Sur la glace, tout est possible. [Elena]

Shawn : -- 19h demain, je passe te chercher après les cours ! –
…
Shawn : -- J’ai hâte ! –

Tu regardais ton portable avec un sourire niais. Finalement, tu avais réussi à convenir d’une soirée pour sortir avec ton amie à la chevelure de jais. Etalé sur tes livres, le visage à demi enfoui au creux de ton coude, tu regardais toujours l’écran que tu tenais dans l’autre main. C’était vrai, tu avais hâte. Et tu avais même ressenti l’envie de partager cette information avec la principale concernée. Il était vingt et une heure, et tu te remettais au boulot. La dizaine de livres ouverts sur la table laissait présager une longue nuit à nouveau. Comme les deux précédentes, à vrai dire.


Quatre heures. Tu venais de passer le pas de la porte de ton appartement. Sans même prendre le temps de te déshabiller, tu avais foncé d’effondrer dans le canapé du salon. C’était Nelly qui t’avait, une fois encore, sommé d’aller te coucher. Elle savait pour ton rendez-vous, et avait su trouver les bons mots pour que tu acceptes d’aller te reposer. A peine tu avais posé ta tête sur le coussin que tes paupières se fermaient. La nuit allait être courte, il valait mieux que tu en profites un maximum pour ne pas t’écrouler à nouveau sur Elena. Car tu n’avais pas oublié que la fois précédente, tu lui avais fait rater des cours à cause de ta négligence. Tu ne te permettrais pas de l’embarrasser à nouveau.


Quinze heures étaient passées lorsque ton téléphone sonna, te tirant d’un sommeil profond et parfait. Tu le saisis, et décrocha sans prendre réellement le temps d’ouvrir les yeux.

« Shawn ? Tu dors encore ? Whaaa, je ne pensais pas que t’allais pioncer autant ! Aller lève ton postérieur. Il est quinze heures quand même ! T’abuses là ! On devait manger ensemble en plus… »

Tu ouvris les yeux instantanément lorsque l’heure qu’il était parvint à tes horaires. Tu venais de raccrocher quand tu t’étais assied sur le canapé. Quinze heures. Tu avais loupé ta journée de cours ; heureusement que ton amie t’avait réveillée, autrement tu ne savais pas si tu n’allais pas rater ton rendez-vous de ce soir. Ah, oui, c’était ce soir. Dans quelques heures seulement, tu rejoindrais Elena et vous partirez tous les deux vers la patinoire. Tu t’étirais. Après t’être déshabillé, tu avais pris ta douche, consulté tes mails et tu te forçais à ne pas ouvrir un des livres que tu avais ramenés pour ne pas louper l’heure.

Un peu avant dix-neuf heures, tu avais pris tes patins, enfilé ta veste et tu étais parti rejoindre Elena qui sortait de son cours. Tu l’avais attendue sur le pas de la porte de son amphithéâtre. Adossé au mur, tu attendais qu’elle arrive. Ce soir-là, tu portais ta veste bi-matière en jean et en sweat sous laquelle se trouvait un simple t-shirt noir ainsi qu’un jean noir. Il faisait un peu froid dehors, mais Shawn ne craignait pas réellement la fraicheur. Il avait cet air nonchalant mais en réalité, il ressentait presque comme une sorte d’angoisse. Liée, certainement, à cette hâte qu’il avait.

Lorsque tes yeux captèrent la chevelure de la demoiselle que tu attendais, tu t’accapares son regard dès qu’elle se tourne vers toi.

« Ah ! Salut, Elena. »

Tu lui souriais. La soirée allait pouvoir commencer.

Sa crinière de jais avait attiré ton attention. Tu l’avais reconnue bien qu’elle avait attaché ses cheveux ce jour-là. Tu la détaillais déjà, aucune partie de sa face arrière n’avait échappée à tes yeux. Tu avais d’ailleurs rapidement remarqué cette anomalie : sa robe était coincée dans son collant. Tu avais, par instinct pour par prétention, attrapé ton amie par le bras alors qu’elle venait à peine de se retourner vers toi. Ni une, ni deux, tu avais échangé vos places. Elena se retrouvait à présent collée dos au mur, tandis que tu lui faisais face, certainement d’un peu trop près. Tu avais approché ton visage du sien, les lèvres trainant près de son oreille gauche. Au moins, dans cette position, elle ne pourrait pas voir les rougeurs qui commençaient à peupler tes joues, n’est-ce pas ?

« Elena… Je… Enfin… » Ah, c’était embarrassant, n’est-ce pas ? Mais à ton avis, est-ce que ça l’était plus pour toi, ou pour elle ? Tu soupirais. Cette fois, tu venais coller ton front au sien, soutenant son regard. « Désolé… Mais ta… ta… tarobeestcoincéedanstoncollant. »

Eh bien, tout sortir d’un coup était donc ta solution pour vous embarrasser, tous les deux, le moins possible. Après quoi, tu avais immédiatement détourné le regard, puis plus généralement tu t’étais écartée d’elle après plusieurs secondes. Pendant qu’elle s’affairait, tu ne lui jetais pas un regard, pour ne pas la gêner. La gêner, ou te sentir gêné ? Peut-être les deux, en fait. Lorsqu’elle s’approchait de toi à nouveau, tu jugeais que la situation était à présent aux normes et que vous pouviez à présent vous dirigez vers votre destination du jour : la patinoire.


Sur le chemin qui vous y avait mené, vous aviez parlé un peu de tout et de rien. Les cours, la météo, vos dernières lectures, le plat du jour de la cantine que tu avais loupé à dormir comme un loir. D’ailleurs, tu avais été un peu honteux d’aborder le fait que tu avais séché la journée pour rattraper quelques nuits de sommeil. Certainement qu’à force, elle allait penser que tu étais insomniaque ou quelque chose comme ça. D’ailleurs, ce n’était certainement pas tout à fait faux. Tu passais souvent une bonne partie de la nuit à lire, écrire, étudier ; mais il était rare que tu t’endormes rapidement et du premier coup. Maintenant que vous aviez passé les portes du palais de glace, vous deviez vous chausser en conséquences.

