Event Noël Elina-Sayuri (2ème partie)

La proposition d’Elina emporta un grand succès auprès de la jeune nippone, qui avait hâte de se rendre sur le lieu évoqué. D’ailleurs, elle avoua espérer que le buffet en question contiendrait… de la bûche glacée. Apparemment, ce dessert typique de la période des fêtes de Noël semblait ravir les papilles de la demoiselle, si l’on en croyait l’enthousiasme nettement palpable dans sa voix. C’était donc décidé ! Elles iraient donc au buffet organisé par la ville, et, même si elle devait payer elle-même, elle s’assurerait qu’il y ait bien de la bûche glacée de proposée ! Elle devait s’assurer que sur ce point au moins, Sayuri serait satisfaite. Elle voulait vraiment que son amie passe un Noël agréable. Déjà que le fait d’être loin de ses parents rendait la tâche ardue, alors si en plus elle ratait tout de son côté… Il fallait qu’elle fasse attention à partir de maintenant, surtout que la patinoire ne semblait pas avoir remporté le succès qu’elle avait espéré. Aussi, espérait-elle que l’ambiance conviviale qui devait régner au buffet, contrairement à l’atmosphère guindée des restaurants, répondrait aux attentes qu’elle s’était faite sur l’endroit.

Les deux jeunes filles marchèrent donc main dans la main, traversant les rues enneigées de la ville d’Amishawa. Les décorations lumineuses dont étaient parés la plupart des habitations ajoutaient un petit effet féerique à la scène, voire peut-être même… romantique ? Non, elle ne devait pas s’aventurer sur ce chemin-là ! Si elle laissait son imagination prendre le dessus, elle risquait encore de gâcher la soirée… Faisant fi de l’espèce de déception qu’il la gagnait, Elina se concentra sur le chemin à suivre pour atteindre le lieu du buffet. De ce qu’elle en savait, il se déroulait dans l’une des grosses artères de la ville. Un buffet à ciel ouvert, donc. Heureusement, le chemin était balisé, si bien que même sans connaître le dit lieu, il était possible de l’atteindre sans trop de difficultés. Si bien que, au bout de quelques minutes de marche dans la neige, les deux jeunes filles purent apercevoir une grande arche érigée à l’entrée d’une rue. Et le brouhaha qui provenait de ce lieu indiquait clairement qu’elles avaient atteint leur destination.

Il ne leur fallut guère de temps pour rejoindre l’arche d’entrée. Seulement, l’entrée n’était pas aussi libre qu’elle le laissait croire ! En effet, un petit garçon vint vers elles, deux bonnets à la main. Et en jetant un œil à la foule déjà présente, il ne fut pas difficile de comprendre ce que cela signifiait. Si bien que lorsque l’enfant leur tendit les dits bonnets, Elina en prit un sans rechigner. Un repas gratuit en échange du port d’un bonnet, ce n’était pas cher payer. Même si elle craignait de paraître quelque peu ridicule avec ça sur la tête… Se tournant vers Sayuri, elle dit avec une mine résignée :

- Bon bin, s’il le faut…

Elle retira alors la casquette bien chaude qu’elle avait sur la tête, et ouvrit son sac pour la ranger dedans… Elle vit alors un reflet coloré en sortir, et elle s’empressa de le refermer. Bon sang ! Elle jeta un regard paniqué vers Sayuri, pour voir si elle avait vu la même chose qu’elle. Mais l’expression de son visage ne laissait rien deviner. Par contre, une certaine curiosité se lisait, aussi Elina s’empressa de dire :

- Non, c-ce n’est rien ! J’ai juste cru que mon sac allait tomber !

Bien piètre mensonge, cependant, c’était le seul qui lui était venu spontanément. La vérité, bien sûr, était tout autre… Dans son sac, se trouvait le cadeau qu’elle voulait offrir à Sayu. Le tout dans un bel emballage rouge avec des étoiles blanches… à la surface réfléchissante. Dès lors, sous l’effet des lumières, un reflet rouge avait jailli de son sac. Du moins, était-ce qu’elle craignait… Si Sayu avait vu… Non, elle ne pouvait pas l’avoir vu ! Tout s’était passé si vite… Affichant une grimace en guise de sourire, Elina ficha sa casquette dans son sac, en prenant bien soin cette fois de ne l’ouvrir juste assez que pour l’y glisser. Elle poursuivit sur sa lancée, et enfila le bonnet de noël, s’assurant qu’il était bien calé sur sa tête. Elle essaya alors d’observer son reflet dans une boule accrochée à un sapin juste à côté. Elle se figea lorsqu’elle se rendit compte de ce qu’elle faisait… Pourquoi diable s’inquiétait-elle de son apparence ?! Jetant un regard inquiet vers Sayuri, elle vit qu’elle aussi avait enfilé son bonnet. En se grattant le crâne, elle ne put s’empêcher de dire :

- Ahah, je dois avoir l’air ridicule, non ? Les déguisements n’ont jamais été très élégants sur moi…

En disant cela, Elina se rappelait les quelques déguisements qu’elle avait enfilé. Le plus récent était celui de sorcière dont elle s’était retrouvée affublée lors de la nuit d’Halloween. Si le costume en lui-même semblait relativement joli, elle n’arrivait pas à se faire à l’idée qu’il ait pu lui seoir. Quant aux autres… Il s’agissait de ceux que les enfants de l’orphelinat lui imposaient d’enfiler lorsqu’ils n’avaient laissé que ça à la place de ses vêtements qu’ils avaient cachés. Et comme leur vocation n’était pas de la rendre élégante… Alors qu’elle laissait des souvenirs douloureux remonter à la surface, son amie prit la parole…

C'était donc mains liées que les deux adolescentes quittèrent le bâtiment pour regagner le froid hivernal. Durant le trajet, Sayuri était semblable à un enfant. Les yeux pétillants, la demoiselle regardait tout ce qui l'entourait avec une admiration enfantine. Guirlandes, sapins, bonhommes de neige, tous ces petits détails pouvaient pour beaucoup s'avéraient banals et insignifiants, pas pour la nippone. Noël en ville était bien différent des petits réveillons de son village où les décorations restaient très rustiques et naturelles ainsi que peu nombreuses. Un sapin décoré de pommes de pins peints, du houx et une couronne de Noël et le tour était joué. Mais ici, c'était bien différent... Tout était lumineux, festifs, magique... Un paradis pour la part d'immaturité de la blonde qui au fond n'était qu'une grande enfant ayant encore tant à apprendre du monde où elle vivait.
Elles ne marchèrent pas longtemps, une dizaine de minutes tout au plus, aidés par les nombreux panneaux indiquant un fantastique banquet. Une fois sur les lieux, Sayuri était sur un petit nuage. Tout était si joli, si rayonnant, les odeurs alléchantes venant chatouiller ses narines... Quel paradis ! 
Elina et elle s'apprêtaient à passer l'arche couverte de guirlandes et autres décorations quand elles firent stoppées par un jeune garçon leur tendant deux bonnets de père Noël. Un port obligatoire en échange d'un bon repas, ce n'était pas cher payer. Et puis, Sayuri trouvait cela drôle, cela faisait très Noël ! Par contre, sa camarade elle ne semblait pas aussi optimiste, en vue de ses paroles, elle semblait embêter d'être obligée de mettre ce bonnet. Pourtant ce n'était pas la mort...
La nippone s'était empressé de déposer le chapeau rouge à ponpon blanc sur son crâne et lorsqu'elle posa son regard sur son amie, celle-ci semblait paniquée.

-Un problème Elina-Chan ? Demanda la blonde se demandant pourquoi cette soudaine expression d’inquiétude s'était lue sur le visage de sa compagne.

Cette dernière répondit très rapidement, disant que son sac avait failli lui échapper des mains. Un petit coup de stress en s'imaginant son contenu s'éparpiller sur le sol piétiner par des centaines de pieds probablement... Enfin, Sayuri ne prêta pas plus attention à cela étant donner que rien de mal n'était arrivé. De plus, Élina s'adressa à nouveau à Sayuri, cette fois-ci elle semblait inquiète en se pensant ridicule. La demoiselle était du genre à se sous-estimer sans cesse . Sayuri lui sourit et vint poser délicatement sa main sur la joue d'Élina, remontant vers son front pour remettre à sa place une mèche rebelle avant de lui répondre gentiment.

