Pour une amie, on n'a pas peur de se mouiller ! [Ft. Melo]

« Woah... quel temps de chien. »

On était dimanche. Le soleil avait cogné sur le petit village d’Ikazuchi pendant toute la matinée, dardant de ses rayons l’ardoise des toits du centre ville. Tout laissait à penser que la journée serait sous le signe du beau temps, et pourtant...

Il était aux environs de quatorze heures lorsque je prenais le bus pour Kousha, ayant terminé ma matinée de travail à la supérette. La chaleur était au rendez-vous, et j’en avais profité pour manger un morceau en ville avant de rentrer me préparer. Quand j’y repensais... c’était la première fois que j’allais chez Mélodie. Depuis qu’elle m’avait parlé de cette surprise qu’elle avait pour moi, je n’arrêtais pas d’essayer d’imaginer des théories toutes plus farfelues les unes que les autres pour tenter de deviner ce dont il s’agissait... j’étais irrécupérable.
Bref, j’étais maintenant de retour chez moi, et j’avais finalement tué le temps qu’il me restait à flâner sur internet plus qu’à m’apprêter. Ce n’était pas un rendez-vous galant non plus, fallait pas exagérer... hum. Je m’étais habillée léger pour le temps, une simple chemise pâle et un short, pour ne pas trop souffrir de la chaleur. Haha, bonne blague...

L’averse m’est tombée dessus sans prévenir. Ce n’était que quelques goutes au début, mais l’instant d’après, un véritable déluge comme on n’en voit qu’en Bretagne s’est abattu sur la ville. « La poisse... » ai-je marmonné en accélérant l’allure, tentant de m’abriter comme je le pouvais avec mon pouvoir. Je n’aimais pas perturber le climat naturel, je ne le faisais qu’en cas d’extrême nécessité, et là, ce n’en était pas vraiment une... quoique... Finalement, ce fut la nature ébranla mes résolutions : un tonnerre fracassant résonna à travers la ville, alors qu’un grand éclair blanc déchirait le ciel devenu sombre.

« Mélo... »

Réagissant instinctivement, le vent vint me gifler le visage alors que je gémissais d’une voix à peine audible au milieu de cette pluie torrentielle. Un long frisson me parcouru l’échine, mais ce n’était pas le froid qui en était la cause... Je... je n’ai pas peur... c’est juste l’orage...
A nouveau, un éclair traversa le ciel, et un sursaut me fit presque sauter d’un mettre sur le trottoir. J’étais seule au milieu de la rue, j’étais bien la seule à m’être fait surprendre par ce temps. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de secouer frénétiquement la tête à la recherche d’une personne... Mélo... il faut que je me dépêcher d’aller m’abriter. Forte de cette résolution, je me suis hâtée vers ma destination. Ce n’était plus très loin, je ne m’étais pas trompé... j’espère. Essoufflée après avoir couru comme une dératée et plus dégoulinante qu’un slime par cette saucée que j’avais essuyée, il ne me restait plus qu’à attendre qu’elle vienne m’ouvrir. Elle allait surement tirer une drôle de tête, tiens...

« Haha... Atchou !... snif. »

Voilà que j’allais attraper un rhume, maintenant...

Je commençais amèrement à regretter de ne pas m’être couverte un peu plus chaudement avant de partir... les prévisions n’étaient pourtant pas à l’orage pour aujourd’hui. Au moins, j’étais à l’abri de la pluie devant la porte. Dans quelques instants, je pourrais me sécher contre un radiateur brûlant chez mon amie... rien de d’y penser, je me sentais transportée d’une sensation de douceur comme si j’y étais déjà.

« Lyra !!
- ... Mélo ? »

Bizarre, sa voix ne venait pas de l’intérieur... je me suis retournée vers la source des pas qui se précipitaient vers moi, à coup de grands ‘‘ploc !’’ dans les flaques qui jonchaient l’allée reliant les différents logements étudiants de ce regroupement. Elle me confirma bien vite ce que j’avais deviné : je m’étais trompé d’endroit... il faut dire qu’avec ce déluge, je n’avais pas eu le temps de réfléchir plus loin que le premier immeuble où je pouvais m’abriter. Je lui ai fait un sourire désolé alors qu’elle me grondait de ne pas avoir pu éviter l’averse, tout en me mettant son manteau sur les épaules. Cela m’amusait un peu de la voir ainsi, c’était mignon. De son côté, elle avait un parapluie, cela devait aller pour revenir au sec.

