Avis de tempête [PV Hiiag-kun]

«Left alone in the dark... All alone. »

Avis de tempête

Laissée toute seule sur une plage inconnue, Miya regardait l'horizon qui s'obscurcissait, perdue, dévastée. Ses bagages traînaient derrière elle, elle les avait lâché dès qu'elle avait reprit ses esprits. Enfin, plus ou moins... Bon sang, où était-elle? Et non, pas moyen de prendre au mot cette mystérieuse lettre donnée par ses... ravisseurs. Y avait-il un autre mot pour les décrire? Tout ce qu'elle voyait, elle, Miya Hisakawa, étudiante en conception de jeu vidéos de Kyoto, c'était qu'elle avait été emmenée dans un lieu inconnu, loin de la seule famille qu'il lui restait - son père - et sans possibilité de rentrer chez elle...

Sa famille... Son coeur se serra à cette seule pensée. Sa mère venait de mourir... Hier encore, sa vie était banale, mais heureuse, et du jour au lendemain, elle avait tout perdu. Absolument tout...

À genoux sur le sable fin, se soutenant d'une main, la lettre froissée au possible dans celle-ci la jeune femme baissa la tête alors que le vent s'était remis à souffler autour d'elle. Les émotions dans sa tête se mélangeaient tellement qu'elle n'avait plus conscience du reste. Le chagrin, la colère, la peur, l'incompréhension, tout... Qu'est-ce qui lui arrivait, bon sang? Pourquoi son père avait-il semblé si... résigné... la dernière fois qu'elle l'avait vu? Elle se souvenait très peu de ce qui s'était passé ce soir, hormis le regard de son père. Il l'avait serrée fort dans ses bras, l'avait embrassée sur le front... Et elle s'était retrouvée là, sur cette plage, seule...

Elle serra les dents tout en posant sa main libre sur son coeur. Il la faisait tellement souffrir qu'elle avait l'impression de mourir de chagrin. Sa mère était partie et son père était tout seul, sans elle... Pourquoi l'avait-on arrachée à lui..? Les larmes dégringolèrent de ses yeux et sa magie, s'emballant sous le coup des émotions, forma une petite tornade autour d'elle. Qu'est-ce qui lui arrivait, nom de dieu..?

 

« Maman... »

Les sanglots lui coupèrent net la respiration et le vent qui virevoltait autour d'elle n'aidait en rien. Mais elle ne pouvait pas le contrôler, elle n'avait aucune idée de ce qui se passait. Elle se recroquevilla sur elle-même, pour se protéger.

 

« Left alone in the dark... All alone. »

Avis de tempête

Le vent, tout comme les sanglots, l'empêchaient de respirer convenablement. Elle hoquetait, s'étouffait à moitié, prisonnière de ce tourbillon de chagrin. Ses cheveux et ses vêtements virevoltaient dans tous les sens, lui bouchant la vue de toute façon floutée par les larmes. Bizarrement, son seul point d'ancrage à ce moment, c'était la lettre donnée par ses ravisseurs qu'elle déchirait presque dans son poing fermé. Elle la tenait si fort qu'elle lui transperçait presque la peau. Mais ça n'avait plus aucune importance. Aucune.

Jamais auparavant elle ne s'était sentie aussi seule. Son coeur battait la chamade et elle avait l'impression que le monde entier pouvait l'entendre. Dans sa tête, elle n'entendait plus que ça, le son de son coeur lui battait aux tempes et son crâne allait se fendre en deux si ça continuait. Tout son corps hurlait de douleur d'avoir perdu sa mère, d'avoir été arrachée à son père qui était déjà en deuil.. Comment allait-il faire sans elle? Tout seul, pour s'occuper de lui-même? Tout seul pour gérer toute cette situation... Elle ne pouvait pas l'abandonner! Elle ne... pouvait pas..

 

« B’soir. Je peux vous aider ? »

Au son de la voix, couverte à moitié par le son du vent, Miya releva la tête d'un coup sous l'effet de la surprise. Au travers des larmes qui coulaient sans discontinuer, elle détailla l'inconnu. Il était grand et devait faire facilement le double de son propre poids (ce n'était pas bien difficile..). Ses longs cheveux noirs arrivaient miraculeusement à tenir en place grâce à un bandeau rouge, malgré le vent qui les malmenait. Mais le plus singulier, c'était ses yeux: dessous, il y avait des tatouages en pointe qui descendaient tout le long des joues jusqu'à se perdre dans son col.

Miya resta figée un instant à le regarder, incertaine. Faisait-il partis de ceux qui l'avaient emmenée ici..? Hum. Pas sûre. Ces... personnes en noir l'avaient abandonnée là sans autre forme de procès. Alors que lui, il lui offrait son aide.

Mais quelle aide pouvait-il bien lui apporter? Elle était, de ce qu'elle savait en tous cas, bien loin de chez elle et tout ce qu'elle voulait, c'était y retourner, pour aider son père, pour le réconforter, pour lui faire comprendre qu'il n'était pas seul dans cette épreuve. Et pourtant... Force était d'admettre qu'au contraire, ils étaient tous les deux seuls. Très loin l'un de l'autre, comme si des milliers d'années lumières les séparaient à présent.

