouver du papier. Rien ... Il regarde, cherche ... tiens, un bout du papier-peint qui se décolle. Bien. Il l'attrape et tire pour en récupérer quelques morceaux. Ne reste plus que l'essentiel, le feu. On est d'accord pour dire que Frédérique ne maîtrise pas l'élément pour ça. Ewan se tourne vers Lyra, tout en cherchant quelque choses dans les poches de la jeune femme aux cheveux roses.

- Mince ... où il est ... à tous les coups, Frédérique ne l'a pas pris ... Tu n'aurais pas du feu par hasard, Lyra ?

Enfin, juste après avoir posé sa question, il le trouve, son Zippo. Il sourit tout en l'actionnant et en démarrant du même coup le feu dans la vieille cheminée. Il se redresse avant d'aller s'assoir près de la jeune fille brune. Il semble encore chercher quelque chose dans ses poches.

- Mince ... le briquet mais pas mes clopes ... J'ai envie d'une cigarette. Dans ce coin paumé y en a pas ... Il se tourne vers Lyra. T'aurais pas une clope par hasard ?

A la suite de la réponse de la jeune fille, il poursuit dans son élan. Il est curieux de savoir où il se trouve. Enfin, où se trouve Frédérique en l’occurrence.

- On est où ? Je ne connais pas du tout cet endroit. Et au fait ... une chose m'intrigue. Tu as aussi des pouvoirs ? Je veux dire, de là où Frédérique vient, elle est la seule, ça lui a d'ailleurs valu souvent des ennuis ...

Il fait un peu froid, non ? La tempête a beau s’être arrêtée, les marques de givre sur ma peau et mes cheveux ne se s’étaient pourtant pas estompées pour autant. Je pose distraitement la paume de ma main contre ma joue, constatant qu’elles sont encore glacées. Ou peut-être est-ce ma main qui l’est tout autant... difficile à dire. Le froid mordant de l’hiver est douloureux, au moins autant que les blessures de mon corps. J’ai un peu de mal à marcher, mais je peux encore me trainer jusqu’au manoir. Entre mes doigts, quelques goutes écarlates coulent doucement pour se perdre dans la neige immaculée à mes pieds. Les échardes m’ont un peu éraflé la peau, ce n’est rien, je soignerai ça une fois à l’abri.

Et puis, Frédérique s’est approchée. J’ose à peine la regarder, à présent... ce n’est plus la même personne, je le sais, mais je réalise qu’elle semble un peu perdue, sur le coup. C’est pourtant moi qu’elle regarde... elle me met un peu mal à l’aise. Finalement, après un moment d’hésitation, elle se décide à m’approcher et me prend le bras pour le placer sur son épaule. J’ai été surprise, un peu, mais je me suis laissée faire, mon état actuel ne me permettait pas de protester.

Ewan... Cette personnalité a conscience des autres. De Fred et Freddie, en tout cas. J’ai du mal à comprendre... la logique des liens entre toutes ces personnes, cela m’échappe. Alors j’acquiesce simplement à ses mots, ne sachant que dire de plus. Elle s’est enfin excusée aussi, pour m’avoir éclaté le dos contre la cabane. Je suppose qu’elle me pardonne pour ce qui s’est passé, alors ?... je l’espère, mais j’aimerais en parler à Fred avant. Si lui a entendu ce qui s’était passé, cette attaque magique était peut-être le dernier souvenir qu’elle avait de moi.

Elle n’a plus reparlé, après ça. On s’est trainés péniblement dans la neige jusqu’au vieux manoir abandonné. Ewan m’a déposée à l’intérieur, je me suis adossée contre le mur près de la cheminée, et l’ai laissée ramasser du bois pour faire un feu. J’aurais bien voulu l’aider, mais le simple fait de pencher me faisait encore trop mal pour ça. Alors, j’ai un peu ouvert mon manteau pour glisser mes mains à l’intérieur, les réchauffer un peu. Maintenant que j’étais immobile, je tremblais comme une feuille, c’était embarrassant...
Ewan me demanda si j’avais du feu, j’ai hoché la tête. J’en avais toujours un sur moi, au cas où. C’est un cadeau qu’on m’avait fait il y a longtemps, un briquet assez joli, pas de ceux qu’on achète par trois à deux euros n’importe où. Cependant, il se trouve qu’elle avait bien le sien sur elle... quelle tête l’air. En revanche, ses clopes, elle les avait bel et bien oubliées... et ça, je ne pouvais pas lui dépanner.