« Je suis venue à pied, ça a éclaté au beau milieu de la route...
Un nouvel éclair vint interrompre mes explications, me faisant tressaillir.
- Euh... on peut parler au chaud, si ça te dérange pas ? »

Je commençais à grelotter dans tout ce froid, et cet orage ne me rassurait pas. La pluie avait rendu mes vêtements tout poisseux et collants, j’avais hâte de m’en débarrasser le temps de les faire sécher. Soupir... Je devais avoir l’air d’une idiote devant Mélodie, mais depuis le temps, elle commençait à comprendre que la prévenance n’était pas ma nature première.
C’est donc au pas de course que nous avons traversé la cour pour rejoindre l’appartement de Mélodie, nous coupant une bonne fois pour toutes de cette tempête imprévue. A peine à l’intérieur, le tapis d’entrée faisait déjà éponge tant mes vêtements s’étaient imbibés sur le trajet. Au moins, le hall était chauffé et me mettait un peu plus à l’aise.

« Je crois que je vais devoir t’emprunter des vêtements de rechange, haha ~ »

Je l’ai suivie dans les escaliers jusqu’au premier étage où elle habitant, laissant derrière moi de une petite trainée de goutes à la manière des miettes de pain d’Hansel et Gretel. Qui sait, Mélo habite peut-être dans une maison de pain d’épice ? Peut-être pas, mais j’aurais mis ma main à couper qu’elle avait une salle secrète remplie de choses sucrées quelque part, ou au moins un tiroir à sucettes. En tout cas, j’étais curieuse de visiter. He he ~ ♪

Sur le coup, je ne relevai même pas la tentative à peine dissimulée de Mélodie à me rappeler cette surprise qu’elle gardait entourée de mystère depuis ces quelques jours. En fait, je ne voyais pas trop ce que cela pouvait être et je savais que la jeune fille ne tiendrait plus très longtemps avant de le dévoiler d’elle-même. D’autant plus si je ne répondais pas à ses provocations...

Une fois arrivées sur le palier, Mélodie réalisa qu’elle avait laissé la clef dans une poche de son anorak. J’allais l’enlever pour la laisser fouiller, mais celle-ci ne m’en laissa pas le temps ; et pour atteindre les poches intérieures, disons qu’il fallait... être relativement proches ? Cela ne me gênait pas, mais... en tout cas, elle trouva rapidement ce qu’elle cherchait, retirant d’une des poches un trousseau fourre-tout assez impressionnant. Mieux valait s’assurer de ne pas le perdre, celui là ! Tout en tournant sa clef dans la serrure, elle annonça le programme : douche et chocolat chaud, ce n’était pas pour me déplaire.

A l’intérieur, cela ressemblait à un logement étudiant relativement normal. Comme c’était la première fois que je venais ici, j’avoue que je laissais trainer mes yeux un peu partout. Quand j’étais petite, j’allais toujours fouiner dans tous les placards chaque fois qu’on allait voir des gens. Parfois, je trouvais vraiment des objets inattendus... j’étais juste accro au frisson de l’exploration, mais je doute que Mélo accepte de me voir fouiner dans ses secrets. Il n’y a vraiment qu’aux enfants qu’on pardonne de laisser libre cours à leurs envies...
Tout pendant ce temps, la jeune fille troquait ses chaussures trempées contre une paire de pantoufles, m’indiquant au passage la direction de la salle de bain. Lâchant mon tour du propriétaire pour le moment, j’acquiesçai simplement à ses paroles avant de l’imiter, les pantoufles en moins.

« Tu devrais te changer aussi, j’aimerais pas que tu attrapes froid par ma faute. »

En effet, sa chemise noire affichait maintenant un magnifique dégradé le long de son épaule qu’elle n’avait pas pu protéger tout à l’heure. Il tombait de sacrées trombes au dehors et le martellement de l’eau sur les vitres était là pour le rappeler à notre bon souvenir.
Suite à cette suggestion, je lui souris et poussai la porte de la salle de bain en attendant qu’elle m’apporte le nécessaire. Je pouvais au moins essorer cette chemise qui me collait à la peau en attendant, je pourrai la laisser près du radiateur pour qu’elle sèche plus vite. J’espérais que Mélo ait quelque chose à me prêter en attendant... d’ailleurs, je l’entendais arriver de l’autre côté de la porte. « Tu peux entrer. » lui signifiai-je tout en m’occupant à présent de mon short qui avait subit le même sort que le reste. Il y avait encore quelques vieux bouts de papiers dans les poches, mais ils étaient illisibles maintenant. Et une piécette de vingt kolizen, j’avais dû l’oublier. C’est toujours utile pour tirer à pile ou face, non ?

