Kain Ezzelin - Le protecteur Solitaire

Un torrent de pluie s'abattait sur la ville de Florence avec violence et hargne, telle les pleures d'une mère ayant perdu son enfant. Dans une des ruelles d'un quartier a risque de la ville, dans un tas de déchet, un homme. Sa respiration était saccadée et chaque souffle qui s'échappait de sa gorge semblait être empli de douleur, comme si chaque inspiration était une épreuve insurmontable. Si l'on s'attardait au niveau de son ventre, on pouvait comprendre quelle était la source de sa souffrance. Son débardeur blanc était souillé par une couleur écarlate cramoisie, du sang. Il avait été blessé.

« Ah... Ah... Ngh ! »

Comment en était-il arrivé là ? C'était supposé être une simple mission de récupération de colis pour ensuite la livrer. Il avait même vérifié le contenu avant le début du contrat pour être sûr que tout était bon, un simple livre dont le papier avait été dévoré par le passage du temps. Pourquoi est-ce que ces hommes masqués lui avaient tendu une embuscade pour une pareille broutille ? En quoi est-ce que cela leur aurait été utile ? Était-ce des fous se prenant pour des magiciens ? Cazzo ! Allait-il mourir comme ça ? Dans une ruelle, oubliée par tous ? Ses paupières devinrent lourdes et sa respiration se régula à un rythme plus lent. Ses yeux prirent une teinte vitreuse. Un flash, une image, un souvenir.

« Ah... »

Était-ce le fameux moment où il allait revoir l'entièreté de sa vie avant de passer dans l'au-delà ? Pourquoi maintenant ? Il ne voulait pas voir ça, c'était littéralement l'une des dernières choses qu'il voulait voir. Abbia pietà, tout, mais pas ça. À quoi cela lui servira-t-il de se souvenir du père qui n'eut même pas le courage de faire face à son existence aux côtés de sa mère ? À quoi cela lui servira-t-il de se souvenir de sa mère pleurant chaque soir le rejet de sa propre famille qu'elle dut subir ? À quoi cela lui servira-t-il de se souvenir de la mort de sa mère aimante alors qu'il n'avait pas encore dépassé la dizaine d'années ? À quoi cela lui servira-t-il de se rappeler de son enfance où il dut survivre par ses propres moyens, lâché dans le monde sans aucune préparation ? De son entrée dans la mafia ? De ses crimes ? De ses péchés ? À quoi cela lui servirait-il de se souvenir de tout ça !? À quoi bon si ce n'était que pour lui rappeler l'échec qu'il était ?

Puis, alors que son esprit était en ébullition... Un rire, il entendit un doux rire cristallin dans les fins fonds de son esprit. Un autre flash lui vint en tête. Sa mère et l'amour inconditionnel qu'elle lui portait, son sourire et ses embrassades, il commençait à se souvenir. Puis, vint plusieurs petites figures, tous colorées, respirant la joie de vivre. Sa rédemption. Un orphelinat, ses semblables, ses enfants, sa joie. Il se souvenait. Une école, une remise des diplômes, le sentiment plaisant qui l'envahit alors que son regard bienveillant s'attardait sur un groupe d'élèves, sa fierté. Il se souvenait... Toute sa vie n'était pas qu'une succession d'échecs au final... Une larme coula, se mélangeant avec les gouttes pluie se fracassant sur son visage. Il y avait tellement de choses qu'il avait voulu accomplir et offrir avant de partir.

Alors que le temps s'écoulait lentement, l'homme lâcha un sourire d'acception en regardant vers le ciel. Il était temps pour lui de quitter cette terre. Un souffle glacial l'envahit, il avait froid, tellement froid. Petit à petit, les paupières de Kain se refermèrent sur eux-mêmes.

« Mamma... J'arrive »

Ce fut le noir complet pendant plusieurs secondes, puis au loin, une lumière, une main. Pour la première fois depuis des années, Kain brisa le mur de glace qui avait fortifié les traits de son visage et sourit avec douceur en voyant l'être qui se trouvait devant lui. Tout allait bientôt être terminé. Bientôt, il pourrait être enfin réuni avec la personne qui comptait le plus au monde pour lui. Il tendit sa main vers la figure féminine qui semblait être aussi luminescente que le soleil puis... Plus rien.

Une vague odeur de mer vint chatouiller ses narines et une chaleur vint réchauffer chaque parcelle de son corps. Kain grogna et ouvrit difficilement les yeux sous la lueur du soleil de midi. Il toucha son ventre par réflexe, sa main rencontra le tissu d'un bandage finement appliqué. Il avait été soigné. En regardant à droite à gauche, il prit connaissance de son environnement.

« Une île ? »

Comme un aimant à proximité d'un métal, son regard fut happé avec fascination par l'énorme montagne qui surplombait tout le reste. Ce n'était qu'une simple montagne et pourtant, il ne savait pas pourquoi... Il y avait quelque chose de plus. Où est-ce qu'il était ? Était-t-il au paradis ou... En enfer ?