Visite médicale pour Elina. {Emily/Elina}

Une nouvelle journée d’école commençait pour Elina. Cela faisait déjà trois jours que sa mise au repos était terminée, mais les conséquences de son absence de seulement deux jours n’avaient pas encore fini de la poursuivre. Tout d’abord, il y avait les rumeurs. Le fait qu’elle soit revenue avec une blessure au front ne manquait pas de susciter l’intérêt de plusieurs personnes, et face au manque de détails des explications de la demoiselle, qui s’était contentée de parler d’un accident, les blancs de ces dernières furent rapidement remplis avec les suppositions des autres. Certains pensaient qu’elle avait des parents violents, et qu’elle s’était fait frapper violemment. D’autres pensaient qu’elle avait été agressée, peut-être même violée. Enfin, ceux qui l’appréciaient le moins affirmaient qu’elle devait être membre d’un gang de voyous, et que c’était lors d’une altercation qu’elle avait reçu sa blessure. Heureusement, ceux de sa classe, eux, s’en tenaient à la thèse de l’accident. Enfin, si la plupart d’entre eux prenait la chose avec légèreté, se contentant de lui souhaiter bon rétablissement, ce ne fut pas le cas pour une certaine personne… Oui, une autre conséquence de son absence était la réaction excessive de sa voisine de table face aux évènements, dont la version officielle était pourtant beaucoup moins dramatique que ne l’était les faits en réalité. Cependant, c’était déjà suffisant pour déclencher toute une vague d’émotion chez la jeune brunette… Aujourd’hui encore, Elina se souvenait avec précision de son retour au lycée, alors que d’habitude, ce genre d’épisode aurait déjà été occulté dans un coin de sa tête…

Elle venait à peine de mettre un pied en classe lorsqu’un cri strident retentit, ce qui ne manqua pas de la faire sursauter. Mais elle n’eut pas davantage de temps pour se remettre de sa surprise qu’une seconde venait déjà pointer le bout de son nez :

- Eliiiiiinaaaaa !!!

Sans qu’elle s’y attende, quelqu’un vint l’étreindre, et sa tête se retrouva pressée contre le torse de cette personne. Au début, elle se demanda qui pouvait se permettre autant de familiarité avec elle, mais il ne lui fallut guère de temps pour deviner l’identité du coupable… Déjà, la voix lui était familière, mais surtout, dans cette classe, elle ne voyait qu’une personne capable d’agir de la sorte. Et puis, sa tête se trouvait logée contre une surface douce et moelleuse… Sentant ses joues prendre feu, Elina avait attrapé les épaules de sa voisine de table, et avait repoussé son étreinte, non sans difficultés. La tenant à distance d’elle afin d’éviter une nouvelle séance de câlins, elle s’était exclamée :

- T-t-t-t-tu fais quoi là !?

- Ouiiiiiin, je me suis inquiétée pour toiiiii ! J’ai cru qu’il t’était arrivé malheur !

C’était à ce moment-là qu’elle avait vu son pansement au front. Ses yeux s’étaient écarquillés, et des larmes s’étaient remises à couler. Momentanément privée de la parole, il ne lui avait cependant pas fallu longtemps pour la retrouver…

- Elina… Qu’est-ce… Qu’est-ce qu’il t’est arrivé !? Tu vas bien ? Tu te sens bien ? Tu ne vas pas mourir, au moins ?! Noooon, ne meurs paaaaas !!!

Et elle essaya à nouveau de l’attraper dans ses bras, si bien qu’Elina dut à nouveau la repousser, plaçant une main contre sa joue pour la tenir à distance, ce qui modifiait les paroles qu’elle prononçait :

- Ewiiiinaaa, je weux pwas que tu meeeeuw !!!