Assied sur les bancs installés à cet usage, tu venais de te déchausser et de sortir tes patins personnels de leur sac de transport. Tu avais fini par investir dans une paire, vu le temps que tu passais à patiner depuis que tu étais sur cette île. C’était un peu bête, mais ça te permettait de réfléchir, ou à l’inverse de te vider l’esprit. Alors que tu venais de finir de chausser tes patins blancs, tu regardais Elena qui semblait, sommes toutes, galérer avec les siens. Tu te souvenais alors de ce qu’elle t’avait dit : c’était sa première fois.

« Besoin d’un coup de main ? »

Tu savais qu’enfiler les patins de location était assez chiant, surtout la première fois. Mais tu avais également conscience que marcher avec ces derniers jusqu’à la piste de glace serait également follement amusant. Si par amusant, on entendait « difficile », bien sûr. Alors, tu lui avais indiqué comment enfiler ces étranges chaussures avant de te lever. Tu semblais beaucoup plus grand, d’un coup, perché sur ces lames affutées. Alors, tu lui avais tendu ta main. Libre à elle de la saisir ou de la jeter, mais toujours était-il que ça serait plus pratique pour elle. Tu lui offrais un sourire amusé, et avant qu’elle ne saisisse ta main, tu replaçais une des mèches de cheveux de la demoiselle -qui s’étaient échappées de sa queue de cheval- derrière son oreille. Aller Shawn, admet le : tu adores ses cheveux.

Une lame après l’autre. C’était tout ce que tu avais comme conseil pour elle. Mais pourtant tu ne lui avais encore rien dit. Tu l’avais guidée lentement jusqu’à la piste de glace. Alors, tu lui avais lâchée une main, pour qu’elle s’accroche à la rambarde. Tu avais gardé la seconde au creux de la tienne. Tu étais là pour la guider, c’était donc hors de question que tu la lâches maintenant. Le temps qu’elle prenne un peu d’assurance, tu t’étais arrêtée avec elle sur le rebord de la piste. Elena replaçait une de ses mèches de cheveux de sa main libre. Tu essayais de ne pas à brusquer, lui souriant simplement, alors même que l’envie de fouler la glace te démangeait sévèrement.

Elle était devenue soudainement bien bavarde. Ça ne t’avait pas forcément étonné. Tu pouvais la sentir stressée. En partie à cause de sa petite humiliation de la robe certainement. Mais à cela s'ajoutait la première fois. On est toujours stressé lors de sa première fois, c’est humain et c’est logique : c’est la peur de l’inconnu. Tu plantais tes yeux dans ses iris, accompagnant ton regard de ce sourire en coin qui ne t’avait pas quitté depuis que vous étiez arrivés. Tu aurais pu simplement la jeter sur la glace, simplement la laisser près du bord et t’enfuir patiner à ta guise. Aujourd’hui, il en était tout autre et ta façon de penser semblait différente.

Alors que tu l’écoutais sans la quitter du regard, la froideur de sa main vint soudainement te sauter à la figure. Maintenant que tu y pensais tu l’avais vu frissonner à de multiples reprises et c’était sûr que l’air ambiant n’allait rien arranger. Alors tu lâchais sa main silencieusement, tu ôtais ta veste que tu venais poser sur les épaules de la demoiselle aux cheveux de jais. Tu l’ajustais sur le devant afin qu’elle ne tombe pas lorsqu’elle bougerait. Pendant que tu t’affairais à retirer quelques mèches de cheveux coincées dans l'encôlure, tu répondais à ses interrogations.

« Je viens assez souvent depuis que je suis sur l’île… Ça me permet de me vider la tête. » Tu lui souriais en t'éloignant légèrement pour reprendre ton placement initial face à elle. « Je n’avais pas prévu de te laisser sur le bord de la piste. »

Ah, Elena, ne fait pas cette tête. Tu vas finir par vouloir la croquer si elle continue. Tu détournais le regard alors que tes yeux s’étaient momentanément perdus dans les siens. Tu la dévorais du regard, fait attention, elle pourrait finir par le remarquer. Mais voir la frêle demoiselle flotter dans ta veste te donnait cette impression de proximité avec elle. Alors, tu avais simplement fini par tourner la tête en lui tendant à nouveau ta main après avoir fait quelques pas sur la glace.

« Tu viens ? »

Alors que tu avais attrapée sa main, tu viens glisser la seconde dans celle qu’il lui restait de libre. Tu t’élançais doucement, à reculons, pour rester face à elle, l’empêcher de chuter, l’empêcher de se blesser. Tu la faisais glisser simplement, avant qu’elle ne prenne confiance et qu’elle comprenne d’elle même comment avancer. Et toi, tu en profitais pour allègrement l’observer, la regarder, noyer tes perles émeraudes sur son visage rougit. Simplement parce que tu en avais envie.

Bon, Shawn, tu ne vas pas nous faire le coup du « je suis tombé, ma vie est fichue » quand même ! Aller, on relève un peu le regard, ça te fera le plus grand des biens. Et puis redresse toi, aussi, tu as l’air un peu ridicule. Tes prunelles d’azur se perdaient sur l’étendue blanche. Tu étais là, allongé par terre, à ne pas réaliser ce qui venait de se passer. Il y a quelques secondes encore, tu étais en train d’aider Elena à patiner, joyeusement. Et peu après, la jolie brune t’avait crié de faire attention. Pourtant, maintenant, vous étiez tous les deux par terre. Toi sur la glace. Elle sur toi. C’était une position que tu n’avais pas envisagée. Pas… maintenant ? Bon, d’accord, elle t’avait traversée l’esprit, petit coquinou, admet-le ! Si tu patinais de dos, c’était bien pour éviter ce genre de cas. Enfin, du moins, éviter le cas inverse : elle sur la glace et, éventuellement, toi au-dessus. Car si la demoiselle aux cheveux de jais était assez légère, c’était assez loin d’être ton cas. Si les rôles avaient été inversés, certainement qu’elle aurait eu quelques bleus et ça, tu ne le permettrais pas.

En se relevant avec plus ou moins de difficulté, elle s’était excusée. Et oui, tu n’avais pas rêvé « ça ». Etait-ce donc ce court baiser échangé lors de cette chute qui te tracassait ? C’était vrai que, l’espace de quelques instants, ses lèvres avaient touchés les tiennes. Ces douces lippes qui t’avaient surprises à venir chercher le tiennes. Mais, Shawn, tu n’aurais pas dû être si perturbé, toi qui lui avait déjà dérobé un demi baiser à votre dernière rencontre… Non, tout ceci n’étaient que des accidents après tout, pas de quoi s’inquiéter. Pas de quoi affoler ton petit cœur surprit, prit au dépourvu, qui avait commencé à s’emballer. Tu effaçais les rougeurs qui perlaient tes joues d’un revers de la main en te redressant. Ton amie te tendait une main, visiblement aussi embarrassée que toi. Ses joues avaient pris une jolie teinte rosée qui te faisait esquisser un sourire.

