Je n’ai... jamais vraiment ressenti quoi que ce soit devant une œuvre d’art au sens classique du terme. Je veux dire, celles qu’on expose dans les musées. C’est bizarre, tu crois ? Moi, j’en ai aucune idée. Ça ne m’a jamais empêché de vivre, ou de jouer ma musique comme je l’aimais. D’une certaine manière, j’ai du mal à me sentir connectée avec ces choses. Peut-être parce que c’est trop lointain ? Si c’était le cas, les légendes du passé... elles ne m’évoqueraient rien non plus, pas vrai ?
« Ça doit être autre chose, alors... »A nouveau ce sentiment revient, celui d’être perdue dans un entre-deux mondes, quelque part dans une faille où je ne peux ni agir, ni réellement disparaitre. Je fais un pas en arrière, sans regarder, visualisant l’abysse derrière moi. L’hésitation se fait sentir un bref instant, mais lorsque mon pied effleure le sol, je sais que ce n’est rien d‘autre que mon imagination.
J’ai envie de me sentir tomber... C’est la seule chose qui me vient à l’esprit en regardant cet étrange globe antique exposé devant moi. On dirait une sorte de puzzle... je me demande ce qui arriverait si quelqu’un venait à le résoudre. Ou même s’il se brisait. Comme la boite de pandore ?
«
Liz, tu fous quoi... »
J’ai soupiré, murmurant quelques mots comme pour me sentir moins seule. C’est elle qui voulait venir, j’avais juste accepté faute d’avoir mieux à faire. Quelques heures plus tôt, j’avais reçu un message.
Lylou
Tu veux venir au musée d’hizumu avec moi ?
Pourquoi ?
J’ai pas envie d’y aller toute seule...
et t’as rien de prévu, alors je te propose
mais encore ?
je te paye les crêpes au retour
... deal
faut vraiment que j’arrête de me laisser acheter si facilement
je t’aime <3
Et finalement, j’étais la seule à m’être pointée au rendez-vous. Encore endormie, probablement. Je serais bien restée sous ma couette à fanfics, moi aussi...
A y repenser, c’est vraiment calme quand elles ne sont pas là. Kirio n’a plus donné signe depuis quelques semaines déjà, ça n’était jamais arrivé avant. Maintenant que le froid commence à s’installer sur l’île, je ressens vraiment son absence... je n’avais pas réalisé à quel point sa flamme me tenait chaud. Quand je me sens seule, j’ai l’impression que tout devient plus distant, je commence à voir les choses différemment. Aller au musée toute seule n’était peut-être pas une mauvaise idée pour ça... je me résonne. Assez attendu, tant pis pour elle. L’étage réservé à Hizumu a peut-être des nouvelles choses à exposer, j’ai bien envie d’aller voir ça.
En prenant les escaliers vers le premier étage tout d’abord, je m’échappe de l’agitation du rez-de-chaussée qui semble un peu plus habité que les étages supérieurs. En arrivant sur le palier pourtant, je vois en jeune femme passer en coup de vent pour aller s’enfermer dans les toilettes. Elle m’a surprise, j’ai bien cru la percuter en la voyant débouler de nulle part. Est-ce qu’elle allait bien ? Pour se mettre à courir, ce n’était surement pas juste une envie pressante...
« J’y vais ou pas ?... » Mêle-toi de tes affaires, Lyrou. Mais je ne voyais personne arriver ou s’inquiéter de la tempête qui venait de passer. Je suppose que ça ne fait pas de mal si je demande juste...
Je poussai donc la porte à sa suite, une ou deux minutes après. On dirait qu’il n’y a personne, mais cette fille n’a pas pu se volatiliser... ah, trouvée. La dernière cabine, pas vraiment discret... bien que, je ne vois pas ses pieds sous la porte. Je m’arrête un peu sur le côté, jetant machinalement un œil au miroir pour arranger mes cheveux.
«
Hey... est-ce que tout va bien ? Je vous ai vue passer... je m’inquiétais, un peu. »
Si elle ne répondait pas, j’imagine que je n’insisterais pas. Cela dit, maintenant que j’étais ici, j’avais envie de faire comme elle, d’une certaine manière. Me recroqueviller dans un coin et me faire oublier... c’est reposant, par moment. Puis, j’ai secoué la tête et pressé le bouton du robinet pour m’humidifier le visage et chasser ces idées.
Garde ces choses-là pour la maison. J’aimerais bien y être, à la maison...