Cette scène ne manqua pas de déclencher les rires des autres élèves déjà présents, tandis qu’Elina peinait à maintenir une distance sure entre elles deux tout en essayant de lui faire comprendre qu’elle n’allait pas mourir. Lorsqu’elle fut enfin convaincue, elle ne la laissa pas en paix pour autant… Non, maintenant, elle estimait qu’il était de son devoir de veiller sur elle, afin qu’elle se ménage au maximum. Elle insista entre autres pour qu’elles mangent ensemble le midi, et bien qu’elle refusa dans un premier temps, elle finit par céder, plus pour qu’elle arrête de la harceler que pour réellement lui faire plaisir… Elle insista aussi pour porter son cartable, pour l’accompagner partout où elle allait. Elle voulait même la suivre aux toilettes, mais le regard noir qu’Elina lui lança lorsqu’elle évoqua cette possibilité réussi à lui faire abandonner cette idée.

Et aujourd’hui encore, cela continuait… Elle avait beau avoir pu constater qu’elle se portait bien, elle ne cessait de la coller. Sa nouvelle obsession, maintenant, c’était d’obtenir son adresse. La discussion se tenait dans le bus qui les menait faire une visite médicale. Elina avait appris la nouvelle le jour de son retour, ce qui ne l’avait guère enchantée… Elle venait justement de subir une batterie de tests divers quelques jours auparavant, alors elle estimait que si sa santé était menacée, elle aurait été prévenue ! Mais malheureusement, les tests et examens passés lors de cette visite différaient de ceux qu’elle avait subis auparavant, et quand bien même, tous les élèves devaient se plier à cette formalité. L’idée de se balader à moitié nue devant des inconnus ou ses camarades de classe n’avait cependant rien de séduisant… Mais ses appréhensions allaient devoir attendre, car la discussion n’était pas terminée… La jeune fille exposait des arguments de toutes sortes afin d’obtenir l’information qu’elle désirait, sans rencontrer grand succès toutefois.

- Allez, donne-moi ton adresse ! Comme ça, je pourrais venir te rendre visite si jamais tu as de nouveau des problèmes.  Je pourrais t’apporter les devoirs, les feuilles de cours, te prévenir pour les interros, vérifier que tu vas bien, et te faire à manger ! Je pourrais même t’aider si tu dois te changer, et tout ça !

Elle prononça ce dernier argument comme s’il s’agissait de son atout, sans se rendre compte que c’était justement celui-ci qui achevait de la dissuader d’accepter. La discussion se poursuivit jusqu’à l’arrivée à l’hôpital d’Ikazuchi, et Elina ne put s’empêcher de penser à Emily. Elle savait qu’à cette heure de la journée, elle travaillait dans ce complexe hospitalier. Fort heureusement, elle savait que son secteur d’activité se trouvait dans les services d’hospitalisation, aussi il aurait vraiment fallu jouer de malchance pour qu’elles se rencontrent. D’ailleurs, l’endroit où se déroulait la visite médicale se situait dans une aile différente, alors même au détour d’un couloir, il n’y avait que peu de chance que cela se produise. Heureusement, car cela risquait de soulever des questions gênantes…

Aussi, fut-ce pas le moins du monde inquiète qu’elle se rendit dans la salle d’attente, sans prêter attention à la personne qui les faisait entrer. Mais son insouciance prit fin aussi brutalement que si on lui avait retiré la chaise sur laquelle elle était assise… Une voix retentit, une voix claire, qu’elle connaissait bien. Très bien, même… Levant les yeux vers la source de la voix, elle repéra celle dont elle s’était attendue à voir le visage. Sa colocataire se tenait devant la foule d’élèves rassemblés, expliquant comment allait se dérouler la visite médicale. Mais qu’est-ce qu’elle faisait ici ?! Il n’y avait aucun patient hospitalisé dans cette pièce ! Pas possible, c’est ici qu’elle travaillait, aujourd’hui ? Mortifiée, Elina fixait intensément la jeune femme, et ce qui devait arriver arriva, leurs regards se croisèrent. Une légère expression de surprise apparut sur son visage, mais ne la laissa transparaître qu’un bref moment. Professionnelle, la demoiselle ! Il n’empêchait qu’Elina aurait pu parier qu’elle avait vu une lueur amusée dans le regard de la jeune femme. Quelque chose lui disait que la soirée risquait d’être animée…

