Patinage artistique ou désastre cataclysmique {pv Lyra}

Un sentiment de déjà vu, le même flou absolu, Mélodie se retrouvait à nouveau plongée des ténèbres insondables. Tout autour d’elle, le noir absolu, pas la moindre petite forme parmi les ombres pour lui permettre d’obtenir un quelconque point de repère. Sous la plante de ses pieds encore et toujours ce sol glacial qui lui donnait de la chair de poule sur tout son corps dénudé. Se souvenant de son expérience précédente, Mélodie savait qu’il lui était impossible de faire le moindre pas au risque de faire une chute qu’elle estimait mortelle. Oui, s’étant réveillée avant la dernière fois, elle ne pouvait que deviner la profondeur du gouffre tout autour d’elle. Dès lors que pouvait-elle faire d’autres ? Mélodie ignorait toujours la raison de ce rêve, et de sa présence dans un tel environnement. Dans tous les cas, notre jeune amie essayait de se concentrer pour voir s’il y avait quelque chose de différent cette fois-ci.

Mais mis à part ses propres pensées qui faisaient écho dans sa tête, Mélodie ne percevait rien de nouveau dans cette obscurité qui la ceinturait. Rien sauf une odeur, oui une odeur qu’elle avait mis du temps à déceler. Bon ce n’était pas vraiment une odeur en tant que telle, vu que Mélodie ne savait pas vraiment mettre de mot pour la définir. Mais disons qu’en plus du sens du toucher, elle venait de retrouver son sens de l’odorat. Et avec ce dernier, elle percevait que l’air tout autour d’elle était bien humide. Et les odeurs qui venaient assaillir les narines de Mélodie étaient indescriptibles pour cette dernière, elles étaient typiques des lieux habituellement humides tel qu’une ruelle étroite après une pluie diluvienne, un canal traversant une ville, un étang au milieu d’un parc,… Au fur et à mesure de ses suppositions, Mélodie essayait de deviner l’endroit où elle pouvait bien se trouver. Tout comme elle essayait de savoir pourquoi elle était toute nue. Mais manque de chance, alors qu’elle réfléchissait, elle se sentit ramenée à la réalité. Notre camarade était entrain de se réveiller, elle ne tarderait pas à émerger de son doux sommeil.

Neuf heures et trente-neuf minutes, Mélodie ouvrait les yeux sur son éternel plafond blanc. A force, notre amie avait fini par s’habituer plus qu’elle ne l’aurait cru à son nouvel environnement. Certes elle n’avait toujours pas manifesté ses soi-disant pouvoirs, mais côtoyé des personnes pouvant manier le feu ou la glace ne la surprenait désormais plus tellement. Elle s’amusait même à essayer de deviner à l’avance l’élément des personnes qu’elle côtoyait. Tirant ses draps et s’asseyant au bord de son lit, ses pieds nus vinrent trouver un amas de feuilles de papier laissées perdues sur la moquette de sa chambre. Il s’agissait de plusieurs storyboards pour un nouveau manga qu’elle s’apprêtait à dessiner. Ce coup-ci, ce n’était pas un spin-off qu’elle prévoyait de faire, mais plus une œuvre original ainsi qu’une sorte de journal intime à sa manière. Oui, Mélodie avait en tête de dessiner sa propre histoire, après tout son arrivée sur cette île et tout ce qui s’y passait pouvait bien tenir d’un scénario de manga.

Bref laissant ses feuilles où est-ce qu’elles étaient, Mélodie se leva et partit se laver et s’habiller. Aujourd’hui encore, elle avait prévu de partir pour Hizumu, elle avait eu un coup de cœur pour cette ville si particulière et appréciait donc d’y écouler la majorité de son temps libre. A l’école, Mélodie s’était faite quelques amies toutes aussi passionnées de manga qu’elle. Ces dernières encore plus folles qu’elle dans ce domaine s’étaient mises en tête de faire une version anime d’un épisode d’un de ses one-shoot. Du coup en plus de son storyboard personnel, Mélodie devait à présent écrire les paroles qui constitueraient l’opening de leur anime. Autant dire que c’était une grande première pour elle, surtout qu’il avait été décidé que ce serait elle qui le chanterait. Enfin passons, ici notre camarade s’était de nouveau chaudement vêtue : écharpe, bonnet, moufles, manteau, bottes. Dès lors c’était d’un pas bien décidé qu’elle se dirigeait vers l’arrêt de bus le plus proche, histoire de prendre le prochain pour sa ville sanctuaire.

Hizumu… Mélodie ne pouvait s’empêcher de se comporter comme une enfant devant un parc d’attraction lorsqu’elle mettait un pied dans une partie de cette ville qui lui était encore inconnue. Chaque fois, elle se demandait ce qu’elle allait découvrir d’insolite et chaque fois elle se laissait surprendre d’une manière ou d’une autre. Et cette fois-ci ce fut un grand étang entièrement prisonnier dans la glace qui la laissa bouche bée. La raison ? Et bien c’était qu’on pouvait faire du patin à glace dessus et qu’il y avait déjà pas mal de monde entrain de s’y adonner. Une petite camionnette était garée juste à côté et devant cette dernière un loueur de patin à glace avait installé son affaire. Pour Mélodie s’était une invitation à ne pas décliner, et même si elle n’avait jamais fait de patin de sa vie, notre amie était prête à s’auto-initier sur le terrain. Le loueur de patin n’était pas bête, car en plus du prix de la location, il demandait à garder les chaussures de ses clients ainsi qu’une caution cent coliz. Autant dire que cela motivait à venir lui rendre ses patins après, mais bon même ainsi certains partaient encore avec les patins les préférant à leur paire de baskets.

Enfin Mélodie n’était pas une voleuse et se voyait de toute manière mal rentrée ensuite en bus avec des patins au pied. Quoi qu’il en soit notre camarade s’était désormais lancée sur l’étang, conserver un certain équilibre sur la glace était une chose, mais arriver à se déplacer tout en le conservant en étant une autre. Résultat pour ses débuts, Mélodie n’avançait pas des masses sur la glace. Elle s’était dit que ce serait comme faire du roller, mais à présent qu’elle se retrouvait avec, elle pouvait percevoir les quelques petites différences. Enfin ce ne fut tout de même que l’affaire de quelques minutes avant qu’elle ne trouve ses aises et se mettent à patiner doucement sur la glace épaisse de l’étang. Tout semblait parfaitement aller pour elle, elle n’était pas encore tombée une seule fois, et semblait bien partie pour que ses fesses ne rencontrent jamais le froid de la glace.

Il fait sombre dans la petite pièce aux murs de bois nu, où la poussière s’entassait par moutons entiers tant personne n’y avait plus passé un chiffon depuis la nuit des temps. C’était une petite cabane abandonnée, isolée du monde, en bordure de la civilisation. Enroulée dans une vieille couverture, tu te tenais chaud, blottie aux autres enfants qui avaient trouvé refuge ici. L’hiver était dur, le froid était mordant. Par l’interstice entre les planches de bois, tu pouvais voir qu’il neigeait dehors. Un courant d’air sournois s’infiltrait par ces failles pour venir t’enlacer, susurrant des mots d’un autre temps à ton oreille. Alors, tu frissonnais, tu enfouissais ta tête sous cette unique couverture que tu avais, pour qu’il te laisse en paix.

Puis, des pas résonnèrent, depuis l’extérieur de la cabane. Quelqu’un venait, tu n’étais pas la seule, les autres aussi l’avait entendu. Tous se regardaient, retenaient leur respiration en attendant de voir la porte s’entrouvrir. Les pas s’arrêtèrent devant la porte, un silence de quelques secondes. Enfin, la poignée se mit à tourner, et la porte de bois s’écarta.

« Ray !  »

Les enfants qui étaient avec toi se levèrent tous d’un bond pour aller accueillir l’arrivant avec joie. C’était un homme, non, plutôt un adolescent, mais un peu plus vieux que vous. Il avait un grand sac dans lequel il apportait des provisions et des vêtements chauds. Tout le monde avait l’air de l’aimer ici, il souriait et les enfants s’attroupaient autour de lui en lui posant des tas de questions. Tu étais la seule à rester contre le mur, au chaud sous cette couverture que tu n’avais plus à partager.

« Dis, vous l’avez retrouvée ?
- Pas encore, malheureusement. J’ai peur qu’ils l’aient trouvée.
- Tu crois ?
* Qui ça, ils ?
* Mais t’es con ou quoi ? Pourquoi tu crois qu’on se planque ici !
* Bah, c’est Ru’, ils arriveront jamais à la chopper...

Tu les écoutais distraitement, ne comprenant pas de quoi ils pouvaient bien parler. Ru’, c’était surement une de leurs amies qui vivait ici. Elle s’était enfuie ? Tu remarquas alors que des pas s’approchaient discrètement de ta position.

- Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu ne veux pas venir avec nous ?

C’était une petite fille blonde aux yeux bleus. Elle s’était détachée du groupe pour venir te parler, en vérité, c’était la seule qui semblait remarquer ta présence. La seule...

- Tu peux me voir ?
- Bien sûr. Mais contrairement à eux, je ne peux pas te toucher... c’est triste non ? »

Elle s’approcha alors, se penchant légèrement, mais sans te quitter du regard. Ses iris bleu azur te subjuguaient, captivaient tes yeux... puis, elle tendit la main vers toi, t’invitait à la prendre. Machinalement, tu tendis la tienne à ton tour, pour apposer ta paume contre la sienne. Seulement... elle avait raison. Au moment où tu aurais du la toucher, il n’y avait rien. Sa main te traversait, comme une apparition venue d’un autre monde.


Tu te réveillas en sursaut dans ton lit, haletante. Ton portable avait vibré, te tirant de cet étrange rêve dont les dernières bribes faisaient encore écho dans ton esprit. Il y avait une fille qui s’était perdue, et puis cette autre, inconnue, qui... tu voulus vite prendre quelque chose pour ne pas perdre le fil de ta pensée, mais tu n’avais rien pour écrire. Les souvenirs te fuyaient déjà, emportant avec eux le sens de ce rêve mystérieux...

Tu soupiras, décidant que tu n’avais rien à gagner en te recouchant, et pris ton portable pour vérifier ce qui l’avait fait vibrer si fort. Dix-neuf messages non-lus... tous de la même personne. Azu était vraiment sérieuse quand elle avait dit qu’elle te spammerait de messages pour te réveiller ce matin... c’était bien la peine de mettre une alarme, tiens. Mais aujourd’hui était un jour particulier, c’était sortie à Hizumu ! Tu envoyas un bref message pour lui faire comprendre que tu étais levée, et laissas ton portable sur la table de nuit pour aller te doucher et t’habiller.

Une heure plus tard tu étais sur le pas de ta porte, prête à te mettre en route. Echarpe, bottes, jupe et collants, veste chaude, parée à affronter le froid ! Enfin presque... il faudrait vraiment que tu penses à acheter des moufles, un de ces quatre ! Tu n’étais pas le genre à trop te plaindre du froid, mais ici, c’était quand même autre chose qu’en France. L’hiver avait posé bagages depuis plus d’un mois déjà, et il ne semblait pas prêt de se faire déloger. Ce fut donc non sans quelques frissons que tu te dirigeas vers l’arrêt de bus habituel pour rejoindre ta destination.

