Tout le monde à bord ! [Wadanohara/Elina/Noémie]

Le soleil brillait haut dans le ciel… C’était l’automne, alors comment pouvait-il faire un temps aussi… peu automnal ? Normalement, cette saison se caractérisait par son vent froid et ses pluies abondantes, alors qu’ici… Pour peu, on se serait cru au printemps ! Heureusement que les feuilles mortes étaient là pour rappeler qu’on n’avait pas sauté deux saisons… Enfin, il fallait bien avouer que pour ce que s’apprêtait à faire Elina, le soleil était préférable à la pluie. Eh oui, la jeune russe se dirigeait actuellement vers le port, où une sortie en mer l’attendait. Étrange de sa part de délaisser le confort de son domicile pour le cahotement d’un navire, mais bizarrement, cela ne la dérangeait pas plus que cela. Et puis, elle avait gagné une place, elle n’allait pas la jeter non plus !

En effet, quelques jours plus tôt, Elina avait accompagné Asami à une loterie pour laquelle elle avait reçu deux billets de participation. En échange de sa venue, elle lui avait offert l’un des deux billets, qui lui avait valu de recevoir une place pour une sortie maritime. Bien qu’elle ne fût au départ pas très emballée à l’idée de s’y rendre, l’idée de se retrouver ainsi dans son élément avait réussi à la motiver suffisamment pour qu’elle mette de côté ses a priori. Et puis, peut-être qu’elle découvrirait s’il était possible de s’échapper de l’île par la voie des mers, ainsi. Enfin, elle se doutait bien que c’était peu réaliste, mais bon, cela restait une possibilité à envisager. Encore que, récemment, Emily n’avait pas parlé de quitter l’île, avait-elle renoncé ? Qu’importe, l’objectif premier était de s’amuser ! Quel plaisir ce serait de lire au bon livre sur le pont d’un bateau… Ou bien pourrait-elle faire l’esquisse d’un quelconque paysage enchanteur, si d’aventure elle venait à en croiser un ? Enfin, elle verrait bien une fois sur place ! Restait à espérer qu’il n’y aurait pas de ces typiques mâles dragueurs pour venir l’importuner pendant qu’elle ferait la planche sur le pont du navire…

Maintenant qu’elle y pensait, la date de cette excursion tombait presque comme un fait exprès. Comme par hasard, elle n’avait pas cours ce jour-là, pour une réunion entre professeurs ou un truc du genre. Fameuse coïncidence… Peut-être que ce n’était pas une si bonne idée que cela, pour finir ? Enfin, il était trop tard, désormais, car elle se trouvait déjà au port, et rebrousser chemin après avoir été aussi loin serait stupide.

Comme elle ne trouvait pas le bateau sur lequel elle devait embarquer, elle se dirigea vers la capitainerie, où elle trouva le renseignement recherché, non sans avoir eu droit à une petite remarque sur l’importance d’avoir emporté un maillot avec elle. Les joues rosissantes, elle s’était éloignée d’un pas qu’elle voulait digne. Oui, elle en avait apporté un, et bien contre son gré ! D’ailleurs, elle avait dû aller en acheter un spécialement pour l’occasion, car d’après Emily, le maillot de bain de l’école n’était décidemment pas suffisant pour ce genre d’activités. Ou bien n’était-ce qu’une excuse pour pouvoir l’accompagner lors de ses emplettes ? Cette sortie était restée gravée dans sa mémoire… Alors qu’elle voulait prendre un simple maillot une pièce, Emily avait réussi, aller savoir comment, à la convaincre d’opter pour un autre style… Résultat, le maillot qu’elle avait acheté était un deux pièces, ce qui laissait voir bien trop de peau à son goût. Enfin, encore faudrait-il qu’elle retire les vêtements qu’elle avait mis par-dessus pour que les yeux des curieux puissent voir à quoi il ressemblait ! En effet, bien qu’Elina porte déjà son maillot, il aurait été bien difficile de le savoir. Elle avait en effet enfilé un minishort en jeans bleu, ainsi qu’un débardeur à fines bretelles noir. Le tout se complétait d’une fine chemise blanche à manches longues et de tennis de la même couleur. Elle avait également emporté un petit sac de sport contenant quelques livres, ainsi que du matériel à dessin. Pas besoin de vêtements de rechange lorsqu’on était une Suijin !