« Je ne fume pas, désolée. »

Elle eu l’air un peu déçue, mais changea bien vite de sujet. Les habituelles questions, les mêmes que Fred m’avait posées. Il n’y a que Freddie qui ne s’en était pas souciée... c’était bien une enfant, dans sa tête. Les adultes eux, ils se posent trop de questions. Je baisse les yeux un instant, comme pour rassembler mes pensées avant de répondre :

« Je ne sais pas où on est exactement... mais au sens plus large, on est sur Awashima. Si tu es ici, c’est probablement que tes pouvoirs ont été repérés, et tu as été enlevée pour ‘‘t’éviter des problèmes’’.
Je grimace à cette phrase, tant elle doit lui sembler ironique. Les problèmes n’avaient pas attendu le facteur pour lui tomber dessus, à ce qu’elle disait.
- Tu as reçu une lettre, non ? Tu devrais l’avoir quelque part, normalement. Sauf si tu l’as jetée... »

Ce serait ennuyeux... je ne me souviens absolument pas de ce qu’elle racontait, cette lettre. Juste qu’elle était signée par ce mystérieux A., le reste, je pense l’avoir plus ou moins résumé. Ces informations, je ne les avais pas encore communiquées à Fred, mais après avoir parlé à Lizzy, je pense ne pas me tromper sur le fait que Frédérique est une nouvelle arrivante ici. Maintenant, c’est à moi de faire silence pour lui laisser le temps d’assimiler ces nouvelles informations. J’espère qu’ils pourront se passer le mot, parce que là, je ne me vois pas répéter pour chaque personnalité qui voudrait bien se pointer...

« Je ne fume pas, désolée. »

Ewan est un peu déçu sur le coup, mais le manque de cigarette n'est pas le sujet qui l'inquiète le plus. Il surveille le feu dans la cheminée, n'hésitant pas à l'attiser afin de réchauffer au mieux l'atmosphère. A travers le corps de Frédérique, il ne ressent pas le froid, l'avantage de ce pouvoir qui coule en elle sans doute. Ewan est vite tiré de ses rêveries par la voix de Lyra qui répond à ses questions.

« Je ne sais pas où on est exactement... mais au sens plus large, on est sur Awashima. Si tu es ici, c’est probablement que tes pouvoirs ont été repérés, et tu as été enlevée pour ‘‘t’éviter des problèmes’’.

- Awashima ... connais pas. Éviter des problèmes à Frédérique ? C'est un peu une ironie pour le coup. ses pouvoirs sont loin d'être ses seuls problèmes et c'est même pas le plus embêtant en soit.

- Tu as reçu une lettre, non ? Tu devrais l’avoir quelque part, normalement. Sauf si tu l’as jetée... »

- Une lettre ? Ce n'est pas moi qui me suis réveillé en premier alors ... difficile à dire ... attends que je fouille.

Il regarde de nouveau dans les poches du pantalon, dans celles de la veste. Rien. Il sent bien quelque chose dans le décolleté de Frédérique mais la gène fait place à la concentration tout à coup. Le rouge lui monte aux joues. Et il dit dans un murmure.

- Euh ... il y a un dernière endroit à fouiller, mais ... je ne peux pas ... je suis un homme moi, donc bon ... A tout les coup, c'est cette satanée Sharon qui as dû se réveiller en premier et foutre la lettre dans le décolleté. Cette manie de tout fourrer à cet endroit ... Dis Lyra ... Tu ne voudrais pas m'aider par hasard ? Je ne peux vraiment pas me résoudre à peloter le corps de Freddie ou de Fred ... Tu ne veux pas regarder toi, si il y a cette lettre ?

Le pauvre Ewan rougit de plus belle. Ce genre de situation embarrassante d'être dans le corps d'un fille lui arrive souvent, mais il n'arrive vraiment pas à s'y faire et Lyra est une fille elle. Il n'y a pas de gène à avoir entre nanas, non ? Après avoir enfin récupéré cette fameuse lettre qui se trouvait bien entre les deux seins de Frédérique, où Ewan se confondit en excuses pour ce dérangement, il la lit alors à voix haute et voilà ce qu'elle dit exactement ...

"Cher descendant,
Tu as été amené ici en raison de tes pouvoirs surnaturels. Tu ne pourras pas quitter ce lieu, ne devra pas essayer de le quitter. Nous avons essayé de recopier autant que possible le monde extérieur d’où tu viens. Nous espérons que tu ne seras pas trop dépaysé. Intègres toi aussi bien que possible dans ce monde où seuls les habitants te seront étrangers. Nous cherchons juste à te protéger et à préserver l’équilibre du monde.
A."

- "Te protéger" ? Mon cul ! Et Joyce t'en fais quoi, imbécile !