Arrivée sur place, tu fus plutôt surprise d’y voir autant de monde en cette période de l’année. Eh bien, c’était un lieu touristique, certes... il faut croire que même les températures négatives ne peuvent rien changer à cela. Tu retrouvas Azuki à l’arrêt de bus, point de rendez-vous que vous vous étiez fixé. Elle avait l’air vraiment excitée aujourd’hui, tu la comprenais. Après tout, la glace était son élément.

« Alors, on va où ?
- Je sais pas... Il parait que l’étang est complètement gelé aujourd’hui, mais il y a plein de monde déjà, on pourrait peut-être repasser plus...
- Sérieuuux ?! Je veux, on y va ! »

Sans même lui laisser le temps de te terminer sa phrase, tu la pris par le bras et l’entraina à ta suite. Hizumu, c’était quand même une drôle de ville. Durant l’été, l’immense étang en bordure de la ville fait office de piscine naturelle, et l’hiver, il gèle assez pour devenir une patinoire. Tu n’y venais pas si souvent pourtant, et tu n’avais jamais trop exploré les lieux, tu en avais surtout entendu parler auprès de tes amis et d’autres camarades de classe. Il parait aussi que les tours jumelles sont hantées, un groupe avait organisé un test de courage l’été dernier, et ils étaient revenus avec la frousse de leur vie ! Cela dit, sur une île où les pouvoirs surnaturels sont légion, parler d’esprits et de phénomènes inexpliqués, ça a forcément moins d’impact.

Une fois arrivée, tu remarquas très vite la petite boutique de location de patins et ne te fis pas prier pour essayer. Le mec était malin de planter son commerce ici, avec tous les touristes qui passaient. Tu troquas donc quelques coliz contre deux paires, une pour toi et l’autre pour ton amie qui dans son excitation avait oublié son porte-monnaie. Ca lui arrivait souvent quand il s’agissait de payer les crêpes aussi, tiens... bref ! Une fois les patins aux pieds, tu étais subitement un peu moins confiante sur ton équilibre naturel... Cela faisait longtemps que tu n’avais pas patiné, tout juste en avais-tu profité une fois ou deux dans le passé, avec tes amis. On dit souvent que ce genre de choses ne s’oublie pas, mais tu aimerais bien les voir, ceux-là. L’air de rien, il allait te falloir encore un moment avant de retrouver tes repères sur la glace.

Tu repris rapidement tes réflexes cependant, et bientôt tu étais aussi à l’aise sur glace que sur la terre ferme, ce qui était loin d’être le cas pour ton amie, malgré son affinité avec cet élément. Tu devais même lui tenir la main pour l’aider un peu à se mettre en confiance.

« Allez, t’es trop raide, laisse toi aller ~ Regarde, fais comme moi ! »

Tu lui montrais la marche à suivre, restant près pour la rattraper en cas de besoin. Une petite chute, ce n’était pas grand-chose pour toi, mais c’était quelque chose d’assez effrayant pour certains. Cependant, alors que tu patinais à reculons en guidant ton amie, tu n’avais pas remarqué que derrière toi se trouvait une autre demoiselle qui malheureusement, n’avait pas encore perçu ta présence non plus. Du moins, pas que ne lui rentres dedans, causant involontairement sa première chute de la journée. Après avoir repris ta stabilité, tu allais te retourner pour t’enquérir de l’état de la jeune fille, mais le destin avait visiblement d’autres plans en tête...

« Aah, Lyra, comment on freiiiine ! »

Et cette fois-ci, tu ne pus échapper au câlin violent sur le sol gelé. Ta jeune amie aux cheveux bleus s’était étalée sur toi, amortissant sa chute tandis que tu te retrouvais dans le même état que l’inconnue que tu avais bousculée précédemment.

« Désolée, c’est ma faute... hey, are you okay ? »

Tu t’adressas à l’inconnue, espérant qu’elle ne se soit pas fait mal. Même si tu étais rodée à ce genre de choses, se casser la figure n’était jamais très agréable, et tu ne le souhaitais à personne.

Mélodie éprouvait un certain plaisir à patiner sur la glace, certes on pouvait voir qu’elle était encore débutante, néanmoins elle dégageait une certaine confiance malgré ses mouvements archaïques. Il y avait beaucoup de monde sur l’étang glacé, de ce fait en plus de faire attention à ne pas tomber, il fallait se montrer également attentif aux autres afin d’éviter les collisions fortuites. Mais il était difficile d’avoir des yeux derrière la tête, dès lors il était malheureusement toujours plausible que certains accidents ne puissent être évités. Se sentant de plus en plus à l’aise sur ses patins, Mélodie laissa son esprit vagabonder sur autre chose que ses mouvements et son équilibre. Elle essayait de se remémorer les premières paroles de la chanson qu’elle avait commencé à écrire et d’en trouver la suite. S’imaginant la mélodie qui viendrait les accompagner, Mélodie se mit à fredonner ces dernières, générant des petits nuages de vapeur à chaque mot qu’elle chantonnait timidement.

« J’avais tellement peur de ces moments si tranquilles, ♪
Mais toutes ces frayeurs sont parties de ma vie, ♫
Car toute la peine que j’ai à présent, ♪
Ne concerne que ces jours incléments. ♫

Ne te méprends pas, je ne veux pas du passé, ♪
Ecoute ma voix, ce que mon cœur voudrait. ♫
Hurler vers toi puis te rattraper, ♪
Pour te dire, que tu ne t’es jamais trompée ! ♫ »

C’était là les premiers couplets que Mélodie avait trouvé la veille et à force de se les répéter en boucle pour arriver à trouver la suite, elle avait fini par les apprendre par cœur. Mais alors qu’elle mettait un certain effort à trouver l’enchainement suivant, un imprévu lui tomba littéralement dessus. La heurtant de dos, une fille réduisit à néant son équilibre sur ses patins et la fit tomber fesses à terre sur la glace de l’étang au nom aussi bizarre à dire que rigolo de Eipurirufuuru. Relevant les yeux vers la responsable de sa chute, Mélodie vit derrière cette dernière un autre danger arriver. Et avant qu’elle n’ait le temps de prévenir l’autre fille, une nouvelle collision eut lieu sous ses yeux et celle qui l’avait percutée vint alors la rejoindre sur la froideur de la glace. L’enchaînement de gamelle semblant ayant trouvé son apothéose dans cette dernière chute, la demoiselle à terre à ses côtés vint s’inquiéter de sa personne. Mais forte heureusement, Mélodie n’avait rien de casser, et d’un hochement de tête elle vint la rassurer sur le fait qu’elle allait bien malgré ses fesses un peu endolories.

« Yeah… I’m fine. »

Puis entendant l’amie de cette jeune fille s’exprimer, Mélodie put s’apercevoir qu’elle avait à faire à deux francophones. Et l’une d’entre elles semblait visiblement fort peu à l’aise sur ses patins, d’ailleurs cette dernière vint vite les rejoindre sur la glace, n’ayant eu pour la peine pas besoin d’un quelconque bousculeur. Et alors que les deux amies se relevaient péniblement – c’est qu’il s’agissait de ne pas retomber – Mélodie vint clairement leur demander si elles étaient bien françaises. En effet, elle doutait toujours un peu de ses oreilles lorsqu’elle entendait quelqu’un s’exprimer dans sa langue maternelle.

« Dites, vous ne seriez pas françaises toutes les deux ? »

La question était posée, il ne restait plus qu’à attendre leur réponse. Si cette dernière se révélait positive, Mélodie allait sûrement avoir envie de sympathiser avec ces deux demoiselles, aussi maladroites soient-elles.

Tout le monde se tirait plutôt bien cette collision, c’était une bonne chose. Enfin, si on exceptait la confiance d’Azuki qui continuait de s’effriter après cette petite perte de contrôle. Tu l’aidas à se relever avant d’en faire de même, frottant ta jupe pour la débarrasser des résidus glacés qui s’y étaient collés. C’était froid, ça faisait mal. Voilà une bonne motivation pour faire attention à ne pas retomber, non ?

« Dites, vous ne seriez pas françaises toutes les deux ?
Tu te retournas vers la jeune fille, marquant un certain étonnement.
- Yeah, indeed.

Tu réalisais bien vite, mais un peu trop tard, que tu venais de t’exprimer à nouveau en anglais par réflexe. Tu mis ta main devant ta bouche en réalisant cette erreur, songeant que ton interlocutrice devait avoir du mal à suivre. C’est que tu n’avais pas l’habitude de parler français avec des inconnus, ici. Ton cerveau avait tendance à passer mécaniquement d’une langue à l’autre, sans que tu y fasses attention.

- Désolée, l’habitude ! Tu es française aussi, alors ? Ca fait plaisir de trouver quelqu’un avec qui parler dans sa langue d’origine. »

Tu disais surtout cela pour elle, car en ce qui te concernait, tu avais au moins Azuki pour le faire. Avec un sourire, tu te remis en mouvement sur tes patins et commença à décrire un cercle autour de la jeune fille. Tu n’aimais pas rester statique, et puis, c’était aussi un peu pour frimer, comme tu étais à l’aise sur la glace. Plus que les deux autres, apparemment, bien qu’au final, c’était toi qui avais causé votre petit accident. Après avoir fait un petit tour de piste, tu vins te repositionner derrière ton amie aux cheveux bleus, posant tes mains sur ses épaules et manquant de la faire tomber dans un sursaut de surprise. Heureusement que tu étais assez stable pour la retenir, cette fois.

« Tu es arrivée il y a longtemps ? Sur l’île, je veux dire. »

Tu lui avais posé cette question par simple curiosité, sans réellement intention derrière. En fait, ce qui t’avait motivé, c’était le fait que sa tête ne te disait rien. Il y avait beaucoup d’étudiants à Danshi, c’était difficile de retenir toutes les têtes, alors forcément tu ne connaissais pas tout le monde. Mais cette petite se démarquait de la foule, elle était mignonne, alors tu avais envie de la connaitre. C’était une entrée en matière comme une autre, non ? Elle avait sous-entendu qu’elle était française, donc elle n’était pas née sur cette île, tu ne perdrais rien à lui demander.

Quant à Azu, eh bien... étant timide, elle était bien aussi peu à l’aise de se trouver entre les deux que sur ses patins à glace. Ce qui, ajouté l’un à l’autre, ne la montrait pas sous son meilleur jour. Quelques rougeurs apparaissaient discrètement sur ses joues, mais elle faisait de son mieux rester neutre – et sur ses deux pieds. Lyra avait tout dit, elle n’avait rien à ajouter, mais elle était curieuse de savoir ce que cette inconnue pouvait leur vouloir.