Arrivée devant le navire sur lequel elle allait embarquer, elle constata qu’il s’agissait d’un voilier, du moins de ce qu’elle en savait. Par contre, personne pour l’accueillir… Est-ce qu’elle s’était trompée ? Non, elle avait respecté à la lettre les indications qu’elle avait reçues, aussi il ne devait pas y avoir d’erreur… Elina monta donc à bord, guettant un signe de vie sur le pont, mais sans succès. Alors, elle s’écria :

- Il y a quelqu’un ?

Un mouvement, au loin, lui indiqua qu’elle n’était pas sur un navire fantôme. Elle se dirigea donc dans la direction de la silhouette qu’elle apercevait. Elle fut par contre surprise de tomber sur une jeune fille qui semblait avoir son âge, et qui bizarrement, lui était vaguement familière. Pourtant, le nombre de personne qu’elle connaissait sur l’île était très limité… Hmm, maintenant qu’elle la regardait de plus près, elle avait l’impression de l’avoir déjà vu au lycée… Et puis, le déclic se fit. Alors que la jeune fille semblait la reconnaître à son tour, Elina s’exclama :

- Ah ! Mais tu es l’infirmière zombie ! C’est toi le capitaine de ce navire ?!

À cause de la casquette qu’elle portait sur sa tête, Elina s’était mépris sur le rôle que jouais son ancienne camarade d’infortune. Finalement, elle ne devait pas l’avoir croisé au lycée, pourtant, elle n’arrivait pas à s’ôter cette impression de la tête… Quel hasard, n’empêche. Il restait à espérer que cette fois, leurs retrouvailles n’étaient pas annonciatrices de mauvaises surprises du même genre que la dernière fois…

La jeune fille l’avait reconnu, elle aussi, comme elle avait cru le déceler. D’ailleurs, elle lui rappela le costume dont elle s’était trouvée affublée lors de cette nuit inoubliable. Tout comme elle lui signala qu’elle n’était pas la capitaine du navire. Apparemment, sa casquette n’était qu’un style vestimentaire, et non une marque de profession. Dans un sens, c’était logique, mais la logique n’avait pas toujours sa place sur cette île, aussi fallait-il parfois envisager des possibilités qui, de prime abord, paraissait peu probable. Peut-être que finalement, elle l’avait bien croisé au lycée ? Mais alors qu’elle se posait la question, de nouveaux arrivants firent leur apparition. L’un d’eux, un homme d’âge mûr qui ressemblait un mélange de de vieux rockeur de de pêcheur hawaïen, les interpella, leur reprochant avec un air amusé d’être montées sans l’accord du capitaine. Elina lui aurait volontiers signalé que si le capitaine avait été présent pour accueillir ses passagers, ces derniers n’auraient peut-être pas eu à monter à bord pour essayer de le trouver. Enfin, comme il ne semblait pas particulièrement sérieux avec son commentaire, elle ne releva pas, sans compter qu’elles avaient en effet des torts.

Mais si elle avait été surprise de retrouver sa partenaire d’infortune, elle ne le fut pas moins lorsqu’une seconde silhouette apparue à la suite de celle du capitaine. Alors que la nouvelle venue lui faisait un signe de la main, Elina n’eut pas de mal à la reconnaître, car ce n’était pas la première fois qu’elle voyait la jeune femme qui s’avançait. Il s’agissait de Noémie, la cliente à qui elle était venue en aide il y a plusieurs jours de ça. Depuis, elle venait régulièrement, même si elle devait se fier aux dires de sa patronne vu qu’elle-même ne travaillait que le week-end. Cependant, ça n’empêchait pas Noémie de s’approcher d’elle avec un grand sourire, ni de lui adresser vivement la parole. Elle aussi avait gagné une place pour cette sortie en mer, est-ce qu’elle aussi avait participé à la loterie ? Pas le temps de le demander, car leur capitaine venait de se racler la gorge afin d’attirer leur attention. Il voulait voir leur billet, afin de s’assurer qu’elles étaient en droit de se trouver à bord. Une fois cette formalité accomplie, il leur expliqua que malgré la petite taille de son navire, les divertissements ne manqueraient pas. Il fallait bien avouer que l’embarcation était loin de valoir les paquebots de luxe à bord desquels Elina avait déjà eu l’occasion de voyager dans ce qui lui semblait désormais une autre vie, cependant, cette petite bicoque avait un charme indiscutable. Et puis, la foule, elle préférait éviter, aussi un petit comité réduit tel que celui qui se rassemblait sur le navire était l’idéal. Et pour parfaire le tout, pas de mâles en chaleur qui viendraient l’importuner dans son moment de détente ! Enfin, il restait le capitaine, mais en toute logique, il devrait être trop occupé à manœuvrer le voilier que pour venir jouer les playboys devant elle. Et puis, elle était largement trop jeune pour lui, elle osait espérer qu’il en aurait conscience si d’aventures il venait à l’envisager…

