Après la mer. [Soliana]

Cela va bientôt faire une semaine que je suis arrivée sur cette île. Ce matin, sans savoir comment cela a été rendu possible, j'ai reçu une enveloppe. Elle vient de ma famille. Les mains tremblantes d'émotion, je l'ouvre. J'y trouve deux lettres, et un peu d'argent. Cela vient de ma famille, je l'ai su dès que j'ai vu le papier. Observant rapidement les lettres, je réalise qu'il y en a une rédigée en espagnol et l'autre en anglais. Cette dernière vient sûrement de ma sœur, avec qui j'ai souvent parlé par l'intermédiaire du téléphone. Elle est la seule parmi ces deux personnes à savoir que je tente par tous les moyens d'apprendre l'anglais, afin de tenter de m'intégrer.

Ayant vu une plage sur la carte reçue à mon arrivée, je décide de m'y rendre pour lire les mots de mon père et étudier ceux de ma sœur. Avant de sortir, je prends le dictionnaire espagnol-anglais emprunté hier à la bibliothèque de l'université.

Le soleil est au beau fixe quand j'arrive. Cela me rappelle nos sorties en famille, du vivant de ma mère, sur des plages avec vue sur l'Océan Pacifique. Toute à ma nostalgie, je choisis un endroit où je m'assieds. Puis je me plonge immédiatement dans les écrits de mon père. Il m'apprend que ma sœur lui a transmis l'adresse à laquelle m'écrire, et me confie sa vie, en solitaire lors des nombreuses absences de mon aînée. Je lui manque... Je suis désolée, mais je ne peux pas te rejoindre, malgré la grande envie que j'en ai. Sentant les larmes commencer à couler, je les essuie d'un geste rageur. Je ne dois pas pleurer. Ma famille est désormais hors de portée, je dois m'y résigner.

Relevant les yeux après avoir terminé ma lecture de la première lettre, je remarque une jeune femme marchant le long de la grève. Son paréo d'une couleur radieuse contraste avec le sombre de sa peau. Bien que je sois un peu trop loin pour en être sûre, il me semble que cette femme ressent autant de mélancolie que moi. Les yeux dans le vague, mon regard dérape pour finir par se perdre dans la mer. Mais je me reprends vite, et, posant la lettre de mon père pour saisir délicatement celle de ma sœur, je respire un grand coup, puis, armant ma main libre du dictionnaire, je me lance dans la lecture comme dans une bataille. Je décide, avant même de commencer la lecture, de répondre en anglais. Ma sœur deviendra mon professeur particulier, je sais qu'après tous ses stages à l'étranger, elle a largement le niveau pour enseigner. Il me semble d'ailleurs que c'est ce qu'elle voulait, être professeur d'anglais. Autant qu'elle s'entraîne avec moi, cela nous sera bénéfique à toutes les deux.

Il me faut un bon moment pour tout comprendre, même avec l'aide du dictionnaire, mais je me rends compte que cette chère jeune femme qui me sert de sœur a décidé de commencer son "coaching" par quelque chose de facile : en effet, elle ne m'a rien révélé que je ne sache pas déjà. Très bien, il s'agit donc d'une mise au point.

Me muant en étudiante sérieuse, comme je ne le suis habituellement que durant les cours, je dépose mon dictionnaire un peu plus loin, de manière que je ne puisse pas le récupérer aussi facilement, puis reprends la lecture au début. Je dois comprendre chacun de ses mots, pas seulement les idées, et sans aucune aide. Et, après la compréhension, je travaillerai l'expression écrite, en répondant, toujours sans dictionnaire. Mais ça, c'est l'étape suivante. Concentrée, je change de position et me lance à l'assaut des mots.