Daku est à Osnate ! [PV Ingrid]

Vous savez qui elle est ? Elle est Ingrid Coves, une terreur parmi les plus dures. Une colère dans ce monde trop pur. Croyez le ou non, elle tous vous niquer. Enfin non, pas maintenant, pas sur l’instant. Scourgebis est blessé, et c’est elle la fautive. Ce matin, elle a prit un couteau, qu’elle lui a planté dans le ventre. Mais les coutures ont lâchées, et son bébé saigne beaucoup de coton. La petite fille et donc prostrée, ne sachant pas quoi faire pour endiguer l'hémorragie. Cela n’arrive pas souvent, mais elle est fatiguée. Alors, assise dans la rue, elle le câline comme elle peut, enfouissant son visage dans son doux pelage. Pourquoi Shultz n’est pas là ? Ce type ne sert décidément à rien. Pourquoi il l’a laissée seule, encore. Elle qui croyait qu’elle ne serait plus jamais seule, mais il ment. Il ment toujours. Voila pourquoi elle déteste les adultes. Elle a blessée Scourgebis, et personne ne peut m’aider.

- Ce n’est pas ta faute Ingrid, et tu sais, ça ne fait pas si mal. Ce n’est pas la première fois, et certainement pas la dernière.

L’animal en peluche venait de lui offrir son plus beau sourire, un sourire carnassier comme il savait si bien le faire. Mais pour la jeune fille, c’était là non pas un sourire sadique, mais bien celui qu’on employait quand on était contrit. Se faire rassurer par un ours, cela lui suffisait, quand bien même elle parlait seule. Car oui, sans s’en rendre compte, Ingrid venait de s’adresser à du vide, à une partie de sa conscience dérangée. Personne d’autre qu’elle même parlait dans cette ruelle, prenant alternativement le rôle de l’ours et de la petite fille, cela lui arrivait parfois. Elle confondait la réalité.

- Scourgou, jsuis tellement désolée. Je, je me contrôle pas toujours. Je suis tellement désolée.

Mais l’animal ne répondit pas, seule l'hallucination qu’il était en train de lui tapoter la tête demeurait. Ingrid lui caressa la joue, avant de ré enfoncer son visage dans son duvet. Elle était dans cette ruelle depuis trois heures, Shultz l’avait oublié. Oublié, pas cherché alors qu’ils s’étaient disputés. Ce type était ignoble, un vilain adulte, qu’elle allait devoir encore insulter. La petite fille détestait tellement les adultes.

Jsuis pas un enfant, et mes problèmes vous concernent pas.

Les mains toujours dans ses genoux, Ingrid ne prit même pas la peine de répondre correctement. Levant les yeux, elle regarda la nouvelle venue avec morgue, comme pour mieux se moquer d’elle. Des cheveux violets, sérieusement ? Tout le monde savait que le rose était à la mode. Le violet, c’était juste trop voyant quoi. Qui pourrait aimer une telle coupe de cheveux ? Qui pourrait se trimbaler sans avoir honte, c’était la première fois qu’elle en croisait une. Faut dire que l’adulte - et elle répugnait à utiliser ce mot - avait du cran, il fallait au moins le lui reconnaître. En plus d’être moche elle ne s’en formalisait pas. Un double combo qui lui valait d’être, aux yeux de la petite fille, catégorisée dans la case spéciale des gens spéciaux. Elle ressentait cela au plus profond de ses entrailles, les gens spéciaux étaient chiants à écouter, mais pas particulièrement méchants. Des adultes handicapés mentalement, pour ne pas dire carrément attardés, pour la plupart. Un peu comme Osnate, sauf qu’Osnate était intelligente. Alors que celle là, et bien elle avait le regard bovin de ceux qui ont besoin d’assistance pour s’habiller. De la douceur, de la douceur, et rien pour compenser cette perte de capital. Ingrid aurait presque eu envie de la frapper. Mais ça ne se fait pas de frapper les handicapés. C’était là l’un des principes de base que Coves lui avait inculqué, et ce, fourni avec un cour théorique sur la moralité. Après longues deux heures à l’avoir écouté, Ingrid en était venu à la conclusion qu’elle n’aimait n’y la moralité, n’y les attardés. Au moins avait t’ elle arrêté de les frapper. Au moins maintenant, essayait t’ elle de les écouter.

Prenant son ours en peluche déchiré, elle se leva doucement. Faisant très attention à ne pas plus lui faire de mal. Il ronronnait dans ses bras, attendant un geste, une parole de sa maîtresse pour s’exprimer. Mais Ingrid, lui caressant le dos, ne parla pas, pas devant témoins. Coves allait encore dire des mots compliqués pour la qualifier, il allait encore s’empresser de la montrer à un médecin. Comme on exhibe un animal de foire. L’enfant détestait les médecins. En réalité, c’était tout ce qui s’en rapprochait qui commençait à s'agiter. Dentistes, infirmières, pilules anti douleurs, Ingrid se braquait dès qu’elle en croisait un. Les mains croisées sur le torse, refusant de parler, de bouger, tant qu’ils seraient encore à proximité. Mais heureusement pour elle, cette handicapée ne portait pas de blouse blanche. Un bon point, qui donnait moins à Ingrid envie de l’insulter.

M’aider ? Pouvez vous m’offrir plus que je n’ai déjà ? Regardez, j’ai une console, des coloriages, le meilleur des amis... J’ai tout ce que les autres enfants rêvent, qu’avez vous à offrir, si ce n’est vos belles paroles ?

