Le jeune homme brun aux yeux… Violets ? Etrange… Peinait à conserver son sang-froid face au spectacle auquel il assistait. Son poing serré de rage, il tremblait, tant il faisait d’efforts pour conserver son sang-froid. Et sa colère se ressentait jusque dans les tréfonds de son esprit, où observait celui qui, habituellement, dirigeait ce corps. Et si, d’ordinaire, ce genre de réaction a de quoi amuser le Maître, ici, il était d’accord avec son colocataire. Mais il ne pouvait pas vraiment le laisser faire comme si de rien n’était.
*Cross, ça suffit. L’exercice est terminé, je reprends le contrôle !*L’autre ne répondit pas tout de suite, et l’hôte crut qu’il allait devoir insister, mais celui aux yeux violets finit par se résigner et par obtempérer, sans un mot. Les yeux du brun reprirent leur couleur verte d’origine. Il poussa un discret soupir de soulagement. Il avait bien cru que celui qu’il devenait lorsqu’il utilisait sa forme divine venteuse allait vouloir garder le contrôle, partir en chasse de celui qui avait fait ça, et châtier violemment ceux qui s’amusaient à filmer ou à s’embrasser devant la scène macabre qu’il avait devant les yeux.
Non pas que cela l’aurait vraiment dérangé, mais il préférait agir lui-même, plutôt que de laisser son étrange colocataire en chasse. Après tout, ce dernier n’était pas encore habitué aux villes modernes et risquait de faire des erreurs… Alors que pour Kurai, car c’était évidemment lui, la ville était son terrain de chasse le plus efficace. Même s’il n’en appréciait pas vraiment les habitants…
*Kurai… Je déteste ton monde “moderne”...*Cet avis, Kurai le partageait aussi, parfois… Surtout dans cette situation. Bande de crétins et de pervers ! Qu’ils aillent tous brûler en enfer. L’agacement fit virer ses pupilles au rouge un court instant, mais il serra le poing et réussit à se contenir. Il devait agir, mais il devait d’abord déterminer dans quel ordre. Guetter, protéger, respecter, traquer. Cela lui semblait être un bon ordre.
Il ouvrit son esprit, laissant ses capacités télépathiques flotter au-dessus des esprits des gens des environs. Il entendait tout et, s’il voulait des détails sur une chose, il n’avait qu’à tendre l’oreille, si on peut dire dans le cadre d’une écoute mentale. Et surtout, on ne pourrait pas le prendre par surprise.
La télépathie ne fonctionne pas comme une conversation normale. Dans une conversation normale, si tous les gens parlent en même temps, il n’en résultera qu’une espèce de brouhaha infâme et incompréhensible. Mais les esprits des gens sont différents. Les pensées s’enchaînent et, si n’importe quel télépathe peut écouter les pensées en se concentrant, un individu suffisamment entraîné pendant entendre tout ce qu’il y a à entendre. Et Kurai s’était bien évidemment entraîné, puisque ce n’était pas son genre de négliger un élément qui pouvait l’aider à remporter la victoire.
Maintenant, il allait devoir ruser un peu. Il voulait à la fois offrir un peu de dignité à la morte et protéger celle qui semblait être sa fille et qui se tenait autour d’elle. Et, s’il voulait que la quatrième partie se déroule sans problème, il allait devoir doser son timing.
Il réussit à s’avancer légèrement, se retrouvant au premier rang. Et, en se concentrant, il fit jaillir un grand mur de foudre juste devant le cadavre et sa macabre mise en scène. Il prit soin de prendre l’air étonné, donnant l’impression d’être aussi surpris que les autres de voir ce mur de foudre surgir devant ses yeux.
Il s’élança et prit la petite fille dans ses bras, comme s’il voulait, par réflexe, la protéger du mur de foudre. Il la tira en arrière et la força à se détourner de la scène, tout en foudroyant du regard les badauds, qui ne semblaient même pas avoir remarqué son intervention. Tout en laissant une partie de son esprit flotter au-dessus des autres, il se concentra partiellement sur la petite fille. Il s’agenouilla à sa hauteur et lui offrit un léger sourire.
-Tu n’es pas blessée ?Il n’allait pas lui faire l’affront de lui demander si ça allait. Evidemment que non, n’importe quel imbécile aurait pu le deviner ! Elle avait vraisemblablement vu sa mère se faire tuer devant ses yeux. Mais il ne comptait justement pas la lâcher, elle était sans doute sa seule piste… Ou en tout cas, sa piste la moins dangereuse.
Au même moment, les téléphones de tous les badauds sonnèrent, même ceux qui étaient en silencieux. Et, quand des curieux sortirent leur téléphone, un message, émis par une voix artificielle, commença à résonner dans la ruelle et aux alentours.
Cher Père Noël,
Je n’ai pas été très sage, cette année. Je pense que tu peux m’aider malgré tout. Mais il faut que tu me trouves. Sinon, ça ne serait pas très drôle, tu ne crois pas ? Allez, bonne chance pour me retrouver ! Et que le meilleur gagne !Un symbole s’afficha alors sur plusieurs écrans des environs. Téléphones, téléviseurs, appareils connectés. Dans les environs, un symbole venait d’apparaître. Une lettre grecque.
ξ. Ksi. Comme une signature apposée à la lettre au Père Noël qui venait d’être expédiée au vu et au su de tous.
La chasse venait de commencer…