L'homme qui glissait par terre. [Elenouille ♪]

« Aller Shawn, on doit changer de cours là ! Grouille-toi, l’autre salle est à l’autre bout du bâtiment. »  
« Nan. »
« Shawn, fait pas le capricieux. T’as plus cinq ans. »
« Nan. »
« Shawn ! »
« J’ai dit. NAN. »

Face à ce refus catégorique, Mathias avait été obligé de tirer Shawn hors de la salle de force. Et pour cela, il fallait quand même user de drôle de stratagème pas forcément très… Reluisants. Il l’avait d’abord attiré avec un nouveau livre, fraîchement dégoté sur le bureau du professeur. Plus le livre était gros, et plus il l’intéressait. Alors, il jouait à attirer l’âne avec une carotte. Lorsque le jeune brun se jetait sur le livre d’histoire, son ami en profitait pour lui jouer la carte du « coup de pelle – balayette ». Il l’assommait avec une pelle sortie d’on ne sait trop où (sans doute encore ce foutu club de jardinage !) et ensuite, il le faisait tomber grâce un croche pied bien maîtrisé. Et voilà : vous obtenez un Shawn grincheux, furieux, à moitié assommé, qui se laissait trainer par les pieds dans les couloirs pour rejoindre la salle suivante.

Et ça se finissait toujours de la même façon. Shawn était un acharné. Il ne renonçait pas, et il avait beaucoup de mal à quitter ce qu’il commençait. L’histoire, la mythologie et les mangas Hentai étaient les seuls trucs qui lui permettaient de rester concentrer assez longtemps pour assimiler le sujet et éventuellement, lancer un débat. Il avait une âme pervertie par les gros seins, et surtout par ceux de son adorable Angelic. D’ailleurs, s’il étudiait avec autant d’ardeur, c’était pour la retrouver le plus rapidement possible. Ça faisait déjà trop longtemps qu’il était enfermé ici. Il devait vite trouver un moyen de sortir et pour lui, c’était obligatoirement dans les livres. Bon, sauf dans les Hentai, ça c’était juste pour son… petit plaisir.

Ainsi, Shawn se laissait lamentablement trainer dans les couloirs quasi déserts du département d’histoire de l’université Tetteiteki. Maintenant, ils devaient se rendre en cours de Langue Ancienne. Et pour ça, ils se dirigeaient vers le département de Littérature et devaient passer par les couloirs fréquentés du département de Sciences. Les bras croisés, le jeune brun se laissait porter par le bruit du frottement de ses vêtements sur le sol. Mathias le trainait toujours par le pied avec nonchalance. Il était fort, Mathias. Non seulement son niveau de magie était supérieur à celui de Shawn, mais en plus, il avait beaucoup plus d’entrainement physique, ce qui faisait de lui un allié redoutable. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait qu’il devait se préparer au combat. Ce n’était qu’une question de temps.

Son regard fut attiré par quelque chose. Il ne saurait vous dire quoi, par contre. Cependant, pour échapper à la sentence des Langues Anciennes, il tendit soudainement la main et attrapa le pied de l’adorable jeune femme qui se dirigeait dans le sens opposé au leur. Etrangement, cette fille ne tomba pas. Elle fixa simplement Shawn d’un œil mauvais, comme apeurée par l’individu. Il sembla qu’elle accéléra le pas. Enfin, c’était ce qu’elle croyait. Mais Shawn, lui, était toujours accroché à son pied. Ainsi, elle le traina sur une bonne longueur de couloir, sous les yeux ébahis des passants. Elle le regardait avec fureur. Il lui répondit avec des yeux de biches.

« Pitié… Je ne veux pas y aller ! »

Son regard de Bambi était parfaitement travaillé ; aucune chance qu’elle ne lui résiste.

Avouons-le, elle était carrément canon.
Shawn avait des goûts particuliers en matière de femme. Il aimait les demoiselles bien en chaires, avec des cheveux longs, un visage doux, gentille. Ses yeux se plantèrent sur son visage, descendirent le long de son corps. Et puis, il parut gêné. Il venait avec évidence de mettre une jolie demoiselle dans l’embarra. Pour lui, s’en était déjà trop. Il avait exagéré avec cette inconnue et maintenant, elle se sentait gênée aussi. Et puis, elle s’accroupie à ses côtés pour ramasser son livre tombé. A ce moment, il lâcha sa cheville. C’était comme s’il était persuadé qu’elle n’allait pas le fuir.