Ingrid ouvrit les bras, montrant d’un geste d'impuissance qu’elle n’attendait rien d’autre que la paix. Elle la défiait maintenant du regard. Un regard dur, sans aucune curiosité. Un regard que n’aurait pas une enfant normale. C’était l’expression d’un adulte fatigué, la haine d’une personne qui ne croyait en rien, si ce n’est ses propres valeurs. La petite fille n’avait pas dit cette phrase au hasard, et, aussitôt prononcée, elle avait commencée à se lever. Sa peluche déchirée toujours entre ses bras, elle se débarrassa de son gilet sale, et lui lui fit enfiler. Comme si son doudou préférée pouvait ressentir la nuit. Comme s’il ne pouvait ne serait ce que penser à avoir froid. Elle lui fit ensuite porter son bonnet, son écharpe, le couvrant avec une étonnante douceur.

Sans attendre la violette attardée, elle commença donc à rentrer chez elle. Traînant un peu des pieds, pour le plaisir de désobéir à un autre ordre de Coves. C’est à ce moment qu’on aurait pu remarquer son état lamentable. Ingrid n’avait pour seul vêtement qu’une petite robe. Ses cheveux, décoiffés, allaient de pair avec la crasse qui semblait l’habiter. Elle avait passée une journée entre les poubelles du quartier, et cela se voyait. La demoiselle ne savait pas conserver la propreté, c’était comme s’il lui manquait les cases qui font d’une personne un individu en bonne santé.

Ingrid s'arrêta, puis regarda cette inconnue avec le regard de ceux qui n’attendent rien. Elle se retourna, et gratta ses cheveux gras. Retirant comme si de rien n’était un morceau de tomate pelée, ses manches blanches maintenant un peu plus tachées. Elle le jeta par terre, au moins ou Scourgebis grinça un peu des dents, ricanant sagement, incitant la demoiselle à le tenir près de son oreille pour qu’il lui confie tous ses secrets. Cette révélation agrandit ses beaux yeux. L’air courroucé, la petite fille se tourna vers la tarée. L’air hautain de ceux qui n’ont que du mépris pour la race des alliés de Rouhama.

- Mon ami dit que vous connaissez Osnate. Vous savez que c’est une meurtrière ? Non, bien sur que non.

Ingrid renifla, et, tenant toujours la patte de son ours, commença à s’éloigner. Son ton avait été sans appel. Une condamnation en bonne et dû forme, une sentence non expliquée. Seulement dite pour elle même. Osnate était une victime, tandis qu’on la considérait comme un bourreau. Injuste, au regard des faits. Mais rien dans ce monde pourri ne l’était. Les adultes étaient des pourris, et c’était sur cette conclusion que la petite avait tablée. Elle avait envie de pleurer. Méfie toi avait dit son ours, méfie toi, c’est une alliée de ta grande soeur. Encore une qui croira que tu ne sers qu’à la mettre en valeur. Eloigne toi, Ingrid, va t’en très loin. Tu ne peux pas lui faire confiance.

- Elle est telleeeeement fragile.

Cette dernière phrase était d’une ironie sans pareille mesure, un murmure, lancé de façon à ce que seuls quelques élus puisse l’entendre. Un sourire aux lèvres, le coeur sur le point de flancher. Elle était fragile ce soir là, elle ferait mieux d’y prendre garde, de ne pas se laisser emporter par ce tourbillon d’émotions.

- Vous n’auriez pas tort, peu importe le contexte dans lequel vous vous placeriez, hein ? Je déteste ma vie et ce à quoi elle se rapporte, certes. Suis je une mauvaise caricature ? Surement. Mais je ne vous estime pas assez pour vous permettre de me juger. Vous croyez vous gentille, à vouloir tenter d’aider votre prochain ?

Ingrid se stoppe. Elle a murmurée, pour elle même comme pour les autres. Ces paroles la touchent plus qu’elle n’aimerait se l’avouer. Mais cette femme se permet de juger alors qu’elle ne connait rien. Pour elle, ce papier toilette qui se croit gentille n’est rien d’autre qu’une coquille vide. Un masque sans visage. Aider les autres, c’est pas juste se dire patient. Aider les autres, c’est continuer d’enlacer quelqu’un alors qu’il vous poignarde. Cette femme n’est qu’une pâle contrefaçon, un made in china mal finalisé. C’est parce que trop de gens dans son genre ont prétendus pouvoir l’aimer que la demoiselle ne fait plus confiance à personne. Lui dire ce qu’elle est ne changera rien, Ingrid le sait. Elle sait tout cela, cela fait longtemps qu’elle l’a compris. Qu’une personne ose le lui dire en face, comme si c’était une vérité éclairée, ne fait que l’agacer. Pour un peu, la demoiselle se serait jetée sur elle pour la frapper. Mais elle est trop touchée pour oser bouger. Alors, elle ne fait que trembler. Trembler, et quand l’envie est passée, elle hurle à la nuit.

- Vous vous croyez grande, hein ?! Vous êtes comme ces frustrées pré-ménopausées qui se cherchent un rêve alors qu’elles ont tout à portées. Pas de l’argent, pas des relations, mais un esprit en parfaite santé ! J’aime détruire les choses parce qu’on m’a détruite, j’ai pas stabilité, mais j’ai de la fierté ! Moi jamais j’irai grappiller mon besoin d’attention sur des gens, puis en les abandonner sous prétexte que ça devient pesant !

Elle a hurlée oui, mais pour qui. La rue est déserte, et la violette est déjà partie. Ingrid hausse les épaules, et prend son doudou. Ce soir, elle doit encore trouver un lit.