-Tu es mignonne comme ça, pourquoi dis-tu que tu es ridicule ? Ce n'est pas vrai !

Cherchant du bout des doigts la main de la violine, elle vint de nouveau les joindre avant de poursuivre.

-On y va? J'ai terriblement faim, en plus... On bloque encore une fois l'entrée ! Dit-elle en riant.

Les paroles que prononcèrent Sayuri n’eurent pas moins d’effet que le geste qui les accompagnait. Posant sa main sur sa joue, elle remit en place une mèche rebelle qui avait eu l’audace de quitter sa position d’origine. Mais Elina était loin de lui en vouloir, car grâce à cet acte de rébellion, elle avait reçu un geste tendre de la part de son amie. Et elle se serait bien laissé aller au contact de la main de la jeune nippone contre sa peau si les paroles qu’elle avait prononcées n’avaient amené avec elles quelques rougeurs qui eurent tôt fait de la maintenir concentrée. Sayuri contredisait le fait qu’elle soit ridicule avec ce bonnet de noël sur la tête. Et même, elle affirmait qu’elle était mignonne ! Une douce chaleur, qui n’avait rien à voir avec la gêne qu’elle ressentait face ce compliment, envahit son corps, comme si elle venait de boire une bonne gorgée de chocolat chaud. Elle avait cependant un peu de mal à partager l’avis de son amie…

Depuis les années qu’elle avait passé à être traitée en déchet vivant, Elina avait la fâcheuse tendance à remettre en question tous les aspects positifs la concernant. À force d’avoir été traitée comme une moins que rien, cela avait eu un effet sur son propre jugement. Si bien que la seule chose positive qu’elle savait à son propos, c’était… son intelligence. Elle se savait intelligente, avec sa mémoire dont certains n’hésitaient pas à qualifier de photographique. Mais pour le reste… Tout était question de point de vue. Se trouver jolie n’était-il pas une certaine forme de narcissisme ? Tant de personnes l’avaient insulté de tous les noms… Certes, elle savait bien qu’elle ne devait pas donner trop de crédits à ces idiots haineux qui voulaient lui faire payer les crimes de son père, mais… peut-être qu’ils se basaient sur une part de vérité, après tout… D’ailleurs, et si Sayuri venait à apprendre son passé… Est-ce qu’elle aussi se comporterait de la sorte ? Est-ce qu’elle la traiterait comme un rebus, une chose indigne d’attention ? Non, elle n’était pas comme ça… Mais la nature des crimes de son père était si ignoble que, peut-être… Non ! Elle ne devait pas penser à ce genre de choses ! De toute façon, il n’y avait aucune raison qu’elle ne le découvre jamais, n’est-ce pas ? Alors, mieux valait mettre de côtés ces sombres idées pour profiter du présent, une agréable soirée en compagnie de… de son amie…

Pourquoi donc cette frustration en qualifiant leur relation de cette façon ? Pas le temps d’y penser, car comme le lui fit remarquer Sayuri, elles bloquaient à nouveau le passage. Devant elles, le petit garçon semblait mal à l’aise, comme s’il hésitait à leur demander d’avancer. Pauvre petiot… l’obliger à travailler, à son âge ? N’était-ce pas de l’exploitation infantile ? Surement qu’on l’avait placé là parce que les organisateurs se doutaient bien que les plus réfractaires à l’idée de porter un bonnet n’oserait pas s’en prendre à un innocent petit garçon… Quoi qu’il en soit, il valait mieux libérer le passage, d’autant plus que Sayuri avait faim. Il fallait bien avouer que les odeurs alléchantes qui provenaient de l’espace devant elle avait de quoi susciter l’appétit ! La main de son amie dans la sienne, elle traversa alors l’arche. La première chose qu’elle fit, se fut de chercher la table où s’entassaient les différents mets d’où parvenait cette bonne odeur. Non, ce n’était pas tant les clameurs affamées de son estomac qui guidaient ses pas, mais plutôt le désir de satisfaire les désirs de celle qui l’accompagnait en ce jour festif. Elle finit par la repérer, et ne tarda pas à le signaler à Sayuri :

- Regarde ! Le buffet est là-bas !

Dit-elle en pointant du doigt le dit buffet. Il ne fallut guère de temps pour atteindre la table du festin, où s’étalaient divers mets des plus appétissants. Il y avait des pilons de dinde, différents pâtés, des crustacés en tout genre, des petits toasts, et une grande marmite de soupe à l’oignon. Quant aux desserts… Pendant un bref instant, Elina crut qu’il n’y avait pas de bûche glacée proposée aux amateurs. Mais trois serveurs vinrent, portant chacun deux plateaux avec une bûche glacée différente. Une rouge, qui devait être à la fraise, une brune, qui devait être au chocolat, et une rose, qui devait être à la framboise. Les autres avaient été déposées trop loin que pour qu’Elina puisse essayer de deviner leur saveur principale, si bien que cela demeurait un mystère à ses yeux. Et de toute façon, avant de penser à dévorer ces merveilleux desserts, il fallait bien manger quelque chose de plus consistant ! Elina espérait malgré tout que l’une d’entre elles serait au goût de sa camarade… Mais d’ailleurs, avait-elle vu que le met qu’elle désirait voir servi était bel et bien présent ?

- Ah, ils ont de la bûche glacée, t’as vu ? Sayuri ?

La jeune nippone semblait fixer une chose qu’elle-même n’arrivait pas à identifier. Avait-elle le regard rivé sur les desserts qu’elle venait d’évoquer ? Scrutait-elle les mets proposés afin de déterminer vers lequel elle devrait se diriger ? Avait-elle repéré une quelconque connaissance ? Ou bien peut-être tout autre chose… Curieuse, Elina regardait par-dessus l’épaule de la demoiselle afin d’essayer de voir qu’elle était la cible de ce regard…

Les mots de Sayuri avaient eu un effet agréable sur Élina, du moins c'est ce que pensait la nippone en voyant que suite à ses dires, sa camarade s'était mise à rougir. Ses joues teintées de roses la rendaient encore plus mignonne, craquante même avec son air gêné... Vraiment, aux yeux de la petite blonde, sa compagne était une belle femme et elle aurait adoré lui ressemblait, avoir la même beauté et bonté. Car oui, l'aspect physique n'était jamais le plus séduisant chez une personne, non, s'il fallait être séduit par quelque chose s'était bien par la beauté intérieure. Or, la violine possédait les deux, elle était aussi belle charnellement que psychologiquement, une véritable déesse. Enfin, d'un côté elles étaient toutes deux des demies-déesses alors la comparaison semblait logique....

Perdu dans la contemplation de sa camarade, Sayuri retrouva les pieds sur terres lorsque Élina pressa légèrement sa main contre la sienne en commençant à s'éloigner de l'arche pour se rapprocher des délices aux odeurs enivrantes.
Sayuri suivait le rythme de son amie, regardant dans tous les sens, le regard étoilé à la vue de tous ses stands magnifiquement décorés. Vraiment, les villes étaient beaucoup plus engagées dans le côté festif que les petits villages qui eux se concentraient plus sur le côté convivial.
Alors que la demoiselle se perdait dans toutes ces nouveautés, elle fut surprise par la soudaine exclamation de son amie qui pointait du doigt le grand buffet droit devant elles. Elles se dirigèrent donc vers la table, qui par chance n'était pas ensevelie sous la foule et regardèrent avec envie chaque plat, entrées et desserts proposés. Il fallait dire qu'il y avait de quoi saliver face à ce festin !

Alors qu'elle parcourait du regard les choix proposés, Sayuri se stoppa, verrouillant son regard sur un mets en particulier. Elle semblait tellement absorbée qu'elle ne prêta pas attention aux paroles de sa camarade. Le plat qu'elle regardait était un plat banal mais qui l'a raccroché aux Noëls passaient avec sa famille. De la tartiflette... Ce délicieux plat de fromage fondu sur des pommes de terre, accompagnait avec des variétés de charcuteries crues... Sa mère en faisait tous les ans, c'était le repas préféré de la demoiselle... La nippone était si heureuse d'en voir ici... Elle lâcha la main d'Élina qu'elle tenait toujours jointe et lui montra le plat.