« Je m'appelle Elena, je suis nouvelle et je suis perdue, je ne sais pas où se trouve ce fichu cours de philosophie, tu peux peut-être m'aider ? »

Alors, elle s’appelait Elena. C’était joli et simple. Elle lui tendit une main. Une main presque tremblante, qui l’invitait à se relever. Le jeune brun l’avait bien lâchée, mais il restait allongé à plat ventre à ses pieds.

« Relèves-toi s'il te plait, c'est embarrassant tout le monde nous regarde... »

Il saisit sa main avec douceur et se releva sans réellement prendre appuie sur elle. Il se releva rapidement. Il lâcha la main de la jeune Elena. Le jeune brun affichait un petit sourire, comme charmé par la maladresse de la jeune femme.

« Salut, Elena. Les cours de philosophie ont lieu dans le département de littérature. Le hasard doit être bon, je m’y rends actuellement avec mon ami… »

Shawn se retourna en pointant du doigt son ami Mathias. Sauf que le dit ami avait disparu. Abandonnant sans aucune rancune Shawn derrière lui. Etrangement, cela ne choqua pas Shawn qui, d’une certaine manière, était habitué. Il soupira et pointa finalement la direction dans laquelle ils allaient.

« Je m’appelle Shawn. Désolée de t’avoir… gênée. »

Il se gratta la joue et profita de cet instant pour observer plus en détail sa nouvelle camarade. La première chose qu’il vit fut ses cheveux très longs et d’un noir envoutant. Elle avait un visage fin, délicat, sur lequel on lisait une grande gentillesse. Elle rougissait. C’était trop mignon. Shawn lui sourit. Il n’était pas du genre à laisser une demoiselle en détresse. Alors, il s’improvisa capitaine de piraterie très doué dans la lecture des cartes et fit un pas assuré.

« C’est par ici ! Tu viens ? »

Sans trop se faire prier, Elena le suivit. Sans doute qu’ils étaient déjà bien en retard, mais maintenant, peu importait. Une fois qu’on dépassait l’heure pile, c’était un peu fichu pour suivre réellement un cours. Le chemin n’était peut être pas très long, mais il leur fallait quand même passer le temps jusqu’au département de littérature.

« Euhm… Tu es ici depuis combien de temps... sur l'île ? »

Il était un peu curieux quant à elle. Ses longs cheveux lui rappelaient ceux de la demoiselle qui l’avait comme conseillé peu après son arrivée. Il avait tenté de retrouver cette femme, mais jamais il n’avait réussi à la retrouver. Il fallait dire que la seule chose qu’il avait sur cette personne, c’était la couleur de ses cheveux longs. Un noir corbeau, profond, attrayant. Il avait l’espoir, tout au fond de lui, de la retrouver pour l’interroger. Peut-être, avec beaucoup d’espoir, que c’était elle.

Alors qu’il était comme perdu dans ses pensées, ils se retrouvèrent confrontés à un mur. Un cul de sac. Shawn faillit se manger le mur avant de comprendre qu’il l’emmenait dans une voie sans issue.

« Whaaaaaaa ! Je suis désolé ! Je… Je vais rattraper ça immédiatement ! »

Il semblait paniqué. Il réfléchissait, cherchant où est-ce qu’il avait oublié de tourner, entrer, monter, descendre ou autre. On aurait presque dit une souris prise au piège dans une casserole. Il s’affolait et commença à faire demi-tour. Jusqu’à ce qu’il glisse soudainement sur une plaque de gel formée par son esprit. Il grommela, allongé par terre. Décidément, il était accro au sol, comme si la gravité l’attirait beaucoup trop.

« Euh, tu ferais bien de faire attention. Ça glisse ! »

Il avait un air bête, un sourire béat et sans doute une jolie bosse sur la tête…

Elle semblait timide, distraite et surtout seule. Sans doute que le troisième dépendait des deux premiers, mais sans vraiment savoir pourquoi, ça faisait de la peine de Shawn. Lui aussi, il avait été seul en arrivant ici. Si bien qu’aujourd’hui, il n’avait rencontré que deux personnes : Xyumu, Mathias. Daku, lui, il ne comptait pas. Il ne savait même pas s’il était réel. Qui serait assez fou pour inventer un requin qui parle et qui marche ? Et puis, ça se trouve, cette île aussi ce n’était qu’un de ces foutus mirages.