Maintenant que ses explications étaient terminées, Noémie en profitait pour faire connaissance avec la jeune fille dont Elina de connaissait toujours pas le nom. Cette information ne tarda pas à lui parvenir cependant, car cette dernière ne tarda pas à se présenter sous le nom de Wadanohara. Était-ce là son nom et son prénom, ou bien seulement l’un des deux ? Elina avait toujours du mal avec les noms à consonance asiatique. Quoi qu’il en soit, l’heure des présentations était déjà terminée, car avant même d’avoir le temps de se présenter officiellement, le capitaine l’interpellait elle et Noémie, les encourageant vivement à enfiler un gilet de sauvetage. Bon gré mal gré, Elina accepta de se soumettre à cette règle de sécurité, bien qu’elle se demandait comment le capitaine les imaginait faire de la plongée avec ce truc. Sans compter que, pour sa part, le risque de noyade était si faible que ça en était risible. Il aurait fallu qu’elle tombe à l’eau inconsciente pour avoir une chance que cela se produise. Enfin, soit, maintenant qu’elle était affublé de cet horrible gilet orange, elle pouvait vaquer à ses occupations.

Alors que le bateau s’éloignait du port, Elina, accoudée à la proue du bateau, observait le bateau fendre les flots, porté par une petite brise qui faisait avancer doucement l’embarcation. Elle ressentait une telle impression de liberté qu’elle sentit les commissures de ses lèvres chercher à s’étendre en un sourire. Malheureusement, elle n’était plus habituée à cet exercice, et ce dernier échoua. C’est alors qu’une personne arriva derrière elle, alors qu’elle continuait à contempler les immenses étendues d’eau qui s’ouvraient devant elle.

Regardant toujours l’horizon, Elina ne remarqua pas que quelqu’un s’approchait d’elle. Elle ne put cependant feindre l’ignorance lorsqu’un bruit se fit entendre derrière elle. Se retournant vivement, elle découvrit Wada… Wada… Wadanohara ! Bon, il lui faudrait un peu d’entraînement avant de pouvoir le prononcer sans devoir y réfléchir… Soit, elle découvrit donc Wadanohara sur les fesses, une expression douloureuse sur le visage. Il ne fallait pas être le plus fin des limiers que pour deviner qu’elle venait de faire une chute. Quittant la balustrade sur laquelle elle était toujours accoudée, elle se pencha sur la jeune fille, qui était juste derrière elle :

- Euh, ça va ? Tu ne t’es pas fait trop mal ?

Accroupie pour se mettre au niveau de la demoiselle, elle lui tendit la main en geste d’aide pour lui venir en aide. Apparemment, elle ne devait pas s’être blessée, il n’empêchait qu’elle devait avoir les fesses toutes endolories si on en croyait les petits cris de douleurs qu’elle avait poussés. Elina se demandait pour quelle raison elle était venue ici. Était-ce pour elle aussi admirer la vue qu’on avait d’ici ? Ou bien… Est-ce que cela avait quelque chose à voir avec elle ? Les deux demoiselles à nouveau bien droites sur leurs jambes, la jeune russe ne put s’empêcher de glisser une petite remarque humoristique :

- On dirait que tu n’as pas le pied marin, capt’ain !

Si certains auraient pu croire qu’il s’agissait d’une critique ou d’une moquerie, il n’en était pourtant rien. C’était juste une petite touche d’humour, mais la jeune fille n’étant pas des plus expressives, il était possible que certains se méprennent sur ses intentions, et en cet instant, Elina espérait que Wadanohara saisirait le réel sentiment caché derrière sa remarque. Tandis que la jeune fille se remettait encore de son vol plané, Elina s’enquit des raisons de sa présence :

- Au fait, tu me voulais quelque chose ? Ou alors, tu venais simplement admirer le paysage ?