Heureusement, Emily disparut derrière une porte, lui accordant ainsi un léger répit. Elle continuait cependant à fixer la porte en question, comme si elle n’arrivait toujours pas à croire qu’elle puisse jouer à ce point de malchance. Et ce, jusqu’à ce que son attention soit attirée par une autre jeune fille :

- Elina, ça va ? Tu fais une drôle de tête… Ne me dis pas que… C’est ta blessure ?! Tu ne te sens pas bien ? Tu as des vertiges ? Je vais…

Elina plaqua sa main contre la bouche de la jeune fille, avant qu’elle ne rameute tout le personnel soignant de l’hôpital. Elle passa la quinzaine de minutes qui suivit à la convaincre qu’elle avait simplement été distraite, et qu’aucun malaise ne se profilait à l’horizon. Les heures qui suivirent se montrèrent monotone. Les garçons furent les premiers à passer devant le docteur et sa clique, et puis ce fut au tour des filles. Comme elles étaient en droit de décider elles-mêmes de qui passait en premier, Elina fit en sorte de passer dans les dernières, dans l’espoir secret que le tout dure suffisamment longtemps pour qu’Emily doive se rendre en cours. Malheureusement, la machine du personnel soignant était bien huilée, si bien que les visites s’enchaînaient à vitesse régulière. Et finalement, ce fut son tour à elle de se rendre dans le petit vestiaire. Bien contre son gré, elle suivit les directives énoncées par Emily plus tôt. C’est donc en débardeur à fines bretelles et petite culotte qu’elle quitta son refuge, pour arriver dans la pièce où se déroulerait les différents tests à passer avant d’aller rendre visite au médecin. Avec elle, se trouvait quatre autres jeunes filles, toutes en petite tenue elles aussi, et Elina ne put s’empêcher de sentir le feu lui monter aux joues. Pas facile de rester de marbre face à un spectacle de ce genre… Heureusement, cette réaction pouvait sans mal être associée à la gêne de se retrouver dans cette tenue. D’ailleurs, l’une des filles présentes lui adressa un petit sourire contrit, les joues rosissantes elle aussi, ce qui indiquait qu’elle aussi n’appréciait pas forcément la situation. Elle était plutôt jolie, maintenant qu’elle y regardait de plus près… Argh non, elle ne devait pas laisser ses pensées partir dans cette direction ! Elle alla donc s’asseoir sur une chaise, attendant que vienne son tour de passer les tests. Ce qui ne prit guère de temps, on lui demanda bientôt de se lever afin de pouvoir prendre ses mesures. Ainsi, taille, poids et mensurations furent prises. Alors que l’infirmière prenait cette dernière mesure, son inséparable camarade rentra à son tour, lui adressant un petit signe de la main en même temps qu’un sourire. Pour sa part, elle ne put s’empêcher de lui jeter un œil, et ce qu’elle vit lui fila quelques palpitations. La vision ne manquait pas de charme, tout comme les formes qu’elle arborait. Aussi, détourna-t-elle le regard afin de s’éviter un coup de chaleur. Cette fois encore, elle constatait tout l’attrait que cette jeune fille possédait, chose à laquelle elle n’avait pas prêté attention jusqu’à présent. Mais heureusement, les autres tests reprirent, et son attention fut donc requise pour ceux-ci. Sa vue et son ouïe étaient parfaites, et son test d’urine ne présentait aucune anomalies, il ne lui restait donc plus qu’à passer voir le médecin. Elle n’avait plus vu la moindre trace d’Emily depuis, avait-elle donc quitté cet endroit ?

Mais ces espoirs furent vains… Lorsqu’on lui indiqua de se rendre dans le cabinet du médecin, elle franchit la porte indiquée pour se retrouver nez à nez… avec la jeune femme, qui lui indiqua une table d’examen sur laquelle elle s’assit. Pas de chance… Le médecin apparut alors, un homme pour son malheur, barbu qui plus est. Alors qu’il s’apprêtait à l’ausculter, Elina ne put s’empêcher de lâcher d’un ton farouche, mais à voix basse toutefois :


- Faites gaffe à où vous poser vos mains.