La porte s’ouvrit sur une Mélodie les bras chargés de vêtements de rechange. Au sourire malicieux qu’elle arborait, je voyais bien qu’elle avait quelque chose en tête... et son enthousiasme ne tarda pas à déborder, lorsqu’elle déplia fièrement la robe d’été qu’elle voulait tant me montrer, en faisant même tomber les sous-vêtements qu’elle avait apportés dans la précipitation.
Sur le coup, j’eus un mouvement de recul, comme si j’avais vu un démon apparaitre devant moi. Une robe... Mélo espèce de sadique ! Enfin, elle ne pouvait pas savoir, je ne lui avais jamais dis que je n’aimais pas porter ces... choses. Cependant, je devais admettre qu’elle avait bien choisi les couleurs. Elle était très jolie avec sa teinte bleue azuré aux nuances pastel, je l’aimais bien malgré tout.

« Je vais l’essayer. Je suis pas trop robe d’habitude, mais elle est sympa. »

Je pouvais bien la porter aujourd’hui, c’était mon premier cadeau de Mélo et l’attention était touchante, je ne pouvais pas vraiment me plaindre. Quant à savoir si j’allais la ressortir du placard une fois l’été venu... c’était peut-être un peu trop me demander ! Enfin, après l’avoir prise pour l’examiner un peu, avant de la déposer sur un meuble au hasard avec le reste des vêtements qu’on m’avait apporté, il ne me restait plus qu’à prendre une serviette et un gant de toilette, qui se trouvaient apparemment dans la commode toute proche.

« Bon, je fais vite, promis ! »

Laissant mon hôte quitter la pièce pour me déshabiller complètement, je mis mes sous-vêtements à sécher sur le radiateur avant de me glisser sous l’eau chaude avec un soupir d’aise. Ils n’étaient pas aussi mouillés que le reste, ils devraient être prêts quand je sortirais. Rester paresser sous la douche était tentant, mais je ne voulais pas faire attendre mon amie, et puis je devrai encore sécher mes cheveux après ça. Cela prenait du temps de s’occuper de cheveux longs... Finalement, je sortis assez vite de l’eau, ne souhaitant pas trop trainer non plus.

« Je t’emprunte ton sèche-cheveux. Dis, tu veux pas venir t’occuper de moi ? ~ »

C’était là plus une plaisanterie qu’une réelle invitation, mais je n’étais pas contre me laisser chouchouter un peu. Une simple serviette enroulée autour du corps, je pris l’appareil et commençai mon affaire devant le miroir, sans vraiment attendre de réponse de sa part. Elle était peut-être déjà occupée à autre chose... enfin, peu importe, je la rejoindrai quand j’aurai fini dans ce cas. Et puis, je me demande si cette robe allait vraiment rendre bien sur moi...

Elle n’avait pas répondu à mon invitation, dommage... Sèche cheveux à la main, je m’appliquais à terminer mon ouvrage en fredonnant un air léger. Quand une musique me reste en tête et que je suis seule, je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi. J’aimais beaucoup en jouer, à l’époque, mais... sans instrument, c’était difficile de pratiquer, et du fait de mes performances, je ne pouvais me joindre à aucun groupe. Enfin, cela ne m’empêchait pas de siffloter quand j’en avais la moindre occasion. Des musiques d’animés, pour la plupart... j’espère que Mélo ne m’écoutait pas en douce, ce serait gênant.

Une fois mon séchage terminé, il ne me restait plus qu’à m’habiller. Ce fut à ce moment je tombai sur les sous-vêtements de rechange qu’elle avait apporté... pas vraiment ma taille, même si je m’y attendais. De toute manière, les miens étaient pratiquement secs. Plus qu’à essayer cette robe... a vrai dire, je ne me sentais pas trop à l’aise dedans. Kiara en portait souvent pendant la saison estivale, ça lui allait bien, mais à moi... Rhaa, je n’allais pas non plus me retourner devant le miroir pendant une demi-heure ! Serrant les poings bien haut en signe de motivation, je fis un dernier tour sur moi-même avant d’aller ouvrir la porte pour rejoindre celle qui m’attendait.

« Alors ? Montre-moi comment elle te va ?
- Rapide... »

A peine sortie, elle s’était déjà jetée sur moi, et ce fut bientôt une avalanche de flashs qui me tomba dessus. Qu’est-ce que ? – son portable ! Elle m’avait prise au dépourvu, la fourbe.

« Kyaaa ! Donne-moi ça tout de suite ! »

J’avoue, je me prenais déjà au jeu. Passé l’effet de surprise, je me jetai sur elle pour la plaquer au sol, tentant de lui arracher le téléphone qui lui échappa des mains et glissa sur le parquet. Un sourire victorieux au visage alors que j’avais pris le dessus, j’en profitai pour l’immobiliser au sol afin de prévenir toute tentative d’évasion : une main venait retenir son poignet à la hauteur de sa tête, l’autre bloquant directement son autre épaule. Elle était a moi, maintenant.