Resserrant les dents et baissant à nouveau la tête, une main sur son coeur, Miya murmura pitoyablement:

 

« Personne ne peut m'aider... »

Disant cela, elle eut l'impression que la force du vent qui soufflait augmentait. En fait non, ce n'était pas qu'une impression! Il soufflait si fort qu'elle fut repoussée sur le côté, tombant à quelques pas de l'étranger. Bon dieu, c'était à se demander comment elle faisait pour respirer avec le sable qui se mêlait à l'air et tourbillonnait autour d'elle. Comment pouvait-elle l'arrêter..? Elle savait que c'était elle qui provoquait tout ça, mais elle semblait incapable de le contrôler. Et ces... gens en noir qui disaient faire ça pour son BIEN? Avait-elle l'air d'aller bien, là?! Elle était en train de s'étouffer sous le vent! Elle avait déjà connu mieux quoi!

À bout de souffle et de patience, Miya posa les mains sur ses oreilles comme pour couper le son du vent et se mit à hurler.

 

« FAITES QUE ÇA S'ARRÊTE! »

Et puis, d'un coup, le vent tomba. Par sa seule volonté. Toujours couchée sur le ventre, les mains de chaque côté de sa tête, la jeune femme essayait de reprendre son souffle. Il était saccadé comme si elle avait failli se noyer et elle se sentait à bout de forces. Elle resta un moment comme ça, histoire de se reposer un peu, puis se releva péniblement, à nouveau à genoux sur le sable, la tête baissée.

 

« Je... Je ne comprends pas ce qui m'arrive.. »

Elle était rarement du genre à avouer ses faiblesses à un inconnu, mais il l'avait vu au plus bas de toute façon... Nul ne servait d'essayer de lui cacher quoi que ce soit. Elle ne put empêcher quelques larmes de tomber à nouveau de son visage. Bon sang, mais qu'allait-elle bien pouvoir faire..?

 

« Left alone in the dark... All alone. »

Avis de tempête

Le silence était tombé d'un coup et Miya ne s'était pas tout à fait rendue compte à quel point le vent faisait un bruit d'enfer. Mais elle ne n'oublierait pas de sitôt, même si elle l'ignorait encore...

Bon sang, elle devait avoir l'air pathétique là, abandonnée sur le sable comme une enfant, les yeux pleins de larmes qu'elle ne pouvait contenir, à déverser ses émotions sur un parfait étranger. Mais elle n'y pouvait rien. Elle se sentait totalement désarmée, à la merci de tout et n'importe quoi qui pourrait lui tomber dessus. Aussi fragile qu'une poupée de porcelaine...

Elle entendit Hiiagara grogner vaguement tout en s'asseyant à ses côtés. Miya le regarda faire du coin de l'oeil. Il prit le temps d'allumer calmement une cigarette, faisant cliqueter son briquet. La jeune gameuse mit cette pause à profit pour s'essuyer un peu les yeux, histoire d'y voir plus clair. Son visage était couvert de sable dû à sa chute, et elle s'épousseta vaguement. Elle ne voulait simplement pas que ses larmes mélangées forment une boue pâteuse sur ses joues. Elle se sentait déjà assez pitoyable comme ça sans en rajouter une couche...

L'inconnu finit par parler, d'une voix douce, après avoir tiré quelques bouffées de sa cigarette:

 

« Vous venez de changer de monde comme de vie. Vous n’êtes plus ce que vous étiez autrefois, comme moi demoiselle.   »

Elle en avait conscience, à un certain degré, et elle avait tellement peur. Elle ne comprenait pas ce qui lui était arrivé, ne comprenait pas pourquoi son père l'avait laissée partir comme ça, sans même essayer de la retenir, merde! Tous ces sentiments se mélangeaient dans sa tête, la peur, la colère aussi, quelque part bien cachée, le chagrin... Elle avait eu 19 ans au court de l'été, elle aurait dû être capable de se débrouiller seule. Enfin... Elle y arrivait la plupart du temps... Mais dans un monde inconnu, avec tous ses repères égarés aux quatre vents, comment le pouvait-elle..? Ça semblait impossible à ses yeux pour le moment...

Et ses larmes qui continuaient de couler sur son visage, raaah! Mais qu'elles s'arrêtent nom de dieu! Son cerveau voulait déjà sortir de sa boîte crânienne, ce n'était pas la peine d'aggraver les choses!

 

« Hiiagara S’Jet, votre nouvelle connaissance si vous le permettez, mh ?  Vous en aurez besoin je vous le promets. De toute façon, je ne connais personne non plus ici. Et c’est mon job que d’aider ceux que je trouve. »

Sa voix était douce, rassurante. Dans toute sa malchance, Miya pouvait dire qu'elle avait eu de la chance de tomber sur quelqu'un qui n'était pas hum... Dangereux? Ou enfin, qui ne lui voulait pas de mal en tous cas. Elle aurait certes bien besoin de gens sur qui compter, si elle devait réellement rester ici, comme cette foutue lettre le lui disait. Il lui tendit la main, en guise de présentation, comme à l'occidentale. Et pour dire honnêtement la vérité, la jeune femme ne cracherait certainement pas sur un peu de chaleur humaine, surtout que le sourire de l'inconnu avait quelque chose de paisible qui lui plut tout de suite.