Heureusement, le docteur prit la remarque avec humour, souriant même. Mais avant qu’il n’ait le temps de commencer véritablement, une infirmière débarqua, annonçant que le médecin avait reçu un appel important, et il s’éclipsa donc afin d’y répondre. Ce qui laissa nos deux comparses seules dans la pièce. Rapidement, Emily laissa son caractère habituel refaire surface, faisant un petit commentaire sur le fait qu’elle ne lui avait pas dit qu’il y avait des filles aussi mignonnes qu’elle dans sa classe, le tout accompagné d’un petit ricanement. Elina répliqua donc :

- S… Si tu le dis.

Détournant les yeux, Elina agit comme si aucune rougeur n’était passée sur son visage. Souriant, Emily revint avec une autre question, cette fois concernant les vaccins. Est-ce qu’elle en avait peur ? Elina garda le silence un moment. La réponse était toute trouvée, mais elle n’était pas facile à annoncer pour autant… Néanmoins, le mutisme n’allait pas les faire avancer, aussi se lança-t-elle :

- Pour tout te dire, je n’aime pas les piqûres.

Cependant, ce sentiment n’était pas né d’une phobie infondée, ou la peur de la douleur provoquée par l’acte en lui-même. Non, la raison était toute autre…

- Ce n’est pas à cause de la douleur, ou autre chose du genre. C’est juste que… avec ma mère…

Elina n’en dit pas davantage. Emily savait pour le passé tumultueux de la jeune fille, et le fait que sa mère était morte d’une overdose. Mais il était vrai qu’elle ne lui avait jamais précisé de quelle façon exactement elle l’avait fait. Sa mère se faisait des injections afin de pouvoir prendre sa drogue, c’était donc une injection trop forte qui lui avait coûté la vie. Dès lors, bien qu’elle n’ait pas spécialement peur des piqûres, l’image qu’elle en avait était altérée par le souvenir de la mort de sa mère…

Emily semblait avoir très bien su remplir les blancs qu’elle avait laissés dans sa réponse, et ce fut l’air désolée qu’elle lui annonça qu’il n’y avait pas d’alternatives existantes pour cette vaccination. Dans le futur, peut-être, mais à l’instant présent, seul une piqûre permettait de bénéficier des bienfaits de celle-ci. Il n’y avait cependant pas besoin de se sentir désolé pour elle. Bien qu’elle en ait une mauvaise image, et garde de ce fait un a priori, Elina ne rechignait pas face à une aiguille. C’était jusque… les piqûres lui rappelait de mauvais souvenir, aussi ne pouvait-elle s’empêcher de se sentir angoissée en leur présence. Mais bon, certaines choses étaient inévitables, aussi s’était-elle habituée à faire fi de son ressentiment à l’égard de cet objet pointu.

Mais la piqûre ne vint pas tout de suite. Auparavant, Emily crut bon d’inspecter son front, afin de voir plus en détails l’évolution de sa blessure. Il faut dire que ce n’était que depuis la veille au soir qu’elle ne portait plus rien dessus, aussi était-ce une bonne occasion pour elle de satisfaire sa curiosité. La jeune femme constata que ses cheveux recouvraient la plaie, ce qui constituait un camouflage plus que suffisant aux yeux d’Elina. Mais ce n’était pas l’avis de l’infirmière en devenir, qui pour sa part estimait que faire appel à quelques artifices ne serait pas superflu. D’ailleurs, une sortie shopping semblait être l’idéal pour pallier à ce problème. Et tout ça, sous prétexte de pouvoir séduire quelqu’un de son entourage… Comment cette idée farfelue avait bien pu lui passer par la tête ? Elle n’avait pourtant pas remarqué avoir eu un comportement qui pouvait faire croire cela… Ou bien avait-elle vu la jeune fille qui la suivait comme son ombre adopter un comportement particulier à son égard ? Pourtant, elle s’était pourtant bien tenue pour le moment… Quoi qu’il en soit, elle avait encore le temps de réfléchir à la question, vu qu’après tout, cela ne serait possible que d’ici le lendemain après-midi. Et surtout, Elina avait bien envie que cette visite médicale se termine, afin de pouvoir enfiler à nouveau son uniforme. Après tout, se retrouver à moitié nue, même devant Emily, ce n’était pas son activité favorite…