« T’aurais pas dû faire ça ! Ca mérite la peine capitale tu sais ?... Meurs par les chatouilles ! »

Et joignant immédiatement le geste à la parole, Mélode se trouva assaillie par une nuée de doigts venant se glisser sous son t-shirt pour lui chatouiller les côtes. Je n’avais plus vraiment moyen de la tenir immobile dans cette position, mais elle ne pouvait plus vraiment fuir de toute façon. Peut-être que si elle suppliait... ha ha, qu’est-ce que je raconte ? C’est un match à mort, pas de pitié pour les croissants ! Et tout en continuant mes attaques stratégiques, je me laissais peu à peu gagner par l’excitation et le fou rire qui s’en suivait.

Il était trop tard pour se repentir. Chaque supplication de la jeune fille ne faisait que me conforter un peu plus dans ma volonté de l’attaquer encore et encore, ne lui laissant aucun répit, aucune ouverture. Elle pouvait bien se contorsionner dans un sens ou dans l’autre, je ne la laisserais pas s’échapper. Si elle avait encore la force d’appeler à l’aide, c’est que ce n’était pas encore assez !
Seulement, à m’amuser comme une folle, j’avais négligé ma défense... ce n’était pas vraiment un problème, du moins je le pensais avant de me prendre ce brouillard magique à la figure. Sa magie parasitait mes sens, je ne me souvenais que trop bien de cette sensation d’effroi que j’avais ressenti la première fois que j’avais affronté ce type de pouvoir. Si je l’avais voulu, j’aurai déchiré ce brouillard en un instant grâce ma magie. Mais j’étais bien consciente qu’un simple jeu ne valait pas la peine de causer des dégâts à l’intérieur de l’appartement, aussi désagréable fut ce tour.

« Hey, c’est de la triche ! »

Je ronchonnais alors qu’elle profitait de sa diversion pour tenter de me renverser, ce qu’elle parvint à faire malgré ma résistance. Cependant, un bruit inattendu perça à travers les ténèbres... un déchirement ? Très vite, je compris de quoi il s’agissait : la robe qu’elle venait de m’offrir avait rendu l’âme.

« Hau... désolée, je pensais pas qu’elle serait aussi fragile... elle aura pas duré longtemps, la pauvre. »

Constatant pleinement les dégâts maintenant que le brouillard était dissipé, je me sentais mal d’avoir déjà massacré le cadeau que Mélo m’avait fait. Je n’aimais pas les robes, c’est vrai, mais quand même... avec un soupir de dépit, je me relevai lentement tout en retenant d’une main l’ouverture sur le côté du vêtement. Elle était plutôt longue, mais peut-être qu’elle serait réparable. Je n’y connaissais rien en couture, mais je savais que certaines de mes amies se débrouillaient dans le domaine, ça ne coutait rien de demander. Malgré tout, une certaine déception pouvait se lire sur mon visage. La poisse...

« Je vais encore devoir t’emprunter quelque chose. »

Il ne me restait plus qu’à attendre que mon amie me rapporte quelque chose pour me changer, encore... Franchement, entre cette averse surprise et cette robe, aujourd’hui n’était pas mon jour de chance. Ca serait quoi la prochaine, le plafond allait me tomber sur la tête ? Pas possible... mais j’avais beau dire, je ne pus m’empêcher de jeter un regard inquiet au dessus de moi à cette pensée. Ah ah... je plaisantais, hein ?... pour de vrai ? Je soupirai.

Après avoir constaté les dégâts, Mélodie acquiesça et s’en reparti chercher de nouveaux vêtements de rechange. Elle ne fut pas bien longue, revenant vite avec un t-shirt et un short. La robe allait devoir rester au placard pour le moment... mais elle n’était pas fichue pour autant, il y aurait bien un moyen de la récupérer d’une manière ou d’une autre. Un fil, une aiguille, un peu de magie... Mélo avait l’air positive à ce sujet, je n’avais pas à m’en faire.