Mélodie avait acquiescé à cette supposition que la jeune fille venait d’exprimer, même si ce n’était pas la vérité, elle l’avait fait par souci de facilité. Il était stupide et inutile de la reprendre à l’heure actuelle pour lui dire qu’elle n’était pas française mais belge. Ce qui comptait après tout était le fait que toutes les trois parlaient la même langue : le français. S’étant à présent toutes relevées, elles pouvaient désormais tailler un peu plus causette. Tout du moins il fallait pour cela attendre que l’une des deux demoiselles cesse son petit manège autour d’elle. Certes elle patinait bien mais elle allait finir par lui donner le tournis à force de dessiner tout autour d’elle des cercles sur la glace. Finalement elle vint trouver un cran d’arrêt en la personne de son amie, cette dernière s’affichait nettement comme clairement plus réservée que son homologue. Cela faisait longtemps que Mélodie n’avait pas côtoyé quelqu’un d’aussi timide. Et quand une personne l’intriguait un tant soit peu, Mélodie avait toujours la fâcheuse manie de la fixer un peu trop intensément. Ceci n’aidant pas, la demoiselle à la chevelure bleutée semblait être désormais devenue complètement aphone. Bah, cela ne semblait pas handicapant pour le moment, vu que sa camarade semblait parler pour elles deux. Cette dernière venait de lui demander depuis combien de temps elle était arrivée sur cette île. Visiblement, elle ne devait pas avoir le profil type des habitants du coin, déjà l’autre gugusse qu’elle avait rencontré la semaine passée avait tout de suite capté qu’elle était toute nouvelle dans le coin, et à présent cette fille. Çà devait être marqué sur son front, Mélodie ne voyait pas d’autres explications. Enfin, ici, contraire avec l’autre garçon, elle était plus encline à parler d’elle et de son arrivée sur Awashima, dès lors elle ne se fit pas prier plus longtemps.

« Cela va faire bientôt un mois, et vous deux cela fait combien de temps ? »

Et hop retour à l’envoyeuse, il n’y avait pas de raison pour que cette fille soit la seule qui pose les questions, avec Mélodie c’était du donnant-donnant ou sinon rien. De fait, elle obtint alors ce qu’elle désirait, et tout en écoutant la réponse de la jeune fille, Mélodie sortait de la poche de sa doudoune une sucette. Ne voulant pas retirer ses mains de ses moufles bien chaudes, ce fut à l’aide de ses dents qu’elle défit cette dernière de son emballage. Certes ce n’était pas vraiment des manières, mais Mélodie se moquait bien d’être jugée là-dessus. Et alors qu’une main fourré l’emballage de sa sucette dans sa poche, l’autre amenait sa petite friandise jusqu’à ses lèvres. Mélodie y donna un coup de langue, mais se ravisa avant de la mettre en bouche.

« Comment vous vous appelez ? Moi, c’est Mélodie. »

Savoir depuis combien de temps elles étaient prisonnières de cette île était une chose, mais connaître leur nom en était une autre bien plus importante. Bref écoutant leur présentation, Mélodie savourait sa sucette qui était aujourd’hui au goût de pomme. Le tout était à présent de savoir ce que ce petit trio nouvellement formé allait faire désormais.

Cela faisait donc presque un mois que la jeune fille était prisonnière de cette île. C’était donc une nouvelle dans le coin, enfin, relativement ! Un moins, cela laissait le temps de trouver quelques repères, et elle ne te semblait pas si perdu que tu avais pu l’être les premières semaines. Sans surprises, la demoiselle te retourna la question après y avoir répondu, curieuse de savoir si elle avait affaire à des anciennes. Et pour le coup, on pouvait dire que c’était le cas :

« Moi, je suis arrivée début février... donc ça fait presque un an.
- ... un an et trois mois. »

C’est vrai, cela faisait presque un an... le temps avait passé plus vite que tu ne l’aurais cru. Il faut dire que tu t’étais pas mal relâchée au sujet de tes recherches pour s’enfuir d’ici. Depuis que tu avais découvert ta magie, c’était devenu ta motivation principale : devenir plus forte la pousser jusqu’à ses limites ! Au final, c’était plus ou moins la vie normale à laquelle on pouvait aspirer, en tant que descendant des anciens dieux dont on t’avait parlé.

Après cette question, tu remarquas que ton interlocutrice s’affairait à retirer une sucette de son emballage... parfum pomme, si tes yeux ne te trompaient pas. La pauvre semblait bien en mal avec ses moufles, si bien qu’elle dut utiliser ses dents pour l’arracher. Eh bien, ce n’était pas tant pour les manières de l’adolescente que tu la fixais, et bien plus par l’envie de demander s’il n’y en avait pas une autre à partager quelque par sous sa doudoune, mais les règles de politesse t’imposaient malheureusement de ravaler ta salive. Enfin, ce n’était pas comme si c’était évident à ce point, que tu en voulais une... hein ?

Fort heureusement, la jeune demoiselle relança la conversation, trouvant le moment opportun pour initier les présentations. Cette petite attention était appréciable, toi qui commençais à avoir peur de faire ce premier pas. Les gens n’aiment pas trop les présentations par ici, tu ne comptais plus le nombre de vents glacials que tu t’étais prise. Alors son petit nom de peluche, c’était Mélodie ? Il sonnait bien français, un peu plus que le tien, même.

« Je m’appelle Lyra, et mon amie là c’est Azuki. »

Tu lui tapotas gentiment la tête en la présentant, ce qui la perturba un peu. Ses réactions trop mignonnes quand tu lui caressais la tête, elles étaient toujours amusantes à voir. Et puis, c’était un peu ta compensation pour l’avoir présentée, comme tu savais qu’elle n’était pas à l’aise avec ça. Cela dit, ce n’était peut-être pas l’option la plus gênante au final...

« Bon, on reste plantées là ou on bouge ? Il y a moins de monde par là-bas. »

Tu indiquas une partie de l’étang laissée libre, non loin de votre position. Le groupe qui avait précédemment investi cet espace devait avoir migré vers un autre endroit, autant en profiter tant que personne ne l’avait remarqué ! Tu pris la main de ton amie pour l’accompagner, prenant garde à ne pas aller trop vite. Tu ne voulais pas la laisser derrière, même si tu aimais la vitesse, c’était moins amusant d’être toute seule.

Seulement, d’autres personnes n’étaient pas d’avis de vous laisser votre petit havre de paix pour patiner tranquillement. Un adolescent vêtu d’un bonnet et d’un blouson typé racaille de la cité déboucha à toute vitesse sur le côté et rasa votre groupe, de si près que tu crus bien qu’il allait vous percuter de plein fouet. Il prit un virage à quatre-vingt-dix degrés au dernier moment, évitant le drame de justesse, tout en se réceptionnant sur la glace avec une maitrise... assez impressionnante, il fallait bien l’admettre. Tu serais presque admirative, si tu n’avais pas été plus occupée à te soucier de ta sécurité que de sa performance.

« Hey, whaddya doin’ here ?! Y’ wan’me to send’a to the hosp ?! F’ck off pussies, w’need space to perform ! »

Le jeune homme te surplombait de son regard hautain, dévisageant tour à tour tes deux amies. Il avait déjà une tête de délinquant, mais son parlé caractéristique confirmait le cliché. Pour un peu, tu lui aurais bien décoché un bon coup de patin dans la gueule, pour parler poliment, et simplement pour le principe. Presque...

Comme elle aurait pu s’en doute, les deux demoiselles avaient plus d’expériences qu’elle sur cette île. Ces dernières respectivement nommées Lyra et Azuki avait passé le cap de l’an en ce début février. Elles n’avaient pas autant d’ancienneté que Elina, mais cela restait tout de même remarquable en comparaison de son unique et simple mois. Elles étaient tout comme Elina une preuve que l’on pouvait parfaitement bien s’acclimater à la vie sur Awashima. Pourtant malgré ce fait rassurant, quelque chose dérangeait un peu Mélodie. Leur prénom ne sonnaient pas vraiment français à ses oreilles, Lyra passait encore même si elle devait avouer qu’elle était la première dans ses contacts, mais Azuki, ce n’était pas plutôt japonais comme prénom ? A bien y regarder, cette dernière avait peut-être une ascendance asiatique, ce qui expliquerait pas mal de choses et ne serait au final par très surprenant étant donné la mixité des peuples actuelle. Il pouvait également s’agir d’un surnom, ce genre de chose revenait parfois à la mode.

Quoi qu’il en soit, les présentations faites, le petit trio s’en alla patiner dans une zone plus dégagée de l’étang. Mélodie n’eut pas besoin d’aide pour se remettre en mouvement sur la glace, ce ne fut par contre pas le cas d’Azuki qui semblait avoir bien plus de difficultés qu’elle. A croire qu’il y avait vraiment des personnes pas douées pour certaines choses, et ce n’était pas par méchanceté qu’elle pensait cela, elle ne faisait là qu’un simple constat. Alors que Mélodie savourait sa sucette tout en observant l’avancée lente mais sécurisée d’Azuki, un garçon manqua de peu de la renverser en passant à ras de sa personne, et en manquant de peu de percuter ses deux nouvelles camarades. Coup de chance ou bon réflexe, le pire avait su être évité, mais au lieu de poursuivre sa route, la fusée humaine qui les avait frôlées fit un demi-tour pour venir piquer une gueulante sur les innocentes demoiselles qu’elles étaient.

« Want a lollipop ? »

Ce gars voulait juste faire son intéressant et se montrer supérieur aux trois jeunettes qu’il avait en face de luis. De son côté, Mélodie n’en avait strictement rien à foutre, et le lui avait bien fait comprendre en ne tenant absolument pas compte de son état d’énervement. Enfin si quand même un peu, vu que c’était dans le but de le calmer qu’elle lui proposait une sucette, la lui tendant sous son nez, elle se disait peut-être qu’avec une sucette dans le bec qu’il arrêterait de parler et de leur briser les tympans. Mais bon, il fallait voir comme le gaillard allait prendre la chose, car là tout ce Mélodie faisait, c’était se moquer ouvertement de lui et piétiner sa fierté. Il avait voulu les impressionner, les intimider, et ben il avait raté son coup, sauf pour une peut-être, mais Azuki était juste une proie trop facile pour un rustre comme lui, elle ne comptait donc pas.

On trouvait un peu tout type de monde sur Awashima. Des personnes fréquentables, d’autres moins. Oh, non pas que tu mettrais ce jeune homme en manque d’attention dans l’une ou l’autre de ces catégories, mais tu n’aimais pas qu’on te prenne de haut. Il gueulait tellement fort que tu t’en sentais presque décoiffée, ça faisait mal aux oreilles. Et puis c’était lui qui avait failli vous faucher, toi et Azu. D’où est-ce qu’il s’était vu le droit de piquer une gueulante, au juste ?

