Chaudes retrouvailles d'hiver (Pv. Lyrou)

« Bonne journée, merci ! »

Saluant la cliente avec le sourire, je me tournai vers la patronne qui venait à ma rencontre pour m’annoncer que la journée était terminée. Il allait bientôt être treize heures, la supérette allait fermer pour ce dimanche. Cela faisait maintenant un an que je travaillais ici, grâce à ma rencontre avec Elina. Cumuler le boulot et les études pouvait être fatiguant par moment, mais j’aimais travailler ici. D’une certaine manière, on ne s’ennuyait jamais. Les clients habitués avaient toujours quelque chose de nouveau à raconter, la tranquillité apparente n’était jamais définitive et j’avais la meilleure collègue du monde.

Une fois sortie et vestiaires portant ma tenue habituelle, je saluais tout le monde avant de prendre le chemin du retour. Enfin... pas tout à fait. Il se faisait tard et j’avais faim. Il y avait une boulangerie sympa à deux rues d’ici, j’y venais souvent acheter mes sandwiches pour la pause du midi, quand je n’avais pas le temps de préparer quelque chose. Je fis donc une halte pour prendre une baguette au thon, ma préférée, que j’enfournai dans mon sac. Il faisait beau aujourd’hui... le soleil brillait haut dans le ciel, la neige avait pratiquement fondu. Je connaissais un endroit bien à moi pour manger en profitant de ce temps radieux : le parc Hinan-jo.

Je venais régulièrement dans ce parc, pour diverses raisons. C’était l’endroit où je m’étais réveillée, là où j’avais rencontré Kurai... mais c’était aussi un endroit qui me rappelait ma campagne, mon chez-moi. Quand on s’y enfonçait, on pouvait parfois y marcher des heures sans croiser personne. Alors quand j’avais besoin de solitude mais que la forêt était un peu loin, je venais ici. Et puis, en hiver, on était moins près de la cote, alors il faisait plus chaud ici.

Après avoir marché quelques minutes à la recherche d’une bonne place, je finis par trouver un petit étang sympathique. Il y avait un héron, mais celui-ci m’a remarqué et s’est envolé. Dommage, il était joli. Ereintée par la marche et la faim qui commençait à me tirailler, j’ai cherché du regard une place où m’installer... c’est à ce moment que j’ai vu que je n’étais pas seule. Il y avait une jeune fille assise à l’ombre d’un arbre, en train de dessiner. Je crois que j’ai tout de suite fait le rapprochement, elle m’a parue familière. Alors je suis allé la voir, je me suis approché et j’ai jeté un œil à son carnet par-dessus son épaule. Elle avait l’air concentrée, je crois que je l’ai fait sursauter.

« Hi... you’re sketching ? – tu t’interrompis – Sorry, I didn’t mean to scare you. Can I sit there ? »

Après avoir reçu son approbation, je m’installai à mon tour sur l’herbe à côté, en respectant une certaine distance pour ne pas la gêner. Je ne l’avais pas remarqué tout de suite, mais elle avait de lourds bagages avec elle. C’était peut-être son matériel de travail, si cette fille était une artiste itinérante... mais cette hypothèse ne me plaisait pas.

« Pardon-me, but... you’re new here, ain’t you ? »

La question était directe, je n’aimais pas tourner autour du pot. Mais plus je regardais cette fille, et plus j’avais l’impression de déjà la connaitre. C’est drôle non ? Alors je regardais le ciel, l’horizon, en attendant sa réponse.

Etrange... je ne savais plus trop si j’étais en train de rêver ou bel et bien éveillée en cet instant. Cette fille... elle ressemblait terriblement à Kiara. Mais c’était impossible... elle ne pouvait pas se retrouver ici. C’était paradoxal à dire, mais je ne voulais pas qu’elle soit emmenée ici. Evidemment je voulais la revoir, mais... je ne voulais pas qu’elle soit arrachée à sa vie comme je l’avais été. Et puis comme je l’avais pensé pour moi les premiers jours, elle n’avait aucune raison d’être enlevée. Elle n’avait pas de pouvoirs surnaturels et à moins qu’ils ne soient restés endormis comme les miens...

Mais à quelque chose que je n’avais pas prévu bouleversa mes expectations... sa voix, je la connaissais. C’était la sienne, aucun doute possible. J’étais tellement surprise que ma tête en devenait bouillante, j’étais incapable de penser à autre chose. Kiara était là... finalement, elle m’avait retrouvée. Elle était ici. Des larmes ont commencé à perler au coin de ses yeux alors que je restais figée dans ma surprise, sans oser esquisser le moindre geste. Kiara...

« Arrête... à ce rythme je vais finir par pleurer moi aussi... Kia’, bienvenue. »

Alors, je me suis jetée dans ses bras pour l’étreindre. Je l’ai renversée dans mon élan et lui suis tombée dessus, la serrant dans mes bras pour ne plus la laisser partir. Je ne voulais pas qu’elle me voie pleurer, je devais être forte, mais je ne pouvais plus me retenir. Les larmes commencèrent à rouler le long de mes joues alors que je cachais mon visage dans ses longs cheveux argentés.

« Je suis tellement heureuse de te voir... tu m’as manqué, j’aurais tellement aimé pouvoir te dire, pouvoir rentrer revoir tout le monde... »

Mes pensées s’emmêlaient comme une pelote de laine géante, je ne savais plus par où j’en étais, mais j’avais tant à lui raconter que je ne pouvais tout simplement pas me taire pour réfléchir. Puis, j’ai sentis ses bras m’enlacer et j’ai pu commencer à me calmer. Mon cœur battait trop fort, je suis sûre qu’elle pouvait le sentir... ou était-ce aussi le sien, je ne savais pas. Mais sa présence me rassurait, elle était la promesse d’un rêve qui se réalisait enfin après un an d’espoir, de prières sous les étoiles. J’étais tellement heureuse que la seule peur qui me hantait à ce moment, c’était de me réveiller seule dans mon lit en réalisant que tout ceci n’était qu’un rêve. Un doux rêve auquel je voulais croire de tout mon cœur.