Un regard qui se tend, perplexe, vers le ciel. Le ciel tantôt dégagé, tantôt voilé d'une funeste couche nuageuse. Ce voile, il est présent en ce moment. A chaque instant, il menace de se déchirer pour laisser retomber de grosses gouttes de pluie qui rendront les irréguliers pavés glissants.
Il est tard. 22h, 23h peut-être. Tu sors du fast-food en claquant la porte d'entrée des employés derrière toi : une sale journée, pour ne pas changer. Tu étais là jusqu'au dernier service, à donner cette nourriture infâme et grasse aux clients. Dans une triste danse monotone, bien vite lassante. C'est répétitif. Les visages se mélangent et à la fin, tu ne prends même plus la peine de leur arracher un sourire. Eux aussi, ils ont arrêté de sourire ; du moins, ceux qui sont seuls. Certains groupes rient, d'autres se contentent de discuter à voix basse pour ne pas déranger les autres clients.
Tout ça reste gravé dans ta tête, et c'est ainsi que tu repars vers chez toi. Tes pieds sont lourds, tu as sommeil. Tu ferais presque pitié avec ton t-shirt trop large avec une citation à la con dessus dans le genre "Je peux pas j'ai poney", tes cheveux arrangés dans un chignon à moitié défait et ton jean noir, en parfait désaccord avec les baskets jaunes fluo que tu portes à tes petons.
A cette heure-ci, pour juste faire le chemin de ton lieu de travail à ton chez-toi tu en as strictement rien à foutre.
Une main placée sur ta sacoche dans un geste possessif, un regard qui se plante devant toi et ton éternelle marche alerte, comme si tu avais peur de réveiller les habitants du sol.
Tu n'aimes décidément pas rentrer seule. On dirait ces mauvaises histoires d'horreur qu'on se raconte sous la couette en laissant échapper un souffle saccadé, coupé par les innombrables péripéties du héro qui finit pendu dans la baignoire.
Peut-être que ça sera toi cette fois-ci Cassie, ce personnage qui n'a pas beaucoup de chances.
C'est sombre. Ces ruelles... Brr. Ca te décroche des frissons à vrai dire.
Un, deux pas derrière toi. Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu ne sais pas, tu ne sais plus. Tu as à peine le temps de te retourner pour envoyer un regard à la personne qui te suit que tu te retrouves front contre le mur. Horreur.
Stupidité aussi. Quelle idée de prendre aussi tard ce chemin ambiguë bien que plus rapide ? Tu aurais dû rester dans la grande rue qui mène à la plage comme tout personne normale, Cassie. Mais non, mademoiselle a désiré de faire sa cruche.
Malheureusement.
Tu laisses échapper un long cri de stupeur, de peur et de tout un tas de saloperies d'émotions néfastes. Personne ne t'entendra de toute manière, coincée ici avec un parfait inconnu qui te retient en restant dans ton dos.
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