Le navire continuait de s’éloigner, si bien que le port n’était plus qu’une vague ligne à l’horizon. Jusqu’où ce bateau allait-il les emmener, toutes les trois ? Tout en attendant la réponse de la jeune fille à la question qu’elle venait de poser, Elina se demandait s’il était aussi simple que cela que de quitter cette île dont on leur avait dit qu’on ne pouvait s’en échapper.

Wadanohara avait accepté la main secourable qu’elle lui tendait afin de se remettre sur ses deux pieds. Sa chute semblait avoir laissé des douleurs à la jeune fille, mais comme elle affirmait qu’elle allait bien, Elina n’insista pas. Ce qui la turlupinait davantage, c’était le manque de réaction de la demoiselle face à sa petite touche d’humour. Il aurait été malheureux qu’elle l’ait vexé simplement parce qu’elle n’avait pas su tenir sa langue. Mais d’un autre côté, elle n’aurait pas pu lui en vouloir, elle-même détestait être surprise dans une situation gênante, alors si le témoin de la scène se permettait de placer une petite remarque du genre, il n’était pas sûr qu’elle le prenne avec le sourire. Mais Wadanohara ne devait pas être ce genre de personne, car elle se mit à rire, tout en confirmant qu’elle faisait un piètre marin. Leur début de conversation s’arrêta là, car Noémie, qui ne devait pas avoir manqué une miette du spectacle acrobatique de la jeune fille depuis son transat, les interpellait afin de leur proposer une boisson. Voyant la glacière posée à ses côtés, la fraîcheur de cette dernière ne faisait aucun doute. Cela la gênait un peu d’accepter ainsi le présent d’une quasi étrangère, mais sous les encouragements de Wadanohara, elle se décida à passer outre ses hésitations. Aussi, elle accompagna la jeune fille jusqu’à la troisième passagère du navire, et jeta un œil au contenu de la glacière. Des bières… Est-ce qu’elle avait vraiment eu l’intention de leur offrir une bière ? Non, car en y cherchant bien, il y avait d’autres breuvages non alcoolisés dissimulés sous les canettes de bière. Elle n’avait jamais bu d’alcool, pas même dans les soirées mondaines auxquelles elle avait assisté étant enfant, aussi ce n’était pas aujourd’hui qu’elle avait l’intention de s’y mettre. Son choix personnel se porta sur une simple bouteille d’eau plate, et elle vit que Wadanohara aussi optait pour une boisson non alcoolisée. Pour sa part, l’eau restait la meilleure boisson à consommer en cas de soif, d’autant plus qu’elle pouvait en préserver la fraîcheur à volonté. Enfin, il fallait bien avouer que bien que le soleil brillait, la brise maritime rappelait à leur bon souvenir que l’été était terminé, bien que la fraîcheur n’ait pas été suffisante que pour faire grelotter le trio de touristes présentes sur le pont.

Quoi qu’il en soit, sur le temps que les boissons furent choisies, le bateau s’arrêta et jeta l’ancre. Apparemment, c’était ici que le navire mouillerait, suffisamment loin du port que pour ne plus pouvoir le distinguer du reste de la côte. Le capitaine vint leur annoncer que cet arrêt durerait quelques heures, et qu’elles pouvaient donc en profiter pour s’exercer aux différentes activités offertes pour leur divertissement. Plongée, pêche, et initiation à la navigation, le capitaine se tenait à leur disposition pour toutes ces activités, bien qu’il ne pouvait bien sûr pas les apprendre toutes en même temps. Il laissait également sous-entendre qu’il serait plus pratique qu’elles choisissent une activité en commun pour qu’il s’épargne la peine de réitérer ses explications par la suite, et aussi pour pouvoir garder un œil sur elles afin de s’assurer que rien de dangereux ne puissent leur arriver. Pour sa part, Elina n’avait pas vraiment d’activité favorite, après tout, elle avait prévu de flemmarder sur un quelconque coin du bateau en présence d’un bouquin ou d’un croquis. Mais peut-être pourrait-elle profiter de l’occasion pour aller faire trempette dans l’océan ? Elle n’avait jamais nagé en pleine mer, cela pouvait être une expérience intéressante. Le seul problème, c’est que cela aurait exigé qu’elle exhibe son maillot, et ça, ce n’était pas vraiment une idée qui lui plaisait. Enfin, il restait à voir si les deux autres intéressées n’avaient pas envie de s’essayer à l’une des activités proposées plutôt que de simplement aller nager, aussi leur demanda-t-elle :

- Vous voulez faire un truc en particulier ?

