Une clope au bec, je suis à la terrasse d’un café chic. J’ai un double café de préparé, mais je n’ai pas le coeur à le déguster. Avant, je prenais mon temps, avant, j’étais juste comme le vent. Un célibataire endurci, sans problèmes n’y temps. Maintenant, j’ai deux gosses. Deux bouches à nourrir, qui refusent ma présence et me le disent clairement. Putain, on peux dire que je l’ai cherché. Récupérer des enfants brisés, ça a un prix. L’une a des troubles autistiques et me trouve stupide, l’autre est ingérable et refuse mon autorité. En quelques mois, j’ai pris dix ans. Qui a dit que c’était le pied d’avoir des gosses, que j’aille lui rendre visite. Que j’aille lui donner les miens.
Assis sur ma chaise, je touille dans la tasse, dégoûté par ma propre impuissance. Je touille dans ma tasse sans me rendre compte qu’elle est maintenant froide. Je reprend une taffe, il fait beau aujourd’hui. J’inspire, goûtant le répit tant mérité. Entre le boulot et les filles, il m’est maintenant dur de prendre une pause. Osnate, je ne la voit qu’une fois par semaine, le mercredi après midi, ça va encore. L’autre là, Ingrid, je me la tape tous les soirs en rentrant du travail. Une vraie plaie, j’en viens presque à redouter l’heure ou il me faudra quitter les locaux.
Il y a une semaine, j’ai trouvé un putois mort dans mon lit. Elle l’avait égorgé, et avait maculé le matelas de sang. Je n’ai rien vu venir, je peux vous dire que j’ai eu la peur de ma vie. Il y a quatre jours, je lui ai enseigné le base ball, j’étais heureux, je ne l’avais vu si motivée. Grave erreur, en rentrant, elle a pris la maison pour un terrain d'entraînement. Plus de fenêtres, plus de télévision ou d’ordinateur. Adieu les vases Ming, madame avait décidée qu’elle n’en ferais pas l’usage dans son nouvel environnement. Avant que je puisse gueuler, elle s’était enfuie. Envolée la gosse, elle avait fugué.
Ils l’ont retrouvés que le lendemain soir, elle était dans un sale état. Entourée par les policiers, son regard brûlait de haine. Putain, mais pourquoi je l’ai adoptée celle là ? Alors je l’ai récupérée. Habits déchirés, crasseuse à souhait, sa peluche à moitié éventrée. Pas besoin de la gifler. Dans son cas, la violence engendrait la violence. Je l’ai juste punie. Pas de jeux videos pendant un mois, pas de télé, ou même de Scourgebis. Nada. J’ai pris une autre taffe, il fallait que je trouve un moyen de la calmer. Pour l’instant, elle était à l’école, certainement en train de traumatiser sa maîtresse. C’était toujours ça de pris. Une autre que moi était en train de vivre l’enfer.