J'ai pas envie d'avoir peur, alors je vais juste me mettre en colère [ingrid et Hector]

Je les ai vus arriver, et j’ai tout de suite compris le problème. En l'occurrence, c’était moi. Moi, et mon ours en peluche, qu’ils n’allaient pas tarder à capturer. Oui, c’était des hommes masqués, tasers à la main, l’air déterminé de ceux qui attendent un joli paquet de fric. A ce moment là de l’histoire, je me suis dis que c’était reparti pour un tour. Que j’allais encore morfler, en compagnie d’adultes de mauvaise qualité. Alors, j’ai même pas cherché à comprendre les motivations derrière l’acte. Je n’ai même pas cherchée à m’enfuir. J’allais, réussir cette fois ci, à les défoncer. Je m’étais fais avoir une fois, et cela ne se reproduirait pas. Je me l’étais juré, personne ne me le referait endurer. Bon dieu, j’avais trop de fierté !

Allongée sur cette branche d’arbre, dans le jardin de Coves, je me suis à moitié relevée. C’était une journée froide, je le sais, car je portais gants, bonnet et écharpe. Le tout dans un rose relativement hideux, dans les goûts de mon père quoi, mais ce n’est pas important. L’important, c’est qu’en les voyant arriver, je me suis mise debout. Une boule de feu à la main, j’ai touchée le tronc de l’arbre, qui s’est d’un coup enflammé. Vous auriez vus cela, c’était mortellement classe, ignoblement génial. Les dernières feuilles prenaient une teinte ocre avant de s’envoler, de se poser à terre dans un grand brasier. L’écorce elle, semblait prendre feu de l'intérieur. Comme on pouvait le voir dans les volcans en éruption.

La main toujours posée dessus, je me suis mise à sourire. L’arbre grinçait sous la douleur, et pourtant, résistait. Me servant d’appui alors que je les regardaient de haut. Que je leurs jetais ce regard, les enjoignant d’oser venir me chercher. Ils étaient onze, et ne semblait pas savoir quoi faire. Regardant un homme qui devait être leurs chef, ils se mirent à encercler l’arbre. Un manieur du feu posa une main dessus. Il pouvait repasser pour la discrétion, personne ne viendrait l’escalader tant que je serait consciente. Alors, je lui ai lancée une boule de feu au visage, pour le faire reculer. Manoeuvre qui sembla marcher, car il se tint un instant le visage, reculant comme s’il avait été brûlé.

- Qui est le suivant ? Venez, j’vais tous vous enculer.

C’est toi qui a fait tout ce merdier ?

Ingrid, de sa voix fluette, l’imita comme elle pu. Prenant une voix grave, et un air courroucé. La jeune fille plaça alors ses deux poings sur ses hanches et toisa le nouveau venu d’un oeil arrogant. Il était vrai qu’elle venait de mettre quelques types à terre, mais ce n’était pas une raison pour lui parler comme ça. Merde, elle était dans le jardin de Coves, debout sur un tronc d’arbre littéralement en train de brûler. Si ça, c’était pas classieux.  

Bien sur que c’est moi, baltringue ! Tu crois quand même pas qu’on est du même niveau ?

La tête rose fut pourtant désarçonnée dans son élan. Se prenant une gerbe d’eau en plein visage. Tel un chaton noyé, elle regarda sans comprendre le type qui l’avait mise à terre. Le choc avait été rude, assez pour qu’elle se fasse mal aux mains et au nez. Mais cette seule perspective la mit en colère. Qui était t’ il, ce manieur de pacotille, pour lui infliger pareil supplice. Qui plus est, juste après qu’elle se soit vantée de sa force. Dans son esprit étriqué, Ingrid ne voyant qu’une façon d’en finir, le taper encore plus fort, pour le punir de cet acte qu’elle jugeait impardonnable.

Pourtant, une fois à terre, sans lui laisser le temps de riposter - elle avait quand même ouvert la bouche pour les insulter - trois autres cagoules se jetèrent sur elle. L’un lui immobilisa les mains dans le dos, tandi que les deux autres utilisaient une maîtrise approximative pour lui créer des entraves de pierre. Ou était cette putain de nounou quand on avait besoin d’elle ? La petite en était frustrée. Tellement qu’elle eut envie de cracher du feu, là tout de suite maintenant et de s’embraser, pour réellement les brûler. Ce qu’elle fit, sans donner de préavis. Montrant non sans fierté, qu’elle aussi, elle pouvait se créer une armure élémentaire.