Ressortant de la salle de bain une fois changée, je lui rendis la robe pliée qu’elle alla poser sur une meuble, en profitant pour aller m’installer au coin canapé avec les tasses de chocolat qui commençaient doucement à refroidir. Je pris la tasse la plus proche entre mes mains pour profiter de la chaleur tant qu’elle l’était encore, prenant une gorgée alors que la jeune fille venait me rejoindre. Eh, éviter les chatouilles avec elle a l’avenir ? Et puis quoi encore... si elle pensait s’acheter une trêve de cette façon, elle se mettait les doigts dans l’œil. Ma vengeance serait terrible... d’ailleurs, à ce propos :

« Au fait, tu veux qu’on reparle de ta triche avec ce brouillard bizarre ? Hm mmh... »

Dévisageant l’adolescente d’un air inquisiteur, je reposai ma tasse sur la table à côté de l’autre en m’approchant. Et tout pendant que je faisais cela, dans mon dos s’éveillant un petit furet nuageux qui se glissa sous le canapé pour aller chercher le téléphone de la fautive. * Va chercher petit, rapporte. Peut-être trouverai-je de meilleurs moyens de pression dans la mémoire de son précieux appareil ? Je pouvais me faire justice moi-même.
Quand l’animal eu trouvé, il ressorti sans un bruit en trainant son trophée entre ses pattes, venant couiner à mes pieds pour me demander de le remonter. Avec un sourire, je lâchai Mélo pour ramasser mon butin et tendis la main au furet pour qu’il grimpe sur mon bras jusqu’à l’épaule ou il irait surveiller la propriétaire le temps de l’inspection. Vous savez, ce genre de petites bêtes, ça peut se glisser vraiment partout...

« Qu’avons-nous là ? Je me demande ce que tu caches comme secrets ! »

En premier lieu, je fermai l’appareil photo pour accéder à son album photo. En fait, je comptais beaucoup sur ses réactions pour me dire s’il y avait effectivement quelque chose d’intéressant à déterrer dans ses archives... après tout, qui mieux qu’elle pourrait savoir quels secrets gênants renfermait ce petit boitier ? Les gens sont si faciles à lire quand ils paniquent.

Tout le monde a des petits secrets, des choses à cacher. Et le plus souvent, ils sont là où personne ne penserait à les chercher : à la vue de tous ! C’est si facile de chiper un téléphone, après tout, allez pas me dire que c’est sécurisé. En tout cas, il y avait quelque chose d’intéressant à déterrer ici, je pouvais en être certaine. Mélodie ne disait mot à ce sujet, cependant son expression et sa façon de réagir me laissait penser qu’il y avait quelque chose de louche là dedans. Elle avait raison, il y avait les photos qu’elle venait de prendre de moi, et aussi une bonne série de celles qu’elle avait prise avec Sakura. Mais ce qu’il y avait aussi, au milieu de tout ça, c’était...

Seulement, elle avait compris que j’avais compris qu’elle avait compris – vous suivez toujours, hein ? – où elle voulait en venir... et réalisant cela, Mélo ne perdit pas un instant de plus pour bondir littéralement sur moi, tel un tigre sur sa proie, me renversant sur le canapé sans me laisser la moindre chance. Hey, plutôt rapide quand on lui donne motivation à se défendre... mais elle pouvait encore rêver pour espérer reprendre le téléphone de mes mains.

« Allez Lyra, sois une gentille fille et rends le moi. Il n’y a rien d’intéressant pour toi dedans.
- Pourtant, t’es super mignonne dans ce cosplay. J’te jure ! »

Oh, je n’étais pas certaine que c’était effectivement ce qu’elle cherchait à protéger, mais il y en avait plein d’autres à côté, plus qu’à me servir. Elle ne m’avait pas laissé le temps de fouiller tout l’album, mais j’avais déjà dénicher de jolies perles. Mélo aurait donc une vie secrète ? ~
Tout en m’amusant de ses réactions, je gardais farouchement le téléphone dans le but de poursuivre un peu mes fouilles dès qu’elle m’aurait lâchée. Mais ça, c’était peut-être un peu trop lui demander... je ne pouvais pas trop me débattre sur le canapé, je risquais de nous faire tomber toutes les deux et de renverser la table à côté. Mais Mélo avait oublié un détail, qui n’était pas anodin : j’avais un partenaire cette fois. Levant innocemment ma main libre, je fis un petit signe du doigt à la jeune fille. Pointant vers le col de son t-shirt, plus précisément... mais ce n’était pas à elle que le signal s’adressait ; plutôt au petit furet que j’avais invoqué, et qui avait dans le chaos échappé à la vigilance de la tsukuyomi. Quand je vous dis que ça se glisse vraiment partout ces petites bêtes...

« Je sais pas ce qu’il avait ton brouillard, mais mon furet en tout cas, il t’aime bien. Cadeau de la maison ♥ »

Pouffant de rire au passage, je profitai de la distraction pour la déstabiliser en prenant son bras, puis la retournant sur le dos. Elle était vulnérable et moi, je pouvais m’échapper ! Je l’aurais bien bloquée jusqu’à ce qu’elle avoue sa défaite, mais la regarder se débattre avec mon animal se trouvait être tout aussi distrayant. La question était : est-ce que le canapé allait résister à une telle agitation ?