L’heure était maintenant venue de passer à l’acte préalablement abordé, mais il restait cependant un dernier détail à définir avant de pouvoir l’exécuter : où la jeune femme allait-elle donc lui injecter le vaccin ? Selon ses dires, la zone recommandée était celle des fesses. Mais elle n’était pas née la personne qui serait en droit de lui enfoncer une aiguille dans les fesses ! Aussi, déclara-t-elle que sa cuisse serait le lieu où elle devrait exercer son art. Allongée sur la table, Elina laissa l’aiguille transpercer sa peau, au moment même où le médecin revenait de son appel. Les fesses tournées dans sa direction, la jeune fille n’apprécia guère cette arrivée impromptue, mais heureusement, Emily faisait obstacle de son corps, cachant relativement bien à sa vue son fessier peu vêtu. L’injection finie, la consultation avec le docteur pouvait reprendre là où elle s’était arrêtée. Le barbu consulta les différents résultats des tests qu’elle avait passés, mais comme il n’y avait aucun problème à signaler, il ne fit pas de commentaire à ce sujet. Il s’attarda un instant sur les différentes mesures qui avaient été prises :

- Hmm, tu es plutôt petite pour ton âge…

Piquée au vif, Elina répliqua :

- Peut-être, mais au moins, même mon ventre est petit, contrairement à certains !

Le docteur éclata de rire, apparemment il appréciait la répartie de la jeune fille. La suite de la consultation se passa sans encombre, et Elina fut autorisée à retourner s’habiller. Sans demander son reste, elle se précipita vers la porte, dont elle saisit la poignée. Elle tira alors, pour se retrouver nez à nez… avec son inséparable amie. Mais la scène ne s’arrêta pas là… En effet, la jeune fille s’apprêtait à entrer dans la pièce, autant qu’elle s’apprêtait à en sortir. Et toutes deux avaient saisies la poignée de la porte. Résultat : avec la force avec laquelle Elina avait tiré la porte, la jeune fille avait été propulsée en avant. Et bien sûr, en face d’elle ne se trouvait personne d’autre que la jeune russe… La suite se passa trop vite pour qu’elle ne comprenne exactement ce qu’il se passait. Sous l’effet de l’impact contre sa camarade de classe, Elina bascula en arrière. Elle essaya de se rattraper, balançant ses bras dans tous les sens, mais en vain, sa chute fut inévitable. Le choc lui coupa le souffle un instant, mais elle parvint à éviter de se cogner la tête. Elle venait à peine de se remettre de sa blessure à la tête, mieux valait en éviter une autre.

De nouveau allongée, Elina se remettait doucement du choc, les yeux fermés. Elle essaya de se relever, mais son corps était trop lourd que pour y parvenir. Elle voulut alors déplacer ses bras afin de prendre appui sur le sol, et entendit soudain un bruit, précédé d’un son étrange :

*Munyu*

- Gnyah…

Bizarre… Elina bouga à nouveau ses mains, et à nouveau le son se fit entendre :

*Munyu*

- Gnyaaaah !!!

Ouvrant finalement les yeux, le spectacle qui s’offrit à elle lui arracha un glapissement de surprise. Au-dessus d’elle, se trouvait sa voisine de table, le visage rouge. L’une des jambes de cette dernière se trouvait pressée contre son propre entrejambe, et ses mains encadraient sa tête. Leurs visages se tenaient à quelques centimètres seulement l’un de l’autre. Mais le pire, c’était que ses mains à elle se trouvaient… sur… sur… la poitrine de la jeune fille ! Son visage vira au rouge plus vite que l’aurait fait un feu de signalisation. La jeune fille choisit cet instant précis pour dire :

- E… Elina, sois douce s’il-te-plaît…

Face à ces propos, Elina ne trouva rien à redire. Elle était figée, comme pétrifiée. Entre la gêne ressentie à cause de la situation et l’excitation qui la gagna, il était difficile de savoir comment réagir. Sans compter que toutes les deux étaient en petite tenue… L’imagination de la jeune russe carburait à cent à l’heure, se visionnant dans sa tête toute une série de scénario plus… Enfin, mieux ne valait pas entrer dans les détails… Et le pire, c’était que par-dessus-tout, il y avait LA personne qu’elle n’aurait jamais voulu voir assister à la scène présente juste à côté… Emily en effet ne pouvait pas louper une miette du spectacle, et ce même si elle l’avait voulu. Que faire ? La voyant garder le silence, sa camarade de classe commença à s’inquiéter :

- Elina ? Est-ce que ça va ? Pourquoi tu ne dis rien ? Tu ne t’es pas cogné la tête au moins ?