À son tour, elle esquissa un maigre sourire, guère convaincant, tout en glissant sa main dans la sienne. C'est d'une toute petite voix, encore chancelante de larmes, qu'elle répondit:

 

« Miya Hisakawa.   »

Le nom de l'inconnu, comme le reste de sa personne par ailleurs, était plutôt hors normes. Pas que cela dérange Miya, mais il l'intriguait, du coup. Elle n'était pas du genre à se fermer aux gens à cause de leur apparence ou d'autres choses, elle était même plutôt ouverte d'esprit et s'intéressait à tous types de personnes. Bref, tout ça pour dire qu'elle était curieuse en regardant Hiiagara. D'ailleurs, n'avait-il pas mentionné que son job était d'aider les gens?

Plutôt perspicace de nature, Miya le regarda un instant, essayant de comprendre ce qu'il faisait dans la vie. Incertaine, elle pencha la tête sur le côté.

 

« Vous ne seriez pas... hum... un genre de médecin ou de guérisseur?   »

Elle s'avançait, bien sûr, elle ne le connaissait pas du tout après tout. Mais... Peut-être était-ce ça... Guérisseur, hum. Avec des tatouages tribaux assez intéressants. Pourquoi avoir choisi ces formes particulières à un endroit si particulier? Faisait-il partit d'un groupe quelconque? Était-ce un signe de son affiliation?

Enfin... Elle ne l'inonderait pas de questions, ce n'était pas très convenable. Elle ne le connaissait pas encore assez pour ça. Par contre, elle aimerait assez savoir s'il avait une opinion sur cette lettre qu'elle avait presque réduit à néant. Elle desserra sa poigne et essaya de défroisser le papier avant de le lui tendre.  

 

« Vous avez également reçu cette.. lettre?   »

Dans son hésitation, on pouvait presque sentir le ressentiment qu'elle avait à l'égard de la missive et particulièrement des gens qui la lui avait donnée. Mais encore une fois, elle n'y pouvait rien. Elle était en colère, vraiment. C'était difficile à cacher...

 

« I feel like a hurricane,
my heart is breaking... »

Avis de tempête

Il prit le bout de papier malmené pour l'examiner, mais avec l'obscurité qui se faisait de plus en plus présente, il était difficile de lire. Comme si de rien n'était, Hiiagara leva un index et y fit apparaître une flamme. Peu habituée au phénomène, Miya eut un léger mouvement de recul. Elle n'avait jamais été très à l'aise avec le feu... Inconsciemment, son propre pouvoir, lié à l'air, devait en être la cause. Le vent et le feu, une dangereuse combinaison. Le premier pouvait aisément faire rugir le second encore plus fort et les deux éléments combinés deviendraient impossibles à maîtriser...

Surpassant sa surprise, Miya observa longuement la flamme qui caressait la peau de son interlocuteur. Pour lui, ça n'était pas douloureux, mais la gameuse savait que si elle approchait la main, elle s'y brûlerait assurément. Bon sang... C'était tellement étrange pour elle. Elle n'avait conscience de sa magie que depuis la veille, déclenchée certainement par la mauvaise nouvelle qu'elle avait reçue. Elle n'avait même pas eu le temps d'assimiler qu'elle se retrouvait loin de chez elle avec, ce qui semblait, des gens comme elle. Enfin... Hiiagara maîtrisait bien mieux la chose qu'elle. Elle ne savait même pas comment elle avait pu mettre fin à la tornade de vent dont elle s'était entourée...

 

« Il y a été inscrit mot pour mot la même chose dans la mienne en effet, Damoiselle Hisakawa.   »

Revenant au moment présent, Miya leva les yeux vers Hiiagara qui lui tendait à nouveau la feuille. Elle la reprit et ne pu s'empêcher de la froisser à nouveau tout en baissant les yeux, essayant de cacher sa colère. Elle serra les dents. Comment pouvait-on décider à leur place ce qui était le mieux pour eux? Quand on était enfant, d'accord, ça s'imposait... Mais plus maintenant! Elle pouvait faire ses propres choix sans que quelqu'un veille sans cesse sur elle! Elle avait passé sa vie à gagner son indépendance petit à petit, patiemment... et on la lui enlevait aussi cruellement?

La jeune femme ferma ses poings sur ses genoux, fixant le sable sans le voir réellement. Ils l'avaient forcée à partir, à abandonner son père en deuil! Comment... comment cela pouvait-il être pour son bien? L'éloigner de sa famille, c'était pour son bien? La couper de tous ses repères, de ses amis, de toute sa vie! Et elle était sensée accepter ça sans rien dire et continuer comme si de rien n'était? Non! Elle ne pourrait jamais faire ça! Comment quiconque pouvait accepter ça? C'était totalement absurde!


 

« Croyez-moi que ce ne sont pas des paroles en l’air Damoiselle. Nous avons tous un pouvoir caché en nous –du moins nous le font-ils comprendre-. Ils ne nous laissent aucun choix, et il faut s’y plier.   »

Elle ne pouvait pas le regarder, sinon il lirait en elle toute sa fureur. Elle l'entendit seulement soupirer, comme résigné. Miya s'interdisait un tel sentiment. Jamais elle ne se résignerait, jamais! Sauf dans la mort.