Se souvenant brusquement qu'il n'est pas seul, il regarde la jeune fille auprès de lui et sourit avec un air bête, s'excusant de cette façon un peu vulgaire de parler. Mais bon, c'est vrai quoi. Certes, Frédérique a des pouvoirs et se retrouver dans un endroit où pleins de gens qui ont le même problème vivent c'est déjà mieux, mais c'est sans compter sur les problèmes d'ordre psychologique de la jeune femme. Ewan soupire, il va avoir du travail, pour peu que Sharon y mette son grain de sel ... Il range la lettre dans l'une des poches de la veste.

- Bon ok, c'est bien cette histoire mais je vais faire quoi moi maintenant ... Je sais même pas si la sœur de Frédérique est ici ... Il se tourne vers Lyra. Désolée pour tout se dérangement, ça ne doit pas être facile pour toi. Mais si je venais à m'éclipser à nouveau, pourras-tu prendre soin de Freddie et Fred pour moi ? Du moins, le temps que l'on puisse retrouver Joyce ... Enfin, si tu veux bien.

Ewan fixe la jeune fille brune auprès de lui, il pense à la petite Freddie qui risque d'être particulièrement perdue sans repère. Pour Fred c'est moins un problème, elle sait un minimum se débrouiller. Fred ... si il pouvait faire quelque chose ... si il pouvait ... Son regard d'azur perdu dans ceux de Lyra, le changement s'opère de nouveau. Ewan pense tellement à Fred que cette dernière semble avoir entendu son appel télépathique. La coiffure change de,nouveau, reprenant celle d'une queue de cheval haute avec un nœud noir. Son regard change, il devient plus pétillant, plus innocent, plus joyeux. Frédérique saute alors de nouveau dans les bras de la brunette.

- Lyra ! Désolée, j'étais partie. Je ne sais plus pourquoi d'ailleurs ... il s'est passé quoi ?

Les souvenirs lui reviennent alors en mémoire, une Lyra qu'elle ne connait pas avait cherché à lui faire du mal. Un frisson parcourt son échine en repensant à cette scène. Elle se recule alors aussi précipitamment qu'elle lui a sauté dans les bras et la fixe d'un air d’incompréhension totale.

- Pour ... pourquoi tu as fais ça tout à l'heure ? Pourquoi tu as voulu me faire du mal ? Tu me déteste ?

Elle n’avait pas lu la lettre... une autre personnalité s’était réveillée avant lui et avait dû la ranger quelque part ou s’en débarrasser. Au fond, je doute que ce bout de papier ne l’aide beaucoup à se repérer. Il lui faut trouver un logement, faire les démarches administratives... un truc vraiment assommant. Honnêtement, je ne m’en serais pas sortie toute seule à mon arrivée, ça aurait été un cauchemar.
Lâchant un soupir, je détourne le regard vers la fenêtre pendant qu’Ewan fouille chacune de ses poches à la recherche de cette lettre. A l’entendre marmonner, elle n’a pas l’air de trouver... et finalement, c’est dans un murmure gêné qu’elle finit par dire qu’il y a un dernier endroit à chercher. Un endroit qu’elle n’ose pas explorer d’elle-même parce qu’elle est... un homme ? Ewan... c’est vrai qu’il sonne masculin ce nom, mais... je n’arrive pas à m’y faire. C’est difficile à croire, mais il a l’air vraiment embarrassé. Franchement, t’abuse Ewan... Je veux bien l’aider moi, seulement... j’ai beau être une fille, fouiller dans le décolleté d’une autre n’est pas aussi naturel qu’il a l’air de le penser. C’est bien une idée de garçon, ça...

« T’es vraiment innocent toi ou quoi ?... Ce n’est pas parce que j’en suis une que ça ne me fait rien de peloter une fille, hein. C’est ton corps, alors la prochaine fois, je te laisse te démerder. »

Une moue boudeuse au visage, je me résous à me lever pour l’aider avec son problème. Ma démarche semble encore un peu instable, mais la douleur est moins forte qu’à ses débuts. Bon, puisqu’il faut récupérer cette fichue lettre... j’attrape le bord de son col directement et glisse deux doigts sous son haut, d’un geste assuré mais pas trop brusque, car j’imagine que... eh bien, c’est un homme, mais il doit sentir ces choses là, non ? Bref, je trouve assez rapidement le bout de papier écorné entre ses seins. Plus qu’à le retirer... sauf que, vous pensez bien, l’autre ne s’est pas tenu tranquille, ça aurait été trop simple. Il ne donnait déjà pas l’air d’en mener large dans cette situation, alors maintenant...

