Face à la Mer [PV : Lyra]

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Jack & Lyra

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »
Charles Baudelaire

a mer est fourbe. Elle m'a trahi, moi qui lui donnait toute ma confiance. J'avais cru, l'espace de quelques années, qu'elle m'apporterait la liberté de vivre, de ressentir le monde à ma guise. Mais ce bonheur n'était qu'illusoire, ce n'était qu'un terrible mirage. Ma Russie natale, ma mère patrie me manque aujourd'hui, ma mère aussi. Je suis arrivé sur cette île pendant la nuit, mon bateau a disparu. Un morceau de ma vie à la mer, comme une bouteille d'appel à l'aide jeté à l'eau mais qui aurait coulé dans le fond des océans. Je tenais fermement la lettre que j'avais trouvé à mon réveil dans la paume de ma main gauche, fixant les vagues à l'horizon, sur la plage.

        Qu'est-ce qui m'a amené ici ? Je ne me souviens de rien, vraiment de rien... J'étais en train de naviguer, les eaux étaient calmes et puis... Plus rien. Le vide total. Saisissant mon visage entre mes mains, je pousse une sorte de grognement avant de brusquement me relever, jetant avec violence le papier que je venais de réduire en boule en direction de la mer. Une brise l'emporta au loin, j'en perdis donc sa trace. On venait de m’amputer de ma raison de vivre, ma liberté. Savoir que je ne pourrais jamais repartir d'ici me mettait hors de moi, même si c'était pour ma sécurité. J'ai un don, et alors ? Je l'ai très bien cacher jusqu'à maintenant, ça pourrait très bien continuer ! Épuisé, je me laisse retomber sur le sable, m'allongeant de toute ma carrure et soupirant.

(c) fiche:WILD BIRD, textures by Dayanna & gifs:gifs hunt herbologist healer

"Somehow a classic encounter"

L’océan ici était comme dans mes souvenirs. Une infinité d’azur, scintillant de milles feux sous le soleil couchant. Je venais souvent passer le temps ici depuis mon arrivée, simplement attendre les dernières heures de la journée, contempler le soleil décliner jusqu’à la tombée de la nuit. J’aurai pu contempler les vagues caresser le sable pendant l’éternité. Simplement me tenir là, ne faire qu’un avec le vent, le laisser m’emporter au loin et dériver...

Je me souvenais de cette vieille histoire qu’on se racontait autrefois... il y avait une grande île, une île immense entourée de mystères, flottant à la dérive entre les continents. En son centre dominait un plateau plus haut que les plus grandes montagnes connues au monde, et en haut duquel se dressait une tour de Babel. La tour menant aux cieux... un édifice défiant les lois de la gravité, la plus haute ayant jamais existé. On se racontait aussi qu’elle trouvait ses fondations jusque sous la mer, qu’il y avait des accès dans les parties souterraines de l’île au cœur de la montagne. Qui sait combien elle avait d’étages... on n’avait jamais été assez fous pour compter.

Ah, évidement, c’était du vent... Rien d’autre qu’une rêverie d’adolescents en manque de fantaisie, dans un monde trop petit pour contenir la folie de leurs esprits. Cette île, ils ne l’avaient jamais vue, ni même entendu parler... pourtant, quelque part, je voulais y croire. A ce rêve que nous avions partagé, aussi irréaliste fut-il... oui, je voulais y croire.

Une brise glaciale et soudaine me ramena à la réalité. Je me recroquevillai un peu sur moi-même pour offrir moins de prise au vent, secouée d’un long frisson. La morsure du froid hivernal était plutôt supportable le jour, mais le soleil couché, c’était une autre affaire... Bientôt il ferait nuit, je ferais mieux de rentrer. Et sur cette pensée, je me détournai lentement de la mer, lentement pour laisser encore quelques secondes mon regard sur l’horizon.

Alors je me figeai. Il y avait quelque chose sur la plage... ou plutôt, quelqu’un. Un corps étendu sur le sable, un peu plus loin sur ma droite. J’attendis quelques secondes, inquiète. Etait-il seulement en train de dormir, ou était-il inconscient ? Il fallait que j’en aie le cœur net. Je dévalai avec prudence la pente rocheuse depuis mon perchoir, me réceptionnant quelque peu maladroitement sur le sable, puis couru les quelques centaines de mètres qui me séparaient du corps inanimé.

« Hé !... Euh... t-tout va bien ? »

Ma voix sonna légèrement saccadée, plus à cause du sprint que j’avais piqué trois secondes plus tôt que réellement du doute... mais tout de même. Je ne savais pas si je devais plutôt le supposer vivant ou mort.... enfin, je ne voulais pas non plus faire de pronostique trop hâtif, j’aurais l’air idiote de m’inquiéter pour rien. Mais s’il ne réagit pas...