 

« Je n’ai rien d’un guérisseur cependant. Du moins au sens tribal du terme. Colifichets, infusion de ginseng d’or ou décoction de cerisier centenaire… Je suis médecin pour mon état, aussi bien du corps que de l’esprit. Et aussi humble que mes services sont. »

Si elle avait été plus calme, cette réponse aurait peut-être bien résonné en elle. Mais pour l'heure, elle était totalement aveuglée par la rage. Elle se fit simplement la constatation qu'elle avait vu juste, après tout. Elle avait toujours été douée au jeu des suppositions... Les scientifiques devaient trouver cela totalement inutile et même dangereux... Mais peu importe.
 
 

« Vous êtes en colère pas vrai? »

Sous la question, Miya ne put s'empêcher de relever la tête pour regarder son interlocuteur, surprise. Pas qu'elle pensait réellement le leurrer sur ses émotions, mais elle ne pensait pas qu'il lui poserait directement la question. En tous cas, on pouvait dire qu'il n'y allait pas par quatre chemins...

 

« Quelque chose là-bas retenait sûrement toute votre attention, et cela vous a glissé des doigts. Je suis ici depuis à peine une semaine et moi aussi je me pose des questions Damoiselle. Pour vous voir en détresse ainsi, quelque chose d’important devait être ancré dans notre ancien monde pour que vous y teniez. Je ne sais laquelle et je ne vous le demanderai pas sauf si vous voulez vous confesser. Mais sachez que vous n’êtes pas seule. Au moins pour ce soir, mh? »

Inévitablement, les larmes commencèrent à envahir son regard brun pâle alors que la raison de son chagrin lui revenait en pleine figure comme un boomerang. Elle fixa Hiiagara, comme s'il était son nouveau point d'ancrage pour ne pas basculer dans le néant à nouveau. Sa mère... Elle ne savait même pas les circonstances de l'accident, elle ne savait même pas... comment elle était morte, réellement... Était-ce une collision avec un autre véhicule ou bien un arbre? Était-ce sa faute à elle ou celle de quelqu'un d'autre, quelqu'un lui avait-il enlevé sa mère par imprudence? Elle ne savait rien, rien du tout! Et ne pas savoir lui serrait tellement le coeur qu'elle avait l'impression de mourir.

Évidemment, elle ne put empêcher les sanglots de monter à nouveau dans sa gorge, même si elle faisait tout pour les retenir. Elle finit par éclater en larmes, mettant son bras devant son visage pour essayer de les étouffer un peu. Elle avait encore l'impression que sa magie essayait de se déchaîner, le vent s'était remis à souffler, tout doucement pour le moment, mais... Elle était une vraie bombe à retardement. Sa tête voulait exploser et son coeur sortir de sa poitrine. Jamais auparavant elle n'avait eu aussi mal, pas même quand elle s'était cassé le bras en maternelle. Ce n'était même pas comparable. Elle avait envie de crier, et elle ne put se retenir plus longtemps.

 

« Alors pourquoi est-ce que je me sens si seule au monde? Pourquoi?!  »

Tout ce qu'elle avait envie de faire à présent, c'était de se jeter dans les bras de cet inconnu et pleurer jusqu'à ce que l'épuisement l'emporte. Elle ne voulait plus rien faire d'autre, rien. Juste pleurer jusqu'à ce que la moindre parcelle d'énergie la quitte et qu'elle sombre enfin dans un lourd sommeil. Si elle pouvait se réveiller et découvrir que toute cette histoire n'était qu'un affreux cauchemar...

Mais au lieu de céder à son envie, elle resta là, à genoux sur le sable frais, à sangloter bruyamment, hoquetant, suffoquant à moitié. De la main qui tenait encore le vieux bout de papier, elle agrippait le bord de sa jupe en même temps, comme si elle devait s'y retenir pour ne pas voler en éclats. Elle ne savait plus. Ne comprenait plus ses gestes et s'en fichait éperdument. Sa mère était morte et son père à des milliers de kilomètres pour ce qu'elle en savait. Elle n'avait plus rien. Plus rien du tout.

 

« I feel like a hurricane,
my heart is breaking... »

Avis de tempête

Miya essayait tant bien que mal de se contenir, mais ça semblait impossible. Son coeur lui faisait tellement mal, il était comme comprimé à l'extrême dans sa poitrine. Elle avait du mal à respirer au travers de ses sanglots, tellement que sa tête commençait à lui tourner sous le manque d'oxygène. Si elle continuait de pleurer comme ça, elle tomberait vite dans les pommes... Ses jointures commençaient à blanchir à force de serrer des poings, sans qu'elle se rende trop compte de ce qu'elle faisait. Ses ongles lui rentraient douloureusement dans la paume, mais elle ne voulait pas arrêter, elle avait l'impression que la douleur était la seule chose qui empêchait son pouvoir d'éclater à nouveau. Et avec Hiiagara aussi près d'elle, elle le mettrait en danger si ça arrivait...