« T-tiens-toi tranquille, j’aimerais éviter de te couper avec le papier... »

La gêne commence à me gagner, un frisson remonte le long de ma main jusqu’à mon épaule et le rouge lui monte aux joues de plus belle. J’ai l’impression que sa poitrine est en train de bouillir, c’est son pouvoir ou... ? A-arrête de trembler ! Mais le bout de papier me glisse entre les doigts, je n’arrive plus à le retirer. Si ça continue, je vais vraiment le perdre... Ewan je veux dire. Alors finalement, j’ai fais ce que j’aurais dû faire depuis le début... j’ai mis la main entière dans son décolleté et j’ai décoincé cette foutue lettre. Cette Sharon avait prévu son coup... elle avait coincé un bout sous le soutif pour le rendre plus difficile à retirer. Enfin... j’en avais fini avec ça. J’ai déplié le bout de papier froissé pour vérifier qu’il s’agissait bien de ce que nous cherchions, et je lui ai tendu après qu’il a fini de se répandre en excuses.

« "Te protéger" ? Mon cul ! Et Joyce t'en fais quoi, imbécile ! »

La réaction n’a pas tardé... malheureusement, quiconque est l’auteur de ces enlèvements, ce genre de considérations n’est pas sa priorité. Moi non plus, je ne sais pas si Joyce est ici. Il a beau me demander de prendre soin d’elles, je ne sais pas si je pourrais. C’est toujours à moi qu’ils confient les responsabilités... ils sont cinq, six peut-être, je n’en sais rien, ne peuvent-ils pas veiller les uns sur les autres ? Un sourire triste transparait sur mon visage alors que j’acquiesce à sa requête... Je dois prendre sur moi, je ne peux pas l’abandonner.

Et puis, brusquement... la présence d’Ewan s’est estompée, a laissé place à une autre. Une présence familière... Fred ? Dès l’instant ou elle reprit possession du corps de Fredérique, elle s’est jetée dans mes bras a manqué de me faire tomber sur les fesses. Mon équilibre est encore un peu instable pour cela...

« Lyra ! Désolée, j'étais partie. Je ne sais plus pourquoi d'ailleurs ... il s'est passé quoi ?

Elle... elle ne se souvient pas ? J’y ai cru, un instant, jusqu’à ce que... brutalement, elle m’a lâché et a pris ses distances. Fred... la mémoire lui revient, c’est surement ça. L’expression sur son visage, sa façon de me dévisager tout d’un coup... elle me fait mal.

- Pour ... pourquoi tu as fais ça tout à l'heure ? Pourquoi tu as voulu me faire du mal ? Tu me déteste ?
- Non ! Comment je pourrais ?! »

C’est plus fort que moi, j’ai crié. Je n’en peux plus, ça me fait trop mal, il faut que ça sorte. Je recule légèrement, jusqu’à ce que le mur derrière moi m’arrête, et je me laisse glisser jusqu’à sol le long de celui-ci. Mon regard n’a pas su soutenir le sien, alors je fixe mes pieds, serrant mes jambes contre ma poitrine. La douleur dans mon dos me relance, mais je m’en fiche.

« J’ai perdu le contrôle... je ne te déteste pas, c’est juste que... je suis un peu perdue, moi aussi. »

Ewan, il aurait pu me prévenir cet enfoiré... maintenant, je me retrouve coincée avec une Fred encore perturbée par le déchainement de ma magie. Elle dort maintenant, il n’y a plus de risques, mais j’ai peur d’avoir perdu sa confiance. Je ne veux pas la perdre. Je ne sais pas trop pourquoi, mais Fred est importante pour moi. C'est la seule qui semble vraiment m'aimer... pas elle, tout mais pas elle. J'ai secoué la tête frénétiquement, exprimant ce refus de la laisser partir.
Et puis, soudainement... un bruit sourd résonne dans le manoir, comme si quelque chose venait de se fracasser contre le sol. Ca vient de l’étage... il y a quelqu’un là haut, une présence. Ou plutôt... quelque chose ? Les bruits de pas s’approchent, mais ce n’est pas humain, le son semble plus à des griffes raclant le parquet. On dirait qu’il s’est mis à gratter, un mur, une porte, peut-être autre chose. Un animal sauvage ? Je me demande...