Noémie était très tentée par la plongée sous-marine, et ne manqua d’ailleurs pas de le montrer en se déshabillant aussitôt sa canette de bière vidée d’une traite. Elle, bien que tentée par l’activité en elle-même, l’était beaucoup moins en ce qui concernait le fait de se dévêtir. Et le fait qu’elles soient entre filles n’était pas vraiment le genre de chose qui pouvait amoindrir sa gêne… Alors qu’elle se débattait toujours avec ces sentiments contradictoires, Noémie, elle, en avait déjà fini avec son effeuillage. Et voilà que Wadanohara en faisait de même… Bien qu’être la seule à ne pas participer à une activité de groupe ne lui posait aucun problème, elle décida de mettre sa pudeur de côté, afin de profiter pleinement de ce que cette journée avait à lui offrir. Et alors qu’elle faisait glisser son minishort sur ses jambes, elle avait l’impression de voir le visage satisfait d’Emily qui la regardait. Pourquoi donc n’avait-elle pas pris un maillot une pièce, comme l’avait fait sa comparse Suijin ? Comment diable avait-elle pu se faire convaincre de prendre un bikini ? Elina se rappelait vaguement que sa grande sœur avait évoqué qu’elle aurait l’air ridicule avec son maillot de bain scolaire, et que de nos jours, les bikinis étaient plus commun que le reste. Le fait qu’elle ait rajouté qu’elle serait trop mignonne dans son maillot mêlant le vert et le blanc y était peut-être aussi pour quelque chose…

Désormais uniquement vêtue de son bikini, Elina alla s’asseoir aux côtés des autres. N’étant pas du genre à scruter chaque parcelle du corps des autres, elle n’avait pas remarqué la particularité physique de Noémie. Une fois installée, elle écouta les explications nécessaires quant à la manipulation du matériel de plongée que leur asséna le capitaine. Pour sa part, elle ne pensait pas avoir besoin de recourir à ce dernier afin d’explorer les fonds marins, mais bon, cela faisait partie du charme de l’activité, elle prêta une oreille attentive aux dires du capitaine. Une fois la partie théorique terminée, il fut temps d’enfiler tout le barda encombrant qu’il fallait utiliser pour faire de la plongée. Enfiler les palmes ne fut pas trop compliqué, tout comme le masque de plongée. Les bouteilles d’oxygène, par contre, furent légèrement plus compliqué à venir à bout. Non tant pas la complexité du harnais qui permettait de les fixer, mais plutôt par le poids que cela représentait. Maintenant complètement équipée, Elina ne pouvait s’empêcher de se sentir parfaitement ridicule, encore plus lorsqu’elle se déplaçait avec les palmes. Elle avait l’impression d’être un canard difforme et pataud… Avant de se jeter à l’eau, le capitaine fit un dernier exercice pour s’assurer que tout le monde avait retenu ce qu’il avait expliqué plus tôt, et satisfait des réponses de ses élèves, plongea en premier afin de leur montrer comment faire. Wadanohara ne tarda pas à le suivre, et Elina lui emboîta le pas. Suite à son plongeon, elle s’enfonça dans les eaux froides de l’océan.

Eh oui, malgré la douceur des rayons du soleil, la température de l’eau n’était pas des plus clémentes en cette saison. Bien qu’elle ne fût pas particulièrement gênée par cette dernière, Elina prit toutefois la peine d’augmenter la température de l’eau autour d’elle, lui conférant ainsi une confortable tiédeur. Une fois ce petit détail réglé, la jeune russe découvrit alors le merveilleux spectacle qui s’offrait à elle. Bien qu’elle ne se trouve pas spécialement loin de la côte, les fonds marins étaient déjà des plus enchanteurs. Des poissons aux couleurs vives et éclatantes prenaient la fuite lorsqu’elle s’approchait d’eux. Des étoiles de mers paressaient sur le sable, profitant des rayons du soleil qui perçaient jusqu’à eux. Des anémones de tous types et de toutes les couleurs s’agitaient sous l’effet du remous des eaux. Elina avait déjà vu des scènes de ce genre, à la télévision ou dans des livres, mais les voir en vrai, en direct, était une expérience autrement plus agréable. Elle avait l’impression d’avoir pénétré un autre monde, comme si la surface de l’eau était en réalité un portail menant à un paradis aquatique. Laissant son pouvoir télépathique se déployer, elle perçut les pensées primitives des poissons qui la considéraient comme un prédateur. Certes, elle aimait bien le poisson, mais ce n’était pas des filets de poissons qu’elle contemplait là ! Se rappelant les propos du capitaine quant aux risques de toucher ces derniers, elle renonça à les encourager de la laisser caresser leurs écailles, mais leur demanda quand même de s’approcher pour qu’elle puisse les contempler de plus près. Et alors qu’ils s’exécutaient, volontairement ou non, faisant une sorte de ballet aquatique autour d’elle, une ombre passa au-dessus d’elle. De quoi pouvait-il s’agir ?