Il mit une main sur son épaule, pour la réconforter, et Miya sentit la force de son pouvoir sous sa peau. Elle était chaude et rassurante et calma un peu la jeune femme.

 

« Je vais essayer de vous aider un peu. Au moins pour vos premiers pas sur ce territoire, mh?  Je vous le promets.   »

Les pleurs de Miya s'arrêtèrent nets sous la phrase et elle leva les yeux vers Hiiagara, surprise. Venait-il de lui faire une promesse..? Mais... Pourquoi? Il n'avait aucune obligation envers elle, il ne la connaissait même pas... Pourquoi se montrait-il aussi gentil avec elle? Définitivement, elle avait vraiment envie de lui faire un câlin maintenant.

Comme s'il se rendait compte que la situation était euhm... plutôt étrange, l'homme toussota pour tenter de faire passer son malaise. Attendrie malgré elle, Miya eut un maigre sourire.

 

«  Je n’en ai pas la moindre idée de comment, mais je le ferai Damoiselle Hisakawa. On va se concentrer sur la solution, pas le problème. C’est déjà un bon point, mh?  »

Et il lui sourit en retour, un doux sourire qui réconforta un peu la gameuse. Elle avait eu une chance terrible en y repensant, d'être tombée sur quelqu'un comme lui... Quelqu'un d'autre aurait pu profiter de sa faiblesse sans vergogne pour la voler ou... ou... elle préférait ne même pas y songer! Mais au lieu de ça, Hiiagara l'aidait et la réconfortait.

Elle essuya ses yeux avec la manche de sa veste, desserrant enfin un peu les poings. Qui lui faisaient un mal de chien maintenant qu'elle y portait attention! Elle ouvrit les mains pour voir les empreintes douloureuses de ses ongles dans ses paumes. Elle n'y était pas allée de main morte...

Abandonnant l'affreuse lettre sur le sable, elle fit face à.. son sauveur? Et lui adressa un petit sourire, les yeux encore humides.

 

« Merci. »

Qu'y avait-il à dire de plus? Il l'avait définitivement empêchée de sombrer toute seule sur cette plage alors qu'elle vivait un affreux deuil et qu'elle découvrait à peine la portée de sa magie sans pouvoir la contrôler. Elle n'osait imaginer ce qui aurait pu lui arriver sans lui. Ce n'est certainement pas ses ravisseurs qui auraient fait quoique ce soit pour l'aider! Ils n'avaient été bons qu'à la plonger encore plus dans le désespoir.

Elle laissa le silence planer un instant tout en regardant l'horizon. Ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité, elle voyait donc un peu, même si ce n'était pas bien loin. Le vent soufflait doucement, pas menaçant cette fois, et séchait ce qui restait de ses larmes. Pour Miya, le vent avait toujours été réconfortant, elle avait l'impression qu'avec lui, ses soucis s'envolaient, que le vent lui permettait d'entrer en contact avec tout ce qui existait. C'était un sentiment vraiment grisant... Et pourtant, aujourd'hui, ce vent l'avait effrayée. Vraiment. Par ses simples émotions, elle pouvait le faire se déchaîner... Et ne pas savoir le contrôler lui faisait une peur monstre. Il faudrait qu'elle apprenne.

En regardant la mer, elle essayait de s'imaginer sa ville natale, sa rue, sa maison... Comme pour avoir l'impression qu'au fond, elle n'était pas si loin, que son père regardait en ce moment vers elle et que même s'ils étaient séparés, ils pouvaient toujours être ensemble par l'esprit. C'était une maigre consolation, mais elle en avait affreusement besoin. Elle devait y croire et espérer qu'un jour, elle le reverrait. C'était sa seule motivation à présent.

Son regard se porta ensuite vers le ciel étoilé. Sa mère était-elle là, quelque part, à veiller sur elle? Ça aussi, elle en aurait besoin... Grandement besoin. Tout ça était totalement nouveau pour la jeune femme et elle se retrouvait seule, sans personne pour l'aider ou la rassurer, pour lui dire que tout irait bien.

Elle dû se gifler mentalement suite à cette pensée. Pour l'instant, Hiiagara était là, à peine à deux pas d'elle, elle n'était pas seule. Et il voulait l'aider. Ça se sentait dans sa façon de dire les choses, Miya avait vraiment le sentiment qu'il était sincère dans ses paroles. Elle était généralement plutôt douée pour cerner les gens et heureusement, cela lui serait certainement bien utile dans ce nouveau monde. Mais bref... Elle espérait tout de même n'avoir pas été un total boulet pour le médecin. Elle n'était pas du genre à exploser ainsi devant des inconnus qui plus est... C'était... assez gênant...

Elle regarda Hiiagara du coin de l'oeil, incertaine. Elle avait l'impression qu'elle lui devait quelque chose, elle ne savait trop quoi, mais quelque chose pour vraiment le remercier. Autre que le simple mot qu'elle avait laissé échapper. Mais elle ne le connaissait pas, du coup, elle se demandait quoi faire qui ne soit pas herm. Bizarre. Elle s'était ouverte à lui sans trop se rendre compte et maintenant que le gros de l'émotion était passé, elle ne savait plus trop quoi faire. Bon sang. Elle se sentait vraiment pitoyable là.