« T’es vraiment innocent toi ou quoi ?... Ce n’est pas parce que j’en suis une que ça ne me fait rien de peloter une fille, hein. C’est ton corps, alors la prochaine fois, je te laisse te démerder. »

Bah non justement, c'est pas son corps au pauvre Ewan, c'est bien ça le problème, il est juste un invité forcé dirons-nous. Il a pas vraiment choisi d'arriver là, mais c'est comme ça et ce depuis très longtemps. Il est le premier d'ailleurs à avoir atterri dans cette tête blonde d'origine. Il s'est senti appelé, il voulait défendre cette petite fille face à ce père indigne et violent. Il n'y arrivait pas toujours d'ailleurs. Frédérique était beaucoup trop jeune et fragile à l'époque. La première fois, c'était un soir, Frédérique était dans son lit, son père auprès d'elle. Ewan se souvient avoir vu cette petite fille de sept ans pleurer, ne comprenant pas ce qui se passait. La conscience de cette dernière venait de quitter son corps, apeurée, son père souillant déjà son corps. La douleur avait été si intense qu'elle avait préféré partir et là, elle a croisé Ewan. Ce dernier a tenté de la réconforter, il lui a surtout dit qu'il allait prendre les choses en main dans ces moments-là, que c'est lui qui la remplacerait chaque fois qu'il le faudrait, pour la soulager, pour la protéger. Mais même ainsi, il ne pouvait rien contre les assauts du père qui avait perdu la tête. Alors évidement, lorsque Lyra tente si bien que mal de récupérer la lettre dans le décolleté, ça gène Ewan qui ressent le moindre frôlement délicat et qui du coup rend les choses plus difficile.

« T-tiens-toi tranquille, j’aimerais éviter de te couper avec le papier... »

Si il le pouvait et depuis le temps, il aurait tué Sharon aussitôt. Cette peste avait réussi son coup. Il le sait, il a presque pu l'entendre rire sadiquement dans la tête de Frédérique. toujours est-il que la lettre a été récupéré, lu et revenons maintenant à Fred qui vient de revenir et qui vient également de réaliser ce qui c'est passé auparavant avec Lyra. Elle ne comprend pas pourquoi la jeune fille brune qu'elle considère à présent comme une nouvelle amie, a pu lui faire du mal et pourquoi surtout. Elle n'a rien fait qui puisse justifier ça pourtant.

- Non ! Comment je pourrais ?! »

Lyra a carrément crié ces mots qui résonne dans toute la pièce vide de tout meuble. Fred la fixe toujours avec incompréhension mais aussi avec tristesse, des larmes au bord de ses yeux d'azur. Encore une fois elle a peur qu'on ne l'aime pas, elle perd toujours ses amies à cause de ça. La garçon dont elle est amoureuse en secret, elle ne lui a jamais dit de peur d'être encore rejetée par une personne qu'elle apprécie. Pourquoi le sort semble t-il toujours s'acharner sur elle ? Pourquoi ces trous de mémoire aussi. Elle ne les comprend toujours pas. Qui-y a t-il dans sa tête qui l'empêche d'être heureuse elle aussi. Elle sait qu'elle entend la voix de Lizzy, mais pour elle c'est comme sa propre conscience qui la guide. Elle ne sait plus, encore une fois, elle est perdue. Et elle regarde Lyra reculer jusqu'à taper contre un mur où elle s'écroule, mais pourquoi ? Et puis, quel est le sens de cette phrase ? "Non" ? Donc elle ne déteste pas Fred ? Mais alors pourquoi ? L'explication vient rapidement, sortant des lèvres de la jeune fille acculée.

« J’ai perdu le contrôle... je ne te déteste pas, c’est juste que... je suis un peu perdue, moi aussi. »

Lyra aussi est perdue ? Ah bon ? Pourtant, à la voir comme ça, on ne dirait pas. Fred ne l'avait pas remarqué jusque là. Mais à présent qu'elle est rassurée et surtout embêtée pour son amie, elle se rapproche de nouveau de cette dernière, la prenant encore dans ses bras, sans mot dire. Juste un geste banal pour la rassurer. Elle lui murmure d'une voix un peu troublée ...

- Ce n'est pas grave, Lyra, je comprend. J'avais juste peur que tu me déteste et que tu m'abandonne. C'est si souvent arrivé par le passé.

Soudain un bruit interrompe les pensées de Fred et cette dernière se détache de son amie, se retournant vers l'origine de ce son quelque peu lugubre. Des bruits de pas griffant le parquet au-dessus et qui semble devenir plus forts. C'est quoi ça encore ? Mais il faut d'abord vous avouer quelque chose. Fred est une adolescente fascinée par les fantômes, les maisons hantés, les créatures diaboliques, toutes ses histoires qui font peurs habituellement. Elle est donc naturellement curieuse de ce genre de choses. Même si l'adrénaline monte, faisant accélérer son rythme cardiaque. Bien sûr qu'elle a peur, mais elle aime avoir peur et veut savoir ce que c'est avant de fuir. Fred se relève et aide Lyra à en faire de même. Avec un sourire, elle se tourne vers cette dernière et chuchote.