La voix de la jeune fille la ramena à la réalité, aussi s’empressa-t-elle de lui répondre :

- N… N… Non, ça va, mais r… relève-toi !

Elle eut le geste malencontreux de bouger ses mains, déclenchant un nouveau cri de la part de l’a jeune fille. Se raidissant à nouveau, elle attendit que sa camarade ne s’écarte d’elle avant de bouger à nouveau. Toutes deux en position assise désormais, elle espérait essayer de faire comme si de rien était, mais la jeune fille eut le malheur d’ajouter, le visage toujours écarlate :

- Ce… C’était… intense…

Fallait-il vraiment qu’elle rajoute ces derniers mots, et surtout avec cette expression-là ? Dans son dos, Elina avait l’impression de sentir un regard peser sur elle, un regard qui la dissuadait de se retourner. Si elle sentait que la soirée allait être agitée auparavant, elle était sure maintenant qu’elle n’échapperait pas à une discussion animée lorsque sa colocataire rentrerait de sa journée de cours…

La scène qui venait de se dérouler était déjà suffisamment gênante ainsi, mais apparemment pas assez pour certaines personnes. Assaillie par les rires tonitruants du médecin et de son infirmière, Elina sentit le feu lui remonter aux joues. Heureusement qu’elle avait acquis une bonne maîtrise de sa magie, sans quoi elle aurait probablement provoqué une nouvelle ère glaciaire dans la pièce… Sa camarade de classe, pour sa part, se contentait d’un rire gêné. Bon sang, pourquoi diable réagissait-elle ainsi ?! De ce qu’elle connaissait d’elle, elle aurait dû normalement se joindre de bon cœur aux rires qui lui vrillaient les tympans aussi efficacement que l’aurait fait une foreuse ! Au lieu de quoi, elle restait assise, tout comme elle, le visage écarlate et une expression embarrassée par-dessus le tout. Les rires finirent par se taire, mais le docteur n’en avait pas encore fini avec elle. Il y alla de son petit commentaire sur la fougue de la jeunesse qui venait de se manifester devant lui, avant de les inviter à se relever. Elina ne se le fit pas dire deux fois ! Comme si elle avait été montée sur des ressorts, elle se redressa d’un bond, et fila en coup de vent hors de la pièce, passant devant les dernières filles encore présentes dans la salle où se déroulaient les différents tests qu’elle-même venait de passer.

De retour dans la petite pièce qui servait de vestiaire, la demoiselle s’assit sur la chaise mis à sa disposition. La tête entre les mains, elle pouvait sentir la chaleur qui s’en dégageait. Pour peu, elle aurait cru avoir de la fièvre tant elle était brûlante ! En parlant de mains… Elina plaça ses deux mains devant elle, les fixant comme s’il s’agissait de créatures étranges et non d’une partie de son propre corps. Et alors qu’elle poursuivait son observation, ses doigts eurent soudain un léger mouvement de recroquevillement, comme s’ils se trouvaient encore sur la poitrine qu’il venait de quitter quelques instants plus tôt. En voyant ce geste inconscient, le visage de la jeune fille s’embrasa à nouveau, à tel point que de la vapeur se mit à sortir de son visage. Au sens littéral du terme ! Elle avait su le contenir jusqu’à présent, mais maintenant, à l’abri des regards, son pouvoir se manifestait. Mais sur le coup, elle n’y prêta même pas attention… La scène qui venait de se dérouler se rejoua dans sa tête, et elle ne put retenir un petit cri étranglé :

- Gyaaargh !