Alors, tu saisissais sa main tendue vers toi. Ses prunelles croisèrent les tiennes avant qu’elle ne se mette soudainement à rire. Elle piqua ta curiosité au vif et les rougeurs de tes joues s’en allèrent. Alors, tu saisissais ta main. Pendant un instant, tu t’imaginais la faire basculer vers toi à nouveau et la taquiner un peu. Mais finalement, tu t’étais simplement relevé, chassant les idées tordues de ton imaginaire le plus lointain.

« Hey, mademoiselle, on ne se moque pas de moi ! » Tu lui avais tiré la langue avant de rigoler avec elle. Ta main toujours dans la sienne, tu la serrais doucement tandis que tes prunelles se perdaient sur ses lèvres qu’elle mordillait nerveusement. « Je n’ai rien, ne t’en fait pas. Juste le t-shirt un peu trempé mais j’ai l’habitude. » Tu marquais une courte pause. « Et toi, rien de cassé ? »

Tes premières constatations te laissaient suggérer qu’elle n’avait rien. Alors qu’elle restait là, plantée sur ses patins, qui lui tournait autour avec légèreté… jusqu’à ce que ton esprit soit frappé par une idée. Tu faisais quelques pas, t’éloignant juste un peu d’elle. Alors, tu t’étais retourné vers elle en souriant déjà comme un enfant immature.

« Si tu m’attrapes, je t’offre un fondant au chocolat ! Oh, bien sûr, pour faciliter les choses, je ne patinerai que de dos… »

Tu attendais sa réponse, sagement. Patiemment. Mais dès qu’elle se ferait entendre, tu étais prêt à te mettre en mouvement. Tu n’avais évidemment pas prévu d’aller bien vite. Ton but n’était pas de la dégoûter, loin de là. Tu voulais plutôt la voir sourire. La voir s’amuser. Planter ton regard dans le sien. Et regarder son visage rougir alors qu’elle se mordille les lèvres. Ces douces lèvres.

Elena avait réagi au quart de tour à l’évocation du fondant au chocolat. Ah, quelle belle proposition tu avais fait là, Shawn. Perché sur tes patins, tu avais attendu qu’elle te donne le feu vert pour t’élancer en arrière. Elle avait d’abord passé ses bras dans les manches de ta veste, certainement pour ne pas la perdre en route. Alors, tu rigolais. En arrière, tu n’allais pas bien vite pour ne pas la perdre du regard, juste au cas où. Mais petit à petit, alors qu’elle prenait de l’assurance, tu prenais un peu de vitesse, histoire de garder ton avance. Tu la voyais s’accrocher à ton regard comme tu t’accrochais au sien comme on aurait pu le faire à une branche d’arbre lors d’une chute. Mais, il y avait quelque chose de plus qu’un simple accrochement. A cet instant, alors qu’elle ne mordillait les lèvres sans y prêter attention, qu’elle semblait plus concentrée que jamais et qu’elle avait ce joli teint rosé, tu la trouvais absolument craquante. Mais qu’est-ce que je raconte, moi… Tu l’avais quittée du regard une seconde le temps de secouer la tête, pour reprendre tes esprits. Tu la cherchais du regard, et la trouvais plus loin, le long de la rambarde, affairée à masser sa cheville.

Tu n’avais pas hésité bien longtemps (pour ne pas dire « pas du tout ») à accourir vers elle. Mais il n’avait pas eu le temps de lui demander ce qu’il se passait qu’elle saisissait sa main d’un geste rapide. Alors, tu compris. Tu avais subi une fourberie de la pire espèce. L’espace d’un instant ton cœur s’était emballé. Pourtant, tu ne ressentais pas de colère, seulement un soulagement. Tu avais l’impression qu’on t’avait ôté un poids du cœur. Ton sourire avait mis un moment à venir. Tu la regardais, et à présent, tu lui offrais un sourire pincé. Comme si tu n’arrivais pas à sourire.

« J'étais obligée, tu es trop doué ... Et puis ... Tu n'avais pas précisé sur le fait que je devais gagner à la loyale. Tu m'en veux pas n'est-ce pas ? »

Pour autant, sa justification tenait la route. Tu n’avais pas établi de règles concernant la manière par laquelle elle devait t’attraper. De ce fait, elle n’avait pas tort et elle était dans son droit. Le baiser qu’elle venait de déposé sur ta joue t’acheva. D’accord, elle avait gagné. Certes, d’une manière pas très loyale, mais elle avait gagné. Tu devras t’y habituer, Shawn, quelque chose me dit que ce n’est pas la seule fois que cela arrivera…

« Tu veux ta revanche ? Un chocolat chaud pour aller avec le fondant ça te tente ? »

Ah ça, pour la vouloir, tu la voulais ! Et pas qu’un peu même. Mais toi, toi tu n’étais pas aussi fourbe. Alors, face à ton sourire encore une fois pas assez « vrai » mais qui acquiesçait bien sûr de sa proposition si alléchante, elle s’était un peu éloignée en te tirant la langue. Ton regard se perdit un instant sur cette partie d’elle. Sa langue… Et si… Y goûter ? Mais, Shawn, n’étais-tu pas un peu fou ? Pourtant tu t’élançais en sa direction presque immédiatement après qu’elle se soit éloignée. Elle était déjà trop loin. Plus à portée de main… Mais pourtant si près. Tu te laissais porter sur la glace, arrivant vers elle à vive allure. Alors, lorsque tu arrivas à sa hauteur, tu avais glissé tes mains sur sa taille. Tu l’avais attrapée par derrière, elle se retrouvait donc dos à toi et tes mains avaient élues domicile sur son ventre. Ton regard s’éteint une seconde pendant que tu profitais pleinement du parfum de ses cheveux.