-Eli-chan...Je...Je veux ça...T-Tu veux bien demander une assiette pour moi ?...

Elle demandait cela timidement, elle n'osait pas demander aux gérants par elle même, pourtant ils n'allaient pas la manger ! Mais ce qui était sûr, c'est qu'elle voulait absolument un part de ce plat. Car en mangeant cela, elle aurait la sensation d'avoir à ses côtés son père et sa mère...

À sa grande surprise, Sayuri lui lâcha la main. Pour quelle raison ? Avait-elle bel et bien repérer une quelconque connaissance ? S’apprêtait-elle à aller la voir, et… et à la laisser là, pendant ce temps ? Pendant le court laps de temps durant lequel leurs mains furent séparées, Elina s’imagina leur soirée en tête à tête prendre fin subitement… Mais fort heureusement, l’heure n’est pas encore venue ! Cette brève séparation n’avait pour unique but que de montrer un plat en particulier. Regardant ce qu’elle lui montrait, Elina découvrit… de la tartiflette. De la grande poêle exhalait une douce odeur de fromage fondu, qui pour les amateurs du genre, ne manquerait pas d’attirer leur attention. Et de toute évidence, Sayuri en faisait partie, car elle ne tarda pas à lui demander si elle ne pouvait pas aller demander une assiette à son attention. Apparemment, elle était trop gênée que pour le faire elle-même. Elina avait déjà pu constater cela à plusieurs reprises, mais son amie avait encore des difficultés lorsqu’elle se retrouvait face à des étrangers, encore plus lorsqu’il y avait beaucoup de monde autour d’elle. Si bien qu’Elina ne manqua pas de répondre :

- Bien sûr, attends, je reviens tout de suite !

Se rapprochant de la table des mets, Elina interpella l’une des personnes chargées du service. Un jeune homme, qui lui demanda poliment ce qu’il pouvait faire pour son service. Fronçant légèrement les sourcils, Elina attendit quelques instants avant de répondre. Son interlocuteur ne semblait pas être un mauvais bougre, cependant, elle ne pouvait s’empêcher de le voir d’un mauvais œil. Sentant peut-être qu’il y avait un problème, le jeune homme insista, se penchant vers elle :

- Il y a un souci ? S’il y a le moindre problème, n’hésitez pas à m’en faire part !

Le tout avec un sourire resplendissant. Bon, mieux valait mettre fin à cette conversation, d’autant plus que Sayuri allait se demander ce qui la retardait autant. Aussi, finit-elle par répondre :

- Une assiette… Non, deux assiettes de tartiflette s’il vous plait.

Avec un léger hochement de tête, le jeune homme s’exécuta, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il lui servit les plats demandés. Désormais chargée de deux assiettes fumantes, elle revint auprès de Sayuri, tout sourire à l’idée de se retrouver à nouveau en sa compagnie exclusive. Rien qu’en voyant son visage, elle chassa les idées noires que la compagnie du jeune homme avait suscité. Elle lui tendit alors une des assiettes, et lui dit d’un ton enjoué :

- Voilà pour toi ! J’ai décidé de faire comme toi, moi aussi j’ai choisi de la tartiflette. Attention, c’est chaud…

Alors que son amie se saisissait de son assiette, Elina crut voir que l’expression de son visage avait changée. L’enjouement qu’elle manifestait l’instant d’avant semblait désormais teinté d’un autre sentiment, qu’elle ne parvenait pas à identifier. Était-elle en colère parce qu’elle avait tardé à venir avec les plats ? Ou bien peut-être n’était-ce qu’un effet de lumière… Légèrement anxieuse, Elina fixait le visage de Sayuri, cherchant à vérifier si son amie était en colère ou non.

Sayuri se sentait plus légère lorsque sa camarade accepta sa demande. Mais elle en demeurait encore un peu anxieuse, se demandant si Elina ne la trouvait pas agaçante à être si dépendante à autrui. Il était vrai qu'à chaque fois que les deux adolescentes étaient ensemble, la nippone ne faisait rien par elle même, comptant toujours sur la présence de son amie...Etait-ce mal ? Et ce qu'avec ce comportement Elina finira par la laisser se débrouiller ? Si la violine se mettait à agir comme ça, Sayuri pourrait le comprendre, mais, elle ne le voulait pas. Elle ne voulait pas que cela se produise, premièrement parce que cela rendrait en colère Elina, mais aussi parce qu'elle aimait se faire bichonner par la demoiselle...E-Etait-ce là du profit ? Un peu mais...La blonde profitait de manière si innocente...Elle ne commettait donc là rien de grave, si ?
Enfin bref, son amie avait gentiment accepté et l'avait laissé seule quelques instants le temps de passer commande. Court instant qui, pour la nippone sembla une éternité. Elle était si mal à l'aise seule parmi la foule, foule, chose dont ne s'était toujours pas habitué la jeune fille, chose dont elle avait toujours une crainte maladive... Quand Elina est là, tout va bien car elle se sent protégée, mais là, elle était livrée à elle même et cela la terrifiait !

Fort heureusement, sa protectrice revint le plus rapidement possible, les mains occupées par deux grandes assiettes fumantes d'une délicieuse fondue de fromage dégoulinant sur les pommes de terres dorées. Sa camarade avait pris le même plat et en entendant cela, Sayuri se sentit gênée. Avait-elle pris la même chose pour lui faire plaisir, s'était elle sentit forcée de prendre la même chose ? Ou aimait-elle tout simplement se succulent plat ?
Prenant doucement l'assiette, suivant le conseil de faire attention à la chaleur de cette dernière, Sayuri était heureuse, mais fut soudainement prise d'une sorte de nostalgie. Elle pensait à sa mère et son père ainsi qu'elle, assise à la table avec son père ils claque le dos de leurs couverts sur la table de bois en riant tout en clamant haut et fort « On a faim ! ». Tandis que sa mère à la longue chevelure bouclée attachée en une longue natte dans le dos vêtu de son tablier et armée de ses gants de cuisine soupirait en disant «Du calme, ça vient ! ». Que de bons souvenirs...Elle avait envie de pleurer, pleurer de joie pour avoir eu une enfance si belle mais aussi pleurer de tristesse pour avoir tout perdu.
Sentant un regard pesant sur elle, la nippone remonta la tête, plongeant son regard dans celui d'Elina durant un court moment, elle semblait inquiète...Oh ! Surement à cause de la tête d'enterrement que devait tirer sa compagne...

-Je...désolée...J'étais dans mes pensées...C'est...Ce plat...Il me rappelle...Ma maman...

Sentant que le sujet n'était pas approprier à l'ambiance festive de la journée, la demoiselle se ressaisit.

-E-Enfin ! M-Mangeons ! Ça va être froid !

Et sur ses mots, elle piqua de sa fourchette une pomme de terre, souffla légèrement dessus et la porta à ses lèvres, poussant un petit soupire de plaisance.

-Elles sont super bonnes ! Goûtes!

Le regard fixé sur Sayuri, Elina se demandait ce qui pouvait bien lui passer par la tête. Bien sûr, elle avait un moyen très simple de répondre à cette question, cependant, elle se refusait toujours à utiliser son don télépathique pour obtenir contre leur gré des informations aux autres, sauf en cas d’absolue nécessité. Et malheureusement pour elle, assouvir sa curiosité n’était pas suffisant à ses yeux que pour violer l’intimité cérébrale des autres, encore plus lorsqu’il s’agissait de personnes proches d’elle comme l’était la jeune nippone. De ce fait, elle ne pouvait qu’imaginer, ou bien attendre en espérant que son amie lui révélerait d’elle-même ce qui la perturbait. Car maintenant, elle en était sure… Le visage de Sayuri affichait une expression morose… Quelque chose, ou bien quelqu’un, avait chassé l’expression joyeuse qui ornait son doux visage avant qu’elle ne s’éloigne pour aller chercher les assiettes. Pendant ce court, du moins l’espérait-elle, laps de temps, quelque chose lui était-il arrivé ? Ou bien était-ce encore elle qui avait fait une gaffe ?