« Want a lollipop ? »

Et de l’autre côté, il y avait Mélodie. La jeune demoiselle s’est approchée de la fusée et lui a tendu une sucette, ignorant complètement sa petite scène. Apparemment, ça lui a fait tout drôle, il ne s’attendait pas à ce genre de réaction. Plutôt que d’attiser les flammes de sa colère, l’attitude de l’adolescente eut plutôt l’air de le refroidir. Après une brève hésitation, il retira la sucette des mains de l’adolescente et en arracha le papier pour l’enfourner dans sa bouche sans plus de manières. C’était donné, cela ne se faisait pas de refuser, même s’il se doutait de la provocation derrière cette offrande. Il la retira tout de même un instant de sa bouche pour reprendre la parole, mais d’un ton beaucoup plus calme et posé cette fois :

« Hmpf, thanks. Do whateva y’want, just don’t c’me at me t’whine if y’get hurt ‘r something. »

Le jeune homme remit sa friandise sucrée en bouche et tourna les talons, reprenant son activité. C’était une bonne chose, non ? N’empêche que toi, tu faisais un peu la gueule en regardant la scène. Tu en voulais vraiment une de sucette, et c’était le cataclysme sur pattes qui se tirait avec, pas juste. Du coup, tu ne te fis pas prier pour aller voir Mélodie et lui faire tes plus beaux yeux de chaton pour en demander une.

« Hey, j’peux avoir une sucette magique aussi ? S’il te plaiiit !... enfin, s’il t’en reste une... »

Et si ça avait été sa dernière ? Un frisson d’horreur te parcouru à cette idée, et l’ombre de cette tristesse planait déjà sur ton visage. La retenue, elle était partie jouer à la belotte avec la politesse. Mais c’était sa faute aussi, si elle en donnait à un inconnu pour qu’il se taise, elle pouvait bien en donner à une amie en manque de sucre ! Euh... future amie ? Du pareil au même ! Il devait bien lui en rester quelques unes, hein ?  Surement ? Enfin, te connaissant, tu irais surement te consoler en mangeant une gaufre ou une crêpe dans un café du coin, si c’était le cas. Puis tu l’inviterais, comme ça son subconscient porterait une dette envers toi et... ça fait un peu chantage affectif en fait. Que ne ferait-on pas pour une sucrerie.

Ce qui aurait pu attiser sa colère le prit au final de court et l’assagit sur le coup, le « je m’en foutisme » de Mélodie semblait avoir visiblement eu raison de sa crise de nerf. Ce dernier calmé prit alors la sucette qui lui était tendue, il remercia Mélodie pour cette dernière avant de baragouiner quelque chose dans un anglais des rues dont Mélodie ne capta que quelques mots. Et comme toujours dans ce genre de situation, lorsqu’elle comprenait que sporadiquement les choses, Mélodie se contentait d’acquiescer la tête. En général cela passait et ici ne fit pas exception, car après s’être exprimé, le garçon les laissa en paix. Une chose de réglée se disait Mélodie qui savourait la sucette qu’elle avait en bouche, par contre à en voir les yeux de Lyra cette dernière avait quelque chose d’important à lui demander. Ce qu’elle fit assez rapidement sans se faire prier, et alors que Mélodie avait supposé l’espace de quelques secondes un sujet plus sérieux, ce n’était au final qu’une sucette qu’elle lui quémandait. Gardant la sienne en bouche, elle ne prit pas la peine de lui répondre tout de suite, mais glissa par contre une main dans sa poche. Toujours gantée avec ses moufles, elle mit un peu de temps à se saisir de la friandise demandée, si bien que dans un ras le bol, elle en saisit plusieurs et en sortit ainsi quatre, cinq d’un coup. Il y avait ainsi plusieurs parfums : deux au coca, une pomme et deux oranges.

« Tiens Lyra, choisis celle que tu veux. Toi aussi Azuki, j’en ai encore en rab, z’en faites pas. »

Oui, cela était une certitude çà. Si quelqu’un venait à fouiller la doudoune de Mélodie, il ne ferait pas une poche sans tomber sur au moins une sucette. Une vraie dealeuse de ces bâtons aux boules sucrées et acidulées. Les sucettes choisies et prises, Mélodie fourra les restantes dans sa poche où ces dernières ne bougeraient plus avant sa prochaine envie. Quoi qu’il en soit, à force d’être sur la glace depuis un moment, Mélodie commençait à être bien plus à l’aise sur cette dernière qu’à ses débuts. Si bien, qu’elle avait envie de se risquer à un peu d’audace, mais mieux valait éviter les trajectoires de l’autre gugusse de toute à l’heure.

« Au fait, je me demandais, vos prénoms ne sonnent pas très français. Vous avez des parents étrangers ? »

La question était fort indiscrète, mais la curiosité de Mélodie ne souffrait d’aucun interdit. A condition de passer un minimum de temps en sa compagnie pour qu’elle se sente à l’aide à vos côtés, Mélodie pouvait se révéler une véritable petite fouineuse. Et puis, c’était aussi histoire de faire plus amples connaissances, ne sachant encore au final que peu de choses les unes des autres, c’était là un simple sujet pour relancer la conversation.

Cet élan de générosité de la part de Mélodie t’allait droit au cœur. Ses moufles d’handicapant un peu pour se saisir des friandises fourrées dans ses poches, mais tu ne t’attendais pas à ce qu’elle en ait autant en réserve. Elle proposa même à Azuki d’en avoir une aussi, ajoutant qu’elle était loin de tomber à court de stock.

« Wow, je t’adore toi ♥ Je vais prendre celle là ! »

Admirative face à la prévoyance de la jeunette, tu en pris une à l’orange et commença tourner gaiement sur la glace en la déballant. Toi tu n’avais pas de gants, alors c’était plus pratique ! Le froid n’était pas si dérangeant quand on s’y habituait... à vrai dire, tu avais voulu en acheter pour cet hiver, mais à chaque fois que tu te faisais cette remarque, tu finissais par oublier. Résultat, l’hiver était maintenant bientôt terminé, ce n’était plus la peine de s’en soucier. Tu y penserais l’année prochaine !... ou pas.

De son côté, Azuki avait choisi une sucette au coca. Elle était bien heureuse que Mélodie lui ai proposé, autrement, elle n’aurait probablement pas osé demander de manière aussi directe que toi. Son envie se lisait tout aussi clairement sur son visage, cela dit. Les sucreries c’était son péché mignon, il suffisait de la côtoyer un peu pour s’en rendre compte. Mais contrairement à toi, la galère de porter des gants ne lui fut pas épargnée, et elle dû les retirer pour pouvoir profiter de sa friandise.

Tout pendant qu’elle s’attelait à cette tâche, une nouvelle question vint de la part de Mélodie. Celle-ci était un peu plus indiscrète que les précédentes, et son côté soudain te surpris un peu, assez pour t’interrompre dans sa danse folle sur la glace. L’origine de ton prénom ? Tu ne savais pas trop... et repenser à tes parents n’était pas pour te rappeler que de bons souvenirs. Au moins, tu étais en paix avec ton passé, suffisamment pour accepter d’en parler, mais tu ignorais ce qu’il était pour Azuki. La seule chose que tu savais à ce sujet, c’est qu’elle avait un frère qu’elle n’avait jamais rencontré. Malgré ta curiosité maladive, tu n’avais jamais osé lui demander de t’en dire plus à ce sujet, même si vous étiez relativement proches en tant qu’amies. Si elle ne ressentait pas le besoin d’en parler, c’était bien ainsi, non ? Enfin pour le moment, tu avais toi aussi une réponse à formuler.

« Oh, eh bien... j’ai toujours vécu en France, j’ignore ce qu’il en était pour mes parents. Mon nom est un peu bizarre je sais, on m’a déjà fait la remarque, héhé...
Tu te grattas la tête distraitement, espérant ne pas avoir à t’étendre sur le sujet.
- Je ne sais pas non plus, j’ai eu des histoires de famille un peu compliquées. »

Compliquées... cela faisait deux réponses plutôt évasives, mais Mélodie devrait s’en contenter. Les histoires de famille, c’est toujours comme ça. Les gens traversent toujours des histoires plus ou moins incroyables, ce n’était pas que dans les livres. Si tu devais deviner, l’adolescente aussi avait surement un passé de ce genre. Une famille recomposée, cela arrive plus souvent qu’on le pense. De là à dire que c’était mieux que plus de famille du tout, cela appartenait à l’avis de chacun.

« Désolée de pas pouvoir t’en dire plus, mais j’en sais vraiment rien. J’ai toujours fréquenté des gens avec des prénoms de plein d’origines différentes, alors je ne me suis jamais posé la question. »

Azuki n’était qu’un exemple, mais il y en avait plein d’autres. C’était bien d’avoir des prénoms atypiques, ça les rendait plus simples à retenir. Puis, cela avait un certain charme aussi. Mélodie c’était plus commun, mais c’était mignon aussi. Tu en avais connue une aussi en France, c’était en primaire, mais tu n’avais jamais pu être amie avec elle. Quant à savoir comment tu t’en souvenais, mieux valait ne pas chercher. La mémoire a ses raisons dont la raison ne se souvient pas...

Enfin, ce n’était pas tout, mais à force de rester statiques à discuter, le temps passait, et les trois jeunes demoiselles que vous étiez ne profitaient pas de la glace ! L’ennui, c’est que tu ne savais pas vraiment quoi faire à trois. Une course, c’était trop mainstream, et puis, Azuki aurait du mal à suivre. Tout en faisant tourner la sucette dans ta bouche pour t’aider à réfléchir, tu songeas que la magie pourrait peut-être aider. Il fallait penser à un objet, un accessoire utilisable avec les patins...

« Les filles, ça vous dit un hockey ? Enfin, pas un vrai match, juste pour essayer. »

Tout en faisait ta proposition, un flux magique instable commença à s’échapper de ta main, s’agitant à la manière d’un liquide visqueux piégé dans un tube invisible, avant de se stabiliser en la forme d’une crosse de hockey. La magie, on dira ce qu’on voudra, c’était quand même vachement pratique. Cependant, tu n’avais pas pensé une seule seconde à la réaction de Mélodie quant à la manifestation soudaine de tes pouvoirs...