- Viens, on va voir ce que c'est.

Elle ne laisse pas beaucoup de choix à son amie, lui prenant la main pour l’entrainer encore une fois à sa suite. Elle marche doucement et aussi discrètement que possible, se dirigeant inexorablement vers l'escalier de bois menant à l'étage. A mesure qu'elles avancent, elle peuvent entendre le son s’amplifier, se rapprocher ...

Est-ce que c’est un mal ? Je ne sais plus où j’en suis... je n’ai jamais voulu blesser personne, j’ai simplement perdu le contrôle. L’étreinte de Fred est plus froide, plus distante... non, c’est simplement moi qui suis gelée. Même avec le petit feu qui brûle dans la cheminée, j’ai peine à me réchauffer. Pourquoi est-ce qu’elle me prend toujours dans ses bras, comme ça... j’ai du mal à lui résister, c’est comme si elle me connaissait par cœur. Tu triches Fred... mais si tu me dis que ce n’est pas grave, je veux bien te croire.

C’est à ce moment qu’il y a eu ce bruit. Il était resté discret au début, mais rapidement, on a pu l’entendre gratter à l’étage depuis cette pièce. Fred a relâché son étreinte pour écouter et le froid m’a frappé à nouveau, j’ai frissonné. Un courant d’air gelé s’infiltrait par la grande porte, longeant les murs à la peinture écaillée et aux papiers peints déchirés. J’aurais aimé rester un peu plus longtemps dans ses bras... Mais loin de me laisser seule, elle attrape mes mains pour m’aider à me relever et me chuchote son plan à l’oreille.

« Viens, on va voir ce que c'est.
- E-euh... t’es sûre ? »

Je n’étais pas vraiment enthousiaste à cette idée... même si l’envie était forte, je ne pouvais pas compter sur ma magie en cas de problème. Sur cette île, j’avais appris à mes dépends qu’on n’était jamais vraiment en sécurité nulle part. J’aimerais l’empêcher d’y aller, seulement... pourquoi je n’y arrive pas ? Fred avance à pas feutrés jusqu’à l’escalier menant à l’étage, m’entrainant par la main pour que je la suive. Les bruits sont tous proches... mais pas mal de débris bloquent la voie, l’escalier à l’air impraticable. En fait, à peine la jeune fille mis pied sur les premières marches, le bois émit un craquement qui résonna dans tout le manoir. Pour la discrétion, c’était raté... puis, le silence revint.
Le silence... les grattements s’étaient arrêtés. Il y eu un autre craquement, plus violent celui-ci. Et là, en haut de l’escalier, une silhouette toute de lumière apparu : un grand loup blanc au pelage si clair qu’il semblait luire de milles éclats. Mais ce n’était pas juste une impression, il rayonnait réellement. Une aura dorée quasi divine l’entourait, alors que l’animal dévoilait une rangée de crocs acérés dans un grognement sinistre.

« Je ne peux pas utiliser ma magie... on doit s’enfuir d’ici Fred, vite... »

Je lui ai soufflé ces mots la tirant doucement en arrière, essayant de garder mon calme. Le regard de cette créature... il me donnait des frissons dans le dos. Plus jamais... plus jamais je n’aurais pensé rencontrer une autre de ces créatures magiques qui rodaient sur l’île. J’ai fais un pas en arrière, mon pied a glissé sur le bord de la marche et le bois craqué de plus belle. Le loup a grogné plus fort. Mauvais présage pour la suite...

- E-euh... t’es sûre ? »

La pauvre Lyra n'a pas l'air emballé par cette idée, mais Fred n'y prête pas attention. Sa curiosité est trop forte, bien plus que sa propre raison et cela lui a déjà fait défaut, mais elle ne peut s'en empêcher. Et puis, elle ne se sent pas seule avec sa nouvelle amie. L'escalier est encombré par beaucoup de débris, il y a même un trou entre deux marches un peu plus haut, on peut se demander ce qu'il est arrivé dans cette demeure par le passé. Mais pour l'heure, Fred semble déterminée et  commence à grimper les premières marches, le craquement que son pas provoque résonne dans tout le manoir comme un orge dans une église. Bonjour la discrétion, adieu le silence. Car très vite ce craquement est suivi par un autre, bien plus fort, plus lourd, plus brutale. En levant les yeux, les deux jeunes filles remarque alors une étrange créature, un grand loup au pelage lumineux, du moins c'est ce que son apparence clair reflète. Il est magnifique, Fred en est fascinée, elle adore les loups, c'est la première fois qu'elle en voit un de sis près. Mais est-ce vraiment une bonne chose ? L'adolescente semble inconsciente du danger, restant planter là à regarder l'animal qui commence à montrer une certaine agressivité.