« T’es mignonne… Mais ne refait jamais ça. »

Shawn, dans toute ta splendeur, tu étais venu lui glissé ça au creux de l’oreille. La glace avait continué de porter pendant plusieurs secondes vos corps poussés par la vitesse. Lorsque tu réalisais que vous étiez arrêtés, tu l’avais lentement relâchée et tu t’étais repositionner face à elle. Tu lui avais alors tiré la langue avant de lui sourire. Ah, ce sourire. Oui, celui-là. Le vrai.

« C’est pas bon pour le cœur ! »

Tu avais rigolé en attrapant sa main, vous dirigeant vers la sortie. Un peu plus loin, près de la piste, se trouvait un petit bar qui servait également de délicieuses sucreries. Tu lui indiquais l’endroit en ricanant.

« Choses promises, choses dues. Un chocolat et un fondant ! A l’attaque !! »

Il se positionna face au portillon qui séparait la glace de la terre ferme en lui fit une courbette, signifiant « après vous, mademoiselle » et l’invitant à quitter l’étendue blanche en première. Il ne tarda pas à la rejoindre, attrapant sa main la plus proche de lui, histoire qu’elle ne se casse pas la figure avec ces étranges chaussures…

La fourbe petite Elena vous avait conduits jusqu’au bar qui se trouvait proche de la glace. Tu avais ri, Shawn. Tu avais ri à sa remarque. Pensait-elle réellement qu’elle méritait une douceur suite à sa fourberie ? Pour autant, tu ne t’en offusquais pas. Non, tu la trouvais adorable avec ses joues rosies et sa mine radieuse. Sa main te semblait si petite, si fragile, si froide. Tu te sentais presque obligé de la garder dans la tienne. Vraiment ? Obligé ? Tu n’avais pourtant presque jamais agi de la sorte avec quiconque avant. Serait-il temps de réfléchir un peu plus et de chercher plus loin que le bout de ton nez ? Non, tu profitais de l’instant présent.

Vous veniez d’arriver devant le comptoir, attendant que l’on vienne prendre votre commande. Ton regard s’était perdu sur la carte qui trônait fièrement là, exprès pour que le choix se fasse pendant l’attente. Et puis, tu avais tourné le regard alors que la demoiselle aux cheveux de jais avait lever les mains vers sa tête. Tu avais juste eu le temps de la voir retirer son ruban, secouer la tête légèrement. Dans ta tête, la scène s’était déroulée au ralenti. Tes yeux s’illuminaient, tes joues rosirent un instant avant que tu ne tournes la tête pour qu’elle ne remarque pas cette manière que tu avais de la regarder. C’est là que le serveur était apparu.

Tu avais laissé la parole à la jolie brune, avant de finalement commander ton lot de sucrerie. Pour toi, ça serait un chocolat chaud avec une crêpe accompagnée d’une boule de glace à la vanille avec coulis de chocolat et copaux d’amandes. Tu en bavais déjà, et dans le regard de ton amie, tu comprenais que tu n’étais pas le seul. Suite à la suggestion d’attendre les commandes à une table, tu avais suivi Elena qui avait saisi ta main pour te guider.

« Je te rembourse les chocolats chauds, c'était mon pari et je l'ai perdu ! »

Tu lui offris un sourire malicieux. Evidemment, c’était absolument hors de question. Tu n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit que les douceurs vous parvenaient déjà. Une idée un peu étrange te venait en même temps. Tu avais coupé une partie de ta crêpe et ajouté sa garniture avant de l’enfoncer dans la bouchez de ton amie qui s’apprêtait à enfournée, déjà, une deuxième cuillère de la sienne. Cette bouchée sucrée tombait à pic : elle venait justement de dire qu’elle adorait. Shawn, c’était quoi, ça ? Ce sourire fier sur ton visage qui se dessinait lorsqu’elle croquait dans ta gourmandise. Tu semblais rêveur, ailleurs. Mais pourtant, tu étais bien là, à l’observer.

« Redis encore une seule fois que tu ne me laisses pas t’inviter et je devrai utiliser les grands moyens pour te faire taire. »

Tu lui offris un clin d’œil en buvant une gorgée de ton chocolat, le sourire aux lèvres. Si elle commençait à te provoquer, elle devrait s’attendre à des représailles. Quelles qu’elles soient. A nouveau, c’était une de ses phrases qui te tira de tes pensées. Tu parcourais son visage des yeux en l’écoutant.

« Dis Shawn ... Tu penses qu'on pourrait revenir une autre fois ? J'aimerais bien ... m'améliorer et tu fais un bon prof. »

La proposition te surprit, mais te réjouissait tellement. Tu hochais la tête, portant une main sur la joue de la douce à la crinière d’ébène.

« Evidemment. »

Tu approchais ton visage du sien, tout doucement. D’un coup de langue rapide, tu essuyais ce morceau de chocolat qui s’était déposé au coin de ses lèvres, presque sur sa joue.

« Hm… Plutôt pas mal ce gâteau ! »

Elena rougit, et toi, tu n’avais pas idée de la portée du geste que tu venais de faire. Tu lui souris, buvant une nouvelle gorgée avant de croquer dans ta crêpe. Ton regard soutenait le sien. Tu avais un sourire malicieux sur les lèvres. Oui, toi aussi, tu pouvais être taquin et déloyal quand tu le voulais.

« Ça te va bien… »

Tes prunelles émeraude s’étaient posées sur ta veste et tu avais distraitement lancé cette phrase. La voir ainsi, flotter à l'intérieur, te faisait ressentir un profond sentiment de plaisir dont tu ne savais définir la provenance.

Tu avais enfourné la cuillère tendue par ton amie dans ta bouche sans l’ombre d’une hésitation, n’ayant pas répondu à la phrase qui avait précédé ce geste autrement que par un sourire satisfait. Tu savourais simplement ce morceau de gâteau au goût si prononcé. Ah, décidément, tu adorais ce type de douceur. Celles avec ces formes si sympathiques à observer, qui ont l’air absolument goûteuses en bouche, d’une couleur à en faire pâlir de jalousie les meilleurs fruits du monde. Celles aux longs cheveux de jais, aux yeux couleur océan et aux mains si frêles, aux… Ok stop, on redescend sur Terre, je crois que tu t’es trompé de tableau mon cher. Pendant que tu rêvassais de la sorte, elle avait rebondi sur ta dernière phrase au caractère on ne peut plus ambigu. Et voilà qu’en plus de rougir à nouveau, elle te retournait le compliment que tu venais de lui faire. Cette fille te faisait tourner la tête avec ses beaux yeux et sa moue toute adorable et toi… Toi tu ne voyais rien. Rien qu’elle. Et pourtant tu n’étais pas foutu de t’apercevoir de quoi que ce soit. Shawn, tu étais irrattrapable, tu l’as toujours été et tu le seras certainement toujours. Mais il y avait quand même des limites au déni face auquel tu étais confronté au plus profond de ton être. Elle avait baissé les yeux, ne sachant pas où se mettre. Tu la sentais gênée, timide, réservée. Elle ouvrit la bouche pour ne rien prononcer d’autre que ton nom. Ton nom qui résonnait à tes oreilles, prononcé de ces lèvres qui te paraissaient si douces et sur lesquelles tu devinais un goût sucré.