Shawn était désorienté. Il fixait le plafond d’un air vide, comme si le choc de sa tête contre le sol l’avait plongé dans un néant lointain et légèrement irréel. Depuis combien de temps était-il ici, maintenant ? Deux, trois, quatre mois ? Il ne le savait déjà plus. Il vivait dans un passé qui était maintenant trop loin pour ne serait-ce que le toucher. Il voulait rentrer, et partir retrouver Angelic au Japon, comme c’était prévu. Retrouver la douceur de ses cheveux, celle de sa peau, son regard, son sourire. Pourtant, lorsqu’il pensait à elle, il ressentait comme une douleur dans la poitrine. Au fond de lui, il avait bien comprit qu’elle ne voulait plus le revoir. Peut-être qu’il était trop effrayant. Peut-être qu’il lui avait fait peur. Il regarda une de ses mains, soupirant. Alors, la petite main d’Elena vint s’imposer dans son champ de vision. Shawn sourit.

« Tu vas bien, rien de cassé ? Décidément, on dirait que tu aimes être par terre… »

Il eut un sourire.

« Je vais bien ! J’avoue que je trouve le sol très confortable ! »

Elle pouffait de rire. Il lui sourit, plus sincèrement cette fois. Elle avait un rire mignon. Il saisit sa main et se releva d’un mouvement agile de son corps.

« Je pense que pour le cours c’est loupé, je n’oserais pas entrer dans la salle de cours bondée, tout le monde va me regarder … Je te laisse aller à ton cours, ne t’embêtes pas avec moi. »

Shawn fusilla la plaque de gel du regard et celle-ci, petit à petit, disparue. Il lâcha la main de la demoiselle, voyant qu’elle piquait un far. Alors, il eut comme une idée. Il regarda l’heure. Le milieu de la journée n’avait pas encore sonné, mais déjà, le restaurant scolaire devait avoir ouvert ses portes. Il afficha un sourire qui faisait ressortir ses canines. Loin d’être un vampire, Shawn avait pourtant des canines assez pointues.

« J’ai pas envie d’y aller ! Je pensais… que tu le savais… »

Il faisait évidemment référence à cette scène au cours de laquelle il s’était accroché à elle comme si sa vie en dépendait. Les Langues Anciennes il n’y avait rien de pire pour lui. Et pourtant, il aimait réellement fouiner dans les vieux livres où il ne comprenait rien. Son ventre gargouilla un peu. Ce matin, comme chaque matin, il n’avait pas eu le plaisir de pouvoir déjeuner. Il faisait partit de ces gens qui n’avaient pas faim le matin, mais qui décédaient sur leur table passé neuf heures.

« Je te propose un repas ! »

La voyant rougir à nouveau, il tenta de se rectifier.

« Non mais, je te l’offre hein ! »

Elle rougissait encore, gênée. Il s’affola un peu et se gratta la joue.

« Enfin je veux dire, sans arrières pensés ! Juste manger, quoi… »

La voyant hésiter, il fit son grand sourire d’enfant à qui on propose du pain chaud.

« En plus, y’a des ramens aujourd’hui ! C’est pas négociable ! »

Il se faufila derrière elle et posa ses mains sur ses épaules. Il la poussa un peu pour la rassurer. C’était clair, elle avait beau être jolie, il n’en restait pas moins un homme obsédé par son premier amour. Il ne lui ferait rien, elle pouvait en être sûre. C’était pour cette raison qu’il l’avait poussée avec douceur à accepter sa proposition.