Alors qu'elle laissait le silence s'éterniser, son coeur se mit à battre plus fort. Elle était paralysée d'un coup, que devait-elle faire? Céder à l'envie qui lui était venue plus tôt et le serrer dans ses bras? Ou... ou quoi?

Sans trop réfléchir, elle se contenta d'avouer, soudainement:

« Ma mère est décédée hier, dans un accident... »

Elle sentait qu'elle devait expliquer sa crise de larmes à celui qui l'avait aidée. Peut-être que cela serait suffisant pour le remercier proprement...

Elle baissa la tête et se mit à jouer avec le rebord de sa jupe comme pour se donner une contenance.

« Je ne sais... même pas comment c'est arrivé. Je n'ai eu le temps de rien faire, j'ai juste... »

Elle haussa les épaules, fixant le sable devant elle avant de continuer.

« Fait mes bagages et je me suis retrouvée ici. Seule. »

Seule et perdue. Loin de tout ce qu'elle connaissait. Elle n'arrivait pas à comprendre... Pourquoi, pourquoi maintenant? Pourquoi ne pas lui avoir laissé un peu de temps pour panser ses plaies, pourquoi l'avoir emmenée si tôt? Était-ce parce que ses pouvoirs s'étaient déclenchés la veille? Elle n'avait jamais eu conscience de ceux-ci auparavant. N'empêche... Elle en voulait à ses ravisseurs de l'avoir privée du soutien de son père durant cette épreuve. Elle leur en voulait de le priver lui de son soutien. Lui aussi, il en aurait besoin... Et il avait perdu sa fille en même temps que sa femme. C'était... cruel. Il n'y avait pas d'autres mots.

 

« You bring me back to the light,
you are the solid ground I so desperately found. »

Avis de tempête

Parler de tout ça avec quelqu'un avait quelque chose de libérateur, comme si elle expulsait les mauvaises ondes de son esprit. La tristesse resterait pendant un long moment, bien sûr, mais le désespoir, lui, s'amenuisait tranquillement. Ça ne changeait rien à sa situation, sa mère était toujours morte et son père au loin, mais au moins, elle avait le sentiment que quelqu'un comprenait un peu son chagrin. Et ça faisait plus de bien qu'elle ne l'aurait cru au départ.

Elle fixait toujours ses genoux quand elle sentit un bras entourer ses épaules. Elle releva la tête, les joues un peu rouges sur le coup de la surprise. Mais le froid commençait à prendre racine sur le sable et sentir la chaleur réconfortante de Hiiagara n'était certes pas désagréable. Même si c'était... un peu étrange.

 

« Je suis réellement navré pour votre mère. Mais même coincé ici, il y a peut-être un moyen de communiquer vers l’extérieur pour en savoir plus, mh?  »

Peut-être bien qu'il avait raison. Miya ne pouvait pas le savoir, elle n'était ici que depuis quelques heures à peine. Mais... Peut-être bien qu'elle pourrait écrire à son père? Ou... Elle ne savait quoi! Internet existait bien ici aussi? Bon dieu, elle espérait que oui! Sinon, elle ne saurait pas trop quoi faire de sa vie! Elle étudiait en conception de jeux vidéos... Sans ordinateurs et tout le reste, elle ne pourrait rien faire. Elle n'avait pas songé à tout ça. Enfin, normal bien sûr, c'était tout de même plus loin dans sa liste de priorités que sa famille. Mais maintenant qu'elle y pensait, elle sentait de nouveau l'angoisse la prendre aux tripes.

 

« Je vais voir ce que je peux faire pour vous. Vous avez un endroit où loger ce soir au moins ?   »

Eh merde. Ça non plus, elle n'y avait pas réfléchit du tout. Elle était tellement en crise en même temps, tout le reste n'avait aucune importance. Ses bagages traînaient d'ailleurs derrière eux, elle les avait lâchés presque immédiatement en reprenant conscience sur la plage. Ou était-ce avant? Bref, elle ne savait plus et ça n'avait guère d'importance non plus...

Miya était épuisée, après avoir explosé de la sorte dans tous les sens du terme. D'ailleurs, pendant toute sa réflexion, elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle s'était approchée du médecin pour venir poser son front contre son épaule. Elle n'avait jamais eu beaucoup d'énergie à sa disposition, s'endormant un peu partout et n'importe comment. Mais là avec toutes les émotions qui s'étaient déchaînées dans son cerveau, c'était même un miracle qu'elle réussisse à garder les yeux ouverts. Enfin. Là, elle venait juste de les fermer par contre. Son corps se relâcha un peu, mais elle était encore éveillée. Pour le moment du moins.

D'une voix endormie, elle répondit à la question de Hiiagara:

 

« J'imagine que non, nul part où dormir... »

Suivit d'un intempestif bâillement qu'elle ne put contenir. Sa tête lui faisait un mal de chien encore, ses sanglots avaient eu le dernier mot et elle sentait son coeur battre à ses tempes, même si elle s'était calmée. Tout son corps lui semblait atrocement lourd, elle ne savait même pas si elle aurait la force de se relever.