Il était intervenu, cassant ton rêve, ton fantasme. Brisant ton imaginaire parfait pour te faire retomber sur la terre ferme la tête la première. Non mais, sérieusement, pour qui il se prenait avec ses yeux de chasseurs de biches ? Il pensait peut-être qu’il arriverait à trouver sa victime ce soir, sur son lieu de travail… Une cible facile, avec un joli visage et qui ne ferait pas trop d’histoire. La douce Elena était la cible parfaite. Mais Shaw, tu ne voyais pas les choses de cette manière. Lorsqu’il s’était approché avec sa bouche en cœur et sa démarche de félin en chaleur, tu l’avais dévisagé et lui avais offert ton regard le plus noir et malsain qui soit. « Il vous va si bien ! » Et le voilà qui sortait le « grand jeu ». Ah, je t’ai vu Shawn, tu venais tout juste de lever les yeux au ciel en sirotant la fin de son chocolat chaud que tu avais vraisemblablement avalé d’une traite. Oui, ces yeux-là, ceux de l’agacement, ceux qui montraient un dégoût profond pour l’être qui subissait ce regard. Tu l’avais écouté balancer ces salades, la charmer d’un regard. Elle rougissait. Elle… rougissait ? Réellement ? Elle osait rougir à un compliment aussi bidon ? Tes iris se tintèrent d’une haine que tu pensais imperceptible. Mais même si tes yeux n’exprimaient pas ce que tu ressentais, tes gestes n’avaient pas tardés à suivre le mouvement. Tu t’étais levé, brusquement, et sans adresser un regard à Elena tu avais affronté celui du serveur idiot. Tu lui avais finalement offert un sourire en coin avant de partir sans un mot et précipitamment vers la glace. En partant, dans ton élan de jalousie, tu avais fixé l’intrus au sol dans un bloc de glace qui ne fondrait pas de sitôt.

Et oui, Shawn. On appelle ça « la jalousie ». Ce sentiment que l’on ressent lorsque l’on a l’impression que quelqu’un échappe à notre attache. Tu sais, ce que tu ressentais lorsqu’un garçon s’approchait un peu trop près de la jolie Angelic ? Eh bien, mon grand, je suis ravi de t’apprendre qu’il s’agit de la même chose dans le cas présent. Ton esprit, ton corps et ton cœur ont réagi face à un danger. Cette impression d’étouffer de haine. Cette idée que l’on puisse te « voler » Elena qui, rappelons-le, ne t’appartient pas. La douce à la crinière d’onyx était simplement timide, et tu savais parfaitement qu’elle rougissait souvent. Ou bien, peut-être que tu étais déçu qu’elle ne rougisse pas qu’en ta seule et unique présence ? Peut-être que tu avais l’impression de perte ce sentiment d’être particulier ? L’étais-tu réellement… Alors qu’elle-même l’était tellement à tes yeux.

Patiner les yeux dans le vide n’est bon pour personne, pas même pour un patineur aguerri tel que toi. Et, distrait, tes pieds s’étaient bêtement emmêlés. Tu avais glissé, tentant de te rattraper à la rambarde que tu loupais, éraflant ta main droite le long du mur. Et PAF ! Voilà que tu te retrouvais par terre sur le ventre. Tu étais resté là, comme si tu ne réalisais pas la chute que tu venais de faire avant de finalement te redresser et t’asseoir. T’asseoir, oui, sur la glace, contre le mur de la rambarde. Peut-être que cette chute allait te remettre les idées en place. Tu l’espérais, passant ta main sur son visage. Tu constatais alors qu’elle était égratignée sur la paume. Oh, pas grand-chose, juste une balafre qui saignait à peine. Ton regard se porta soudainement sur ce petit morceau de femme qui se précipitait vers toi, manquant de tomber à plusieurs reprises avant d’arriver à ta hauteur. Lorsqu’elle se trouvait face à toi, tu avais levé la tête vers elle, souriant.

« Ah. Je suis tombé on dirait. »

Alors, elle te tendait une main pour t’aider à te relever après avoir constaté que tu allais bien. Mais toi… Toi tu n’étais pas de cet avis. Toi, tu avais pris sa main dans la tienne. Tu l’avais tirée vers toi avec tes yeux de merlan frit. Et tu l’avais prise dans tes bras, parce que sur le moment, c’était la seule chose dont tu avais envie.

Dos à toi, c’était ainsi qu’elle s’était positionnée suite à ton attaque surprise. Elle t’avait étonnée à s’installer de la sorte, mais tu l’avais accueilli plus que volontiers au creux de tes bras. D’abord, tu n’avais pas osé la toucher. Tu ne savais pas où mettre tes mains, tu te sentais presque mal à l’aise à ce moment. Ta main légèrement blessée tenait celle de ton amie, elle ne l’avait pas lâchée, contrairement à ce que tu aurais pu croire. Tu souriais à cette constatation.

« T'en fais pas, t'es bien plus chou que lui, je préfère rester en ta compagnie ... Il me fait froid dans le dos ce serveur ... »

Tu ouvris de grand yeux. Non, tu ne rêvais pas, elle venait de te faire un compliment des plus sympas. Ta surprise se multiplia par cent lorsqu’elle déposa un baiser maladroit sur ton menton. Sa main jouait avec la tienne. Tu sentais cette vague de chaleur apaisante qui montait en toi. Tu étais bien, ici, finalement. Alors, ta main libre vint entourer la douce à la chevelure d’ébène, la ramenant un peu plus vers toi. Tu voulais la sentir, tu voulais pouvoir la toucher. Tu voulais la protéger. Tu approchais ta tête de la sienne, posant ton menton sur son épaule avant de venir doucement te poser contre elle. L’odeur de ses cheveux te parcourait le nez, et tu fus forcé de constaté à quel point ce parfum sucré lui allait à ravir. Les yeux clos, tu t’imprégnais de ces petites parties d’elle que tu n’avais jusque-là pas pu découvrir. Il y avait encore tellement de chose sur elle que tu ignorais… Tellement de choses que tu voulais découvrir à son propos… Pourquoi… Oui, pourquoi est-ce que tu t’intéressais tant à elle ? Tu jouais avec sa main qui tenait la tienne, caressant sa peau, jouant avec ses doigts. Elle pouvait le sentir, tu le savais, n’est-ce pas ? Elle pouvait le sentir, ton cœur qui battait si fort dans ta poitrine.

