La lecture est un moyen de s'évader. [AMAKO]

On t’avait dit un jour que la lecture était un moyen de s’évader et d’échapper à une réalité qui ne te plaisait pas forcément. Jamais tu n’y avais cru, croyant plutôt qu’il s’agissait d’un moyen plus que douteux de te faire lire des libres ennuyants. Depuis que tu étais arrivé ici, sur cette île, tu n’avais pas trouvé d’autre moyen pour t’occuper l’esprit que de lire des livres. Une tonne de livre. Assez de fantastique pour développer ton imagination et assez de policier pour savoir qu’il ne fallait pas aller trainer dans les ruelles sombres à la nuit tombée. Tu avais souvent repensé à tes frères et sœurs, ta mère. Eux pour qui tu avais toujours tout fait. Maintenant, ils étaient seuls, et tu avais eu peur pour eux. Mais le temps avait fait en sorte que tu apaises cette peur et que tu reprennes une vie « normale ». Une vie normale, entrecoupée de petits combats de magie avec quelques enfants du quartier. Tu étais une fille douce, qui n’hésitait pas à donner un coup de main lorsque c’était nécessaire. Avant tout, tu adorais les enfants. Ils te rappelaient ta fratrie, et cela te faisait sourire encore plus que tu ne souriais habituellement. Depuis ton arrivée, tu déplorais seulement le néant de ta vie sentimentale et sexuelle, réduites à zéro pour le moment. Alors, pour combler ce vide, tu avais plongé dans tes lectures. Parfois, pour t’amuser, tu essayais de créer quelques personnages avec de la glace. Seulement, à ton niveau si bas, tu n’échappais pas aux ratés qui se terminaient en échecs sévères et en bataille de boule de glace avec les jeunes enfants du quartier.

Ce jour-là, tu trainais dans la bibliothèque scolaire. Le lycée Danshi était grand et réputé, et la bibliothèque y était pire qu’immense. De quoi t’occuper un bon bout de temps, en somme ! Aujourd’hui, tu t’étais décidée à trainer dans les allées les plus longues et les plus étroites. Il n’était pas rare qu’une telle envie ne te prenne. Alors, tu étais munie de ta musique et de beaucoup d’imagination. Aujourd’hui, ton objectif était de rendre la vie à ces livres. Alors, tu avais créé une patinoire géante dans les allées les plus éloignées de la grande pièce. Et là, tu t’amusais à glisser de part et d’autres. Certains premières années étaient venus se joindre à toi, tandis que d’autre te regardaient simplement comme si tu étais un monstre ignoble. Pour les faire rire, tu jonglais avec les livres tout en continuant tes glissades. Tout allait pour le mieux, jusqu’à ce que tu sois interrompue par une femme qui apportait une pile de livre par ici. Puisqu’elle ne devait pas s’attendre à se trouver face à une patinoire improvisée, tu arrêtais tes pitreries et tu t’avançais vers elle. Alors, tu apparues sur le côté de la pile de livre et, avec un grand sourire, posais tes mains sur un morceau de la pile.

« Attendez, je vais vous aider ! »

Tu saisies une partie des livres et te commençais à avancer. Alors que la femme se trouvait très proche de glisser sur les restes de ta magie, tu la regardais en tirant la langue.

« Attention, ça glisse. N’allez pas vous faire mal tout de même. »

Ça ne fait pas longtemps que nous sommes arrivés, Masamori et moi. Nous avons eu un peu de mal à comprendre, et à nous y retrouver dans cette ville inconnue, ces gens inconnus et cette nouvelle maison toute aussi inconnue à nos yeux. J'aurais aimé que tu voies ça... Tout est beau, aéré et merveilleux, comme des vacances. Disons, des vacances à long terme. J'ai eu un peu de difficultés à m'intégrer en temps que jeune maman semi-dépressive. Mais tout de même, j'y suis parvenue.

Tout d'abord, j'ai trouvé mon logement. Bien lotie dans un beau cartier. Masamori était tout content lorsque nous avons visité! Il riait et batifolait comme un dingue, c'était si mignon! Tu aurais tellement pu être là... Il va falloir que tu m'expliques un jour, pourquoi tu nous a quitté... tu as eu peur de Masa? Tu ne m'aimais plus? Tant pis, de toute façon il est trop tard.

Bref, le deuxième phase de mon intégration a été de trouver un métier : bibliothécaire! Comme avant! Génial non? Dans la bibliothèque d'un lycée. Aujourd'hui je travaille, j'ai laissé Masa dans une petite école enfantine près de la maison. En attendant de trouver une baby-sitter, j'ai demandé à la directrice s'ils leur étaient possible de le garder un moment.

Oh, tu devrais vraiment venir une fois, car la bibliothèque est immense! J'ai failli m'y perdre la première fois. Cet endroit est réellement merveilleux ; on trouve des romans, des BD, des journaux, des nouvelles, etc... dans toutes les langues! Même dans certains dialectes! Bon, y travailler sera clairement plus complexe. Mais je suis enthousiaste. Tu sais, ça fait depuis que tu es parti que je ne me suis plus sentie comme ça. Je suis heureuse. Je. Suis. Heureuse.

Bref... passons si tu le veux bien. Aujourd'hui j'étais donc assise au grand bureau de bois brut et blanc où l'ont m'avaient assignée. J'attendais les élèves pour qu'ils me rendent leurs livres. De cette place, on a une vue imprenable sur la bibliothèque. On voit presque jusque tout au fond. C'est justement là que s'est dirigé mon regard après avoir repris les livres d'une jeune demoiselle. Des étudiants riaient et faisaient un bruit de tous les diables entre deux rangées. Je me suis levée et suis partie ranger les livres. Plus je m'approchais, plus le bruit était fort, et plus cela m'énervait. On ne vient pas à la bibliothèque pour faire le pitre! Lorsque je suis arrivée pourtant, ce que j'ai vu m'a attendri : une jolie demoiselle faisait du patin sur une allée de glace en faisant rire ses camarades. Au moment de m'approcher, elle s'est arrêtée et a empoigné un bout de la pile. Elle avait un joli sourire.

« Attendez, je vais vous aider ! »

Son aide me fit chaud au cœur alors que la minute même avant que je ne la voie, j'étais furieuse. Elle a pris sa moitié et a avancé d'un pas sûr. Moi au contraire, je n'étais pas du tout à l'aise sur cette étendue. En me tirant la langue, elle a ajouté :

« Attention, ça glisse. N’allez pas vous faire mal tout de même. »

Je lui ai souris pour la première fois et je lui ai indiquée où elle devait aller.

« Ils vont dans le rayon d'en face, dans la lettre P »

Elle a suivit mes instructions sans un mot puis j'ai tenté de la suivre. J'ai finalement bravé l'épreuve de la glace pour me retrouver en face d'une autre : la hauteur. L'échelle était coincée au milieu de l'étendue givrée. J'ai ronchonné une seconde puis lui ai demandé de porter le reste pendant que j'irais chercher l'échelle.