Aucune d’entre elles n’avaient de réponses précises à sa question, il faut dire que ce n’était pas toujours une question que l’on se posait lorsqu’on était habituée à un prénom depuis sa plus tendre enfance. Lyra et Azuki se montrèrent donc assez évasives dans leur réponse, et visiblement sa question innocente semblait l’avoir conduit sur un autre sujet moins niais qu’un simple prénom. Mélodie releva sans mal que s’aventurer d’avantage sur cette pente ne serait pas pour plaire aux demoiselles, de ce fait elle n’insista pas et se laissa guider vers une toute autre transition par la plus dynamique de ce duo d’amies. Cette dernière leur proposait ni plus ni moins de faire une partie de hockey. Le principal souci que releva Mélodie dans son idée fut qu’elles avaient devant elles un fâcheux souci de matériel. Mais avant qu’elle ne puisse faire part de son commentaire, Lyra utilisa une sorte de magie de l’eau semblable à celle d’Elina et matérialisa devant leurs yeux une crosse de hockey faite d’eau condensée maintenue en état par de ses pouvoirs mystiques. Au bout d’un mois, Mélodie s’était assez bien habituée à ce genre de démonstration spontanée, par il y avait une chose qui n’avait pas changée…

« Hm… Désolée Lyra, je ne sais pas utiliser la magie moi. Pas qu’une partie de hockey m’aurait déplu, mais suis un peu limitée niveau mystique et tout. »

Et oui, malgré le fait que cela faisait un bon mois que Mélodie avait été trainée de force sur cette île, sa magie n’avait toujours pas daigné se manifester chez elle. Cette dernière demeurait profondément en elle tel un embryon emprisonné dans une chrysalide bien trop épaisse pour qu’il puisse espérer s’en défaire. Bref si Lyra pouvait créer une autre crosse pour elle, le problème serait réglé. Mais fallait-il encore que cette crosse reste en forme dans des mains autre que celles de sa créatrice. Et sur ce point, Mélodie ne pouvait pas savoir à l’avance si cela pouvait marcher ou non. Elle avait certes appris pas mal sur la magie des habitants de cette île, mais elle demeurait encore et malgré tout une bonne novice en la matière.

L’énergie avec la laquelle tu mettais en place votre petite partie de hockey retomba subitement. Mélodie... ne savait pas utiliser la magie ? C’était plutôt logique à bien y repenser, cela ne faisait qu’un mois. Tu te sentais bête d’avoir présumé qu’elle pourrait invoquer ses pouvoirs si facilement, fallait-il te rappeler combien de temps tu avais mis avant de maitriser les tiens ? Tu passas une main dans tes longs cheveux avec embarras, oubliant au passage que cette main tenait ta crosse et t’infligeant par conséquent un bon coup à l’arrière du crâne. Idiote jusqu’au bout.

« Aie... désolée. Je peux te passer une des miennes, si tu veux ? C’est pas dangereux, t’inquiète ! »

Remettant ta première crosse à sa place, bien en appui sur sa glace, tu tendis ta main libre pour générer en une seconde, en tout points identique à la précédente. La seule chose qui changeant était les motifs nébuleux qui ornaient la surface de l’objet, mais c’était là un détail que seuls un œil averti pouvait repérer. Bref, tu tendis la deuxième crosse à Mélodie avec un sourire. Elle n’avait pas eu l’air rebutée en te voyant utiliser la magie, donc tu étais confiante en l’idée qu’elle accepte ce présent. Maitriser deux sources en simultané n’avait plus rien de réellement compliqué pour toi maintenant, la crosse ne devrait donc pas lui exploser à la figure... théoriquement, quand on ne s’appelle pas Lyra, hein ?

De son côté, Azuki invoqua sa propre crosse, formée pour elle d’une glace pure et étincelante, pareille à du cristal. Ce fut également elle qui se chargea du palet, puisqu’il serait bien difficile de jouer sans. Voilà qui était fait pour le problème de matériel ! Tu ne savais pas ce qu’il en était pour les deux autres, mais tu n’avais jamais au hockey, sur glace ou pas d’ailleurs, mais ça n’avait pas l’air bien compliqué. En fait, ton esprit était déjà parti à imaginer diverses manières de faire des coups spéciaux avec la magie, un peu comme ces mangas de sport aux matchs si ridiculement épiques... mais tout bien réfléchi, c’était surement mieux de s’abstenir ! Malgré tout, lorsque tu eus le palet dans ta crosse, tu ne pus t’empêcher d’essayer de le faire sauter en frappant la glace avec cette dernière, puis de l’envoyer à Mélodie en le frappant doucement avant qu’il ne retouche le sol.

« Dis, ça t’a fait comment ? La première fois qu’on a utilisé la magie en face de toi. J’imagine que c’est déjà arrivé, non ? »

Elle n’avait pas eu l’air plus surprise que cela, donc ce n’était pas trop risqué de le supposer. Cette question était peut-être un peu indiscrète, mais tu étais vraiment curieuse de savoir ce qu’elle en pensait. Parce qu’au fond, tu espérais qu’elle aime autant que toi ? Peut-être... jusqu’à présent, tu n’avais pas rencontré de personnes pour qui ce sujet était tabou, mais tu supposais bien que certaines personnes n’étaient pas aussi heureuses avec que tu pouvais l’être. Mais si Mélodie l’aimait, peut-être que tu pourrais l’aider à manifester la sienne. Cette idée te remplissait d’excitation et d’appréhension à la fois, en fait, c’était peut-être plus pour ta propre curiosité que pour ta nouvelle amie que tu voulais le faire. Alors, les deux en même temps, ce serait parfait, non ?

Mélodie fut assez rapidement dépannée d’une crosse matérialisée par la magie de Lyra, le fait que notre amie ne sache pas faire usage d’une quelconque magie ne semblait au final pas poser de réel problème. Toutefois Mélodie ne pouvait s’empêcher d’être quelque peu méfiante à l’égard de son ustensile sportif. Ce dernier ne lui semblait pas spécialement solide, d’ailleurs elle aurait bien préféré avoir une crosse comme celle d’Azuki. La sienne semblait en effet plus robuste que celle de Lyra, mais bon ce n’était là qu’une impression qu’elle avait. En effet car en entamant leur partie de hockey, Mélodie put se rendre compte que sa crosse tenait le coup plus qu’elle ne l’aurait cru. Et alors qu’elle réceptionnait un palet de glace envoyé par Lyra, elle fut quelque peu distraite par la question que cette dernière lui posa. Le palet lui passa donc entre les jambes et elle n’eut d’autres choix que de faire demi-tour pour s’en aller le rattraper et l’arrêter. Mélodie avait déjà eu l’occasion de faire du hockey mais uniquement lors de ses cours d’éducation physique, et uniquement sur béton et non sur patinoire. De ce fait, son expérience aussi existante soit-elle faisait qu’elle était encore novice dans ce sport. Se concentrant un petit peu, elle envoya le palet en direction d’Azuki, un peu trop fort malheureusement car c’était désormais à elle d’aller chercher le palet. Cette petite maladresse lui laissa alors le temps de répondre à Lyra, qui devait s’impatienter de ce petit contretemps qu’elle venait de lui imposer.

« La première fois, bah j’en suis littéralement tombée à la renverse. Je ne voulais pas y croire, donc autant te dire que j’avais été pas mal choquée. »

Oh oui, Mélodie avait encore bien en tête sa rencontre avec Elina. Lorsque cette dernière avait fait usage de sa magie devant elle, notre camarade avait été tellement surprise qu’elle en était tombée sur le cul. Mais à présent, voir des personnes faire usage de la magie ne l’impressionnait guère plus, c’était devenu un peu une routine. Mélodie s’était toujours demandée qu’elle serait sa soi-disant magie, son soi-disant élément, mais en toute honnêteté, elle n’était pas pressée que cette dernière se manifeste. Sa vie était déjà bien assez chargée et compliquée comme cela pour que viennent s’ajouter d’autres choses en plus à gérer. Quoi qu’il en soit alors que le palet revenait vers elle, Mélodie complétait la réponse qu’elle avait donnée à Lyra.

« A présent, c’est devenu quelque chose d’aussi banal que de manger une sucette. »

Oui, se doutant que c’était pour cela que Lyra lui avait posé cette question, Mélodie avait voulu la rassurer sur le fait que la magie ne l’effrayait pas. Toutefois elle ne lui avait pas vraiment précisé si elle l’aimait ou pas, mais bon elle ne le lui avait pas clairement demandé non plus. Hop, ce coup-ci c’était pour Lyra qu’elle envoyait le palet de glace, ce dernier à force de recevoir des coups commençait à se fissurer légèrement.

La question sembla déstabiliser la jeune demoiselle un instant, car elle manqua le palet qui filait pourtant droit dans sa crosse et dû aller le rechercher. Malheureusement, elle décida de se venger sur la pauvre Azuki en envoyant un tir puissant dans direction !... laquelle manqua immanquablement sa réception et afficha une moue dépitée en voyant le palet glisser jusqu’à l’autre bout de la patinoire. Pour la peine, elle invoqua directement un nouveau palet tout neuf, ni vu ni connu ! Comme si elle allait s’embêter à traverser la marrée humaine pour si peu, quand elle pouvait juste remplacer l’objet perdu. Enfin, cela laissa tout de même à Mélodie le temps de répondre à ta question. Tombée à la renverse, vraiment ? Tu ne te souvenais pas avoir si mal réagi en apprenant la nouvelle... à vrai dire, tu ne t’en souvenais que pas trop. C’était flou, le brouillard complet. Kurai t’avait tellement assommé avec cette histoire de dieux et d’enlèvements que le voir employer la magie n’avait finalement rien eu de choquant en comparaison. Ouep, triste vérité...

« A présent, c’est devenu quelque chose d’aussi banal que de manger une sucette.
- Tout le monde n'aime pas autant les sucettes malheureusement ♪ »

Tu réceptionnas la passe de la jeune fille tout en continuant la discussion, faisait une passe légère à Azuki pour ne pas perdre le palet une nouvelle fois.

« Au début, je t’avoue que j’étais pas trop bonbons non plus, et maintenant... j’suis devenue accro au sucre, on dirait ! Mais je préfère quand même les pâtisseries ~ »

Ah, métaphore filée, quel meilleur moyen pour perdre son auditoire ? Déjà qu’il fallait suivre le palet sur la glace, si en plus il fallait suivre le fil de la conversation, c’était pas gagné ! Mais la pratique faisait son œuvre, et la précision des passes devenait meilleure de coup en coup. Réceptionnant une passe, tu pivotas légèrement vers Mélodie avant de décocher un coup puissant en sa direction. Celui là était facile à arrêter, mais il allait se perdre loin si elle me manquait !

« En tout cas, si tu veux de l’aide en la matière un jour, hésite pas, je serais ravie de te filer un coup de main !–
- Kyaa ?! Qu’est-ce que t-tu fiches ici ?! »

Te retournant vers la source du cri, tu remarquas qu’Azuki était aux prises avec... un mâle inconnu. Ce dernier l’avait probablement pris par surprise et le visage de la jeune fille vira rapidement au rouge pivoine alors qu’elle lui bégayait quelque chose. Et voilà que le garçon la prenait par la main et l’entrainait avec lui... H-hey, mais on kidnappe Azu là ?! Sidérée par ce que tu venais de voir, tu ne trouvais même plus les mots pour l’appeler. Azu... elle avait un petit ami ? Mais elle ne t’avait pourtant rien dit, elle te disait tout... et là voilà disparue, noyée dans la foule grouillante des patineurs envahissant le lac gelé. Tu ne savais plus quoi penser...

« M-mélo... je veux un câlin... »

Les larmes te montant aux yeux, tu t’approchas de la jeune fille pour te jeter dans ses bras. Ce fut d’ailleurs un exploit à ta manière que de ne pas la faire tomber dans la manœuvre, mais ça, tu étais bien trop submergée par les évènements pour t’en soucier...