« Shawn, tu t’es fait mal ! »

Hein ? Tu avais rouvert les yeux rapidement pour constater la chose. Il ne s’agissait que d’une égratignure, tu ne risquais décidément rien avec ça. Tu bougeais un peu les doigts, pour lui montrer que ça allait. Mais elle ne semblait pas de cet avis, alors elle venait de t’improviser un pansement de fortune avant de déposer un baiser sur ta main. Un bisou magique ? L’idée te fit sourire. Son regard plein de fierté, elle te balança un « Voilà ! » mêlé à son air ravi qui te faisait fondre. Tu avais esquissé un sourire alors que tu plantais ton regard émeraude dans ses yeux océans. Oui, ces yeux si beaux. Son expression si mignonne. Ta main qui venait de se poser sur sa joue alors que son visage d’ange te fixait toujours. Tu t’étais approché d’elle. Trop près. Beaucoup trop près. Si bien que tes lèvres effleuraient désormais les siennes.

Tu eus comme un sursaut, t’obligeant à revenir à la réalité. Les joues rosies, tu bafouillais des excuses en t’éloignant d’elle rapidement. Qu’est-ce qu’il t’était passé par la tête ? Pourquoi tu avais… Tu repositionnais ta tête contre la sienne, le menton par-dessus son épaule, comme avant. D’une main, tu jouais avec ses cheveux si doux, et de l’autre, tu t’amusais avec ses doigts si fins. En fermant les yeux tu tentais de calmer ces battements qui menaçaient de faire exploser ta poitrine.

Plusieurs minutes. C’était le temps qui s’écoulait, alors qu’aucun de vous n’avait bougé. Tu ne t’étais pas excusé pour ce que tu avais failli faire plus tôt. Ça n’en valait pas la peine : tu n’étais pas désolé. Alors, une bande de gamin envahit la glace. Ils couraient, se chamaillaient, trébuchaient, tombaient, criaient, rigolaient.

« On ferait mieux de bouger… Avant de se faire piétiner. »

Tu disais ça, mais tu ne semblais pas vouloir bouger. Tu calais ta tête contre la sienne. Pris d’une envie soudainement, tu vins déposer un baiser sur sa joue, souriant comme un enfant qui ouvrait un cadeau de Noël. Dans le fond, tu n’avais pas grande envie de bouger de là où tu étais. Pour autant, tu savais que la demoiselle n’était pas aussi insensible que toi au froid et qu’à force de ne pas bouger, la chaleur que tu dégageais ne suffirait certainement plus à la réchauffer. Tu ne souhaitais pas qu’elle attrape froid alors que vous passiez une si bonne soirée. Enfin, c’était ce que tu en pensais. Toi, tu passais une bonne soirée. Mais elle ? Tu pensais, alors, que tu avais peut-être tout gâché, avec ton excès de jalousie incontrôlé. Que tu avais peut-être plombé l’ambiance de cette soirée qui s’était pourtant si bien annoncée. Tu réfléchissais trop, Shawn, vraiment trop. Ça faisait trop longtemps que tu n’avais pas réfléchis autant. Aussi longtemps que ces questions qui te trottaient dans la tête avaient arrêtés de se poser. Shawn, mais, dans le fond, à quoi pensais-tu ? Bien trop de chose pour une simple soirée amicale, certainement.

D’un geste habile, tu avais fait glisser vos deux corps. Tu n’étais plus dos au mur, tu lui faisais face. L’enfant qui s’était rattrapé à toi, qui avait heurté ton dos de tout son poids venait de se redresser. Il s’excusa en rougissant, confus, avant de repartir. Tu soupirais, te frottant la tête avec une de tes mains. Alors, tu te relevais doucement, délaissant votre étreinte pour l’aider à se relever. Ces enfants t’effrayaient. Tu ne savais pas trop ce qu’ils pouvaient faire. Les enfants sont tellement imprévisibles… Après avoir aidé la demoiselle à se relever, tu plantais ton regard dans le sien.

« Tu… Tu veux qu’on y aille ? »

Et pourtant, tu n’avais aucunement envie de mettre fin à ce moment privilégier que tu passais avec elle. Non, aucune.

Alors, elle voulait rester ici, profiter encore de ce moment. Et toi, toi tu n’avais fait que hocher la tête. Si la présence des enfants ne la dérangeait pas, il n’y avait pas de raison de s’en aller. Ou bien, tu avais seulement envie de satisfaire le moindre de ses caprices. Toi qui adorait à ce point la lueur de ses yeux d’azur. Toi qui raffolait de son sourire. Toi qui la voulait pour toi. Ah, non, attend, ça tu n’en as visiblement pas encore tout à fait conscience. Comme le fait que tu ne te rends pas compte du regard que tu lui portes. Ce regard attendri, que personne n’avait jamais eu après ou même avant Angelic. Tu secouais la tête, portant tes yeux sur la petite fille que ton amie avait décidé d’aider. Surpris par cette façon très naturelle qu’elle avait de s’occuper des enfants, tu ne pus bouger d’un pas, de peur de louper ne serait-ce qu’une seconde de la scène qui se déroulait devant tes pupilles.

Tu veux bien jouer avec moi ?

A ces mots, tu avais relevé la tête. Perdu dans un océan de tendresse, la réalité te rappelait à l’ordre. Alors, tu regardais Elena, qui accompagnait cette enfant, comme si elle en avait été la sœur ainée ou la nourrice. Le regard de ton amie s’était porté sur toi, alors, tu le soutenais. Te demandait-elle réellement ton avis, ou était-ce ton imagination ? Qui étais-tu, pour l’empêcher de faire ce qui lui chantait ?