« Je ne peux pas utiliser ma magie... on doit s’enfuir d’ici Fred, vite... »

Fred reste figée un instant, mais la main de Lyra la tirant en arrière la sort de sa rêverie. C'est à ce moment-là qu'elle remarque l'angoisse dans la voix de son amie. Mais le destin en a voulu autrement. A cet instant, Lyra en voulant reculer, glisse de l'une des marches, commençant à basculer en arrière et entraînant Fred dans sa chute. Les deux jeunes filles se retrouvent alors plus vite que prévu sur le parquet froid en bas de l'escalier. Elles sont tombées, Fred a atterrit sur la pauvre Lyra qui a dû recevoir tout le choc, décidément, elle en prend plein à la gueule aujourd'hui, elle finira par détester Frédérique si elle continue à lui apporter la poisse. Fred se redresse, regardant Lyra, elle s'apprête à lui demander si elle ne lui a pas fait trop mal quand soudain un grognement assourdissant s'élève. L'adolescente à juste le temps de se retourner pour voir l'animal menaçant bondir du haut de l'escalier. Par réflexe de défense, elle tend son bras gauche en direction de la créature. Tout cela ne dure qu'une fraction de seconde, mais du poignet semé de cicatrice de Frédérique sort un jet de glace. Le grand loup se retrouve alors figé dans les airs, en pleine action et l'escalier entier se retrouve gelé avec l'animal. Le cœur de Fred tambourine dans sa poitrine, si bien que sa respiration est saccadé. Pour le coup, elle a eu très peur. Il n' y a pas que ça, elle a senti la présence au fond d'elle d'une autre personnalité qui a voulu se manifesté. Fred ne connaît pas cette dernière mais elle ressent toujours sa malveillance et elle veut protéger Lyra, du coup, elle résiste et l'emporte pour cette fois, mais pour combien de temps encore ...

- Mais c'est quoi cet endroit ?

L’adolescente a murmuré ces mots pour elle-même mais il est fort possible que son amie les ai entendu. Fred se tourne de nouveau vers Lyra et se redresse, l'aidant par la suite à se relever et se faisant, elle se rend compte de la pâleur de cette dernière et du froid qui semble l'affecter. Pour la fille aux cheveux roses, ce n'est pas un problème au vu de la magie qui coule en elle. Mais Fred étant l'un des trois personnalité a bien maîtriser son pouvoir, elle décide d'aider Lyra. Pour commencer, elle augmente la température de son corps afin de réchauffer un maximum ses vêtements, puis elle enlève par la suite sa veste pour la poser sur les épaules de son amie.

- Lyra, tu es gelée, il va falloir trouver le moyen de partir d'ici. Tu devrais rentrer chez toi au chaud. Ou sinon, allons dans un café prendre un bon chocolat chaud.

La réalité rattrape soudainement Fred, elle n'a pas d'argent sur elle et elle ne sait même pas dans quel genre de contré elle est exactement. A ce sujet, seule la jeune fille brune aux yeux d'émeraude peut faire quelque chose. Encore une fois, Frédérique est obligée de s'en remettre à son amie. Ça commence à la gênée d'être un fardeau et tout cela se lit sur son visage, son regard d'azur envahit par un voile de tristesse. Cependant elle sourit, voulant cacher tout cela à Lyra. Lyra, la seule jusqu'à maintenant qui semble ne pas la rejeter comme tous les gens qu'elle a pu croisé depuis qu'elle est apparu en tant que personnalité de Frédérique. Fred est vraiment la plus sensible de toute, bien plus que la petite Freddie elle-même, qui pleure un instant avant de rire de nouveau comme tous les enfants ou même que Florence qui elle, est simplement déprimée à longueur de temps. Fred aime à l'extrême, déteste à l'extrême, s'amuse avec excès, pleure avec excès. Tous ses sentiments qui la traversent de part en part sont toujours exacerbés. Ça ne plaît pas toujours à tout le monde. Certains la trouve trop collante, d'autres trop méchante quand elle s'y met, d'autre la pense égoïste. Ces derniers n'ont pas tout à fait tord, Fred peut se montrer envahissante, mais elle ne le fait pas exprès, c'est sa nature. Revenons-en à nos deux jeunes filles. Fred ne peut s'en empêcher, encore une fois elle s'inquiète pour sa nouvelle amie et encore une fois elle l'a prend dans ses bras pour lui tenir chaud, mais dans son fort intérieur, elle n'a qu'une hâte, retrouver un peu de civilisation, cette endroit commence à la déprimer et ça ... ce n'est pas bon, pas bon du tout ...