Tout le monde n’aimait pas les sucettes, entendre cela avait presque l’air de choquer Mélodie. Ces petites boules sucrées plantées sur un bâtonnet tout fin étaient pourtant si délicieuses. Il fallait croire que certaines personnes ne savaient pas ce qui était bon dans la vie. Quoi qu’il en soit tout comme Elina, Lyra se disait prête à l’aider en cas de questionnement autour de la magie. Décidément, elle aussi semblait être une fille bien, comme quoi il y avait quelques perles rares dans tout ce tas de cailloux. Mais alors que Mélodie s’apprêtait à la remercier, elle fut surprise par Azuki qui élevait subitement la voix. Ne s’attendant pas à un tel débit de sa part, Mélodie en rata une nouvelle fois son palet de glace qui ricocha sur son patin gauche et s’en alla taper dans ceux des autres patineurs du dimanche. Se tournant en direction d’Azuki, Mélodie la vit alors dans les bras d’un garçon de son âge. A la vue de cette scène, il fallait vraiment être niais pour ne pas comprendre qu’il s’agissait là de son petit copain. Il suffisait de voir comment ce dernier l’enlaçait et comment cette dernière était rouge pivoine pour le comprendre.

** Eh ben, il est plutôt beau garçon son copain. ** Mélodie était surprise de le constater, mais Lyra, elle, était littéralement choquée. Devenue complètement aphone le temps de quelques secondes, elle semblait comme pétrifiée par la scène. Apparemment son amie lui avait cachée cela, mais dans ce cas l’apprendre aurait dû la rendre heureuse pour elle. A moins que…

« M-mélo... je veux un câlin... »

Pas le temps de réfléchir plus que Lyra se jetait dans ses bras limite prête à fondre en larme. Mélodie faillit être déstabilisée sur le coup, mais parvint au final à la réceptionner. Lyra était désormais lovée dans ses bras, et Mélodie était quelque peu prise au dépourvu. La pauvre Lyra lui faisait bien de la peine, si bien qu’elle ne put faire autrement que de l’entourer de ses bras. Toutefois son étreinte fut des plus légères, n’étant guère habituée à ce genre d’expansion sentimentale, Mélodie ne savait pas trop jusqu’où elle pouvait aller. Quoi qu’il en soit, ayant fait sa petite hypothèse sur la situation, elle en vint à adresser ces quelques mots à Lyra.

« T’étais amoureuse de ta copine ? »

Mélodie ne savait pas pourquoi elle avait tourné sa question au passé. Car si Lyra était réellement amoureuse d’Azuki, il était fort probable qu’elle le soit encore actuellement. Car dans le cas contraire, le fait d’apprendre qu’elle ait un petit copain ne l’aurait pas mis dans un tel état. Et Azuki qui, elle, avait pris la poudre d’escampette avec son homme. C’était elle la responsable de cette situation, alors pourquoi c’était à Mélodie de réparer les dégâts. Pauvre Lyra, elle semblait en proie à un très gros chagrin.

Blottie dans les bras de Mélodie, tu commençais déjà à te sentir un peu mieux. Cette étreinte douce et confortable t’apaisait, tu pouvais sentir ses bras t’enlacer timidement à travers le manteau. Quand quelque chose n’allait pas, un câlin suffisait à résoudre tous les soucis. Azuki était partie, alors tu avais besoin de recharger tes batteries sur ton autre amie. Même si elle n’était pas très à l’aise, elle avait l’air de comprendre ta peine, et cela te faisait du bien. Puis, après un moment de silence... elle posa une question.

« T’étais amoureuse de ta copine ?

Cela t’a un peu surprise, tu ne t’attendais pas à ce qu’elle interprète les choses de cette façon. C’était peut-être à cause de ta réaction, Mélodie ne pouvait pas savoir.

- Non... mais on me demande mon autorisation avant de me piquer mes peluches, quand même... »

Ta voix était un peu boudeuse, sans être vraiment en colère. Tu en voulais un peu à Azu, ce n’était pas méchant. C’était juste un peu dur d’être la meilleure amie et d’apprendre qu’elle ne te disait rien sur son petit copain... Ce n’est pas le genre de choses qu’on cache à une amie et confidente, tu ne savais plus comment voir la chose. Peut-être qu’ils étaient ensemble depuis longtemps ? Non, une ou deux semaines tout au plus, la dernière fois elle pleurait d’être transparente face au garçon qui l’intéressait. Lâchant un soupir fatigué, tu resserras un peu plus ton étreinte sur la jeune fille.

Mélodie devait te trouver bizarre maintenant, non ? D’être aussi possessive avec ton amie... tu étais quand même heureuse pour elle, c’était bien d’avoir un copain. Mais elle laissait un vide en partant comme ça, tu ne pleurais pas, mais tu te sentais un peu délaissée. Au moins tu avais Mélodie pour te consoler, elle était dans tes bras alors tu voulais en profiter encore un peu. C’était une fille vraiment gentille, elle t’avait offert une sucette et te réconfortait alors que tu venais à peine de la rencontrer. Mais tu n’allais pas rester dans ses bras pendant l’éternité non plus, et puis les gens vous regardaient, ça allait finir par devenir gênant.

« Tu m’abandonnes pas toi, hein ?

Tu te détachas enfin de la jeune fille pour lui sourire, quelques larmes perlant encore aux coins des yeux à cause du froid. Tu les balayas rapidement d’un revers de la main en riant, comme pour lui dire de ne plus s’inquiéter. L’air de rien, le temps passé à se câliner vous avait fait pas mal dérivé sur la glace, et vous étiez maintenant tout au bord du lac, à l’autre bout de la boutique. Tu n’avais plus trop envie de patiner maintenant... mais pour tout dire, tu ne savais plus quoi faire tout court.

- J’me disais... comme Azu est plus là, on pourrait peut-être trainer ensemble ? C’est elle qui m’avait invité à la base, alors tu vois... »

Dis comme ça, elle t’aurait pratiquement posé un lapin. Sauf que c’était encore pire, puisqu’elle s’était taillée au milieu du rendez-vous. Enfin, elle finirait par s’expliquer. Quand on est dans la même classe, difficile de s’esquiver indéfiniment. Pour le meilleur et pour le pire...

Mélodie avait visiblement sauté trop vite aux conclusions. Lyra profitant toujours de son étreinte, avait rapidement nié le fait d’avoir des sentiments amoureux envers son amie Azuki. Non, sa réponse sonnait plus comme celle d’une amie n’appréciant pas de se faire piquer sa meilleure amie par un garçon qu’elle ne connaissait pas et qui plus était visiblement le petit copain de l’une de ses peluches adorées. Ouais, peluche… C’était bien de cette façon dont elle avait parlé d’Azuki, et à la voir dans cet état Mélodie ne put faire autrement que de l’affubler de l’étiquette de fille possessive. Honnêtement, notre demoiselle n’aurait jamais pu soupçonner cela de sa part, si bien que sur le coup elle ne trouvait rien à lui répondre.

Quelque peu gênée par cette étreinte qui se prolongeait, Mélodie regardait alternativement autour d’elle. Plusieurs passants les dévisager, et les regards qui leur étaient lancés rendaient tout de suite cette étreinte moins agréable au goût de Mélodie. Si elles avaient été seules peut-être n’aurait-elle pas été contre la prolonger encore jusqu’à ce que Lyra se sente mieux, mais ici il lui fallait y mettre un terme avant que son visage déjà teinté de rouge ne devienne carrément cramoisi. Surtout que Lyra, elle, ne faisait que se resserrait d’avantage contre elle, mon dieu était-ce sa poitrine qu’elle s’imaginait sentir à travers leur manteau ? Non, c’était impossible, il y avait trop d’épaisseur et Lyra ne la serrait pas si fort que cela.

« Tu m’abandonnes pas toi, hein ? »
« Non, je reste avec toi, mais si tu pouvais me lâcher. »

Plus que la situation en elle-même, c’était le regard des gens qui l’embarrassait au plus au point. Dès lors elle accueillit avec un certain soulagement le fait que Lyra la libère. Par contre elle regretta la chaleur de sa présence lorsque le froid de l’hiver vint se rappeler à elle. Pour la forme elle frissonna avant de répondre au sourire de Lyra. Sur le coup, Mélodie avait bien envie de quitter l’étang glacé, trop de gens les regarder encore à son goût, et elle aspirait à un peu de tranquillité. Ce fut alors que sa nouvelle amie lui proposa d’aller trainer en ville avec elle. Sa proposition lui laissa sous-entendre deux choses contradictoires. La première était le fait que cette dernière sonnait presque comme un rendez-vous, mais çà c’était le contrecoup de l’étreinte qui lui faisait penser cela. La deuxième était l’impression d’être devenue au final qu’un substitut pour palier à l’absence de son amie. Des sentiments assez contradictoires, l’un positif, l’autre négatif, Mélodie ne savait pas vers lequel pencher, dès lors elle décida de les ignorer tous les deux tout simplement.

« D’accord, allons rendre nos patins. Et puisque je viens de terminer ma sucette, si on allait se manger des crêpes ? »

Tout en disant cela, Mélodie avait tiré de sa bouche son bâton de sucette. Zieutant autour d’elle après un endroit où le jeter, elle repéra une poubelle jusqu’à côté du stand de location de patins. Il était donc temps pour nos deux demoiselles de quitter la piste. Ce fut Mélodie qui partit la première, puis voyant que Lyra la suivait, elle se mit à accélérer la cadence, et leur simple sortie se transforma en une course effrénée que Mélodie perdit malgré son avance de départ. Ce fut à bout de souffle qu’elle finit par jeter son bâton de sucette à la poubelle et à se tourner vers Lyra.

« T’es trop rapide, j’avais pourtant pris de l’avance. »

Récupérant doucement, elles allaient pouvoir se rechausser et partir trainasser autre part qu’autour de cet étang.

Elle acceptait de rester... tu étais heureuse de cette nouvelle, tu pourrais rester un peu plus longtemps en sa compagnie. C’était une bonne nouvelle, l’occasion de faire plus ample connaissance. Dès lors, sa proposition d’aller manger une crêpe ensemble ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde, c’était même tout le contraire. Les crêpes, c’était limite le truc que tu préférais pendant les sorties d’hiver entre amis. Avec les gaufres évidemment. C’était toujours une bonne excuse de prendre chacune quelque chose de différent pour au final piquer un morceau chez tout le monde. Quoique, Mélodie n’apprécierait peut-être pas ce marcher, déjà qu’elle semblait perturbée par l’étreinte qui venait de se terminer... De toute manière, il faudrait déjà voir ce qu’ils avaient à proposer ici, tu te contentas donc d’une réponse positive et lui emboitas le pas pour aller rendre les patins.