YES !
Elle avait accepté. Le jeune brun allait partager un déjeuner avec une jolie demoiselle qui lui semblait des plus sympathiques. Il était comme ça, Shawn. Il avait appris à se contenter des choses simples de la vie. Dans son enfance, il avait habité avec sa cousine, la famille de sa mère. Il ne s’était pas senti déchu de son statut de noblesse. Il savait que sa famille possédait de nombreux biens, mais pour autant, il n’avait jamais ressenti de besoin d’obtenir ce qu’il voulait, toujours à se contenter d’un minimum, c’était tellement plus intéressant de travailler pour avoir ce qu’on souhaitait. C’était là sa manière de penser, et encore aujourd’hui, il avait gardé cette habitude de ne se contenter que d’un minimum. Alors, déjeuner avec une nouvelle personne, aussi belle que gentille, c’était pour lui une chance qu’il ne pouvait pas négliger. Il était décidé à ne pas faire de bêtise qui pourrait la mettre mal à l’aise. Loin de lui l’idée de la charmée, de la draguée. Non. Il souhaitait, sans doute comme elle, simplement passer un bon moment en bonne compagnie.

Ainsi, il l’avait poussé avec la douceur d’une plume à accepter ce délicieux repas qu’il lui avait proposé. Depuis sa plus tendre enfance, il n’avait jamais vu quelqu’un refuser un bon bol de ramen. Il avait plongé dans la douceur de la nourriture japonaise lorsqu’il avait six ans, et de nos jours, c’était encore ce qu’il préférait manger. Il avait converti tout son entourage aux ramens et il n’hésitait pas à devenir presque capricieux et à sortir ses yeux de biche pour obtenir un bon bol de cette nourriture délicieuse. En arrivant ici, il avait presque embrassé le chef cuisinier lorsqu’il lui en avait servi la première fois. Ça lui rappelait tellement de souvenirs ! Il souriait, frissonnant de plaisir. Au coin de ses lèvres, on pouvait presque apercevoir un filet de bave.

« Un déjeuner entre ... amis ... sans arrières pensées, ça me va ... Enfin si tu veux bien être mon ami ... C'est par où ? »

Shawn lui indiqua le restaurant scolaire qu’on pouvait apercevoir de l’autre côté de la « cour de récréation ». En réalité, il s’agissait plus d’une étendue d’herbe bien verte mise à disposition des élèves et qui, bien souvent, servait soit de lieu pour réviser, soit d’endroit pour les galipettes des jeunes fougueux, soit encore comme ring de combat pour s’entrainer à la magie. Nombreux carreaux du rez-de-chaussée avait déjà été cassés par le passé et sans doute qu’il y en aurait encore. Toujours était-il qu’il fallait traversée cette étendue d’herbe encore déserte à cette heure-ci pour accéder au précieux sésame.

« Tu vois, c’est tout là-bas ! Mais ne t’inquiète pas hein, c’est rapide ! En cinq minutes on sera assis en train de déguster un délicieux bol de ramen ! »

Il sembla un instant hésité à terminer sa phrase. Puis, un sourire timide se dessina sur ses lèvres.

« Entre amis. »

Difficile de ne pas remarquer sa joie. Il se mit doucement à sautiller presque discrètement dans le couloir en direction du restaurant.

« Alors… »

Il lui fallait quelque chose à dire, meubler un peu la conversation. Il n’aimait pas les gros calmes, pour lui, c’était équivalent à un silence de mort. Il avait horreur de ça.

« Tu étudies quoi ? Je suis dans les mythologies et les légendes. J’adore les histoires, mais surtout… J’ai l’impression que ça peut m’aider à quitter cette île. »

Petit à petit, ils avançaient vers le réfectoire. Un pas certes, légèrement lent, mais assuré et dans lequel on lisait l’envie d’arriver pour se remplir l’estomac. Parfois, on pouvait entendre le ventre de Shawn grogner un peu. Mais malgré tout, l’endroit n’était pas assez silencieux pour que ça lui face honte. De plus, plus ils approchaient de leur destination, et plus le bruit se faisait entendre. Et plus Shawn sautillait, s’excitait à l’idée de déguster son plat préféré. Il gardait ce sourire enfantin, heureux, les yeux pleins de bonheur.

Il en faut parfois vraiment peu pour être heureux, n’est-ce pas ?