Tout en tapant du poing sur le mur en face d’elle. Un autre cri ne tarda pas à se manifester, de l’autre côté du mur :

- Îiiiiik !

Elina venait de taper du poing sur un mur qui donnait sur une autre cabine, dans laquelle une autre jeune fille devait se déshabiller ou se rhabiller, et le coup devait l’avoir surprise. Cherchant à reprendre contenance, la demoiselle s’intima de se calmer, prenant de profondes respirations, cherchant à focaliser son esprit sur autre chose. Comme elle n’y parvenait pas, elle décida de recourir à un souvenir qu’elle avait essayé de refouler de son mieux, et dont elle savait qu’il calmerait ses ardeurs plus efficacement qu’une douche froide. Elle se remémora ce jour particulier où elle et sa classe avait eu le privilège d’avoir un professeur remplaçant pour le cours de math. La vision d’un pantalon tombé et de ce qui se cachait en dessous… Un long frisson parcouru tout son corps, de la base de sa nuque jusqu’au bout de ses orteils. Les rougeurs de son visage laissèrent place à une pâleur cadavérique, et son cœur rata quelques battements. Enfin, lorsqu’elle rangea ce… souvenir dans le coin très profond de sa tête d’où elle l’avait sorti, elle constata qu’elle s’était considérablement calmée. Néanmoins, les effets résiduels de ce qu’il s’était passé il y a quelques instants étaient toujours présents, bien qu’il ne s’agisse seulement que de joues qui gardaient une légère teinte rosée.

Mais il était plus que temps de quitter les quatre murs dans lesquels elle s’était confinée pendant de longues minutes. Se rhabillant en vitesse, elle quitta le vestiaire pour revenir du côté vêtue de sa classe, avec l’impression que tous les regards étaient braqués sur elle. Enfin, certains en effet étaient fixés sur sa personne, mais ils ne le restèrent pas longtemps. Fort heureusement, ce qui venait de se produire précédemment n’avait pas atteint ce côté-ci. Pas encore… Elina retourna s’asseoir à sa place, comme si elle n’en avait jamais bougé, comme si rien de gênant, ou d’excitant ne s’était jamais produit. Sortant un livre auquel elle n’avait pourtant pas encore touché jusqu’ici, elle prit soin de se tourner dos au mur qui recelaient les portes menant au cabinet médical, dans une position peu naturelle. Mais bien qu’elle ait eu les yeux fixés sur l’ouvrage, son cerveau lui n’était pas focalisé sur les mots qui s’ouvraient à elles. Un horrible sentiment la gagnait, quand elle pensait au fait que ces deux-là se retrouvaient réunies dans la même pièce, surtout après une scène de ce genre. Elle avait le pressentiment que là-bas, elle était devenue un sujet de conversation entre les deux jeunes femmes. De quoi étaient-elles en train de parler ? Qu’est-ce qu’Emily allait faire ? Cette sensation qui l’avait gagné ne la quittait pas, comme si un malheur s’apprêtait à lui tomber dessus. Mais non, Emily avait fait preuve d’un professionnalisme exemplaire, jusqu’à maintenant. Elle n’aurait surement pas été jusqu’à dévoiler des informations personnelles à sa camarade de classe, non ? Non, cela ne se pouvait pas, n’est-ce pas ? Non…

Et pourtant, l’avenir allait lui prouver le contraire… En effet, quelques minutes plus tard, la jeune fille qui était la cause de tous ses émois ressortit à son tour des vestiaires. Bien qu’elle se soit obstinée à rester dos tourné à cette direction, elle avait la certitude que c’était bien elle qui venait de revenir. Déjà, elle était la suivante à devoir avoir fini la visite… Des bruits de pas pressés s’approchèrent rapidement, et la jeune fille en question vint s’asseoir en face d’elle, plus rayonnante qu’un soleil une journée d’été. Cette expression ravie qu’elle arborait ne lui disait rien qui vaille, mais alors rien du tout… Et de fait, son intuition s’avéra exacte…

- Héhé, Elina, regarde ce que j’ai là !