J’ai cru que j’allais mourir de rire, à la regarder se débattre dans tous les sens pour se défendre de ce petit cadeau à quatre pattes. C’était toujours une certaine fierté de voir mes coups se dérouler au poil, orchestrés d’une main de maître... si on veut. La fourberie, moi ? Je plaide coupable, j’assume totalement ! Ca lui apprendrait à plus me refaire le coup du brouillard, hmpf. D’ailleurs pour l’occasion, j’avais même ajouté une petite photo à l’album de Mélodie... cela aurait été criminel de ne pas immortaliser l’instant, non ? A ma décharge, c’était pas évident à cadrer, elle pouvait me remercier. J’étais sûre que ça nous ferait de beaux souvenirs, plus tard.

Pendant ce temps, la demoiselle avait finalement réussi à neutraliser ma boule de poils avec ses liens ténébreux. La petite bête rendue inoffensive couinait un peu, essayant de vainement se soustraire à l’étreinte. Le souffle peinait à revenir chez la ténébreuse, qui reconnu finalement sa défaite avant d’aller piocher une sucette en lot de consolation. Hehe, c’est ce que j’aime entendre ♪

« T’as entendu ça Fluffy ? Beau travail d’équipe mon vieux ! »

J’appelle mon furet comme je veux et je vous em-... L’animal couina en réponse, redevenant brume un instant pour se défaire des liens avant de venir rejoindre mon épaule pour célébrer notre victoire, avec un high five un peu ridicule faut se l’avouer. Mélo me demanda alors si j’avais bu dans sa tasse... hm, euh, c’était les deux mêmes pourtant, non ? Enfin, cela ne la dérangeait pas visiblement, tant qu’elle avait plus de chocolat, la situation lui convenait tout à fait.

« Peut-être, j’ai pas fais attention. Après ce combat acharné, je pense qu’on n’a plus tellement besoin de se réchauffer. »

Prenant la tasse restant en m’asseyant sur le canapé, je sortis mon portable pour transférer les photos que je venais de prendre dessus et les montrer à Mélo. Il y en avait une pendant qu’elle se débattait, et l’autre où elle exposait fièrement sa malheureuse prise ficelée comme un saucisson. Pauvre Fluffy.

« C’est cool, t’as plein de souvenirs là dedans. Moi aussi, j’en ai plein de l’ancien temps. »

L’ancien temps... avant mon enlèvement sur cette île. Il y en avait une prise durant l’été avec ma meilleure amie, je l‘avais toujours gardée en fond d’écran depuis. L’espace d’un instant, une fraction de seconde, j’avais eu une absence. Puis je m’étais reprise, un sourire naturel aux lèvres. C’était toujours comme ça. Mélo ne m’avait surement pas remarqué, c’était mieux comme ça, non ? Ayant terminé ce que je voulais faire, je rendis repris ma petite visite de l’historique de mon amie, tous ces souvenirs qu’elle avait de sa vie d’avant ou non. Trop de souvenirs.

Quand est-ce que cette notion m’était venue ? Parler de ma vie en France comme d’une époque révolue. Est-ce qu’inconsciemment, j’avais déjà abandonné l’espoir d’y retourner ?... je me refusais à y croire, seulement, j’ignorais encore combien de temps cela prendrait. Dans un sens, je comprenais parfaitement ce que Mélo pouvait ressentir. On se disait que ça irait, qu’on avait le temps, que de toute façon, on ne pouvait rien faire dans l’immédiat. Puis les mois passent... les années passent.

Se laissant aller à ses souvenirs, la jeune ténébreuse se laissa doucement glisser contre le dossier du canapé, finissant par poser sa tête sur mes genoux. Ses cheveux défaits venaient me chatouiller les jambes, glissant sur mes genoux comme une cascade argentée. Je me disais que... ça ne lui ressemblait pas, ce genre de réaction. J’avais l’impression de voir pour la première fois une autre facette de sa personnalité. Instinctivement, je laissai ma main courir le long de son cuir chevelu, lui donnant quelques caresses comme à un petit chat. Elle était mignonne comme ça aussi, je pouvais bien la laisser faire.