Oh c’est ton amoureux ?

Cette fois, tu rougissais légèrement. Ces quelques mots d’enfants qui suffirent à t’extirper cette chaleur qui te grimpait aux joues. Tu avais légèrement tourné le regard, comme si la jolie brune n’allait pas remarquer ce changement si elle ne le croisait pas à ce moment-là. « Non, c’est mon ami. » Ton cœur, auquel tu n’avais jusque-là pas prêté attention, semblait s’être rompu à l’instant. Tes yeux perdirent leur éclat, tu ne saurais dire pourquoi mais tu étais soudainement vidé de toute émotion. C’est uniquement lorsqu’elle s’approcha à nouveau de toi que tu venais à reprendre un peu des esprits.

« Tu ... veux bien rester encore un peu ? Peut-être que si tu m'attrapes encore une fois, tu gagneras quelque chose ! »

Elle jouait. Elle voulait jouer avec toi, à nouveau. Alors, tu ne la répugnais donc pas ? Pourquoi ce terme qu’était « ami » te faisait si mal, maintenant ? Alors que ça venait d’elle, de cette fille qui te faisais envie. Face à son sourire, face à son rire, tu n’avais aucune résistance. Cette bouille d’ange qui venait se promener juste sous ton nez, qui te provoquait à sa guise… Elle te rendait dingue. Et tu ne pouvais pas lui refuser. Alors, tu lui souriais en retour, acquiesçant. La chasse allait pouvoir commencer. La gamine riait, comme si elle n’était jamais tombée, tenant la main d’Elena qui semblait bien plus à l’aise sur ses patins que plus tôt dans la soirée. Et toi… Toi, tu la regardais vagabonder de droite à gauche avec cette fillette.

Il ne doit pas nous attraper ! Tu t’élançais doucement, après quelques minutes à leur laisser une avance. Tu ne voulais pas les attraper du premier coup. Tu voulais faire durer ce petit plaisir qu’elle t’accordait, douce « amie » qu’elle était. Tu passais à côté d’elle, frôlant le bras de cette « amie » si craquante, si délicate, si attirante. Tu prends de la vitesse, passe devant elle sans t’arrêter. Tu lui accordes un regard, l’enfant ne sort pas de ton esprit. Si tu t’y prends mal, elle risque de se blesser, ce n’est pas ton but, loin de là. Tu saisie la fillette par la main, souriant ; tu veux qu’elle te fasse confiance. Alors, tu la tires, lui fait gagner de la vitesse et de l’assurance. Elle rigole, elle semble aimer ça, se sent en sécurité avec toi. Tu as l’assurance d’un professeur, mais pour autant tu n’en es pas un. Tu n’as agi que pour ton intérêt propre, tu devais l’éloigner d’elle, et tu n’en avais même pas honte. Tu déposais la petite avec le reste de son groupe, reprenant de plus belle ta route vers ta belle à la chevelure d’ébène. Tu saisies sa main, l’entraine plus loin, bien plus loin. Loin des regards curieux de ces enfants si avides de savoir. Tu la regardes sérieusement, la tirant vers toi pour l’enlacer. Là, dans tes bras, ton « amie » ne bouge pas pendant plusieurs secondes. Jusqu’à ce qu’elle se calme. Jusqu’à ce que la vitesse retombe. Jusqu’à ce qu’elle lève le regard vers toi, et que tu viennes frôler ses lèvres à nouveau. Jusqu’à ce que tes dents viennent, doucement, mordiller ces lèvres qu’elle torture habituellement d’elle-même. Jusqu’à ce que ta langue vienne passer sur ton méfait, sous le regard ébahit de la demoiselle.

Elle rougit ; toi aussi. Tu détournes un instant le regard, la resserrant contre toi. Si tu n’avais pas de regret quant à ce que tu venais de faire, tu avais instauré une sorte de gêne entre vous. Tu le savais, tu étais conscient que c’était à cause de ton égoïsme. Alors, après avoir profité du parfum de ses cheveux un moment, tu venais lui murmurer quelques mots au creux de l’oreille.

« Désolé… Pour tout à l’heure… J’espère que tu as quand même profité du gâteau au chocolat. »

De… Quoi ? Mais, Shawn ! On peut savoir pourquoi tu t’excuses pour un truc déjà vieux de mille ans ?

« … J’aurai bien repris un peu de crêpe. »

Tu te surpris à nouveau à planter ton regard si doux dans le sien. Elle te la rendait bien, cette douceur. Elle te la rendait si bien. Tu avais l’impression qu’elle était la seule à pouvoir te la rendre. La seule à pouvoir agir de la sorte avec toi sans subir un rejet, ou sans que cela ne se termine en coup d’un soir. Non, pas elle, pas Elena. Elle était différente. Elle ne cherchait pas à juste avoir ton corps comme certaines avaient pu le faire quelques années plus tôt. Elle ne voulait pas profiter de toi de la sorte, profiter de ton (ancien) statut social. Tu le savais, tu l’avais remarqué : la jeune femme si douce qui se trouvait face à toi ne recherchait que toi, juste toi, pour qui tu étais maintenant. Une amie fidèle, sur qui tu savais pouvoir compter.

Vraiment, Shawn ? Une amie ? Est-ce qu’une amie, une vraie, viendrait t’embrasser comme elle venait de le faire ? Avec sa timidité, sa tendresse, sa douceur. Le temps que tu réalises ce qu’il se passait elle s’était déjà écartée. Tu sentais cette forme de déception grimper en toi alors que ses lèvres s’éloignaient des tiennes. Tu l’avais cherché, pourtant, ce baiser. Tu l’avais cherché, sans avoir le culot et le courage de venir le chercher. Il avait fallu qu’elle fasse le premier pas avant toi. Le rouge te montait aux joues pendant que le sentiment de stupidité faisait son chemin dans ton esprit.

« Tu as encore gagné, tu as mérité un bon thé pour fêter cette belle soirée. »

Elle était gênée, n’importe qui aurait pu le voir. Vous aviez l’air de deux magnifiques idiots à vous regarder avec vos regards enflammés et vos joues rosies. N’importe qui aurait pu vous le faire remarquer : vous aviez l’air niais. Elle, avait sa bouille timide, tellement adorable que tu avais envie de croquer. Toi, avec ton regard amoureux et tes gestes innocents mais provocateurs. Tu sentais ton cœur se serrer. Non, tu n’avais pas envie. Pas envie que cette soirée se termine. Pas maintenant. Pas… Un thé ? Tu grimaçais un instant. Tu n’avais vraiment pas envie de recroiser ce serveur à deux sous qui avait jouer avec tes nerfs tout à l’heure. Tout jouait avec tes nerfs ce soir. Lui, elle, toi-même. Toi-même… Et tu t’agaçais tellement.