À moitié dans les vapes, elle lâcha soudain une phrase, un peu incongrue:

« Ils nous kidnappent comme ça et sont même pas foutus de nous loger? »

Elle avait à moitié conscience de ce qu'elle racontait en fait là, tellement elle avait sommeil. Toujours bien appuyée contre Hiiagara, elle étouffa un autre bâillement tout en se frottant les yeux par réflexe. Son royaume pour un lit... Même si elle n'avait rien à donner. Bref, n'importe quoi, son cerveau déraillait totalement à cause de l'épuisement.

 

« You bring me back to the light,
you are the solid ground I so desperately found. »

Avis de tempête

Miya aurait pu avoir froid, en d'autres circonstances. Il faisait bien nuit à présent et le sable ne retenait pas la chaleur, c'était connu. Celle-ci se dispersait très vite dès que le soleil disparaissait à l'horizon. Le vent soufflait doucement, comme toujours sur le bord de la mer, et sa veste, bien que protectrice, n'aurait certes pas suffit à la tenir au chaud. Mais elle était entourée des bras d'Hiiagara qui semblait maîtriser une magie liée au feu, alors qu'elle était le vent. Elle sentait sa chaleur autour de ses épaules, transperçant le tissu de ses vêtements. Son cerveau engourdit par le mal ne faisait plus trop attention à ce qui se passait autour d'elle, tout ce qui la préoccupait à présent, c'est qu'elle se sentait bien, au chaud et protégée en quelque sorte. Elle aurait pu rester ainsi des heures...

Mais la voix douce de son sauveur la fit revenir à elle un instant.

 

« Je ne me rappelle même plus mon enlèvement à vrai dire. Mon premier jour a été bien trop flou pour que je puisse parler avec précision. C’est comme si mes souvenirs avaient volés en fragments et qu’il ne restait que quelques bris accrochés à la structure.   »

Miya comprenait très bien ce qu'il voulait dire par là. Elle avait exactement la même impression. Elle n'aurait même su dire depuis combien de temps elle se trouvait sur la plage, abandonnée comme un coquillage que l'océan aurait recraché sur la rive. Elle se souvenait, comme dans un rêve, avoir fait ses bagages et les adieux avec son père... Mais le reste, plus rien. Jusqu'à la lecture de la lettre environ. C'était... tellement étrange comme sentiment. Comme si quelqu'un était venu jouer dans sa tête et lui avait arraché une partie de ses souvenirs.

Le silence reprit ses droits un instant. Miya n'osait pas le briser, et de toute façon, vu son état de fatigue avancé, elle n'aurait probablement dit que des bêtises. Son esprit embrumé n'aurait pas supporté une conversation trop profonde. Encore une fois, alors qu'elle était sur le point de tomber de sommeil dans les bras de Hiiagara, il reprit la parole.

 

«  Je peux vous prêter mon appartement cette nuit, mh ? J’ai pas mal de choses à faire encore dans la grande ville, et je n’ai pas envie de vous voir traîner à même le sol dans le froid. Demain, on ira à l’hôtel pour demander s’ils ont la possibilité de vous loger, c’est compris ?  »

Compris, ce n'était pas tout à fait le mot qui convenait. Elle avait entendu, certainement, mais retenu, hm, sûrement pas. C'était clair que dès le lendemain, elle ne se souviendrait pas de ce qu'il venait de dire.

 

« Le trajet n’est pas trop long n’plus. Vous vous sentez d’attaque ? C’est un peu en bordel mais bon. J’ai aménagé une cloison pour le lit, vous devriez vous sentir un peu mieux. »

Elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il racontait pour être parfaitement honnête. Trop de mots, trop de questions, trop de détails. Tout ce qu'elle comprenait, c'était le mot "lit". Et ça lui convenait parfaitement. Dormir. DOR-MIR. Rien n'avait plus d'importance que ça à cet instant.

Elle ne se disait même pas que c'était totalement incongru de loger dans l'appartement de quelqu'un qu'elle venait à peine de rencontrer, qu'il pourrait être... un fou dangereux qui la dissèquerait pour lui voler ses organes ou quoi d'autre encore. Son instinct profond lui disait qu'elle n'avait rien à craindre, même si elle n'avait pas de preuves concrètes pour démontrer sa théorie, même si elle ne le connaissait que depuis une heure, tout au plus (enfin, elle ne savait plus trop, la notion du temps lui avait échappé avec tout ça). Elle lui avait fait confiance dès la première seconde, même si ça n'était pas dans sa nature. Pourquoi? Qui sait...

En réponse, alors qu'elle sentait son corps s'alourdir encore plus, elle marmonna:

 

« Mmmh, d'attaque, non... »

Lentement, elle redressa la tête, les yeux à moitiés fermés, humides à cause de ses précédents bâillements. Elle se frotta les yeux pour essayer de chasser un peu le sommeil (bon, c'était peine perdue la connaissant, mais il fallait bien essayer...) et s'étira vaguement. Juste cet effort semblait l'avoir vidée de ses forces restantes. Une fois de plus, elle bâilla longuement, remplissant à nouveau ses yeux de larmes.