Je voulais juste te tirer hors de danger... Dans un râle de douleur, je retrouvais la froide dureté du sol de ce manoir délabré. Le poids de Fred me tombant dessus exerçait une telle pression sur mon dos qu’elle me coupait la respiration. Même si elle se relève vite... il allait attaquer, il allait saisir sa chance. Le grognement de la bête résonna dans le hall, un à en faire trembler toute la structure. Je ne peux pas le voir, Fred me bloque la vue, mais peux sentir cette présence menaçante gronder dans son dos.

Tout s’est passé très vite. Le loup de lumière a bondit du haut des escaliers pour fondre sur Fred. Elle s’est retournée à temps... il y a eu un éclair bleu aveuglant, puis d’un seul coup, un froid glacial s’est emparé de toute la pièce. Tout s’est retrouvé gelé en l’espace de quelques secondes, de l’escalier jusqu’au loup, figé en plein vol dans son assaut meurtrier sur un piédestal de glace. C’était impressionnant... Fred avait déjà un tel niveau de puissance avec sa magie ? J’avais eu peur... pour elle surtout. Je m’en voulais de la laisser me protéger. Les paroles d’Ewan me revenaient en tête... « T'es une grosse merde, tu peux même pas contrôler ta magie ou quoi ?! » Un sourire triste traversa mon visage, aussitôt effacé. Il n’avait pas tord.

Fred m’a aidée à me relever et à me réchauffer un peu. Je suis un peu gênée d’accepter sa veste, j’ai déjà mon manteau alors elle ne fera pas grand-chose de toute manière, mais le geste lui ne me laisse pas insensible... Fred est vraiment une drôle de fille, déjà à me dire de rentrer chez moi et d’aller prendre un chocolat chaud. Et puis, soudainement, elle s’arrête de parler et sourit un peu bêtement, en réalisant que rentrer ne serait pas chose des plus aisées. Mais je ne lui en veux pas... ce n’est pas sa faute, elle essaye de me remonter le moral.

Seulement... un imprévu venait de survenir. La statue du loup gelé... elle se mettait à pencher dangereusement, menaçant de s’effondrer. Et la raison était simple... la glace qui la constituait avait commencé à fondre. Ce n’était plus l’affaire de beaucoup de temps, à présent. Alors que je faisais un pas en arrière, le loup chuta de son piédestal et s’étala sur le flanc dans un craquement sourd. Ses pattes encore prisonnières le maintenaient dans cette position, mais plus pour très longtemps.

« On doit filer, vite. »

A peine eu-je le temps de parler que sa mâchoire venait de rompre la glace sur le muselait et son grognement sinistre nous proférait ses sombres menaces. Sans perdre un instant, j’ai pris la main de Fred et me suis précipitée au dehors. On a dévalé les marches enneigées pour regagner le chemin qui traversait le village, on a couru sans s’arrêter. Mais dans toute cette neige, il était impossible d’espérer fuir. A peine sorties du manoir, l’animal au pelage immaculé se tenait déjà en haut des marches, souriant de tous ses crocs éclatants. Il fumait, comme si la colère faisait littéralement bouillir tout son être. Quelques cristaux de givres perlaient encore sur son pelage, que sa magie achevait de faire fondre. Un loup doté du pouvoir d’Amaterasu, la déesse du soleil.

Cette fois-ci pourtant, son approche ne fut pas aussi agressive. Il se méfiait, observait chacun de nos mouvements. Une bourrasque de vent à balayé le village, comme une gifle glaciale sur mon visage. Je dois utiliser ma magie... de toutes mes forces, je priais pour qu’elle me réponde.
Et soudainement, le temps s’est assombri. Des nuages noirs se sont formés, se sont groupés dans le ciel au dessus de nos têtes. Ce n’était plus des flocons qui tombaient, non... mais des grêlons, et pas des petits. De billes de glace qui venaient marteler les pauvres inconscients qui avaient choisi de fuir leur abri. Pourtant, ce n’était pas moi qui les avaient invoqués... quelque chose d’autre était à l’œuvre. Peu importe. J’ai tendu mon bras devant moi et j’ai appelé ma magie. Au creux de ma main, j’ai senti comme une faible énergie répondre à mon appel. Comme une présence à mes côtés. Je ne pense pas pouvoir matérialiser quelque-chose avec, mais elle ferait l’affaire.

« Fred je... tu me fais confiance ? »

Même si ce n’était pas le cas... je la protégerai. Même avec cette stupide magie que je n’arrive pas à contrôler, je ne la laisserai pas se faire mal.