« Hm… D’accord, ça me va ! J’ai… Enfin… Il n’est pas très bon ici, tu sais. »

Shawn… ça sonnait plutôt comme une excuse bidon qu’autre chose, ça. Ce baiser t’avait à ce point perturbé pour que tu ne saches même plus inventer d’excuse potable ? Oui, il t’avait totalement retourné l’esprit. Tu la fixais, obsédé par l’idée de lui rendre, d’en profiter un peu plus. Pourquoi… Pourquoi tu ne saisissais juste pas l’occasion ? Elle était là, juste face à toi, tu pourrais l’attraper maintenant avant qu’elle ne s’éloigne. Avant que vous ne quittiez la glace. Avant qu’elle ne rentre chez elle… Avant que tu le regrettes réellement. Mais si tu te décidais à le faire, tu devrais trouver une nouvelle excuse bête, parce que tu refusais d’admettre que tu t’étais entiché d’elle. Pourtant, porté par les battements de ton cœur, tu avais passé une main sur son visage pour le relever vers toi tandis que l’autre se glissait dans son cou. Tu réduisais la distance rapidement, très rapidement, venant apposer un premier baiser sur ses lèvres. Puis un second. Puis un autre, que tu prolongeais plusieurs dizaines de secondes. Tu sentais tes joues s’enflammer, tu sentais ton cœur t’étouffer. Tu savais que tu venais certainement de foutre en l’air l’amitié que vous aviez créé jusque-là. Mais… Juste pour une fois… Juste pour une fois tu avais cédé à tes propres caprices. Lentement, tu relâchais ton étreinte, la laissant respirer de nouveau. Tu reculais un peu ton visage, cherchant à dissimuler les rougeurs qui le peuplaient.

« C’est… euh… Une punition. Oui, ta punition pour m’avoir provoqué en duel sur la glace. »

Pas très convaincant. Elle n’y croirait certainement pas. Dans le fond, certainement que tu t’en fichais. Tu saisis sa main, prenant la direction de la sortie de la glace. C’était hors de question de prendre ce thé ici.

« Allons boire ce thé, plutôt. Tu ne connais pas un endroit où il est bon ? »

Tu l’avais sentie, n’est-ce pas ? Cette main qui avait effleuré ton visage lorsque tu possédais ses lèvres si douces. Tu l’avais sentie, et ça t’avait presque arraché un frisson. Tu sentais encore le bout de ses doigts sur ta joue, ça te brûlait là où elle les avait presque posés. Ça te brûlait, mais c’était agréable. Une chaleur douce, tendre comme elle, délicate comme ton amie à la chevelue de jais. Ton amie, hein… Shawn, et si tu arrêtais de te mentir à toi-même ? Pourquoi tu ne l’admets juste pas… Pourquoi tu refuses à ce point de réaliser à quel point elle est bien plus qu’une amie ?

Elle avait accepté sa sentence. Evidemment, tu pouvais lire dans ses yeux qu’elle n’y croyait pas une seconde. Tu n’avais rien de crédible avec tes yeux énamourés et tes gestes tendres, tu auras dû t’en douter. Mais, elle avait joué le jeu. Et après, elle avait juste saisi ta main et se laissait porter à tes côtés jusqu’à la sortie de la patinoire. Elle serrait ta main, tu lui rendais bien malgré ton air détaché de la situation.

« Oui ... Je connais un endroit ... Et si on disait ... chez moi ? »

Tu t’étais retourné vers elle. Son regard soutenait déjà le tient, comme si elle n’avait pas eu à attendre une seule seconde que tu te tournes pour lui faire face. Comme si elle avait pu lire en toi l’exactitude de tes mouvements. Ton cœur venait de louper un battement, tu l’avais sentie s’arrêter une demie seconde. Chez elle ? Vraiment ? Au fond, cette proposition d’angoissait autant qu’elle avait l’air de te réjouir.

« Toi tu es doué sur la glace et moi ... je me débrouille plutôt bien pour préparer un bon thé. Enfin ... meilleur qu'ici je crois. A la menthe, ça te va ? »

Tu acquiesçais sans réussir à sortir de mot de ta bouche alors que vos mains se lâchaient à contre cœur. Ton esprit semblait embrumé, tu agissais plutôt par mécanisme que par attention. Tes chaussures enfilées, tu fis maladroitement quelques pas le temps de t’habituer de nouveau à la terre ferme.

« Tiens ... Ta veste. Je m'en voudrais si tu attrapais froid. On ... y va ? »

Ton regard surprit fixait la veste que tu lui avais posé sur le dos au début de la soirée. Un sourire se dessina sur ton visage alors que tu la saisissais d’une de tes mains. Ton regard se perdit un instant sur le vêtement, ton esprit cherchant désespérément à te raisonner. Mais c’était trop tard, tu avais déjà décidé. Tu te positionnais face à Elena, te penchant légèrement vers elle pour venir coller ton front contre le sien, déposant à nouveau ses frêles épaules dans ta veste si chaleureuse. Tu n’eus pas à chercher son regard bien longtemps, ses yeux vinrent naturellement trouver les tiens. Ça te faisait fondre… Toi qui était pourtant généralement de glace, tu fondais totalement face à cette demoiselle au visage angélique qui torturait ses lèvres. C’était à en provoquer un éléphant. Même le plus costaud d’entre eux ne pourrait résister face à un tel charme.

« Je ne crains pas le froid, c’est mon meilleur ami ! »

Tu lui offrais un clin d’œil. Elle n’avait à nouveau pas la possibilité de riposter. Non, il était hors de question qu’elle, elle attrape froid. Sa veste te semblait bien légère pour la température qu’il devait faire à présent. Machinalement, tu saisissais encore une fois sa main, cherchant sa chaleur, trouvant sa présence. Hésitant un instant, tu entremêlais finalement vos doigts, la regardant d’un air innocent, comme si rien n’était arrivé, affichant un large sourire amusé.

« Je te suis ! »