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Jack & Lyra

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »
Charles Baudelaire

e m'étais étalé sur le sable, épuisé de m’énerver pour rien. Je fixais le ciel intensément, perdu dans le flot de mes pensées. Qu'est-ce que j'allais pouvoir faire ici ? Ils ont copié la société connu de tous pour qu'on se sente chez nous ici... Mais connaissent-ils ma vie ? Ce n'est pas sur la terre que je veux la passer, c'est en mer ! Alors comment vivre quand on me prive de tout ce qui compte pour moi... Je regarde le ciel. J'aimerais être un oiseau, un bel oiseau qui fend le ciel de ses ailes. J'aimerais voler pour aller où je veux, quand je veux. Et ça aussi... Où est-ce que je vais faire du parapente moi, maintenant ? Et mes affaires, qu'ont-ils fait de mes affaires ? Je finis par fermer les yeux et soupire. Il faudrait que j'arrête de me plaindre.

Alors j'entends des pas sur le sable, puis une voix. Une petite voix féminine et essoufflée qui me demande si je vais bien. C'est sûr que voir un corps étendu seul sur le sable, ça peut porter à confusion. Je soupire longuement avant de rouvrir les yeux. Je prends un temps avant de me redresser dans un râle de fatigue, une expression blasée sur le visage. Je finis par me relever péniblement, m'étirant de tout mon long, de dos à la jeune fille. Je fixe alors l'horizon, le visage triste, ne prenant même pas la peine de me retourner.

« Non ça va pas. Je veux rentrer chez moi... »

Ni une ni deux, il me prend la subite envie de partir à la nage. Ouais, je suis comme ça. Je fais confiance à mes pulsions et je me fiche de ce que j'ai à perdre. De toute façon je n'ai rien à perdre. J'attrape alors le bas de mon t-shirt et le retire rapidement, retirant dans le même temps mon pantalon, mes chaussettes et mes chaussures et commence à courir vers l'eau, m'y plongeant sans plus de cérémonie. Je me jette et immerge ma tête avant de ressortir quelques secondes plus tard.

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"Somehow a classic encounter"

Je restai plantée devant lui un moment, ne sachant pas quoi penser. Il en mettait du temps à répondre, tout de même... m-mais s’il avait vraiment un problème ? Je ne pouvais pas le porter toute seule, et les secours mettraient trop de temps à arriver... Non, cela ne servait à rien de paniquer. Un peu hésitante, je m’approchai pour le regarder de plus près. Il avait l’air assez jeune, quoique bien plus adulte que je ne l’étais. Et surtout, il avait l’air vivant... du moins, il respirait encore. J’étais soulagée, et paradoxalement, d’autres inquiétudes vinrent rapidement prendre place de la précédente. A nouveau, cette question me traversa l’esprit... était-il aussi un naufragé ?

Son soupir me tira de mes pensées. Le jeune homme ouvrit enfin les yeux, puis se redressant dans un grognement typiquement masculin. Il avait l’air de sale humeur, pas besoin de mots pour le comprendre. Ce ne fut qu’après un long silence qu’il daigna me répondre, sans même m’adresser un regard. « Je veux rentrer chez moi... » Ce sentiment, le même que j’avais ressenti en apprenant qu’il n’y avait aucun moyen de regagner mon monde. Il était toujours présent oui... Je m’étais plus ou moins faite à l’idée que cela prendrait du temps, des semaines, peut-être plusieurs mois. Mais j’étais convaincue qu’il ne disparaitrait jamais.

Cependant, je n’eus pas le temps de réagir qu’il commençait déjà à retirer ses vêtements. Le haut, le pantalon, les bottes, les chaussettes... je le regardai faire, incrédule, me disant qu’il avait probablement grillé un fusible et qu’on ne pouvait pas lui en vouloir. Puis, lorsqu’il commença à courir vers la mer, je compris la stupidité de ce qu’il s’apprêtait à faire.

« Hé ! Arrête ! »

Il avait déjà plongé dans la vague, mais ce n’était pas trop tard. Je ne me faisais aucun de soucis sur sa capacité à nager, ce n’était pas le problème ! Mais vouloir s’enfuir d’une île à la nage, c’était juste humainement impossible. Je retirai en hâte mes chaussures et mes chaussettes, commençant à courir vers l’eau moi aussi. La morsure du froid me fit grimacer, mais je serrai les dents, continuant à courir, ne m’arrêtant que lorsque l’eau m’arrivait aux genoux. Mais il était trop loin déjà, je ne pouvais pas ma l’atteindre. Cependant, ma voix elle, le pouvait. Alors je criai, de toutes mes forces, mes mains en porte-voix pour être certaine qu’il l’entende.

« Hé toi... l’idiot ! Tu comptes vraiment aller te noyer et abandonner si facilement ?! T’es vraiment si misérable pour mériter une telle fin ?! Répond !! »

Ma gorge me faisait mal, le souffle me manquait, et mes jambes me brulaient sous l’effet du froid. Mais malgré cela, malgré le vent qui me cinglait le visage, malgré les vagues qui tentaient de me faire tomber, je restais debout, face à lui. Les poings serrés en signe de détermination. Je ne savais pas ce que cet homme avait vécu, ni depuis combien de temps il était ici... mais si je pouvais faire quelque chose pour le sauver, n’importe quoi, aussi insignifiant que cela puisse être, je le ferai.