Une rose amère (Yukio et Ambre)

Rideau de pluie

Une goutte de pluie s’écrasa sur sa joue. Glaciale. Elle avait du se prendre pour une larme pour atterrir là sans prévenir. Surpris, Ambre releva la tête, constatant les épais nuages d’orages qui couvraient le ciel. Étrange. Il n’avait pas plus depuis bientôt deux semaines, et voila que le temps se décidait à se remettre en marche. Foutu météo. Agacé, il accéléra le pas. Avec un peu de chance, il pourrait prendre le prochain bus et évitez une énième engueulade parentale pour cause de retard. Peu à peu, les fines gouttelettes se changèrent en averse, à mesure qu’il avançait. Et avant même qu'il ne le réalise, la pluie s’intensifia jusqu’à prendre l’ampleur d’une véritable cascade, déferlant dans les rues en ruisseaux chaotiques. Il accéléra encore, se mit trottiner, puis à courir. Soudain, son pied glissa sur une plaques d’égout, il s'effondra. La brûlure de la peau écorcher enflamma aussitôt ses paumes lorsqu’il heurta brusquement le béton mouillé. Avec lenteur, il se redressa sur ses genoux, puis…

Plus rien. Tout se mélangea.

Sous se rideau de pluie qui frappait l’asphalte de plus en plus fort, Ambre resta immobile, le souffle court et saccadé. Agenouillé, il fixait bêtement ses mains endolorit et sales, comme si la réponse à l’univers s’y trouvait. Ça y est. Il était en train de perdre la boule. Tout seul dans sa ruelle sombre, assis sous la pluie. À contempler ses mains blessées. Il n’arrivait même plus à identifié la nature de ses émotions. Était-ce de la mélancolie qu’il ressentait? De la colère? De la rancune? Ou même de la peur? Il avait beau essayer, il n’arrivait pas à le déterminer. Dans sa tête, les fils émotionnels s’entremêlaient pour former une immense boule noire et laide. Ouaip. Il avait peut-être bien perdu la boule. Comme dans un film dramatique, le ciel tonna de toute se puissance, accompagné d'une strie lumineuse aveuglante. Ambre porta ses mains à son front. Sous le poids constant de l’eau, il se sentait suffoquer. Une noyade soudaine, comme si la pluie infiltrait ses poumons et pesait de toute ses forces sur son crâne plein à craquer. Tout bourdonnait. Il ferma les yeux, les doigts crispés sur les tempes. Là, roulé en boule sur lui même, c’était comme s’il n’y avait plus rien. Il était enfermé au fond de son océan de terreur, et personne ne viendrai le déranger.

…

Non. Ça n’allait pas.

À quelques mètres de là, la lumière d’une échoppe attira son regard. Il se leva, et la rejoignit en quelques pas. Allait t-il entrer? Il fallait bien qu’il s’abrite quelque part. Doucement, il poussa la porte d’entrée, déclenchant un bruit caractéristique de sonnette. Sur le pas de la porte, avec ses allures de naufragé, trempé jusqu’au os, il se sentait un peu bête. Qu’est ce qu’il venait faire ici au juste?

Il était toujours perdu. Mais au moins, maintenant il était perdu quelque part.