Sentant probablement son regard, Sayuri tourna la tête dans sa direction, et leurs regards se croisèrent. Dans ses beaux yeux rouges, elle put y voir une touche de chagrin. Non, pas de chagrin… De mélancolie ? Oui, c’était un sentiment qu’elle comprenait bien, et qu’elle avait pu souvent voir se refléter dans le miroir… dans ses propres yeux. Pourtant, l’origine de cette dernière lui restait inconnue. Qu’est-ce qui avait bien pu la susciter ? La réponse vint des lèvres de la demoiselle, qui expliqua que ce plat, la tartiflette, lui rappelait sa mère. Tout de suite, les raisons de ce changement d’humeur étaient plus claires… Il était normal qu’un symbole lui rappelant ses parents l’attriste. Cependant, voir la mélancolie teinter le regard de son amie assombrit légèrement l’humeur de la jeune russe. Une fois encore, les choses se passaient mal… Certes, elle n’aurait pas pu prévoir qu’en ce lieu pourtant anodin, se trouverait des symboles de son enfance passée auprès des siens. Cependant, c’était le cas… Entre la patinoire dont elle avait espéré qu’elle amuserait Sayu, et le buffet qui était censé apporter une ambiance agréable, Elina ne rencontrait pas de grands succès ce soir… Heureusement, la mélancolie quitta les yeux de la demoiselle, et celle-ci commença à déguster son plat, l’invitant à en faire de même. Triturant quelques instants de sa fourchette en plastique une pomme de terre, Elina entendit Sayuri vanter la saveur du plat. De toute évidence, elle voulait changer de sujet… Elle le comprenait tout à fait, mais elle-même avait du mal à faire fi de la réaction qu’elle avait eue. Elle décida tout de même d’enfourner une première bouchée, et les différentes saveurs propres au plat se répandirent dans sa bouche. En effet, elle était bonne, cette tartiflette…

Pendant quelques instants, les deux jeunes filles se contentèrent de manger leur plat, bien qu’Elina avait un peu de mal à faire preuve d’enthousiasme. Non pas que le plat en fut la cause ! Mais la désagréable impression qu’elle était en train de gâcher cette sortie ne la quittait pas. Si bien que, finalement, elle ne put s’empêcher de prononcer ce simple mot :

- Désolée…

Ce simple mot, ça en était de trop, ou bien pas assez. Le regard perplexe de Sayuri en disait long à la matière, si bien qu’Elina ne pouvait faire autrement que poursuivre :

- Quand je t’ai invité, je voulais… je voulais que tu passes un bon réveillon. Je me suis dit que… que je pouvais le faire, et … que c’était le meilleur moyen pour que tu ne sois pas triste. Et j’ai l’impression de tout rater… Je suis désolée…

Continuant à triturer son plat de sa fourchette, Elina gardait les yeux rivés sur les pommes de terre qui restaient dans son assiette. Voilà que maintenant, en plus, elle plombait l’ambiance de la soirée en confiant ses regrets. Décidemment, à croire qu’elle ne pouvait rien faire de bon…

Le fromage fondait en bouche offrant aux papilles tous ses arômes, les pommes de terre dorées à points étaient toutes aussi délicieuses. Ce bon repas aurait dû ravir la jeune demoiselle mais, elle ne parvenait pas à oublier qu'elle avait une fois de plus plombé l'ambiance à cause de son passé. Tout comme le jour où elle fut accueillie à bras ouverts dans la demeure d'Élina et sa sœur aînée, Sayuri ne savait pas où se mettre, elle avait l'impression que quoi qu'elle fasse ou quoi qu'elle dise ceci se terminerait mal... Quand elle posait un regard discret sur sa camarade, celle-ci semblait affectée par l'ambiance pesante et apaisait son mal-être en martyrisant les pauvres patates ressemblant bientôt presque à de la purée. L'une comme l'autre n'osaient pas parler et elles mangèrent ainsi dans ce silence glacial durant de longues minutes, un quart d'heure ou presque.
Leurs assiettes se vidaient cuillerée par cuillerée, la tartiflette avait du succès mais aucune ne le montrait, leur expression bloquée dans un sentiment de gêne.

Alors que la nippone portait à sa bouche ses dernières bouchées de pommes de terre, l'adolescente à ses côtés brisa le silence d'un simple et unique mot. « Désolée », pourquoi s'excusait-elle ? Sayuri la regardait sans comprendre la raison de cette soudaine demande de pardon. Elina sembla longuement hésitée à poursuivre mais finit par éclairer la lanterne de sa camarade. Elle s'en voulait pour gâcher ce jour de fête, du moins elle avait l'impression de le gâcher car tout ce qu'elle faisait semblait déplaire. Voilà que les deux jeunes femmes s'accuser du même problème, l'ambiance.

C'était trop pour Sayuri...Elle ne pouvait pas supporter de voir ainsi Elina, elle voulait la voir heureuse tout comme elle voulait voir Sayuri heureuse...
Posant son assiette pratiquement vide sur un emplacement vide du banc où elles s'étaient installée pour savourer le plat, elle vint emprisonner de ses bras sa compagne, déposant un baiser sur sa joue rosie par le froid.

-Pardonne-moi Elina...T-Tu ne fais rien de mal je te l'assures...Au contraire je suis heureuse que tu sois avec moi...S-Si tu n'étais pas avec moi aujourd'hui...J-je pense que cela n'aurait pas été aussi agréable...Grâce à toi j'oublie un peu mon malheur même s'il me revient de plein fouet en mémoire de temps à autres...Alors s'il te plait...N-Ne soit pas triste, ne dit pas que tout est de ta faute...C'est aussi la mienne !

Elle enfouit alors son visage contre l'écharpe de son amie pour lui chuchoter à l'oreille.

-Je veux juste passer du temps avec toi Elina...Et que cela soit à ton goût raté ou non … Saches que pour moi ta simple présence me rend heureuse...

Elle resserra ses bras pour renforcer leur étreinte avant de conclure, la voix quelque peu tremblotante par les larmes qui lui montaient aux yeux.

-Je suis tellement contente de t'avoir rencontré Eli-chan...

Alors qu’elle fixait le fond de son assiette presque vide, l’inespéré et l’inattendu se produisirent. Sayuri vint l’enserrer dans ses bras, et par-dessus-tout, elle déposa un léger baiser sur sa joue. Les yeux auparavant mi-clos sous l’effet de la peine qu’elle ressentait s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise. Déjà qu’elle ne s’était pas attendue à cette étreinte, alors ce baiser était encore plus surprenant. D’autant plus que, s’il leur arrivait de temps à autre à se laisser aller à un petit câlin réconfortant, les bises sur la joue, eux, étaient rares, voire inexistantes. D’ailleurs, en fouillant dans ses souvenirs, elle ne parvenait pas à se rappeler en avoir déjà reçu un…

Alors qu’elle sentait ses joues reprendre les couleurs de la gêne, elle entendit les paroles qui accompagnaient ces gestes tendres. Ces dernières lui procurèrent un étrange mélange de soulagement et de peine. Entendre Sayuri lui dire qu’au lieu de lui en vouloir, elle lui était reconnaissante d’être à ses côtés en cet instant, lui procurait un sentiment de joie indescriptible. À tel point que cela lui faisait presque peur… Mais, l’entendre dire que le malheur continuait de l’accabler, et qu’elle se sentait responsable de la peine qu’elle-même ressentait, cela lui provoquait une douleur à la poitrine… Sayuri n’avait pas à se sentir coupable, c’était elle la victime, ici ! Elle n’avait pas demandé à être arrachée à sa famille, et ne plus pouvoir avoir de contact avec eux… Alors, il était normal qu’elle se sente triste, surtout lorsque des éléments venaient faire remonter des souvenirs de cette famille qu’elle avait perdue…