Seulement, quand je l’écoutais parler de son ancienne vie, je me rendais compte à quel point on était pareilles. J’avais beau aimer voyager, m’adapter à tout type de vie... au fond, il n’y avait qu’un seul endroit où je me sentais vraiment chez moi.
Lâchant le téléphone de Mélo pour me déposer sur la table, je terminai mon chocolat sans savoir quoi lui répondre. Pour être honnête, je ne détestais pas la vie à Awashima. J’y avais mes repères, mon appart, même un travail et plein de souvenirs. Dans quelques mois, les examens de fin d’année seraient passés et je serai diplômée... j’aurais que Kiara soit là pour fêter ça.

« Moi, je n’abandonne pas. Un jour, on aura une occasion de rentrer chez nous. Même si on doit se la créer nous mêmes. »

J’ignorais encore comment m’y prendre. Cependant, je savais que ma magie devenait chaque jour un peu plus forte. Une vie cloitrée sur un lopin de terre flottant ne me conviendrait jamais éternellement, de toute manière. Et puis, positiver, c’est surement la seule chose que je savais encore bien faire.

« Hey, on se regarde un truc ? Un film, ou un animé... le temps que l’orage se passe. J’espère que t’as des chips et des chamalows. »

Se changer les idées, ça ne coute rien. Changer le monde, on a encore tout le temps pour ça.

Seulement des chips ? Mmh... cela ferait l’affaire. Il était encore tôt dans l’après midi, ce n’était pas encore le l’heure pour s’empiffrer de saloperies. En attendant, y’avait toujours sucettes. Profitant d’ailleurs que Mélo libérait la place sur mes genoux, j’en profitai pour aller chiper une de ces sucreries dans sa corbeille : au coca, bonne pioche ! Je ne me fis pas prier pour la prendre en bouche, allant me terrer bien confortablement au fond du canapé pendant que mon amie réarrangeait sa coiffure.

« Tu devrais les laisser détachés un peu, ça te va bien je trouve. Enfin, sauf pour le magnifique épi que t’as sur la tête... »

Tout en lui faisant un signe de la main pour lui dire où était le fautif, je vérifiais si moi-même je n’avais pas eu quelques dommages collatéraux sur ma crinière d’ébène. Je pensais vraiment que ça lui allait bien, même si ma remarque la faisait plus passer pour une plaisanterie qu’un réel compliment. J’avais toujours vu Mélo coiffée avec sa queue de cheval, mais la voir changer n’était pas déplaisant. Je la trouvais mieux au naturel.

En attendant, tout cela ne nous disait pas mal animé on allait se regarder. On n’avait jamais eu vraiment l’occasion de parler mangas et animés ensemble, je savais juste qu’elle était une grande fan. Et cela tombait bien car il en allait de même pour moi, on peut dire que j’avais eu de bons professeurs en la matière... et une énorme bibliothèque à squatter. Si je devais parler de mes genres préférés, ce serait...

« Un peu tous en fait... mais j’dois avouer que j’ai un petit faible pour les drames psychologiques. Le genre ascenseur émotionnel qui te fait pleurer comme une petite fille à la fin, si tu vois le genre.

Je laissai échapper un petit rire, repensant aux dernières perles du genre que j’avais déniché. C’était les petites trouvailles faites par hasard dans les recoins du web qui restaient les meilleures pour moi.

- Tant que t’as une petite perle inconnue à me proposer, ça me va. Le dernier que j’ai regardé, c’était sur un groupe de lycéennes moe luttant pour survivre à un apocalypse de zombies... à ce stade, je pense que tu peux me faire voir n’importe quoi. »

Qui sait, peut-être pourrais-je même lui faire découvrir des ovnis du genre qui lui étaient encore inconnus... on peut rêver, non ? En tout cas, j’étais curieuse de voir ce qu’elle avait à me proposer.

Tout en réglant son compte à cet épi rebelle qui persistait à se dresser au sommet de sa tête, Mélo décida de se laisser influencer et détacha à nouveau sa chevelure cendrée. Cela me fit sourire, je me disais que peut-être, je n’étais pas la première à lui faire cette remarque. Quand elle eu fini de réfléchir à ce qu’elle pouvait me proposer, elle cita simplement une sortie récente, un genre de heroic fantasy à en croire le nom. Quant à savoir s’il serait fort en émotions, il faudrait attendre de le voir pour en décider.
Pendant ce temps, la demoiselle en avait profité pour rapatrier son ordinateur portable sur la table basse devant le canapé, présentant un dossier rempli d’animés de tous les genres. Sans surprise, je reconnaissais quelques titres dans le tas, mais il y en avait d’autres qui au contraire ne me disaient absolument rien. Tirer au sort dans une liste pareille, cela revenait à jouer à la roulette russe, encore plus si Mélo était du genre à télécharger les sorties avant de les regarder.