Alors qu’Elina se perdait dans la contemplation de cette multitude de poissons colorés qui lui faisaient l’honneur de leur présence, elle ne tarda pas à sentir une chose toucher son épaule. Dans un sursaut à peine perceptible en milieu aqueux, elle se retourna vivement, mais ne découvrit que Noémie qui l’avait rejointe. Pendant un court instant, elle avait oublié qu’elle n’était pas la seule à s’être jetée dans les flots maritimes, trop émerveillée que pour se rappeler qu’elle n’était pas seule dans ce monde aquatique si merveilleux. Noémie, ayant peut-être perçu sa surprise, lui fit un signe indiquant que tout allait bien. Son cœur n’était pas trop de cet avis, lui… Il serait utile, voire vital, qu’elle se concentre davantage sur ce qui l’entourait, car après tout, ses sens étaient émoussés dans ce milieu lui étant étranger. Les poissons, eux, étaient restés à portée, bien que leur engouement semblait être redescendu d’un cran.

S’arrachant un instant à leur contemplation, Elina jeta un regard autour d’elle, et ne tarda pas à poser les yeux sur Wadanohara qui arrivait vers elles à grande vitesse. Elle allait s’épuiser, à battre des jambes à cette vitesse ! Pour qu’elle raison semblait-elle si pressée de les rejoindre ? La raison de cette rapidité de déplacement ne tarda pas à se matérialiser au-dessus d’elle… Une forme nageait à quelques mètres à peine d’elles. Malheureusement, il ne s’agissait pas d’un gentil dauphin venu s’amuser avec les drôles de poissons auxquels elles pouvaient ressembler avec leur attirail bizarre… Non, il s’agissait plutôt d’un requin, un requin long de trois mètres ! Elle n’aurait pu le jurer, n’ayant jamais vu que des images de cet animal, mais apparemment, il s’agissait d’un requin mako. Ce dernier, comme nombre de ses semblables, n’était pas du genre à attaquer les humains. Le seul problème, c’était qu’en cet instant, elle et Noémie se retrouvaient entourées de poissons, la base du régime alimentaire de ce brave prédateur… Dès lors, un coup de mâchoire perdu n’était pas à exclure, et quelque chose lui disait que cela ne devait pas faire du bien…

Mais paniquer était inutile ! Car Elina pouvait à tout instant le réduire en charpie si elle le désirait. Mais n’étant pas partisante de massacre inutile d’animaux, surtout lorsque ceux-ci étaient en voie de disparition, il s’en abstint. Au lieu de quoi, elle lui imposa sa volonté, le réduisant à l’état d’animal domestique. Le redoutable prédateur était à présent une créature aussi docile qu’un chat pantouflard. Elle le fit se rapprocher, jusqu’à ce qu’il se trouve juste à ses côtés. Plutôt que s’embêter à faire voir un signe qui pouvait facilement passer inaperçu dans la panique actuelle, Elina fit passer un message télépathique à ses deux comparses qui devait déjà la voir à l’état de steak haché…

« C’est moi, Elina, tout va bien. Il ne nous fera pas de mal. »

Et alors, elle s’agrippa à son aileron, et s’installa sur le dos du prédateur. Elle aurait donné n’importe quoi pour prendre une photo et la montrer à Emily à son retour ! Malheureusement, elle n’avait pas d’appareil photo amphibie avec elle… Pour pallier à cette déception, elle s’offrit un tour à dos de requin, sous les yeux de ses deux compagnes qui devaient avoir du mal à en croire leurs yeux. Pour elle, ce fut une expérience mémorable, qu’elle n’était pas prête d’oublier aussitôt ! Et peut-être qu’elle pourrait la faire partager aux autres ?
Au bout de quelques minutes à fendre les eaux à grande vitesse, ce requin étant particulièrement rapide, elle descendit du dos de la bête, et se retourna vers les deux jeunes filles qui étaient toujours réunies. Elle leur envoya alors un autre message télépathique :

« Vous voulez essayer ? »

Le requin, lui, ne semblait pas particulièrement affligé d’avoir servi d’attraction touristique à la jeune fille. Aussi, devait-il être apte à offrir la même attraction aux autres membres de l’équipée.