Mais les mots qui suivirent, eux, eurent tôt fait de réchauffer le cœur en proie au doute de la jeune russe. Passer du temps avec elle, c’était tout ce qu’elle demandait. Qu’elle s’amuse ou non, si elle était présente, cela suffisait à faire son bonheur. Comment ne pas se sentir joyeuse en entendant des mots aussi réconfortants ? Joie qui ne tarit pas lorsque, d’une voix légèrement tremblante, son amie lui confia dans une étreinte resserrée qu’elle était heureuse de l’avoir rencontrée. Le cœur d’Elina se serra une fois encore, mais cette fois, ce n’était pas la peine qui en était la cause. Elle se sentait légère, était-ce la disparition du poids de ces doutes qui la rongeaient qui en était la cause ? Non… Ce sentiment d’euphorie était tout autre… Un bref instant, elle crut être sur le point de pouvoir mettre un nom dessus. Tout ce qu’elle savait, c’était que d’entendre ces derniers mots lui avait procuré un sentiment de bien-être profond, comme si… comme si ce simple fait l’a comblait. Que de savoir que son amie pensait à elle de façon aussi positive était la chose la plus importante pour elle. Mais qu’est-ce qui pouvait bien provoquer ce genre de ressenti ? Au fond d’elle, elle connaissait déjà la réponse, mais quelque chose l’empêchait d’en prendre conscience. Une sorte d’autoprotection, peut-être…

Toujours est-il que les doutes d’Elina s’étant envolés, elle pouvait désormais pleinement savourer cet instant de complicité avec Sayuri. La première chose à faire, c’était de rassurer cette dernière. Aussi, déposa-t-elle son assiette avant de passer à son tour ses bras autour d’elle. Et là, de la voix la plus rassurante qu’elle pouvait produire, elle lui dit :

- Moi aussi, je suis contente de t’avoir rencontrée, Sayu.

C’était la première fois qu’elle l’appelait par un diminutif. Ce dernier lui était venu spontanément, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Elle ignorait cependant l’effet que ce dernier avait eu sur la demoiselle… Et si elle n’appréciait pas ? Peut-être voulait-elle faire oublier ce qu’elle venait de dire, car elle reprit aussitôt la parole :

- Tu n’as pas à t’en vouloir de quoi que ce soit… Pour moi, cette soirée avec toi est vraiment géniale. Alors, si toi aussi, elle te plaît…

C’était là la chose la plus importante à ses yeux. Si Sayu s’amusait avec elle, alors l’objectif de cette sortie était accompli. Il y avait cependant une dernière chose qu’elle voulait dire, qu’elle avait l’impression de devoir dire…

- Tu sais, je me sens vraiment bien en ta compagnie… Comme si… Comme si c’était quelque chose de logique. Comme si c’était là, ma place… À tes côtés.

Pourquoi avait-elle donc dit ça ? De tels mots devaient paraître bizarre… Cependant, ils étaient vrais. C’était là son ressenti authentique, et peut-être était-ce pour cela qu’elle n’avait pu s’empêcher de le dire. Ou bien, peut-être qu’au fond d’elle, elle voulait simplement que son amie le sache ?

Le baiser qu'elle lui avait déposé sur la joue était tendre, il n'avait pas apporté à Sayuri la même sensation que celui qu'elle avait fait la nuit où toutes deux dormaient l'une contre l'autre. Le premier avait été un geste banal qu'elle avait l'habitude de faire, une légère embrassade pour se souhaiter la bonne nuit. De plus sa camarade dormait déjà d'un sommeil de plomb, elle ne devait donc en avoir aucun souvenir. Mais là, ce baiser-là, avait fait battre le cœur de la petite nippone. Était-ce une certaine gêne ressentie par le fait que cette fois-ci son amie était éveillée ? Peut-être une montée d'adrénaline et de stress en se demandant si Élina n'allait pas mal prendre cette soudaine proximité... Sayuri n'arrivait pas à s'expliquer son comportement, mais elle était sûre d'une chose, à chaque fois qu'elle était en la compagnie de la suijin, ces drôles de sensations et ces pulsions étranges avaient lieu en elle....

En cet instant, toujours le visage enfouit dans l'écharpe de sa compagne, les bras solidement agrippés à la taille de la violine en une étreinte douce. Le cœur de la demoiselle battait la chamade, il s'emballait tandis que les larmes perlaient sur les joues de la blonde, imbibant le tissu du foulard rouge de ces dernières. Des larmes qui coulèrent à flots lorsque Élina lui fit part de son bonheur de l'avoir rencontrée. Sayuri était si heureuse, tellement heureuse... Encore plus en remarquant le petit surnom que venait de lui offrir sa camarade, était-ce la preuve d'une certaine affection à son égard ? Ça en avait tout l'air, et cela fut prouvé lorsque la jeune femme fit part de ses impressions lorsqu'elle était en la compagnie de la petite blonde. Impression qui fit baume au cœur de la demoiselle et qui, ne comprit pas ce qu'elle fit ensuite... 

La joie l'avait emporté sur sa raison et, en un fragment de seconde, Sayuri posa ses mains sur le visage d'Élina et vient sceller un baiser. Cette fois-ci, lèvres contre lèvres. Quand leurs bouches entrèrent en contact, son cœur rata un battement, elle avait l'impression que celui-ci venait d'explosé répartissant en elle une multitude de nouvelles sensations, de découverte... En cet instant présent, Sayuri avait l'impression qu'elles étaient seules au monde, elle voulait que cela dur... Elle ne regrettait pas ce qu'elle venait de faire... Elle aurait dû s'éloigner aussitôt d'un bond en arrière, bagayant des excuses. Mais elle ne faisait rien de tout cela, non, elle gardait les yeux clos, leurs visages toujours liés.
Elle semblait attendre la réaction de celle qu'elle venait de surprendre...

Dans les bras l’une de l’autre, le temps semblait s’être arrêté. Même à travers leurs vêtements, Elina arrivait à sentir la chaleur qu’émettait le corps de son amie. Quel instant réconfortant… Tout le mal-être qu’elle avait ressenti auparavant, tous les doutes qu’elle avait pu avoir, tout cela venait de s’envoler, comme s’ils n’avaient jamais existés. L’ambiance entre les deux jeunes filles, qui avait été quelque peu refroidie l’instant d’avant, avait à présent retrouvé cette complicité chaleureuse qu’elle avait su donner lors qu’elles s’étaient retrouvées plus tôt, à l’arrêt de bus. Elina se sentait heureuse, en cet instant… Mais, malgré cette atmosphère complice, jamais elle n’aurait pu ne serait ne fut-ce que penser imaginer ce qui allait se passer…

Sayuri s’écarta légèrement d’elle, et l’espace d’un instant, Elina crut qu’elle voulait tout simplement mettre un terme à cette étreinte. Après tout, elle ne pouvait pas rester indéfiniment dans les bras l’une de l’autre, n’est-ce pas ? Mais alors qu’elle se disait que cette idée n’était pas si désagréable, vint… ce qui vint. Sans qu’elle ne comprenne comment cela s’était passé, les lèvres de Sayuri vinrent s’unir aux siennes. Un baiser… Un vrai baiser… Elle était en train de… de… de se faire embrasser ! Elina se figea d’un coup, incapable de remuer le moindre muscle, comme si on venait de la pétrifier. Et pourtant… Son cœur battait la chamade, comme s’il essayait de partir en courant hors de sa poitrine. Et son corps lui paraissait tellement chaud qu’elle avait l’impression de fondre… Qu’est-ce qui se passait ? Non, elle savait très bien ce qui était en train de se passer… Sayuri, pour une raison qui lui échappait, l’avait embrassé. Non, était en train de l’embrasser ! Car leurs lèvres n’avaient pas fait que s’effleurer, non, elles étaient encore unies en cet instant. Ce n’était donc pas juste un accident… Une part d’elle, celle qui avait germé en elle après le scandale qui avait éclaboussé sa famille, l’incitait à attraper Sayu par les épaules, et à la repousser. Et pourtant, ses bras ne bougeaient pas. Une autre part d’elle, celle qui dominait ses actes pour le moment, refusait de mettre un terme à ce baiser. Au contraire, elle s’en délectait, même si ses yeux restaient grands ouverts sous l’effet de la surprise. La sensation de ses lèvres contre les siennes… était loin d’être désagréable. Et puis, cette proximité, partager cette intimité avec la demoiselle, franchir cette étape, c’était une chose qu’elle voulait. Une chose qu’elle espérait, même si elle n’en avait pas eu conscience jusqu’à maintenant. Pourquoi donc continuer à se voiler la face ? Elle était… amoureuse de Sayuri. Elina avait beau avoir du mal avec ce qui avait trait aux sentiments, en cet instant, elle ne doutait pas une seule seconde sur la nature de ce qu’elle ressentait. Lorsqu’elle était avec la jeune nippone, son cœur gardait rarement un rythme naturel. La voir, l’entendre, rien que cela suffisait à la rendre heureuse. Lors que leurs mains se joignaient, son corps se réchauffait, comme si un soleil naissait dans son cœur. Lorsqu’elles étaient séparées, ses pensées ne manquaient jamais de s’égarer vers la demoiselle, de lui rappeler les traits de son visage, l’intonation de sa voix… et alors son cœur se serrait douloureusement. Sensation qui ne disparaissait complètement que lorsqu’elle la revoyait le lendemain, où comme le beau temps chasse les nuages de pluie, la joie reprenait sa place dans son cœur. Alors, c’était ça, l’amour ? Ce sentiment dont elle était persuadée qu’elle ne le connaîtrait jamais ?