Tu la suivais tranquillement au début, mais la jeune fille commença tout d’un coup à accélérer. Hé... cela ressemble à une course, non ? Un sourire espiègle prit place sur ton visage, alors que tu passais brusquement à la vitesse supérieure. L’avance de départ fut rapidement rattrapée par ton accélération, mais une fois lancée, tu dus reconnaitre que Mélodie ne se débrouillait pas si mal. Malheureusement, un petit faiblissement sur la fin lui couta la victoire ! En revanche, tu avais sous-estimé ta vitesse et manquas lamentablement ta manœuvre d’arrêt, finissant étalée sur le bord du lac. Enfin, c’était maitrisé, hein, n’allez pas croire...

« T’es trop rapide, j’avais pourtant pris de l’avance.
- Tu crois quoi, j’allais pas te laisser gagner juste parce que tu m’as donné une sucette ♪ »

Quand il s’agissait d’un défi, tu te donnais toujours à fond, peu importe l’adversaire. Pour être honnête, tu ne pensais pas te débrouiller si bien en vitesse sur la glace. Les patinoires dans ton pays, on n’y avait rarement la place pour se faire une petite course sans percuter quelqu’un... Tout en reprenant ton souffle toi aussi, tu te remis sur tes pieds pour jeter ton bâton de sucette et aller récupérer tes chaussures.

Aaah ! Cela faisait toujours drôle de remarcher normalement après avoir patiné. L’équilibre était quand même plus stage comme ça, mais la marche ressemble du sur place ! Et après l’agitation autour du lac, les rue marchandes d’Hizumu semblaient bien calmes en comparaison. Tu repéras rapidement un petit café où vous pourriez manger tout en vous abritant du froid et t’empressas de l’indiquer à ton amie.

« On va ici ? On serra plus tranquilles à l’intérieur. »

Mais peut-être qu’elle avait un autre endroit en tête ? Contrairement au reste de l’île, tu connaissais encore très peu Hizumu. C’était le genre d’endroit où tu n’avais pas venir trainer seule, c’était plus loin et moins pratique qu’Awashima. Cette journée était enfin l’occasion de rattraper le coup ! Dans tous les cas, tu attendais la réponse de Mélodie pour savoir où les crêpes seraient les meilleures aujourd’hui.

Mélodie avait besoin d’encore quelques secondes pour reprendre son souffle, Lyra l’avait littéralement bluffée sur ce coup là. Cela faisait en tout cas du pied de se dépenser de la sorte, et pour la peine notre demoiselle n’avait absolument plus froid sur le moment, c’était même tout le contraire. Sans perdre trop de temps, Mélodie et Lyra s’en allèrent rendre leurs patins et ainsi récupérer leur caution, ces dernières allaient être vite dépensées dans leurs crêpes et autres délices. Toutefois avant cela, il restait à savoir où est-ce qu’elles allaient se rendre pour en profiter. Nos deux amies s’étaient déjà pas mal éloignées de l’étang, toutes deux avaient une bonne vitesse de marche et de l’énergie à revendre, de ce fait elles se retrouvaient bien souvent à dépasser d’autres passants bien trop lents pour leur paire de jambes. Mélodie n’avait pas trop idée de l’endroit où elles pouvaient aller, le seul stand de crêpes qu’elle connaissait étant de l’autre côté de la ville. Ainsi elle ne fut pas contraire lorsque Lyra lui indiqua un petit café.

« Ok, çà me convient, let’s go ! »

Cette fois-ci elles ne firent pas la course pour atteindre leur destination, mais le pas fut quand même pressé. Elles avaient toutes deux hâte de se mettre au chaud, et accueillirent avec soulagement la douce chaleur qui régnait à l’intérieur de ce charmant petit café qui leur apparut bien vite comme assez singulier. Il s’agissait d’un café qui réunissait tout un tas d’adorateurs de nos amis les petits félins. Résultat en pénétrant en son sein, nos camarades purent s’apercevoir qu’il y avait ici autant de chats que de personnes, et ces petites boules de poils semblaient se faire aussi bien traitées que leur maître. A leur gauche, un petit tableau noir sur lequel étaient écrites à la craie quelques petites règles de conduite. Ces dernières pouvaient se résumer en une chose : ne pas harceler les matous, les laisser tranquille si ces derniers se montraient récalcitrants aux caresses.

« Hm… Lyra, si tu te déguises en chat, tu penses qu’ils nous laisseront rester ? C’est que je n’ai pas trop envie de retourner dehors là. »

Mais fort heureusement, il ne fallait pas spécialement venir avec son chat pour être client ici. La plupart des chats appartenaient d’ailleurs à la propriétaire de l’établissement. De ce fait, il suffisait d’aimer les chats pour venir passer du bon temps. Mélodie appréciait assez bien ces derniers, mais est-ce qu’il en était de même pour Lyra ?

Mélodie n’ayant aucune objection à ta proposition, vous pressâtes le pas toutes les deux pour aller vous réfugier bien au chaud dans le café de l’autre côté de la rue. La petite clochette tinta à l’ouverture de la porte, et une douce chaleur vous accueillit à bras ouvert. Tu soupiras de contentement en tapant tes bottes pleines de neige sur le paillasson, avant de jeter un œil à l’aménagement des lieux. Et là... tu compris bien vite que vous n’étiez pas tombées sur un café comme les autres.

« Hm… Lyra, si tu te déguises en chat, tu penses qu’ils nous laisseront rester ? C’est que je n’ai pas trop envie de retourner dehors là.
- Heeh ? Wakaranai desu nya ~ »

Fis-tu en mimiquant le petit mouvement félin de la patte – du poignet, évidemment. Néanmoins, ton incompréhension était bien réelle. Le café était bien habité par de nombreux félins, mais l’idée de se déguiser en chat, tu ne voyais pas le rapport ! Les catgirls avaient toujours été plutôt populaires, peut-être que Mélodie aimait le cosplay ? Elle n’avait qu’à se déguiser elle-même alors, mais le regard qu’elle te portait laissait fort à penser que son imagination te plantait déjà des oreilles félines sur la tête. Chose qui, tu devais l’avouer, était un peu embarrassante...

Enfin, tu n’avais pas très envie de retourner dehors non plus, alors autant entrer pourvoir ce qu’ils servaient. Tu remarquas au passage la petite pancarte où étaient mises en évidence les règles de conduites du café. Cela pouvait se résumer au respect de nos petites boules de poils. La proximité de ces félins égoïstes et manipulateurs ne te dérangeait pas, au contraire, tu prenais un malin plaisir à les câliner contre leur gré ! Tandis que tu cherchais une place du regard, une serveuse qui pour le coup portait un uniforme tout à fait classique vint s’adresser à toi.

« Bienvenue mesdemoiselles, vous cherchez une table pour deux ?
- Oui, s’il vous plait. »

La jeune femme s’exprimait dans un anglais avec un accent britannique, tu ne reconnaissais bien car tu l’avais souvent entendu. C’était toujours amusant d’essayer de deviner d’où venaient les gens, parfois on se faisait de drôles de surprises. Tu te tournas vers Mélodie pour t’assurer qu’elle suivait bien et emboita les pas de la serveuse jusqu’à une table libre un peu plus loin. Libre ? Pas pour longtemps car un petit chaton au pelage tricolore ne tarda pas à s’inviter pour quémander de l’affection. Celui là avait l’air jeune, il était mignon tout plein et il n’en fallait pas plus pour que tu tendes la main à cette pauvre âme en manque d’affection. La serveuse prit alors congé pour s’occuper des autres clients en vous laissant choisir vos commandes. De ton coté, tu pris rapidement place sur une chaise avec le chaton dans les bras pour regarder ce qu’il y avait à la carte. Et le moins que tu puisses dire, c’est que pour les crêpes, vous n’étiez pas mal tombées du tout...

« Oh oh, ça c’est de la spécialité de spécialité maison, t’en penses quoi neko-chi ? »

Une énorme crêpe avec morceaux de fraises, chantilly et coulis de chocolat fondu. Rien que l’imaginer te donnais presque une indigestion, c’était un truc à tenter au moins une fois dans sa vie ! Tu déposas un bisou sur la tête du chaton, et celui-ci se retourna pour venir te câliner de plus belle. Ils n’étaient pas bien farouches, à force de voir passer des clients tous les jours. Tu préférais ceux-là à ces enfoirés qui vous font tourner en bourrique et ne savent que réclamer leur pitance. « Nourris-moi, humain ! ». Oh, s’ils savaient parler, ils perdraient certainement de leur mépris, satanées boules de poils.
Et Mélodie, qu’allait-elle choisir ?

Pas besoin d’avoir un chat avec soi pour pouvoir consommer à l’intérieur de ce café, nos deux amies furent dès lors très bien accueillies par une serveuse qui lui conduisit jusqu’à une table dans un coin du café. Une bonne place qui les mettait assez à l’abri des va-et-vient incessant des serveurs autour des tables. Au passage, elle avait embarqué un petit chaton tricolore qui avait su déceler en Lyra une dealeuse de caresse des plus compétentes. Ce dernier finit dès lors sur les genoux de son amie qui le caressait d’une main et consulter la carte de l’autre. Ce petit café présentait une grande variété de desserts et parmi ceux-ci dix bonnes variantes de crêpes. De quoi dire qu’elles avaient fait là une bonne pioche, mais dès se posait la question de savoir quoi choisir.

« Je pense comme toi neko-nya, mais perso je prendrai quand même une banane chocolat avec bien évidement une bonne dose de chantilly. »

Voilà de quoi lui caler l’estomac pour un petit temps, lorgnant un peu sur le chaton en proie à un véritable festival de câlins, Mélodie maudissait un peu le fait qu’il n’y en avait pas un autre pour venir la voir. Ainsi lorsqu’elle eut passé commande pour elle et Lyra auprès d’une serveuse, Mélodie n’hésita pas à prendre sa chaise et à venir se coller à Lyra afin de elle aussi pouvoir cajoler le petit fauve.

« Trop chou ! »

Le chaton faisait entendre ses ronrons et semblait dans une extase indéfinissable, une overdose de caresse, le pauvre il risquait de ne pas s’en remettre. Mais alors qu’il semblait prendre son pied, il rappela au bon souvenir des deux demoiselles que les chats étaient des animaux à l’humeur fort changeante. Si bien que sans prévenir au bout de quelques minutes, il eut une sorte de sursaut et bondit hors des genoux de Lyra, pour partir piquer un sprint jusqu’en dessous d’un meuble.

« Eh ben, tu lui as donné un coup de jus ? »

A force de le caresser, on pouvait parfois avoir droit à un peu d’électricité statique, mais Mélodie doutait fort que ce soit le cas. Quoi qu’il en soit, Mélodie et Lyra étaient désormais fort proche l’une de l’autre, pratiquement collées l’une à l’autre mais sans la moindre petite boule de poil à cajoler. Il y avait bien d’autres matous à proximité, mais ces derniers étaient affalés dans des endroits parfois insolites et lorgnaient sur elle un regard qui leur communiquer tout leur désir de quitter leur confortable place.