Il ne fallut guère de temps à Noémie pour réagir à cette sympathique proposition. Cependant, elle déclina l’offre, au grand dam d’Elina. Elle qui pensait qu’elle trouverait ça amusant… Mais bien au contraire, la seule présence du prédateur des mers à ses côtés ne semblait pas être à son goût. À la réflexion, côtoyer une créature capable d’arracher une jambe d’un simple coup de mâchoire n’était peut-être pas la chose la plus rassurante du monde… Mais alors que Noémie s’écartait pour mettre une distance de sécurité entre elle et le requin, Wadanohara, elle, n’hésita pas une seconde à grimper sur le dos de l’animal. Franchement, de ses deux compagnes, ce n’était pas sur elle qu’elle aurait misé quant à l’engouement pour se frotter à cette bête. Comme quoi, bien qu’elle paraisse plus frêle et fragile que Noémie, cela ne voulait pas dire pour autant qu’elle était la moins courageuse dans ce genre de situation.

D’un petit ordre télépathique, elle intima au requin de reprendre ses cabrioles en tout genre, la demoiselle accrochée à son aileron. Au bout d’un court moment, elle fit revenir le gros poisson, et une fois que sa cavalière en fut descendue, elle l’envoya nager plus loin, beaucoup plus loin, pour qu’il vaque à ses occupations de requin sans les déranger pour autant. Mais un autre requin ne tarda pas à faire son apparition… Ou plutôt, à réapparaître ! En effet, le capitaine du bateau, surgissant d’on ne sait où, vint à leur encontre. Et vu ces gesticulations énergiques, il était évident qu’il avait quelque chose à leur reprocher. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien avoir fait pour l’avoir contrarié ? Elles se contentaient de nager bien tranquillement, regroupées, comme il le leur avait demandé. C’était lui qui s’était éloigné sans vérifier qu’elles le suivaient ! Tu parles d’un guide…

Suivant les indications du capitaine, elles remontèrent à la surface, et enfin regagnèrent le pont du bateau. Là, elles eurent droit à un sermon de vive voix quant à l’importance de suivre les directives qu’il donnait, car elles n’étaient pas là pour les embêter mais pour garantir leur sécurité. Après quelques instants à bougonner, il finit par se calmer et par demander quelle activité elles voudraient faire maintenant. Tandis que tout le monde réfléchissait, Elina en profita pour se sécher. Non pas à l’aide d’une serviette comme il pourrait l’être de coutume, mais bien en faisant discrètement s’évaporer l’eau qui la recouvrait, non sans l’avoir agréablement réchauffée auparavant. Finit les frissons, la chaleur des rayons du soleil pouvait à nouveau frapper sa peau pâle. Vint alors le moment de décider d’une activité… Noémie avait clairement annoncé qu’apprendre les rudiments de la navigation ne l’intéressait pas. Pour sa part, restée assise à regarder une ligne dans le mince espoir de voir un poisson venir la mordre n’était pas vraiment le rêve de sa vie. D’autant plus que, si les manger ne lui posait pas de problèmes, les attraper en leur arrachant la moitié des joues avant de leur éclater la tête sur le rebord ou les laisser suffoquer, c’était autre chose… Sans compter que le passage de leur ami aux dents tranchantes risquait fort d’avoir dissuader ces en-cas à écailles de rester dans le coin… Bref, Elina ne tarda pas à donner son avis :

- Moi, j’aimerais bien apprendre un peu la navigation…

Elina était toujours avide d’apprendre de nouvelles choses, même si celles-ci pouvaient paraître inutiles de prime abord. Car rien ne disait qu’elle userait un jour du savoir qu’elle pourrait apprendre en ce jour. Il restait à voir si elle serait la seule à prêter une oreille attentive aux dires du capitaine pendant que les autres s’adonneraient aux joies de la pêche en pleine mer.