Ni l’une ni l’autre ne semblait encline à mettre un terme à ce baiser. Peut-être même aurait-il duré éternellement si une voix, à proximité, n’avait lâché un commentaire sur la décadence de la jeunesse, qui n’hésitait pas à s’exhiber en public. Que ce fut à leur sujet que venait de s’exprimer le propriétaire de la voix ou bien pour une toute autre raison, cela eu un effet sur Elina. Se crispant davantage, Sayuri semblait avoir senti un changement chez elle, car leurs visages s’écartèrent. Quelques centimètres les séparaient à présent, leurs yeux rivés l’un dans l’autre. Elina sentait qu’elle devait dire quelque chose. Cependant, les mots ne venaient pas… Aussi, fut-ce avec maladresse qu’elle dit :

- Je… Euh, je… merci.

Quelle idiote ! « Merci » ! Elle ne pouvait pas pondre quelque chose de plus indiqué à la situation ?! Malheureusement, Elina se trouvait dans un tel état de confusion qu’elle n’arrivait pas à dire quoi que ce soit d’autre pour se rattraper… Elle venait tout juste de prendre conscience des puissants sentiments qu’elle ressentait envers son amie, et qui expliquaient bien des choses… Mais surtout, ce qui la perturbait, c’était les raisons qui avaient poussés la demoiselle à agir de la sorte. N'y tenant plus, elle demanda :

- Sayu… P-Pourquoi tu as… fait ça ?

Est-ce que c’était le même genre de sentiments qu’elle ressentait, ou bien… Peut-être que la peine ressentit en pensant à sa famille, associée au sentiment de réconfort qu’elle lui offrait l’avait poussé à avoir ce geste si particulier ? Ou bien… S’agissait-il d’une façon de remercier propre à une coutume de chez elle ? Tant de raisons pouvaient avoir conduit à cette situation… Le regard toujours rivé dans celui de celle qu’elle avait finalement compris aimer, Elina attendait, une réaction, une réponse, qui mettrait un terme à ce doute, ou à cet espoir…

Le temps semblait s'être arrêté. Sons, lumières, présence d'autrui... Tout semblait s'être effacé autour d'elles, comme si elles se trouvaient au beau milieu du néant, du vide. En cet instant il n'y avait pour Sayuri qu'une seule chose, Élina. Sa chaleur, son corps, se baiser... La demoiselle aimait toutes les sensations que lui procurer cette découverte. C'était donc ça que ressentent les adultes quand ils s'embrassent ? Quand ils... S'aiment ? Ce mot raisonnait en elle. « Amour », elle avait à la fois envie de se laisser guider par ce sentiment contrôlé par le cœur, mais en avait aussi une crainte puissante. Qu'allait-elle faire si Élina...Si Élina ne l'aimait pas de cette façon-là ? Elle t-elle lui en vouloir ? Pire... La fuir ? Cette idée transperça douloureusement le cœur de la Nippone. Elle avait si peur qu'une telle chose arrive ! Elle devrait donc immédiatement stoppé son baiser, toutefois, elle craignait plus que tout de devoir faire face à sa camarade après cet événement... Elle aurait dû y penser à deux fois avant de sceller leurs lèvres ainsi sans crier gare ! Mais le retour en arrière était impossible et Sayuri devait donc assumer ses actes, même si cela devait lui faire perdre la précieuse personne qu'était à ses yeux Élina... Si précieuse... Désormais elle comprenait pourquoi elle appréciait tant les moments passés à ses côtés, ses envies irrésistibles d'être dans ses bras, de se sentir proche d'elle... La blonde avait simplement des sentiments plus forts que l'amitié à l'égard de la violine. Elina était celle qui représentait le premier amour de sa compagne.

La jeune fille n'avait pas entendu les reproches de l'inconnu parmi la foule, cependant elle ne pouvait pas ne pas remarquer un changement chez Élina. Elle s'était figé, soudainement crispée. Sayuri mit alors fin à leur proximité, se demandant si cette réaction n'était pas due à ce qui venait de se passer entre elles. Leur regard se croisa, plongeant l'un dans l'autre, jusqu'à ce que Sayuri baisse le regard, gênée et totalement honteuse de regarder Élina ainsi après un événement pareil. Elle serra ses doigts, les crispant sur le tissu de son vêtement, les yeux fermés. Elle redoutait tellement les paroles de sa camarade... Allait-elle être fâchée désormais ? Venait-elle de briser toute possibilité de passer une agréable journée après ce petit bisou ?...Cependant, il n'y avait, semblait-il, pas à se faire un sang d'encre. Car le verdict d'Élina fut, un remerciement.
La petite nippone se mit à rougir, n'osant toujours pas lever les yeux et osa encore moins lorsque la violine lui demanda pourquoi ce soudain rapprochement.

Triturant l'une de ses mèches d'un geste nerveux du doigt, Sayuri lui répondit en bégayant.

-J-Je...pardon...Je ne sais pas pourquoi...Je...C'était comme une pulsion...T-Tu m'en veux ?...S-S'il te plais m'en veux pas Eli-chan...

Elle termina sa phrase d'une voix tremblotante avant que des larmes ne viennent à nouveau couler sur ses joues roses.

-Je veux pas que tu sois fâchée...

Elina avait l’impression que son cœur était figé dans sa poitrine, tant celui-ci lui faisait mal. Mais bien au contraire, c’était le nombre affolant de battements qu’il produisait qui la faisait souffrir à ce point. Elle attendait la réponse de Sayuri, le verdict à la question qu’elle venait de poser. Ressentait-elle le même genre de sentiments qu’elle ? Le geste qu’elle venait d’avoir aurait pu le faire penser. Cependant, elle ne serait pas la première à s’être laissé emporter par une vague de sentiments incontrôlables… Il était si facile de confondre amour et reconnaissance… Et finalement, vinrent ces mots… Le couperet tombait, et le doute n’était plus permis. L’espoir, non plus… Car la demoiselle avait agi par pulsion. Ce n’était pas un acte délibéré, guidé par des sentiments amoureux, mais bien une chose qu’elle n’avait pu contrôler. Elina n’avait pas de mal à imaginer ce qui était passé par la tête de son amie. Ébranlée à l’évocation de sa famille, la peine qu’elle avait ressentie l’avait fragilisée. Et là, elle était venue, avec ses mots doux et réconfortants, tels un pansement pour son cœur meurtri. La reconnaissance qu’elle avait ressentie en les entendant l’avait conduite à avoir ce geste, ô combien agréable, mais ô combien douloureux en même temps. Car ce dernier avait fait naître l’espoir dans le cœur de la jeune russe, l’espoir que peut-être, elle aussi, pouvait ressentir des sentiments aussi fort que les siens. Malheureusement, il n’en était rien… La brève étincelle qui avait jailli en elle s’était éteinte tout aussi vite qu’elle n’était apparue, ne laissant plus qu’un froid mordant…