Son corps recouvert de feu était quelque chose d'effrayant, assurément. Comme pour l’arbre avant elle, la demoiselle semblait brûler de l'intérieur. Elle ne semblait avoir n’y yeux, n’y cheveux. Quant aux habits, ils étaient sous cette couche incandescente. A ce moment là de l’histoire, seule une forme vaguement humanoïde se découpait donc sur le ciel de cette journée. Enragée, la rose ne tenait déjà plus compte du nouveau venu, lui aussi encerclé par des troupes ennemies. Seul lui importait le fait de se battre, là tout de suite maintenant, et alors qu’elle allait le faire. Elle entendit des bruits de pas. Des bruits tranquiles, et pourtant inquiétants.

Car la seule personne qu’Ingrid craignait vraiment était son père. William Coves de son état, PDG pour le travail et assistante sociale dans la vie privée. Elle avait essayée de le tuer un nombre incalculable de fois, en vain. Mort aux rats dans le café, éclats de verre dans la nourriture, et aiguilles de couture sur sa brosse à cheveux. Il était passé au travers de tout cela, et bien plus encore. C’était cette pseudo immortalité qui le rendait si effrayant, et si agaçant à ses yeux. Oui Ingrid ne pouvait pas le supporter, et pourtant, d’instinct en l’entendant arriver, elle se sentit sauvée.

Applaudissements. Coves s’approcha d’eux, caressant la tête de sa fille au passage. Cette dernière le regarda comme s’il venait de lui dire une énormité, avec cette interrogation non feinte dans les yeux. Calmée de voir qu’elle ne risquait plus rien. Étonnée de voir qu’il allait surement montrer une maîtrise de la magie, alors qu’il ne l’avait jamais laissé pensé. Il s’approcha donc des gens, applaudissant leurs prestations qu’il venait de ruiner. Applaudissant cet inconnu qui venait de sauver son plus grand trésor comme si de rien n’était. Et la fumée, d’un coup, s’était évaporée. L’arbre était redevenu comme avant, si ce n’est un peu plus grisé, un peu plus vieilli par l’épreuve qu’il venait d’endurer. William s’approcha du jardinier, lui tendant une main devant les ravisseurs interloqués.

- Bonjour, je crois que vous avez déjà fait connaissance avec ma fille. Je suis William Coves, enchanté.

Un homme brandit un pied de biche, prêt à venger ses amis tombés au combat. Prêt à reprendre l’affrontement là ou il était resté avant que l’homme en costume trois pièces n'apparaisse. Mais c’était une vaine action, qui fut stoppée dans l’oeuf par un père attentionné. Un bruit de sifflement se fit connaître, avant que le sang ne coule à flot. William venait, avec sa maîtrise de l’air, de lui couper la gorge, en plein dans la jugulaire. Lui, ainsi que tous les autres encore vivants. Arrosant l’herbe de leurs sangs. Mais le pire fut la suite, car sans regarder ses victimes agonisantes, il se tourna vers Ingrid, affichant cet air ennuyé qu’aucun père ne devrait avoir dans cette situation.

- Oh mince, il y a du sang sur ta joue. Vient ici ma chérie, je vais t' essuyer le visage.

Il lui tendit les bras, sortant un mouchoir et se mettant à portée, et ce, alors même que la petite même n’osait bouger. Sortant de sa torpeur, elle se laissa faire, pour la première fois face à cette marque de tendresse. Elle se laissa aller à l’affection feinte de son père adoptif pour qu’il lui enlève cette trace carmin sur sa joue pâle.

- Venez monsieur Santoro, nous allons prendre le thé. Monsieur Lestfar est déjà au courant.

Inutile de demander comment il avait pu deviner le nom de l’employé, n’y même comment il avait pu prévenir son voisin à temps de cette situation. Mais il ne fallait pas demander, William Coves était un monstre. Le genre de type qu’on rencontrait en temps que boss de fin de partie. Un boss qu’on se serait pas attendu à avoir, et qu’on détestait avoir à combattre. Ce pauvre petit jardinier allait t’il décider d’entrer dans l’antre du loup ? Allait t’il décider de le suivre, au mépris du danger ? C’était là une question auquel lui seul pourrait répondre...