Oh, Mélodie n’avait pas mal choisi non plus, banane chocolat te plaisait bien aussi. Les crêpes n’étaient même pas commandées que tu avais déjà envie de lui en piquer un bout, pour la peine. La serveuse ne tarda pas à revenir pour noter les commandes, et en attendant que celles-ci arrivent, ta jeune amie s’empresse de faire le tour de la table pour câliner aussi le chaton. Le petit fauve croulait sous une déferlante de caresses, il ne savait plus où donner de la tête et Mélodie semblait aux anges elle aussi, à se demander qui ronronnait le plus fort des deux ! Et puis, soudainement, le chaton eut un sursaut et se remit sur ses pattes, puis fila comme une fusée à travers la pièce pour aller se cacher sous un meuble. Ces boules de poils étaient réputées pour être plutôt lunatiques pourtant, mais tu devais bien avouer que cela t’avait surpris.

« Eh ben, tu lui as donné un coup de jus ?

Electricité statique ? Pourtant non, tu aurais aussi ressenti la décharge autrement. L’air de rien, cela arrivait de temps à autre à force de manipuler les orages, donc tu avais l’habitude. Pour vérifier, tu posas tes deux mains sur les joues de Mélodie avec un petit sourire.

- Tu vois, pas de décharge. Par contre tu es toute chaude, c’est doux. »

Tes mains froides se réchauffaient au contact des joues de la demoiselle, sa peau irradiait une douce chaleur apaisante. Tu aurais bien voulu en profiter plus longtemps, mais ce n’était pas agréable de se faire vampiriser par des paumes glacées, alors tu les retiras assez vite. A place, tu n’avais pas mieux que les glisser sous ton échappe et souffler un peu dessus... c’était toujours ça. Malheureusement, il n’y avait plus de félin à câliner, la plupart d’entre eux étaient déjà occupés à somnoler dans des endroits bien trop confortables pour vouloir en être délogé. Comme tu les comprenais... les voir paresser ainsi te donnait sommeil aussi. Alors, réprimant un bâillement, tu profitas de la proximité de Mélodie pour venir poser ta tête contre son épaule.

« Je veux bien être ton chaton, je peux dormir sur toi ? Ron ron ron ♪ »

Bon, tu ne savais pas vraiment ronronner, mais tu faisais bien la peluche, ça compense non ? Et puis la position que tu venais de te trouver était confortable, tu ne voulais plus la quitter. En fait, tu commençais déjà à fermer les yeux et somnoler...

Elles n’avaient désormais plus de chaton à câliner, l’air dépitée Mélodie regardait le meuble en dessous duquel le petit fauve s’était glissé, mais elle n’arrivait même plus à voir une moustache de ce dernier. Et alors que notre amie avait soumis l’hypothèse d’une secousse électrique de la part de Lyra, cette dernière se posa ses mains sur ces joues pour lui réfuter cette possibilité. Par contre si ce contact ne provoqua pas de décharger à Mélodie, cette dernière eut tout de même quelques frissons, Lyra avait les mains glacées et cette petite profiteuse saisissait cette occasion pour se les réchauffer. Mais Mélodie ne comptait pas la laisser la refroidir indéfiniment, mais lorsqu’elle voulut se dégager, Lyra retira d’elle-même ses mains. Mélodie en profita alors pour apposer ses propres mains sur ses joues, des mains chaudes qui eurent vite fait de rétablir la chaleur de ses joues. Et alors que Mélodie était occupée à se réchauffer, elle sentit soudainement la tête de Lyra se poser sur son épaule.

« Je veux bien être ton chaton, je peux dormir sur toi ? Ron ron ron ♪ »
« D’accord, mais en échange tu me laisseras goûter à ta crêpe, ok ? »

Etait-ce là une forme de chantage qu’elle lui faisait ? Dans tous les cas, Mélodie vint passer un bras derrière Lyra pour venir lui caresser doucement la tête, avec la même tendresse qu’elle aurait pu témoigner à un chaton. Lyra ne sembla pas protester, du coup Mélodie se conforta dans ces caressess. Mais au bout d’un moment, Lyra ne réagissait plus du tout, même pas un ronron approximatif de sa part. Mélodie pencha alors la tête afin de voir son visage, et fut bluffée de découvrir son amie assoupie.

« Hé Lyra, ne t’endors pas ! »

Mélodie n’avait pas parlé spécialement fort, mais bon elle doutait fort qu’elle se soit déjà profondément assoupie. Mais alors qu’elle peinait à rouvrir les yeux, peut-être que l’arrivée de leur crêpe sur leur table allait stimuler un peu plus notre belle endormie.

Un bout de crêpe en échange ? Mélodie savait marchander, cette petite maline... mais cela ne te dérangeait pas de lui donner un bout de ta crêpe. De toute façon, tu pourrais te rembourser en lui piquant un bout de la sienne, c’était un bon compromis. C’était facile d’être un chaton, il suffisait de se laisser cajoler et d’avoir l’air mignon, rien de bien compliqué pour toi ! Néanmoins, tu ne t’attendais pas à te faire effectivement caresser la tête par ta jeune amie... le premier contact t’arracha un frisson, mais finalement, c’était plutôt agréable. Ron ron ron ♪ Mélodie savait y faire avec les caresses, si même toi ne pouvais lui résister, les chaton n’avaient pas la moindre chance.

Peu à peu, les bruits ambiants du café commencèrent à se faire distants, tes ronrons plus approximatifs. C’était peut-être la fatigue qui retombait, la chaleur des radiateurs qui chauffaient la pièce, ou celle de la jeune fille qui te servait d’oreiller... après tout, cela n’avait pas d’importance. Elle avait dit qu’elle était d’accord pour que tu dormes sur son épaule, tu ne faisais rien de mal. ...

* ... Hey ? Pourquoi tu fais cette tête ? Tu as l’air perdue.
Comme un murmure glissé à ton oreille, une petite voix venait s’immiscer dans ton esprit. En cet instant, tu n’étais pas encore certaine de savoir si tu l’avais réellement entendue ou imaginée. Cette voix, elle sonnait familière, mais ce n’était pas celle de Mélodie. Elle avait quelque chose de déformé, comme un signal numérique brouillé, qui t’empêchait de l’identifier.
* Je pensais vraiment que cela te reviendrait maintenant... elle t’a reconnue, après tout.
Elle soupire... la voix à l’air déçue.
* Dommage... ne traine pas trop, hein. Même moi, je vais finir par partir, si tu me fais trop attendre.

« Hé Lyra, ne t’endors pas !
- ... Mmh ? »

Tu ouvres les yeux, mais les referme immédiatement, éblouie par l’éclairage des lampes du petit café. C’était quoi... un rêve ? On aurait plutôt dit un message, quelque chose directement adressé à ton esprit. C’était possible ce genre de choses, avec la magie ? Tu ne savais pas vraiment en faire usage par toi-même, en tout cas... mais il t’arrivait d’entendre des voix par moment, c’était peut-être ça. En tout cas, Mélodie ne pourrait probablement pas plus t’aiguiller là-dessus. Peut-être qu’Elina savait, il faudrait que tu lui poses la question la prochaine fois.

Décidant finalement de remettre cette réflexion à plus tard, tu te redressas et passa une main sur ton front avant d’ouvrir les yeux. Mélodie avait été surprise de te voir t’endormir réellement, hein ? La pauvre, elle n’était pas au bout de ses peines avec toi. Néanmoins, elle avait bien fait de te réveiller, car les crêpes arrivaient juste à temps. L’attente était passée plutôt vite, au final. Tu remercias la serveuse et pris sans plus attendre une grosse bouchée de ta crêpe, ne manquant pas de te mettre un peu de chantilly sur le bout du nez. Cela faisait longtemps que tu n’avais pas mangé de crêpe comme celle là, mais c’était toujours aussi bon ! Après avoir englouti ton morceau, tu te tournas vers Mélodie avec un grand sourire de satisfaction.

« Désolée de m’être vraiment endormie tout à l’heure, je dois être un peu fatiguée... Comme c’était le marché, tu peux prendre un bout de la mienne. Mais j’en veux un de la tienne en échange, c’est pas équitable sinon ! »

Tu lui tendis donc l’autre côté de ta crêpe, honorant ta part du marché. Finalement, c’était elle qui te proposait de partager les saveurs, tu n’avais même pas eu à la corrompre pour en avoir un bout. On dit toujours que la nourriture est meilleure dans l’assiette du voisin, et ce n’était pas toi qui dirais le contraire. C’est peut-être psychologique, qui sait. Enfin, pour ce que tu en avais à faire... le gout de la crêpe de Mélodie, c’était tout ce que tu avais en tête à cet instant.

C’était un sacré coup de pompe que Lyra avait dû avoir pour s’endormir ainsi sans prévenir, à moins qu’il ne s’agisse en vérité des caresses de Mélodie, cette dernière avait peut-être un toucher exceptionnel. Lyra n’avait en tout cas pas besoin de s’excuser, cela pouvait arriver à tout le monde un coup de fatigue subite. Dans tous les cas, il y avait désormais sur leur table de quoi les réveiller, et lorsqu’on voyait ces crêpes si bien garnies, on ne pouvait qu’envoyer au diable toutes nos bonnes résolutions de début d’année. Cela tombait bien car Mélodie n’en avait pas prévu à ce niveau-là, il n’était pas encore arrivé le jour où elle se prendrait à faire un régime. Mélodie se trouvait très bien comme elle était, et son petit ventre ne la dérangeait pas du tout, et ce même lorsqu’elle devait se mettre en maillot de bain.

Sa crêpe chocolat-banane avait été décidément un bon choix, mordant franchement dedans, Mélodie avait ses papilles aux anges. Si bien que lorsque Lyra lui tendit sa crêpe chocolat-fraise, Mélodie ne se fit pas priée pour lui en prendre une grosse bouchée qu’elle savoura les joues bien gonflées. Qu’il était bon de se faire plaisir ainsi de temps en temps, quoi qu’il en soit Mélodie n’oubliait pas que c’était donnant-donnant, ainsi elle offrit une part de sa crêpe à son amie. En l’espace de quelques minutes leur estomac pouvaient s’exclamer satisfaits, il ne restait plus aucune trace de leur crêpe si ce n’était quelques miettes.

« C’était trop bon, je pense que je reviendrai dans ce café. »

Avec Lyra ou quelqu’un d’autre, voire même toute seule, Mélodie sentait que ce petit coin de paradis méritait de faire parti de ses petits favoris. Sortant son téléphone de sa poche pour se faire une idée de l’heure qu’il était, Mélodie put se rendre compte qu’il était déjà assez tard. Mais avant de penser à prendre congé de son amie, Mélodie comptait bien obtenir d’elle son numéro de téléphone.

« Lyra, on peut s’échanger nos numéros ? »

Tout en ouvrant déjà sur son téléphone l’option nouveau contact, Mélodie anticipait déjà la réponse de sa camarade. Concentrée sur leur affaire, les deux demoiselles n’avaient pas encore remarqué qu’un autre chaton s’était glissé sous leur table et commençait à jouer avec leurs lacets de chaussures. Pour le moment, le jeu était encore soft, mais il n’allait guère falloir longtemps à l’animal pour en venir à se déchainer.