Elina n’en était pas particulièrement étonnée, au fond. Certes, elle avait cru… et se sentait stupide de l’avoir fait. Quelles étaient les chances que quelqu’un comme Sayuri soit attirée par elle ? La jeune nippone était… était rayonnante. Sa présence réchauffait les cœurs, son sourire illuminait les journées les plus sombres. Elle était comme un soleil, elle était… Alors qu’elle… Elle était froide et transparente, comme la glace. Triste, morne, sombre… Dès lors, comment une personne aussi chaleureuse que Sayu aurait pu laisser son cœur battre pour quelqu’un d’aussi déprimant qu’elle ? Certes, il se pouvait que la gente féminine ne la laisse pas de marbre, tout comme elle. Mais le fait qu’elle soit une fille n’en faisait pas la partenaire idéale, loin de là. Alors, pourquoi donc continuer à se torturer l’esprit avec ça ? Elina avait l’habitude des coups durs, ce n’en était qu’un de plus. Même si… Soit… S’il y avait bien une chose qu’elle ne devait pas faire, c’était montré la déception qui l’accablait. Heureusement pour elle, masquer ses émotions était devenu une sorte d’habitude pour elle, si bien qu’elle parvint à garder un visage égal. Elle ne voulait pas que Sayu se sente coupable, la jeune fille semblait déjà assez regretter son geste ainsi, pas la peine d’en rajouter. Déjà qu’elle pleurait… Faisant fi de son cœur douloureux, Elina frotta les larmes qui coulaient sur les joues son amie avec l’un de ses pouces. Alors, affichant ce qu’elle espérait être un sourire rassurant, elle chercha à lui apporter un peu de réconfort :

- Ne pleure pas, Sayu. Je ne t’en veux pas, rassures-toi.

Malheureusement, cela ne suffit pas à faire taire le flot de larmes de la demoiselle. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire d’autre ? L’idée de la prendre dans ses bras lui vint, cependant… Elle n’arrivait pas à s’y résoudre. La blessure de son propre cœur était trop à vif que pour qu’elle parvienne à serrer contre elle la personne qu’elle aimait sans en souffrir. Et elle se détestait pour ça… Pourquoi donc se montrait-elle à ce point égoïste ? Qu’était-ce donc qu’un peu de souffrance si cela pouvait permettre de mettre un terme à la peine que ressentait son amie ? Mais elle avait beau se répéter ces mots, son corps refusait de bouger… Et pourtant, elle se devait de faire quelque chose…

- Sayu, je suis ton amie, et je le resterais. Je n’ai pas l’intention de te laisser tomber j… juste pour ça. Alors, arrête de pleurer, s’il-te-plaît…

Le cœur d’Elina, déjà douloureux, se serrait davantage en voyant les larmes de la demoiselle. Si elle pouvait faire naître à nouveau un sourire sur son visage, alors peut-être que sa propre douleur se dissiperait. Mais même s’il était nécessaire pour elle de souffrir davantage afin d’atténuer la peine de Sayuri, son désir de la voir sourire resterait inchangé. Fixant toujours le visage larmoyant de la jeune nippone, Elina attendait de voir si, cette fois, ses mots auraient réussis à atteindre leur but.

Elle s'en voulait tant, elle se haïssait tellement... Elle venait de gâcher leur journée à cause de ce sentiment naissant en elle. Pourquoi l'amour faisait aussi mal ? N'était-ce pas censé être un ressenti agréable ? Quelque chose de beau ? Là, c'était tout le contraire... Ça faisait mal, si mal... Pourquoi avait-il fallu que Sayuri éprouve cela envers Élina ? Pourquoi elle est non pas quelqu'un d'autre ? Au fond, la nippone le savait pertinemment, tout cela était dû à leur rapprochement, leur entraide, leur complicité, leur... Amitié... Mais voilà ce qui était tout le problème ! Tombée amoureuse de la suijin viendrait à briser cette amitié. Et c'était alors que deux options s'offraient à la demoiselle. Soit sa camarade acceptait cela et vivait avec soit... Le cœur de la blonde se resserra douloureusement. Soit la violine prenait peur face à cet amour et prenait la décision de prendre des distances avec son amie...
Et, malgré le fait qu'Élina disait qu'elle ne lui en tenait pas rigueur, malgré qu'elle vînt doucement essuyer les larmes perlant sur les joues de sa compagne, cela ne parvenait pas à consoler cette dernière. Il y avait comme du faux, un mensonge dans ce que disait Élina. Cela s'entendait à sa voix... Elle n'était pas si sincère que d'habitude, elle semblait camoufler quelque chose de douloureux... En songeant que cela était probablement de sa faute, ses pleurs devinrent de véritables torrents. Ses chaudes larmes vinrent même à attirer quelques regards curieux ou interrogateur dans la foule.

-Tu mens...C-Ça s'entend...Tu es fâchée...Je t'ai blessée...Je voulais pas...J-Je voulais...Je voulais être heureuse avec toi et j'ai tout gâché...


Elle s’apprêtait à se lover contre elle pour y trouver réconfort lorsqu'elle se stoppa net. Il valait peut être mieux qu'elle n'en rajoute pas une couche...Elle préféra donc demande permission avant toute action rapprochée avec l'adolescente aux cheveux mauves.

-Je...Je peux...Te faire un câlin ?...Si tu veux pas je...Je comprendrais...Je veux juste pas que par ma faute...On se dispute...E-Et je veux encore moins te faire du mal...


Elle baissa les yeux, n'osant pas la regarder. Puis, levant légèrement la tête sur le côté, elle sécha ses marques de tristesse qui collé à la peau de son visage et se leva, demandant à son amie de l'attendre quelques instants. Elle venait de trouvait mieux qu'une étreinte de pardon, du moins, elle espérait que cela plaise à Elina...La petite nippone revint alors quelques minutes plus tard, les mains encombrées par deux assiettes contenant de la bûche glacée saveur vanille.

-Tiens...P-Pour...Me faire pardonner...
Lui dit-elle à voix mi-basse, espérant que sa camarade accepte son pardon...

« Tu mens ». Tels furent les premiers que prononça Sayu après qu’Elina eut tenté de la consoler une seconde fois. Pourquoi donc disait-elle cela ? Tout ce qu’elle avait dit était pourtant vrai… Elle ne reprochait rien à la jeune nippone ! Ce n’était pas de sa faute à elle si elle était assez stupide pour s’être imaginé des choses aussi impensables ! Et pourtant… Et pourtant, elle se rendait responsable de ce qui se passait… Qu’est-ce qu’elle pouvait s’en vouloir, en cet instant ! Certes, c’était qui l’avait embrassé, mais n’avait-elle pas le droit d’avoir eu un instant de faiblesse ? C’était elle, la responsable ! Elle aurait pu prendre cela comme ça l’était, un simple malentendu. Mais non, il avait fallu qu’elle ait une révélation à cet instant précis, et qu’elle croit, qu’elle espère que, peut-être, une personne aussi merveilleuse que Sayu ait pu s’enticher d’elle. Et non contente de cela, il fallait en plus qu’elle laisse voir son mal-être ! Car son amie s’excusait de l’avoir blessé… Ce qui voulait dire qu’elle l’avait senti. Pourtant, elle était sure que son visage ne laissait rien transparaître ! Alors, comment ? Ses yeux ? Sa voix ? Son comportement ? Tout cela ? Est-ce qu’elle était à ce point transparente ? Quoi qu’il en soit, le résultat était là… Sayu était malheureuse, et c’était de sa faute… Dire qu’un instant auparavant, tout se passait si bien ! Et maintenant…

Elina perçut un mouvement de la demoiselle, mouvement qui n’aboutit à rien. La raison de ce dernier fut alors donnée de vive voix : Sayuri voulait un câlin. D’habitude, elle le lui aurait offert sans mal. D’ailleurs, une part d’elle voulait le lui donner. Mais une autre, elle, la poussait à refuser… Elle sentait que ce simple geste la blesserait à un point… qu’elle n’était pas sure de pouvoir supporter. Et peut-être que cette fois, aussi, ce sentiment fut décelable, car Sayuri sembla renoncer à cette demande. D’ailleurs, elle s’éclipsa rapidement, lui demandant de l’attendre. Elle n’avait donc pas l’intention de partir, et de mettre fin à cette soirée… n’est-ce pas ? Si elle lui avait dit d’attendre, c’est parce qu’elle avait l’intention de revenir… n’est-ce pas ? Si ça n’avait pas été Sayu qui le lui avait demandé, Elina aurait pu douter de la véracité de ces mots. Cependant, elle était sure qu’elle ne serait pas du genre à lui demander de l’attendre pour ensuite s’éclipser. Et elle avait raison, car son amie ne tarda pas à revenir, les mains chargées de deux assiettes. Et dessus était posé… deux tranches de bûches glacées. Sayu lui tendit une assiette, en lui précisant qu’il s’agissait là d’une façon pour elle de se faire pardonner. Elina regarda l’assiette, torturée. Elle ne lui reprochait rien, et pourtant… elle n’arrivait pas à le lui faire comprendre. Quels mots devait-elle employer pour y parvenir ? Finalement, peut-être qu’il n’en existait aucun…

- Très bien, je te pardonne ! Comment pourrais-je en vouloir à quelqu’un d’aussi gentille que toi, de toute manière ? Tu es vraiment un ange !