« Je me laisserais bien tenter par ta suggestion, la fantasy c’est cool aussi. Puis, réagissant à sa remarque, je poursuivis : J’aime autant les animés que les versions papier, c’est deux expériences différentes. Enfin, tant qu’on se met pas à chercher la moindre petite incohérence entre l’adaptation et l’original. »

Ca pour sûr, il y en avait toujours pour venir se plaindre. Enfin, n’allons pas sur le terrain des fins arrangées et autres escroqueries du genre, c’est un terrain miné... Validant mon choix, je cliquai sur le dossier de l’animé en question et lançai le premier épisode sans plus de cérémonie. C’était mieux sur grand écran, mais je pouvais comprendre que Mélo n’ai pas eu le temps d’économiser pour s’offrir une télévision en quelques mois à peine depuis son arrivée. Vie étudiante oblige... En attendant, sucette en bouche et confortablement installées, nous fîmes silence dans la pièce pour apprécier l’histoire.

* * * * *

L’heure avait tourné plus vite que prévu et le temps de s’enchainer une douzaine d’épisodes, il se faisait doucement temps de prendre le chemin du retour. Au dehors, le temps s’était calmé depuis un moment et le ciel du soir se reflétait dans les flaques éparses décorant le sol. Les nuages sombres s‘en étaient allés, dévoilant une lune encore pâle dans la clarté du soir.

Pendant ce temps, toujours sur le canapé du salon, les spéculations entre nous allaient bon train sur la fin de l’animé. Une crainte qu’on connaissait tous... Encore une queue de poisson qui se finirait sur l’espoir d’une saison deux jamais annoncée ? Les paquets de chips avaient déjà été pris d’assaut alors que le dénouement final approchait.

Comme toujours, certains animés étaient plus sympas à regarder à plusieurs que seule sur son canapé. Dans un bâillement étouffé alors que le générique de fin défilait encore à l’écran, je m’étirai un peu pour chasser l’engourdissement de mes membres. C’était fini... il était temps de rentrer à la maison. Ce fut Mélo qui se leva la première, allant constater à la fenêtre que la pluie avait cessé depuis un moment déjà. Elle me proposa d’emprunter son parapluie par précaution, venant après coup me tendre la main pour me faire lever du canapé que j’avais du mal à quitter. Ce n’était pas vraiment par flemme, mon équilibre se trouvait légèrement perturbé à cause des fourmillements dans mes jambes... mais ils se dissipèrent bien vite une fois levée.

« Tu veux boire encore quelque chose avant d’y aller ?
- Je veux bien, je meurs de soif. »

Pas étonnant après avoir presque vidé un paquet à nous deux. Laissant la demoiselle aller chercher des verres et la boisson, j’en profitai pour récupérer ma robe qui était resté sagement pliée sur le meuble du salon.

« Je vais pas t’embêter avec, je connais quelqu’un qui pourra me l’arranger. Ca fera un prétexte pour se revoir. »

Cela faisait un moment qu’on ne s’était plus revus, ce serait l’occasion. Il me manquait un peu, lui et lapins enflammés... une grande histoire d’amour, un peu comme moi et les poneys. Un léger sourire marquant ce souvenir dans mon esprit, je rangeai soigneusement le présent dans mon sac. Il me restait encore à récupérer les vêtements mis à sécher dans la salle de bain, le radiateur devrait avoir fait son office. Après avoir calmé ma soif, je m’éclipsai à nouveau pour retrouver ma parure d’origine. La chemise se trouvait un peu froissée, mais ce n’était pas bien grave. Maintenant, j’étais parée pour le retour.

« Bon, eh bien... à une prochaine. Je te ramène ton parapluie demain sur le chemin du lycée, promis. »

Je m’en voudrais si elle se retrouvait trempée comme je l’avais été en arrivant en cours, ça ne manquerait pas de faire le spectacle. Si j’en savais quelque chose, c’est que ça m’était déjà arrivé. Genre, deux fois... ou peut-être trois ? Pour le coup, je n’avais guère envie de me remémorer ces jours, cela m’avait valu une sacrée crève. J’en ai encore des frissons...
Bref, sur cette promesse, il était l’heure de se dire au revoir. Faisant la bise à mon amie suivie d’une étreinte habituelle, je quittai l’appartement d’un pas léger, commençant à fredonner un air sitôt dans les escaliers. Heureusement, le temps au dehors ne semblait pas annoncer d’orage pour la nuit. Enfin, avec tous ces descendants sur l’île, on n’est jamais trop prudent. Je pensais rentrer à pied, je n’étais pas pressée... en l’absence d’Osnate, c’était bien moins animé, et le diner pouvait bien se faire un peu en retard. Ainsi s’achève cette pluvieuse journée d’avril.