Les joues toujours rosies par la gêne ressentie plus tôt, et ravivée par l’arrivée de la jeune fille, Elina leva les yeux de son livre dont elle n’avait pas lu un seul mot pour voir devant elle un petit papier. Elle ne lui prêta cependant pas tout de suite l’attention à laquelle il avait droit, son regard se portant d’abord sur la demoiselle debout devant elle. Son visage était lui aussi légèrement rouge, mais quelque chose lui disait que cela avait moins avoir avec la scène qui s’était déroulée plus tôt qu’avec l’excitation qu’elle ressentait en montrer le bout de papier qui semblait être un précieux trésor. Finalement, elle consulta les écrits repris dessus. Quelques mots, et quelques chiffres, rien de plus. Mais ces derniers lui donnèrent l’impression de recevoir une décharge électrique. Il s’agissait de rien de moins que la chose que sa camarade avait cherché à obtenir d’elle toute la matinée : son adresse. Comment diable avait-elle obtenu cette information ? Enfin, elle se posait la question, mais au fond d’elle, elle connaissait déjà la réponse… Mais elle voulait laisser place au doute, aussi demanda-t-elle quand même :

- Comment est-ce que tu as obtenu mon adresse ?

- C’est ta grande sœur qui me l’a donné ! Tu ne m’avais pas dit que tu en avais une ! Elle a l’air drôlement gentille je trouve.

Oooh ? Sa « grande sœur » ? De nouvelles rougeurs apparurent sur le visage d’Elina, mais cette fois, ce n’était pas la gêne qui en était à l’origine, mais bien la colère. Finalement, elle s’était trompée. À la poubelle, le professionnalisme ! Emily ne s’était pas gênée pour lui refiler son… enfin, leur adresse sans même se demander si elle serait d’accord. Mais en plus, elle affirmait être sa grande sœur auprès des autres ?! Si encore, elle avait prétendu être une cousine très très éloignée,  genre ancêtre commun remontant à quelques siècles, elle aurait pu l’accepter. Mais là… Une fois encore, Elina constatait la supériorité émotionnelle de la colère. Fini l’embarras ! Sa camarade de classe, à côté d’elle, ne semblait pas avoir remarqué le changement émotionnel de la demoiselle, elle était d’une humeur diamétralement opposée à la sienne. Regardant le papier sur lequel se trouvait l’information tant désirée, elle chantonnait le rythme d’une petite chanson, laissant échapper un petit rire de temps à autre. Elina, elle, ruminait ses mauvaises pensées, se retenant à grande peine d’aller sermonner sa « grande sœur » dans la pièce à côté. Cependant, l’humeur radieuse de la jeune fille à côté d’elle était légèrement contagieuse, si bien que le fait qu’elle ait donné leur adresse commune sans l’avoir consulté de prime abord lui paraissait légèrement moins outrageux. D’ailleurs, il y avait quelques détails à aborder, à ce sujet-là :

- Bon, tu as mon adresse, mais il y a quelques règles à respecter ! Tout d’abord, pas question de venir tous les jours ! Et surtout, tu dois me prévenir à l’avance si tu as l’intention de passer. Pas question de débarquer à l’improviste !

- D’accord, pas de problème ! Héhé, mais ça veut dire que tu dois me donner ton numéro de téléphone, pour ça !

- Euh…

Là, elle la tenait bien ! Enfin, cela aurait été le cas si elle en avait eu un… Brandissant son portable d’un air triomphant, elle attendait de recevoir cette nouvelle information, en vain toutefois :

- Je n’ai pas de téléphone…

- Qu… Quoi ? Mais comment je vais pouvoir t’envoyer des sms alors ?

Des quoi ? Enfin, peu importait le langage technique. Elles continuèrent leur discussion sur l’importance d’avoir un portable de nos jours. Ou plutôt, Elina se contentait d’hocher la tête de temps en temps pendant que sa camarade la mitraillait de mots d’un air enthousiaste. La visite médicale se termina, et tous les élèves regagnèrent le bus qui les avait amenés en ces lieux. Cette matinée s’était révélée bien éprouvante pour la demoiselle… Mais la journée n’était pas encore finie ! Non, la soirée promettait d’être bien animée…

FIN