Sayuri avait bravé sa gêne et sa peur de la foule juste dans l’espoir qu’elle se réconcilie. Et si lui dire qu’elle n’avait rien à lui reprocher ne servait à rien, prétendre qu’elle lui pardonnait pouvait être la meilleure chose à faire. Aussi, était-ce d’un ton qu’elle espérait convaincant qu’elle avait dit cela, avant de se saisir de l’assiette qui lui était tendue. Sans plus attendre, elle commença à manger la part de bûche glacée qui y était posée, et lorsque la première cuillérée fut avalée, elle s’exclama :

- Hmm, elle est vraiment bonne. Merci beaucoup, Sayu !

Elle avait employé un ton enjoué, agissant le plus naturellement possible. De tout son cœur, la seule chose qu’elle désirait en cet instant, c’était mettre un terme à cette ambiance étrange qui était venue s’imposer entre elles.

Sayuri tenait à se faire pardonner, pour preuve, elle avait bravé sa bête noire, la foule. À dire vrai, sa volonté avait fait qu'elle n'y avait pas du tout prêté attention. Rien n'avait pu entraver son désir de retrouver la sympathie d'Élina. Cependant, rien ne pouvait assurer que l'adolescente à la chevelure mauve aller accepter cette manière assez particulière de dire pardon... Il ne restait donc plus qu'à la nippone de croiser les doigts tout en attendant le verdict de son amie, déglutissant à l'idée que même ceci ne suffise pas à atténuer la tension.
Finalement, bonne nouvelle, la violine avait pris en main l'assiette contenant le savoureux dessert, répondant qu'elle ne lui tenait plus rigueur des événements précédents. Chose qui rassura sa camarade, toutefois la jeune fille en demeurait inquiète. Elle n'osait plus ne serait-ce que dialoguer avec sa compagne, de peur de crée un nouveau fossé entre elles deux. Si bien qu'une fois assise à sa place de tout à l'heure, Sayuri contemplait le contenu de son assiette en silence, détournant le regard de temps à autre en direction de celui de sa compagne qui en vantait l'onctuosité. Il était vrai que cette bûche de Noël était réussite mais... Malgré son amour pour ce gâteau glacé, Sayuri ne parvenait pas à le trouver extraordinaire. Chaque bouchée semblait lui faire perdre tout son arôme, toute sa douceur, jusqu'à en devenir morne. Le reste de chagrin de tout à l'heure laissait un goût amer dans la bouche de la blonde. Elle devait faire une tête superbe pour un jour de fête... Vraiment... Où était donc la gaieté dans tout ça ? Elina venait de lui pardonnait, elle devrait s'en montrer heureuse, en sourire. Rien de tout cela, juste le même visage morose que plus tôt.

Le reste du repas se passa dans ce profond silence pesant, silence qui fut brisé par Elina. La pauvre devait ne plus tenir sous cette pesante pression...
Cette dernière proposa de se rendre au village de Noël, un endroit spécialement fait pour ce jour de l'année et où la magie et la gaieté de cette date se sentaient à plein nez. Cela pouvait s'avérer une bonne façon de briser ce mur semblant s'être imposé entre elles. La nippone hôcha la tête avant de se lever et se préparer à partir. Néanmoins, une chose semblait causer un manque...En effet, contrairement à d'habitude, la demoiselle ne tenait pas la main de sa camarade et ne comptait pas la tenir après les ravages de leur dernier contact physique. Elle se contenta donc de les enfourner dans ses poches de manteau et de demander doucement.

-C'est par où le village de Noël ?...Je te suis...

Et ce fut ainsi que les deux adolescentes changèrent de cap, la tension présente dans l'air hélas, les suivait de près...

Tandis qu’elle enfournait avec un enthousiasme feint le dessert que lui avait apporté son amie, Elina ne put s’empêcher de constater que l’ambiance était à peu près aussi chaleureuse que ne l’était la bûche qu’elle allait bientôt terminer. De toute évidence, sa petite comédie ne prenait pas, ou bien ne suffisait pas à faire passer le malaise qui s’était créé entre les deux jeunes filles… Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire, alors ? Rien de ce qu’elle faisait ne marchait… Fallait-il vraiment que tout aille de travers ? Elina espérait que cette soirée n’allait pas gâcher l’amitié qu’elles avaient su tisser entre elles. Certes, elle aurait aimé que leur relation soit… différente. Plus qu’une simple amitié. Mais à défaut du mieux, elle se contenterait du bien… Car la présence de la demoiselle était importante pour elle, et s’en retrouver privé… Peut-être, finalement, qu’elle aurait mieux fait de ne pas l’inviter ? Non, elle ne devait pas penser ainsi ! Tout n’était pas perdu ! Pas encore… Du moins, elle l’espérait. Il fallait à tout prix qu’elle tente de faire comprendre à Sayu qu’elle ne lui en voulait pas, qu’elle… qu’elle voulait qu’elles restent amies. Et même si ce dernier point manquait un peu de franchise, le fait était qu’elle ne voulait pas que leur relation finisse. Aussi, échafaudait-elle un plan pouvant briser la glace entre elles.

De longues minutes de silence s’installèrent entre les deux jeunes filles, le genre de silence qui n’avait pas sa place en temps normal. Cela donnait l’impression à la jeune russe qu’une distance se creusait entre elles, et c’était précisément la chose qu’elle voulait éviter. Aussi, il était temps de mettre au point le piètre plan qu’elle avait mis en place :

- Est-ce que… ça te dirait d’aller au village de Noël ? Il paraît que c’est très beau…

Elina espérait que l’ambiance magique qui devait régner sur place suffirait à réchauffer l’ambiance. Toutes ces lumières, cette atmosphère… Cela pouvait être un bon moyen de chasser les souvenirs de ce qui venait de se passer, et ramener le sourire sur le beau visage de Sayuri. Et si cela ne suffisait pas… Outre les différents stands, elle avait un dernier atout dans sa manche ! De ce qu’elle savait, il y avait des tours en traîneaux qui étaient organisés. Si elle parvenait à prendre place dedans avec son amie… Ce genre de chose devait être nouveau pour elle, et ce petit côté enchanteur pourrait enfin lui apporter un peu de cette joie dont elle venait de la priver. Si ça ne marchait pas…

Se secouant intérieurement, Elina chassa de sa tête cette éventualité. Si elle partait défaitiste, elle ne parviendrait pas à atteindre son objectif. Sayu se leva, prête à partir, sans avoir prononcé le moindre mot cependant. Il n’y avait aucune trace de l’engouement qu’elle avait manifesté plus tôt, lors de leurs précédentes activités… Essayant de ne pas prêter à ce mauvais signe, Elina ramassa son sac posé à côté d’elle, et se prépara à quitter les lieux également. C’est à cet instant que son amie prononça ses premiers mots depuis ce qui lui semblait être une éternité. Elle lui annonçait qu’elle la suivait, tout simplement. Son ton était sans joie, si bien qu’un bref instant, la jeune russe envisagea de se raviser, et de simplement la raccompagner chez elle. Mais non, il fallait qu’elle continue à se motiver, et ne se laissa alors pas démonter. Elle prit alors les devants, se dirigeant vers l’entrée du buffet, où elles remirent leur bonnet avant de se retrouver à nouveau dans les rues, prenant la direction de ce qui serait leur dernière étape de la soirée… pour le meilleur, ou pour le pire.

Fin de la deuxième partie