Spoiler:

Rentrer chez lui, oui, ça, il en rêvait. Mais son objectif réel, c’était le Japon. Il voulait rentrer chez elle. La revoir. L’embrasser. Et repartir pour plusieurs années de bonheur. Dans sa tête, ça fonctionnait ainsi. Maintenant, il savait pertinemment que ça ne se passerait pas de cette façon en réalité. Il se doutait qu’aujourd’hui, elle avait dut trouver quelqu’un d’autre. Cette idée le rendait triste et le plongeait dans un univers sombre et froid. Il se sentait seul, vraiment seul depuis son arrivée. Il avait horreur de ça. Il avait comme perdu goût à la vie, comme si le monde s’était arrêté de tourner. Pourtant, il avait qu’il pourrait continuer à faire de belles rencontres. Aujourd’hui, était un jour particulier : il venait de rencontrer cette jolie demoiselle, adorable et visiblement tout aussi seule que lui. Loin des pensées perverses de beaucoup d’hommes, il ne souhaitait partager avec elle qu’une simple relation amicale. Il avait besoin d’un repère. Ils avaient besoin d’un repère.

Elle étudiait la littérature, donc. Littérature, histoire ; vraisemblablement, ce n’était pas si éloigné. Sans doute que les littéraires étudient les livres pour la tournure de leurs phrases et la beauté de l’écriture, tandis que les historierns eux, leur préfèrent leur contenu enrichissant. Shawn s’était souvent demandé pourquoi, depuis si longtemps, personne n’avait jamais réussi à partir d’ici et pourquoi une majorité des gens se résignaient à simplement vivre leur vie. Ne souhaitaient-ils donc jamais retourner sur la terre ferme ? Là où on peut croiser des gens « normaux » ? Il se sentait comme un lion en cage. Et si, simplement, ils n’étaient que les acteurs d’une expérience sans fin ?

Alors qu’ils avançaient à présent dans la file d’attente de la cafétéria, l’odeur des ramens se mêlait à celle des pizzas, plats de pâtes et spécialités locales à base de poulpe si on pouvait en croire le menu du jour. Des odeurs toutes délicieuses qui venaient chatouiller les narines du jeune brun. Il regardait sa nouvelle amie avec un large sourire affamé. Alors, elle lui posa à son tour une question. Elle voulait savoir d’où il venait.

Shawn la regarda avec un sourire enfantin et triste. Un mélange d’émotion gagna son cœur alors qu’il s’apprêtait à simplement lui répondre. Pourquoi éprouvait-il autant de douleur pour cette famille qui avait pourtant ruiné sa vie sentimentale ? Il en voulait à son père, à sa tante et surtout, tout avait commencé à cause de sa mère. Il grimaça un instant, alors qu’on leur servait leur bol de ramen. Il prit son bol et attendit que l’on serve Elena. Alors, ils se dirigèrent vers une table tranquille, près d’une fenêtre, au milieu de la salle. Ils s’installèrent.

« Bon appétit ! »

Il lui fit un énorme sourire, prenant une pleine bouchée de ce repas qu’il attendait avec impatience.

« Pour te répondre, je viens d’Angleterre. Je suis né à Swansea et j’ai passé une partie de mon adolescence à Aberystwyth avec mes cousins. Je devais partir pour le Japon et hop ! Je me suis retrouvé ici après une soirée légèrement un tout petit peu vraiment trop arrosée… »

Il soupira et baissa les épaules un moment. Puis il retrouva son grand sourire.

« Enfin dans un sens, je préfère ça que de devoir expliquer à ma mère pourquoi je serais rentré bourré à je ne sais quelle heure de la nuit. Ce diable ne me manque pas le moins du monde ! »

Il lui tira la langue avant de reprendre une grande bouchée. Son bol se vidait lentement, et il aimait ça ! C’était comme s’il continuait de se remplir au lieu de se vider. Cette idée d’infinité lui procurait un sentiment de puissance.

« Et toi ? Tu viens d’où ? J’aime pas vraiment être ici mais au moins, on peut rencontrer des gens qui viennent de partout ! C’est vraiment cool… »

Et puis, un morceau de croute de pizza vint s’échouer sur leur table. Shawn soupira longuement. Cette fois, c’était un vrai soupire de désespoir. Les petits pois rencontraient à présent les pâtes et les poulpes dans les airs, se heurtant, échouant sur les tables un peu partout dans la salle. Shawn, agacé, gelait du regard toute la nourriture qui leur passait près de la tête.