 

« Tellement... fatiguée... »

Elle forçait son corps à rester plus ou moins droit pour ne pas s'écrouler contre Hiiagara. Si elle se laissait aller, elle s'endormirait comme une masse, c'était plus que certain. En plus, elle avait ses bagages aussi...

Jetant un oeil morne derrière elle, elle avisa la valise moyenne et le sac qu'elle avait emportés. Rien de trop excessif (pour dire la vérité, la moitié de ses effets étaient des jeux vidéos et consoles correspondantes alors que l'autre moitié contenait ses vêtements et autres). Mais rien qu'à l'idée de se balader en ville avec ça l'épuisait à l'avance. Pourtant elle n'avait guère le choix, le froid commençait à se faire mordant et même avec sa fatigue, elle aurait bien du mal à dormir dans de telles conditions, surtout si son chauffage portatif (c'est-à-dire, Hiiagara) devait s'en aller pour vaquer à ses occupations.

Elle se libéra donc de ses bras pour tendre la main vers son sac, s'étalant sur le sable par la même occasion. Mhh, il ne fallait pas qu'elle reste étendue trop longtemps sinon c'en était finit d'elle! Elle agrippa la ganse et le tira vers elle pour le passer en bandoulière sur son épaule. Elle dû prendre appui contre le médecin pour se redresser, ses jambes flageolaient sous l'épuisement. Mon dieu, le trajet serait pénible.

 

« Allons-y... »

Elle essayait de montrer un peu d'énergie en souriant, mais même celui-ci semblait fatigué de s'être étiré sur son visage. En se redressant, sa tête s'était remise à faire des siennes et elle grimaça sous la douleur en portant la main à celle-ci. Ce genre de migraine ne passerait certainement pas avec le sommeil.

 

« Dites... Vous n'auriez pas un truc contre la migraine chez vous? »

Quelle chance d'être tombé sur un médecin! Il avait sûrement quelque chose à lui donner pour faire passer son horrible mal de crâne. C'était une rencontre tout simplement providentielle, il n'y avait pas d'autres mots. Elle aurait très certainement passé la nuit sur la plage à grelotter et à mourir de douleur s'il n'avait pas été là... Au lieu de ça, elle serait au chaud, à l'abri. Tout ce qu'elle désirait en cet instant...

 

« You bring me back to the light,
you are the solid ground I so desperately found. »

Avis de tempête

C'est en traînant les pieds que Miya suivit Hiiagara dans l'air frais de la côte. Elle ne faisait guère attention au trajet et avait même totalement oublié sa valise. Heureusement que le médecin l'avait agrippé, sinon elle l'aurait laissée là sans se rendre compte.

 

« J’ai de quoi vous soulager Damoiselle. Mais le repos sera plus réparateur que des cachets, croyez moi.   »

Hummm, dépend. Parfois, quand le mal était bien implanté, comme ce soir, elle s'endormait et se réveillait avec. Mais bon, inutile d'argumenter pour l'instant. Sans compter qu'elle n'avait pas non plus l'énergie pour ça. C'était déjà bien qu'elle réussisse à rester debout. Enfin, rester debout et rester éveillé étaient deux choses différentes... Eh oui, il lui arrivait de pratiquement dormir debout. Elle avait ce talent.

Elle ne voyait pas grand chose à cause de l'obscurité et la fatigue engourdissait de toute façon ses sens. Elle se contentait de fixer le dos de Hiiagara pour ne pas le perdre de vue. Sinon elle serait bien embêtée! À mesure qu'ils avançaient, l'air se réchauffait et le vent se faisait plus rare. Ils devaient être à couvert de la végétation à présent, même si elle ne s'en rendait pas compte.

 

«  Si votre sac est trop lourd donnez-le-moi. Vous devez être bien fatiguée de votre journée.   »

Elle ne pouvait pas nier qu'elle était épuisée, bien sûr. Mais son sac n'était pas trop encombrant et puis elle se sentait assez boulet comme ça sans charger son sauveur comme un mulet en plus! Déjà qu'il était assez gentil pour l'avoir réconfortée et qu'il l'hébergerait pour la nuit, elle n'allait pas en rajouter.

 

« Ça va, je peux le porter sans... »

Elle fut interrompue par un autre bâillement qui sembla durer une éternité avant de pouvoir finir sa phrase, s'essuyant les yeux.

 

« ... problème. »

À un moment le long du chemin, Miya s'était accrochée aux vêtements d'Hiiagara, dans le dos, pour le suivre sans regarder où elle allait. Bon, ce n'était peut-être pas la solution la plus prudente, mais ses yeux se fermaient tous seuls à intervalles réguliers sans qu'elle puisse combattre, donc... À quelques reprises, elle heurta le dos du médecin alors qu'il s'arrêtait à une intersection. Il devait bien rigoler de la voir comme ça, pratiquement somnambule dans les rues de la ville.

Enfin, ville? C'en était une? Miya n'avait conscience de rien, elle suivait Hiiagara sans regarder autour d'elle. De toute façon, elle ne s'en souviendrait pas le matin venu donc. Inutile de brûler le restant de ses maigres forces. Le trajet ne dura pas trop longtemps et heureusement, parce que la gameuse allait définitivement s'écrouler de sommeil bientôt...