« T’inquiète, c’est souvent comme ça ici. Ils vont s’arrêter rapidement… Enfin si ça fini pas en combat de magie ! »

Alors, exaspéré, il prit une nouvelle bouchée de ramen. Ces ramens qu’il venait de geler par inattention. Son regard s’enflamma. Alors, il renvoya toute la nourriture qu’il avait pu geler à leurs propriétaires et, pour se protéger des représailles, se cacha sous la table. Il entraina sa nouvelle amie avec lui et ils emmenèrent leur bol de nouille. Shawn avait les larmes aux yeux. Gâcher autant de nourriture le sidérait ! Encore plus quand il gelait son propre bol… La nourriture ne resta pas longtemps gelée et il put continuer à la manger joyeusement en regardant Elena avec un air intrigué.

« Alors, alors ? Et, pourquoi tu voulais devenir écrivaine ? Je trouve ça cool, mais ça doit être difficile ! »

Il s’interrompit un instant.

« On devrait installer des coussins sous la table. C’est convivial là-dessous ! »

Face à son regard presque apeuré, il avait bien évidemment cherché à lui changer les idées et à la faire sourire. Cette cantine était infernale. Certes, ils y servaient la meilleure nourriture. Mais en même temps, les gens étaient de véritables idiots.

« Surtout, ne te gêne pas si tu as envie de leur mettre un bon coup de pied aux fesses ! »

Il buvait ses paroles aussi vite qu’il buvait le fond de son bol. Les nouilles n’avaient pas fait long feu, comme souvent avec lui. Alors, il l’écoutait simplement, recroquevillé sous la table, en face d’elle. Il hochait la tête au coup par coup, histoire de lui montrer qu’il écoutait ce qu’il lui disait. Alors, sa passion des livres venait de sa mère. Il avait trouvé ça attendrissant. Il n’avait jamais eu la chance de partager quelque chose avec sa mère, alors dès qu’il était en contact avec quelqu’un qui lui parlait de la relation qu’il a avec ses parents, il se sentait soudainement transporté dans un cocon de douceur. Elle lui avoua également ne pas savoir quoi faire de sa magie. Shawn plongea dans une réflexion soudaine. A vrai dire, lui non plus ne savais pas réellement quoi faire de la sienne. Elle était nuisible, sans réellement l’être. Certes, elle avait déjà blessé. Et surtout, elle l’avait blessé, lui. Sans doute qu’il ne lui pardonnerait pas. Mais pour le moment, il préférait oublier les mauvais moments pour se concentrer sur ce qui pourrait probablement être bon prochainement.

« Je ne la contrôle pas si bien que ça… Je suis faible, et elle est forte. Trop forte peut-être… Je dois encore m’entrainer. »

Il serait le poing et le regardait d’un air déterminé. Il fallait qu’il la maitrise. Il le devait absolument, parce qu’il se l’était promis.

« C’est bon… La voie est libre, tu peux sortir. »

Il releva la tête, manquant de se cogner au passage. Il lui sourit simplement en quittant le dessous de la table. Dehors, c’était le désert. Tout le monde était parti, délaissant le réfectoire qui paraissait aussi propre qu’à leur arrivée. Shawn soupira longuement. Ils déposèrent leurs bols à l’endroit prévu à cet effet. Et puis, ils sortirent du réfectoire, simplement. Ils parlaient sans réellement se parler. L’heure qui suivait venait de s’écouler faisait sortir un certain nombre d’élève qui affluaient dans les couloirs. Le regard perdu dehors, le jeune brun fini par soupirer un long moment. Il savait qu’une personne pouvait l’aider. Mais pour lui, c’était impossible. Il ne voulait surtout pas le voir. Mais si en fait, il n’était pas aussi horrible qu’il en avait l’air. Sans doute qu’il avait des réponses. Shawn en était sûr : Terrence avait des réponses. Il tourna la tête vers Elena et lui fit un petit sourire.

« C’était cool de discuter avec toi ! Si tu veux, tu peux remanger avec moi quand tu veux. » Il réfléchit un instant. « La semaine prochaine, même heure ? » Il lui fit un clin d’œil. « Je dois filer, j’ai… Un truc important à voir. »

Oui, il venait de traiter Terrence de truc. Oui, il en avait conscience. Non, il n’avait pas envie de le voir. Mais oui, il allait le faire quand même. Il s’approcha pour embrasser délicatement la joue de sa nouvelle amie et, d’un signe de la main, il s’éloigna à la recherche de son, sans doute, futur compagnon de bordel.